NOTICE SUR M. DUFRÉNOY,
INSPECTEUR GÉNÉRAL DES MINES.

Par M. DE BILLY, inspecteur général des mines.

Publié dans Annales des Mines, 6e série, t. 4, 1863.

La rédaction de cette notice m'a été confiée par S. Ex. le ministre de l'agriculture , du commerce et des travaux publics, à la date du 5 mars 1863 ; cette mission de parler d'un savant d'ordre aussi élevé que l'était M. Dufrénoy, revenait à de plus qualifiés que moi, et je ne me trouve à cette distinction que deux titres :

  • Une précieuse intimité qui, commencée en 1822 à l'école des mines, où j'étais alors élève et lui déjà mon supérieur, n'a fini qu'avec sa vie ;
  • Ma collaboration aux travaux de la carte géologique, de 1826 à 1829, quatre années durant lesquelles, faisant presque toujours vie commune avec mon savant ami, j'étais appelé à partager les difficultés, les fatigues passagères, mais aussi les joies durables de cet important travail.

    Au moment de prendre la plume, je me sens encore embarrassé par un autre motif, c'est que tout a été dit sur M. Dufrénoy. Au jour de ses funérailles, nous avons entendu les voix éloquentes de M. de Senarmont, au nom de l'École impériale des mines ; de M. Flourens, au nom de l'académie des sciences; de M. Valenciennes, au nom du Muséum d'histoire naturelle; de M. Elie de Beaumont au nom du corps des mines ; de M. Damour, au nom de la société géologique de France, exposer tout ce qu'avait été Dufrénoy, comme savant, comme ingénieur, comme administrateur, comme ami dans la vie publique et dans la privée ; de plus, en ce jour de douloureuse mémoire les accents de la respectueuse et reconnaissante affection des élèves de l'École des mines et de ceux des ponts et chaussées, n'ont pas fait défaut à l'illustre défunt.

    Environ trois ans plus tard, M. le vicomte d'Archiac, membre de l'Académie des sciences, réunissant à la substance de tous ces discours les renseignements fort étendus que la famille avait mis à sa disposition, lut à la société géologique de France, dans sa séance du 21 mai 1860 une notice des plus complètes sur la vie et les travaux de P. A. Dufrénoy. De telle sorte qu'aujourd'hui je ne puis que reproduire ce qui a été dit avant moi et dit beaucoup mieux certainement que je ne pourrai le faire.

    Quoi qu'il en soit de toutes ces difficultés, je ne déclinerai pas la tâche qui m'est échue, car les Annales des mines sembleraient incomplètes si elles ne renfermaient pas une notice sur la vie et les travaux de l'un des membres les plus éminents du corps impérial des mines.

    Le père de M. Dufrénoy, M. Petit-Dufrénoy, était procureur au Châtelet; honoré de la confiance de plusieurs familles illustres, il se faisait remarquer par ses lumières et sa probité. Voltaire qui, dans les dernières années de sa vie, l'avait chargé d'affaires difficiles, en parle avec éloge dans des lettres inédites encore conservées ; homme d'esprit, aimant la littérature et les hommes lettrés, il tenait un rang distingué dans la société.

    Agé de plus de quarante ans, il épousa mademoiselle Adélaïde Gillette Billet, qui en avait à peine quinze.

    Quand l'orage révolutionnaire éclata sur la France M. Petit-Dufrénoy se retira dans une propriété de famille à Sevran près Paris.

    Au 5 septembre 1792, la paisible retraite de Sevran offrait le plus frappant contraste avec Paris ; tandis que la furie de nos discordes s'agitait sanglante devant les prisons épouvantait tous les coeurs honnêtes de la capitale, l'ancien procureur au Châtelet voyait naître son fils Ours-Pierre-Armand Dufrénoy et recueillait sous son toit d'intéressants proscrits échappés aux massacres, tels que M. de Fontanes et le vénérable abbé Sicard.

    Sevran dut abriter plus tard Camille Jordan, de Gérando, Felix Faulcon, qui surent reconnaître jusqu'à la fin de leurs jour par une constante affection, le courageux dévouement d'hôtes qui n'avaient pas craint d'exposer leur vie pour sauver celle de leurs amis.

