Maurice Lelubre (1916-2005)

La thèse de M. Lelubre, publiée en 1952, a apporté des éléments essentiels à la connaissance du socle saharien : une analyse approfondie, une vue d'ensemble à la fois harmonieuse et claire. Ce résultat était d'autant plus méritoire qu'il fut obtenu avec les moyens d'investigation les plus simples, ceux du "géologue chamelier", dans un milieu naturel dont l'exploration systématique exigeait à l'époque les plus hautes qualités de ténacité et d'endurance. En 1932, Conrad Kilian avait subdivisé le Précambrien du Sahara central en deux termes, le Suggarien et le Pharusien. Cette subdivision, M. Lelubre la généralise à l'échelle d'un immense territoire, le Hoggar central et occidental et il en donne une interprétation qui fera date : pour lui, le Suggarien et le Pharusien sont deux cycles orogéniques successifs. Sa thèse a été la référence fondamentale pour la génération des premiers "géologues motorisés", venus au Hoggar à partir du milieu des années 1950, les uns pour des travaux de thèse, d'autres à des fins de prospection minière et ses visites sur le terrain étaient attendues chaque année comme de véritables événements.

Mobilisé en 1943 à la Compagnie Méhariste du Hoggar puis affecté jusqu'en 1946 à la Compagnie Saharienne du Sud Tripolitain, M. Lelubre avait poussé ses reconnaissances géologiques jusqu'au Fezzan et au Tibesti. Géologue au Service de la Carte géologique de l'Algérie à partir de 1949, il fut ensuite appelé en 1957 à l'université de Toulouse comme maître de conférences puis professeur de géologie et pétrographie. En 1977 et jusqu'à sa retraite en 1983, il assura la direction du laboratoire de Géologie - Pétrologie de l'université Paul Sabatier.

Chez cet homme discret et fin, on appréciait - et même on savourait - le regard clair, l'humour non exempt d'une touche d'ironie, la lucidité, la logique du raisonnement scientifique, allant de pair avec l'absence de dogmatisme et l'ouverture aux idées nouvelles. Toutes ces qualités faisaient de Maurice Lelubre un conseiller remarquable. Entre autres distinctions, il avait reçu en 1953 le prix Fontannes de la SGF. Il est décédé au début de cette année à l'âge de 89 ans.

Jean Boissonnas, 1er juin 2005.