Edmond FRIEDEL (1895-1972)

Fils de Georges Friedel et de Mme née Hélène Berger-Levrault. Frère de Georges Alfred Francis Charles Friedel (1893-1970 ; X 1913), imprimeur et éditeur.
Marié à Jeanne Bersier (1895-1943, fille de Paul Bersier planteur aux Antilles puis employé d'Ugine et de Marguerite Sandoz fille d'industriel) dont il eut comme enfants Jacques Friedel (né en 1921 ; X 1942, corps des mines, membre de l'Académie des sciences) et Claude. Il est le grand-père de Paul Friedel et de son frère, le Dr Jean Friedel (dermatologue et vénéréologue).
Marié en secondes noces en 1959 à Bernadette Sider.

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1914, major d'entrée et de sortie) et de l'Ecole des mines de Paris (sorti classé 1 sur 19 élèves fonctionnaires, les anciens élèves promotions 1914 à 1919 de Polytechnique ayant été agrégées à l'Ecole des mines), licencié es sciences. Corps des mines.


Biographie par Raymond FISCHESSER, ingénieur général des mines, directeur de l'Ecole nationale supérieure des mines de Paris. Publié dans Annales des Mines, novembre 1972.

Edmond Friedel s'est éteint le 15 août 1972, après une courte maladie. Au terme d'une existence tout entière vouée au service public, et dont la rigueur morale et intellectuelle a été absolue, on aurait choqué cet homme réservé, ennemi de toutes les formes de l'emphase, en le proposant comme exemple. Son éthique de vie personnelle était chose trop spontanée pour qu'elle lui parût valoir commentaire : il suffisait d'être ce qu'il était. Et cependant, il aura marqué profondément, non seulement le Corps auquel il appartenait, mais un large secteur de la Fonction publique.

Edmond Friedel était né à Nancy, le 3 août 1895, d'une famille de haute tradition et de solides attaches alsaciennes. Son grand-père, Charles, était le chimiste bien connu. Son père, Georges, ingénieur du Corps des mines, s'était affirmé comme l'un des grands cristallographes français du début du siècle et devait terminer sa carrière comme directeur de l'Ecole nationale supérieure des mines de Saint-Etienne.

Très doué intellectuellement, Edmond est reçu à l'Ecole polytechnique au concours de 1914. En août de la même année, éclate le premier conflit mondial. Engagé volontaire, il demande à être versé dans l'aviation. Observateur, puis pilote, il témoigne pendant quatre ans de ce courage sans faille et de cette maîtrise de soi dont il ne se départira jamais, et termine la guerre lieutenant, croix de guerre avec quatre citations et chevalier de la Légion d'honneur.

Dès la fin des hostilités, il rallie l'Ecole polytechnique, en sort major et opte pour le Corps des mines. Ce qui le conduit comme ingénieur-élève à l'Ecole des mines de Paris, dont il sort également premier en 1922.

Il est alors affecté comme ingénieur des Mines l'arrondissement minéralogique de Strasbourg. Celle résidence a pour lui un attrait particulier; son père professe avec éclat à la faculté et, marqué par sa tradition familiale, Edmond se sent fortement sollicité par la recherche. Parallèlement à ses fonctions d'adjoint au chef d'arrondissement, il entreprend des travaux dans le domaine peu exploré jusqu'alors des états mésomorphes. Malheureusement, ses charges administratives s'accroissent. Placé à la tête du sous-arrondissement de Metz-Sud, puis de Strasbourg, il est forcé de renoncer à une activité scientifique suivie : il en gardera toute sa vie le regret.

Promu ingénieur en chef en 1933, il se voit confier l'arrondissement minéralogique d'Arras. Pendant quatre ans, dans un climat économique et social exceptionnellement difficile, il affronte avec une rare autorité, les problèmes multiples et complexes que pose le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais. Nul n'aurait l'idée de le contester : son intégrité, sa rigueur morale, son objectivité et sa conscience professionnelle s'imposent rapidement comme un dogme à tous les milieux.

En 1937, il est nommé sous-directeur de l'École des mines de Paris. Le poste l'a tenté : il a compris la nécessité d'adapter l'enseignement des grandes écoles aux données d'un monde d'ores et déjà en fermentation. Il a accessoirement plaisir à assumer la charge annexe des cours de cristallographie, minéralogie et pétrographie, qui lui permettent de renouer avec les sciences naturelles.