    M. Petit-Dufrénoy recevait familièrement La Harpe, Rochon de Chabannes, Champfort, André Murville et un cousin germain de sa femme, M. Laya, depuis membre de l'Académie française. C'est au milieu de cette société d'hommes distingués que madame Dufrénoy puisa des goûts littéraires et qu'avec l'assistance de M. Laya, elle continua l'étude des langues anciennes commencée sous le toit paternel ; ainsi se développa le génie poétique dont les charmants vers de madame Dufrénoy portent l'empreinte, ces vers que nous avons tous lus dans notre jeunesse, qui furent célébrés par Béranger, qui valurent à leur auteur les palmes de l'Académie des jeux floraux, de celle de Cambrai, et, plus tard même, une couronne de l'Académie française pour la manière dont ils ont retracé les derniers moments de Bayard.

    Au sortir de la révolution, M. Petit-Dufrénoy était ruiné ; à la perte de sa fortune s'ajouta bientôt la perte de la vue, et, dès ce moment, madame Dufrénoy dut se consacrer entièrement à, son époux ; elle le fit avec le plus grand dévouevement, avec la plus grande abnégation d'elle-même, puis-qu'elle en fut réduite pendant quelque temps à soutenir sa famille avec le produit des expéditions qu'elle passait souvent la nuit à copier pour les avoués et les hommes d'affaires.

    Les malheurs de sa famille, la courageuse résignation de son père, le dévouement de sa mère, frappèrent dès ses premières années le jeune Armand Dufrénoy et développèrent en lui une bien précoce maturité d'esprit

    Agé de onze ans à peine, il entra, dès 1803, au lycée de Rouen où il rencontra comme camarade, le jeune Valenciennes, que, plus tard, il retrouva, par suite d'une communauté de goûts pour l'étude des sciences naturelles, comme collègue au muséum d'histoire naturelle et comme confrère à l'Académie des sciences.

    Dufrénoy acheva ses études classiques a Paris au Lycée impérial, depuis Louis-le-Grand; il y commença celle des mathématiques qui lui valut le premier prix dans cette faculté au grand concours de 1810.

    Ici encore, il contracta des liaisons qui durèrent autant que la vie; de ce nombre fut celle avec M. Legrand destiné à devenir, en 1832, directeur général des Ponts et chaussées et des Mines.

    J'insiste avec intention sur le don qu'avait Dufrénoy de conserver ses amitiés d'enfance et de jeunesse ; c'est un trait de son caractère trop saillant pour être passé sous silence.

    Dès 1811, âgé de dix-neuf ans, il était à l'École Polytechnique, et, après de très-fortes études, il en sortit en 1813 dans les premiers rangs, pour commencer sa carrière d'ingénieur à l'École des Mines placée alors à Moutiers en Savoie.

    Mais les événements politiques de 1815 qui séparèrent ce pays de la France, ramenèrent les élèves des mines à Paris où fut rétablie, par ordonnance du 5 décembre 1816, l'Ecole des mines autrefois instituée par un arrêt du conseil du 19 mars 1783.

    Dufrénoy se plaisait à citer le temps passé en Savoie au nombre des plus heureux de sa vie et à raconter son voyage pédestre de Moutiers à Paris en compagnie de ses camarades MM. Juncker et Lambert, avec toutes ses péripéties, avec tous les tours ingénieux qu'ils durent prendre, d'abord en pays devenu ennemi, ensuite pour traverser les armées qui avaient envahi le sol de la France, enfin, pour subvenir treize jours à la dépense commune, avec une somme totale de 106 fr.; problème assez difficile, mais qui fut résolu avec une telle précision qu'en arrivant à Paris les trois voyageurs possédaient encore tout juste le prix d'une course de voiture pour se faire conduire dans leurs familles.

    En 1819, Dufrénoy était à peine aspirant, lorsqu'un digne appréciateur des jeunes talents, M. Brochant de Villiers, l'appela à l'école naissante des mines.

    La même année il avait épousé mademoiselle Caroline Jay; « le choix heureux de sa compagne, dit M. Flourens, le rendit le fils d'un homme qui, grâce à la rare fermeté de son caractère et à la lucidité de son esprit, a marqué dans nos académies, dans nos assemblés législatives, dans la littérature, dans la politique, dans la presse, et qui partout a obtenu l'autorité que donne une raison supérieure.»

