LES ANNALES DES MINES – GERER ET COMPRENDRE

n°102 Décembre 2010


EDITORIAL

par  Pascal LEFEBVRE
Editorialiste

Les exigences grandissantes de la forme organisationnelle... Qui ne s’y trouve confronté, de plus en plus souvent, de plus en plus insidieusement, de plus en plus brutalement ?
Aubépine Dahan et Vincent Mangematin les débusquent dans le monde des enseignants chercheurs, pris dans la double injonction contradictoire de consacrer du temps à des tâches administratives et d’intendance, au détriment de leurs activités  pédagogiques et de recherche, ou de perdre leur autonomie et, ainsi, la maîtrise de leur métier au profit de ‘vrais’ administratifs.
Mais cette question se pose bien au-delà du seul monde académique. Ainsi, au Cameroun, une entreprise américaine prend le contrôle de l’ancienne Société nationale d’électricité et tente d’imposer ses valeurs (qu’elle veut collectives) et sa conception des bonnes pratiques de gouvernance. Incrédulité, railleries et défiance : telles sont les réactions des salariés, déçus par l’iniquité dont font preuve les nouveaux dirigeants et par la vacuité de leur communication. Serge Alain Godong démontre avec finesse que la méconnaissance des imaginaires spécifiques des acteurs, quels qu’ils soient, conduit bien des expériences managériales à des déconvenues.
Tel est le cas aussi dans certaines entreprises qui imposent le travail à distance (et les méthodes de contrôle qui vont avec) à une partie de leurs salariés. Cécile Clergeau et Laetitia Pihel nous montrent que les distorsions entre les représentations du management et celles des salariés génèrent chez ces derniers un désengagement, du stress, voire du désespoir, et qu’elles affectent leur santé.
Telle est également la problématique dégagée par Jennifer Urasadettan dans le monde des cliniques mutualistes, dont le personnel a du mal à assimiler des représentations et des pratiques managériales que motivent des contraintes croissantes en matière de financement.
Des démonstrations inverses nous sont apportées par Martine Napoleone et Edouardo Chia, ainsi que par Eric Huber. Les deux premiers nous parlent d’une petite coopérative laitière pour laquelle agriculteurs et entreprises de transformation parviennent à s’entendre autour d’un objectif commun : l’obtention de l’appellation d’origine contrôlée (AOC) pour ses produits. Les amateurs de pélardon apprécieront, sans aucun doute… Quant aux managers avant tout soucieux de rationalisation et de performance économique, ils constateront que la construction préalable d’une confiance organisationnelle est aussi un chemin (sans doute plus long et plus subtil que la proclamation de valeurs réputées indiscutables) conduisant à une bonne gouvernance.
De son côté, Eric Huber  revisite la fable du lièvre et de la tortue, mais, cette fois-ci, c’est le lièvre qui gagne ! Bousculant les usages, court-circuitant les procédures établies et ignorant les valeurs dogmatiques, une équipe de francs-tireurs innove avec succès et réussit un challenge audacieux. Son secret ? Une appropriation des méthodes agiles en vigueur dans les projets informatiques, rendant l’équipe à la fois plus réactive aux changements de priorités et davantage complice pour atteindre un objectif réputé inaccessible en raison du conformisme ambiant. Nous sommes, ici, bien loin des méthodes de contrôle évoquées plus haut à propos du travail à distance…

Peut-être, le jour venu (un jour sans doute encore lointain), retrouvera-t-on cette idée simple que l’entreprise ne sert pas ses objectifs lorsqu’elle ignore ceux qui, en son sein, contribuent à les atteindre ?

 
Le Père Noël arrive bientôt ; alors, rêvons un peu !

 

Et… à l’année prochaine !


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