A peine a-t-il le temps de s'atteler à sa nouvelle tache qu'éclate la seconde guerre mondiale. Dès le début des hostilités les pouvoirs publics l'appellent à la tête de l'arrondissement minéralogique du Nord et du Pas-de-Calais. Poste difficile et exposé où il se dépense pendant des mois sans ménagement à pousser la mobilisation industrielle. Le 17 mai 1940, la débâcle s'affirmant, il assure dans des conditions particulièrement difficiles l'évacuation des populations minières. Puis, entouré de ses ingénieurs, il demeure à son poste, face à l'occupant. Edmond Friedel n'est pas l'homme des compromissions; il est fermé aux sollicitations de la prudence, et n'a que faire, pour prendre position, des mots d'ordre - ambigus ou tardifs - de la politique. Il entend, dans une conjoncture désespérée, sauvegarder au maximum les intérêts français et obtenir les garanties qu'il juge indispensables pour les mineurs. Arrêté, il est incarcéré pendant plusieurs mois, et ne sera libéré que sur les instances du gouvernement français [Voir à ce sujet la biographie de Charles de RUFFI de PONTEVES-GEVAUDAN], qui attribuera la croix de guerre 1939-40 et le grade d'officier de la Légion d'honneur pour services exceptionnels.

Il reprend alors son poste à l'École des mines. Pendant les années d'occupation, il fait vraiment corps avec ses élèves, ne cessant de leur insuffler l'idéal et la foi en l'avenir qui l'animent. Il se dévoue sans réserve pour limiter l'effet, en ce qui les concerne, des textes pris sous pression de l'occupant : quatre promotions doivent à ses initiatives courageuses d'éviter la déportation en Allemagne. Entre autres activités hasardées, il couvre l'installation et l'exploitation d'un poste d'écoute branché sur les services de la Luftwaffe qui occupent partiellement le 60 boulevard Saint-Michel.

Nommé directeur de l'école à la Libération, il le restera 19 ans - avec le souci permanent de maintenir, d'une autorité libérale et éclairée, les hautes traditions de cet établissement. Il y perpétue, par son activité et son exemple, le culte de l'intérêt public et du service désintéressé, marquant profondément les générations qui se succèdent sous son principat, et vont, leurs études achevées, constituer une élite d'ingénieurs et de fonctionnaires. Il s'emploie à doter l'école des moyens qu'exige sa rénovation. Ses efforts pour obtenir une solution au problème, administrativement insoluble, des extensions géographiques nécessaires mériteraient toute une chronique. Il n'en verra pas l'aboutissement mais, à son départ, il laissera à ses successeurs les éléments d'une action que les circonstances - momentanément favorables - permettront de mener à bien.

Il a, parallèlement, acquis dans le domaine de la géologie et de la prospection minière, une compétence qui l'amène à jouer un rôle de premier plan dans les secteurs correspondants relevant de la direction des Mines. L'un des grands mérites d'Edmond Friedel est, en effet, d'avoir très tôt reconnu l'importance capitale qu'allaiit prendre pour le pays son approvisionnement en matières premières - et surtout, peu soucieux de se limiter, comme beaucoup l'auraient fait, à un simple exposé de ses vues, d'avoir, dès le début, pris des initiatives hardies pour doter l'État de l'infrastructure nécessaire.

A partir d'à peu près rien, et contre vents et marées administratifs, il crée de toutes pièces le Bureau de recherches géologiques, géophysiques et minières (B.R.G.G.M.), dont il fait en quelques années un outil opérationnel qui permet à l'État d'intervenir d'une façon systématique, sur le plan national et sur le plan extérieur, et de catalyser et de soutenir les initiatives privées, en matière de reconnaissance et de mise en valeur des gisements miniers. Il le dirige jusqu'à sa fusion avec le Bureau minier de la France d'Outre-Mer, dans le cadre du B.R.G.M. dont il devient vice-président.

Nombreuses furent ses autres fonctions et responsabilités : président pendant de nombreuses années de la Société chérifienne des pétroles; vice-président de la Régie autonome des pétroles; conseiller du gouvernement chérifien; président de la commission des Mines du Plan de 1952 à 1965 lors de l'élaboration des 2e, 3e et 4e Plans relatifs à l'industrie des mines métalliques.