    Madame Armand Dufrénoy ajoutait ainsi par son nom, comme par son talent, à la valeur littéraire de sa nouvelle famille ; en maintes circonstances, elle prit une part active au travaux de son mari ; «la fille, l'élève de M. Jay, » ajoute M. Flourens, « digne compagne d'un homme d'étude, sut, par son dévouement, rendre facile et doux pour notre confrère, ce trajet si court, si accidenté que nous nommons la vie..... »

    J'aurai à suivre Dufrénoy dans cette notice comme ingénieur, dans ses avancements de grade et dans les travaux qu'il a produits pour la recherche et l'exploitation des mines, pour la métallurgie, dans ses rapports au conseil général des mines, sans omettre le concours qu'il a prêté aux expositions de l'industrie; j'aurai à le suivre aussi comme savant dans ses travaux sur la géologie et la minéralogie ; j'aurai à parler de lui comme professeur à l'Ecole des mines, à l'Ecole des ponts et chaussées et au Muséum d'histoire naturelle ; j'aurais enfin à rendre hommage à son talent comme administrateur et comme créateur de l'Ecole des mines actuelle.

    Que ne puis-je me laisser aller à la tentation de publier en entier les nombreuses lettres que l'on a conservées de lui, ce serait assurément le meilleur moyen de le faire connaître aux lecteurs de cette notice par les divers côtés de son esprit, par son caractère et par le charme qu'il savait mettre dans les relations de l'amitié.

    Sa carrière d'ingênieur.- Les cinq années que Dufrénoy passa comme élève des mines lui parurent fort longues, elles avaient été cependant variées par trois missions d'étude; la première (1816) aux mines de Poullaouen (Finistère), avec M. Juncker; la seconde dans les Ardennes (1817), sous la direction de M. l'ingénieur en chef Clère, et la troisième (1818), encore avec M. Juncker, alors aspirant, ayant pour but l'exploration de la côte de Piriac (Loire-Inférieure), où, par des travaux de recherche et des essais, on devait constater l'existence d'un gîte de minerai d'étain. Cette mission a été le sujet du premier mémoire inséré par Dufrénoy dans les Annales des mines ; il avait été rédigé en commun avec M. Juncker.

    Nommé aspirant en 1818, il fut, l'année suivante, chargé du service d'un sous-arrondissement composé des trois départements de Seine-et-Marne, Eure-et-Loir et du Loiret; peu de mois après, il fut adjoint à l'inspecteur des études de l'Ecole des mines pour la conservation des collections, des livres, cartes et plans de cette école.

    Tel était l'ensemble de son service quand il fut le 1er juin 1821, nommé ingénieur ordinaire de seconde classe.

    L'exécution d'une carte géologique de la France, mise en discussion depuis plusieurs années, fut définitivement résolue vers cette époque ; en 1825, MM. Dufrénoy et Elie de Beaumont, ayant été, sous la direction de M. Brochant de Villiers, envoyés en Angleterre , afin d'y étudier les formations géologiques, étude dont on devait appliquer les résultats à celle des terrains français, les deux jeunes ingénieurs en rapportèrent de précieux documents sur les mines et sur la métallurgie de ce pays. Ces documents ont servi à la rédaction de nombreux mémoires qui, de 1824 à 1827, parurent dans les Annales des mines, et parmi lesquels nous citerons les suivants :

    Ces différents mémoires, rédigés la plupart en commun avec M. Élie de Beaumont, ont été réunis et publiés, en 1827, sous le titre de Voyage métallurgique en Angleterre; travail remarquable donnant sur la situation des mines et de la métallurgie en Angleterre, à cette époque, une idée tellement précise que le major général Portlock, président de la société géologique de Londres, n'hésita pas à déclarer dans un discours prononcé le 19 février 1859, qu'on ne possédait pas encore en Angleterre un travail aussi complet sur sa richesse minérale et sur les établissements industriels qui s'y rapportent.

    C'est peu de temps après son retour d'Angleterre que Dufrénoy fut consulté par M. le duc Decazes qui honorait l'éminent ingénieur d'une confiante amité et qui présidait alors à la constitution d'une association industrielle sous la dénomination de Société des houillères et fonderies de l'Aveyron. Le travail à la fois précis et substantiel qu'il rédigea à cette occasion sur l'application des procédés métallurgiques anglais aux richesses minérales du bassin de Decazeville, eut une influence décisive sur la création des nouvelles usines ; Dufrénoy pouvait donc revendiquer une bonne part dans l'introduction en France des méthodes actuelles de la fabrication du fer.

    Il fut, en 1831. nommé chevalier de la Légion d'honneur.