Enfin, couronnant sa carrière, le Gouvernement l'appelle, en 1961, à la vice-présidence du Conseil général des Mines. Il dirige les travaux de ce haut organisme, avec l'appoint de sa compétence, de son expérience, de son objectivité et de sa pondération jusqu'à la retraite, qui le frappera, en pleine activité, en 1966. En 1964, la reconnaissance de l'État se sera traduite par sa promotion au grade de grand officier de la Légion d'honneur.

Est-il besoin de compléter cette biographie sommaire par une esquisse personnelle? L'abord d'Edmond Friedel était froid, ses silences prolongés, ses réactions longuement méditées et toujours nuancées, sa volonté de rigueur intellectuelle et morale totale. Ceux qui le connaissaient bien savaient que cette froideur, que cette pondération, que cette extrême réserve couvraient une profonde sensibilité et un extrême bonté. Il lui aurait paru contraire à la décence qu'une consécration verbale en fût donnée : il était amplement suffisant qu'elles se manifestassent quand il le fallait, en acte. Les épreuves intimes ne lui furent pas épargnées, loin de là. Une perte cruelle endeuilla sa maturité, suivie de malheurs non moins douloureux ; il les affronta, comme il affrontait le risque ou la douleur physique, avec ce courage indéfectible et muet qui était sa seconde nature. Du moins, eût-il la joie de voir son fils renouer avec la grande tradition scientifique de sa famille et celle de trouver une seconde compagne qui vint de nouveau éclairer son foyer. [Jacques FRIEDEL, fils d'Edmond, est né en 1921; polytechnicien de la promotion 1942, il siège à l'Académie des sciences]

A tous deux, ainsi qu'à l'ensemble de sa famille, va le témoignage de sympathie émue, non seulement d'un Corps qu'il a illustré pendant plus d'un demi-siècle, mais de tous ceux qui ont connu, estimé et, ce qui est plus, aimé Edmond Friedel.

R. FISCHESSER
Ingénieur général des Mines
Directeur de l'École nationale supérieure des Mines de Paris


Citation du site web de l'historique du BRGM : C'est en 1941 qu'a été créé, à l'initiative d'Edmond Friedel, ingénieur général des mines et de Pierre Pruvost, doyen de la faculté des sciences de Lille, l'embryon de l'actuel BRGM. Ces deux éminents spécialistes des sciences de la terre s'étaient émus de la déperdition des résultats fournis par les forages profonds, pétroliers ou autres, qui commençaient à être réalisés en métropole. C'est essentiellement dans le but de créer des archives du sous-sol de la France qu'a été créé le Bureau de recherches géologiques et géophysiques (BRGG), service extérieur de la direction des mines du ministère de l'Industrie, financé uniquement sur fonds d'état. Edmond FRIEDEL était en effet devenu, en 1941, après le décès de Honoré LANTENOIS, conseiller minier du protectorat marocain, et il voulait rétablir l'autorisation de mener des recherches minières, qui étaient alors interdites.
Logé initialement dans un modeste local de la rue de Lille à Paris, cet organisme s'est installé en 1943 dans l'immeuble du cercle militaire de la rue de la Pépinière. Le travail a commencé, sous la direction d'Edmond Friedel, directeur général, de Jean Goguel, directeur adjoint et de Louis Guillaume, chef de travaux à la faculté des sciences de Strasbourg et ingénieur en chef du BRGG, par le dépouillement de toutes les informations sur les ouvrages souterrains disponibles dans : les publications scientifiques, les archives des services des mines et des entreprises de sondages, les collections des laboratoires de géologie des facultés des sciences. Pour chaque ouvrage, un dossier a été ouvert et une fiche synthétique réalisée. Par la même occasion, les informations concernant les indices de minerais et les anciennes exploitations minières, les résultats des prospections géophysiques et les données sur les cavités souterraines furent collectées. Les premières synthèses cartographiques sur la géophysique de la France furent réalisées.


Au sujet de l'appui d'Edmond Friedel aux juifs pendant l'occupation, voir la biographie de Georges LIPIETZ (2003).


Louis DENY, qui fut un élève de Edmond FRIEDEL, se souvient que, déjà en 1949, FRIEDEL avait prévu la fin de l'exploitation des Mines de Potasse d'Alsace pour la décennie 2000 à 2010. Quelle précision, la fermeture date de 2004 !


Edmond Friedel, élève de l'Ecole polytechnique et engagé volontaire dans l'aviation
Les galons de sergent-major sur les manches indiquent que l'élève était major de promotion
(C) Collection personnelle du Dr Jean Friedel