    Lorsque vers 1832 on entendit parler des essais pratiqués en Allemagne et en Angleterre pour le soufflage des hauts-fourneaux à l'air chaud, l'administration chargea M. l'ingénieur en chef Voltz d'étudier les nouveaux procédés dans la première de ces contrées ; M. Dufrénoy reçut une mission semblable pour l'Angleterre et l'Ecosse ; le résultat de ses observations est consigné dans un mémoire inséré dans les Annales des mines, sous le titre : Rapport à M. le Directeur général sur l'emploi de l'air chaud dans les usines à fer de l'Ecosse et de l'Angleterre, travail qui fit connaitre à l'industrie française les divers appareils emplovés dans la Grande-Bretagne pour le chauffage du vent, les procédés suivis et les avantages qu'alors déjà on en retirait, travail important qui reçut une juste récompense par la promotion de son auteur au grade d'ingénieur en chef.

    J'indique en passant et pour donner une idée de la variété des sujets traités par Dufrénoy, un autre mémoire inséré dans les Annales des mines, intitulé : Note sur la cémentation du fer au moyen de l'hydrogène carboné.

    Il convient encore de citer ici plusieurs travaux qui, bien que reproduits par les comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, rentrent dans le domaine de l'art des mines et de la métallurgie et appartiennent à celui de l'ingénieur; ce sont les appréciations de deux mémoires de M. Domeyko, l'un sur les minerais d'argent du Chili et les procédés employés pour leur traitement, l'autre sur les mines d'amalgame natif.

    Enfin, son rapport sur deux mémoires de M. A. Burat, intitulés :

    Finalement un travail original intitulé : Étude comparante des sables aurifères de la Californie, de la Nouvelle-Grenade et de l'Oural.

    Sur ces entrefaites, Dufrénoy, élevé en 1839 à la première classe d'ingénieur en chef, avait reçu la croix d'officier de la Légion d'honneur en 1841.

    Les travaux de tout genre et notamment ceux dont nous venons de rendre compte avaient donné à Dufrénoy une position exceptionnelle dans son corps, aussi dès le 21 avril 1846 fut-il appelé au conseil général des mines comme inspecteur général adjoint ; investi d'abord de l'ancienne division de l'Est, il reçut dans les premiers mois de 1848 celle du Nord renfermant neuf départements, depuis et compris celui du Loiret jusqu'aux frontières nord et nord-ouest de la France, retrouvant ainsi plusieurs des départements dans le service desquels il avait débuté comme aspirant.

    Les nombreux rapports inscrits dans les registres des procès-verbaux, dont plusieurs d'une très-grande importance, prouvent la part active qu'il prit aux travaux du conseil ; il y discutait avec clarté et sobriété et parvenait souvent, par l'autorité de ses travaux, non moins que par une bonne argumentation, à faire prévaloir son avis.

    On construisait, en 1846, le chemin de fer du Centre, et plusieurs effondrements du sol, dénotant des vides intérieurs, s'étaient produits, notamment auprès de Vierzon. Dufrénoy, chargé conjointement avec MM. les inspecteurs généraux des ponts et chaussées Kemaingant et Vauvillers d'étudier les causes de ces accidents et les moyens d'y remédier, découvrit, par une série de sondages effectués de 25 en 25 mètres, l'existence de cours d'eau traversant deux suites de cavités souterraines recouvertes par le calcaire tertiaire d'eau douce ; le plus étendu des deux constitue la corde de l'arc décrit par la Loire entre Gien et Blois, et le second qui serait également une dérivation de ce fleuve, se rattacherait au cours souterrain du Loiret.

    Les observations faites pendant cette mission sont consignées dans un mémoire inséré au bulletin de la société géologique sous le titre: Cavités et courants souterrains dans la vallée de la Loire aux environs d'Orléans.

    Nous arrivons à 1848 et aux difficultés de la situation d'alors pour tous ceux qui tenaient un rang élevé dans l'administration.

    Parmi les corporations des métiers de Paris, il n'y en eut peut-être pas une qui ne se crût déchue si elle n'avait pas fait son émeute contre ses supérieurs ou contre les agents de l'Etat. C'est ainsi que les ouvriers carriers des environs de Paris se mirent en insurrection, allant jusqu'à menacer la vie des ingénieurs attachés au service départemental de la Seine et investis de la surveillance des travaux. Il suffirait de nommer ces ingénieurs pour prouver à quel point cet acte de violence était peu motivé ; n'importe, il fallut rétablir l'ordre et la futilité des motifs ne rendait pas la chose plus facile ; Dufrénoy, par sa qualité d'inspecteur général du département de la Seine, se trouva naturellement désigné pour occuper le premier rôle en cette circonstance ; il convoque les plus exagérés parmi les émeutiers, les fait comparaître devant une commission, les interroge, leur démontre le peu de fondement de leur mécontentement et, par la fermeté de son attitude, par l'énergie de sa parole, il parvient à les faire rentrer dans le devoir, à rétablir le calme.

    Inspecteur des études à l'École des mines depuis 1836, il fut nommé directeur de cette école en 1848 ; la croix de commandeur de la Légion d'honneur lui fut décernée, en 1850.

    Vers le milieu de 1851, Dufrénoy retourné à Londres comme membre du jury français de l'Exposition universelle y fut nommé vice-président et rapporteur de la 1re classe par une commission qui comptait des délégués de toutes les nations ; son rapport qui parut en anglais sous le titre : Report on mining, quarrying, metallurgical opérations and minéral products (Paris, 1851) fit grand honneur à son auteur,

    Remarqué partout où il agissait, il se distingua de la mème manière à l'exposition universelle française de 1855.

    A cette époque se rapportent trois missions fort importantes confiées à Dufrénoy par le ministre des travaux publics, la première en 1851 ayant pour but l'assainissement et surtout la fertilisation de la Sologne, les deux autres (1856) relatives aux sources minérales de Vichy et de Plombières.

    Dans sa mission de Sologne Dufrénoy, après avoir étudié la constitution géologique de cette contrée, et fait connaître les quatre subdivisions du terrain tertiaire qu'on y observe superposées à la craie, savoir : les calcaires d'eau douce les argiles légères, les sables avec argile compacte, les fahluns, rend compte des recherches opérées jusqu'alors pour obtenir des marnes fertilisantes et indique les travaux à entreprendre dans les localités les plus dignes d'intérêt; il proposait, en outre, la création d'un service spécial de géologie agricole. Les conclusions de cet important rapport, adoptées par le conseil général des mines, ont conduit aux travaux d'exploitation qui se poursuivent encore aujourd'hui.

    Dès 1854, Dufrénoy, conjointement avec MM. les inspecteurs généraux Thirria et Levallois, avait étudié l'intéressante et délicate question de la législation des sources minérales ; il avait, en qualité de rapporteur de la commission, présenté un travail des plus complets dans lequel, séparant le domaine de l'ingénieur de celui du médecin, il posa les bases de la loi du 14 juillet 1856 et du règlement du 8 septembre suivant.

    Bientôt après, sans doute en prévision de l'application de cette loi, il était chargé d'étudier la situation des sources minérales de Vichy et l'influence que pouvaient avoir exercée sur leur régime des sondages effectués à proximité.

    Finalement, dans la séance du conseil du 13 février 1857, et ce fut là son dernier rapport, il rendit compte de l'étude qu'il venait d'achever, des sources minérales de Plombières, en indiquant les travaux de captage qu'il jugeait à propos de faire entreprendre ; ces travaux ont été exécutés depuis avec le succès le plus complet et tels que les avait conçus cet illustre ingénieur.

    Dufrénoy élevé le 15 octobre 1851 au grade d'inspecteur général de première classe, avait atteint le degré le plus élevé de la hiérarchie des ingénieurs quand une mort prématurée vint soudain mettre un terme à sa carrière, dans les premiers jours du printemps de 1857.

    Sa carrière comme savant.- Bien que la géologie et la minéralogie soient comptées comme parties intégrantes de la science de l'ingénieur des mines, il m'a semblé utile de séparer les travaux relatifs à ces deux sciences de ceux de la carrière d'ingénieur, à cause de l'importance toute particulière qu'ils ont tenue dans la vie de Dufrénoy, car ils eussent suffi à sa célébrité s'il n'avait pas appartenu au corps des mines.

    Nous avons vu que son esprit, préparé par de bonnes études littéraires et scientifiques, s'était trouvé propre à toute espèce d'application dès son entrée à l'école des mines, laissant percer partout la rectitude de jugement qu'il avait reçue en partage et les bonnes méthodes de travail, fruit de l'enseignement de l'École polytechnique. Ces dispositions jointes à une tendance marquée pour les sciences naturelles, le dirigèrent tout à la fois vers l'étude des grandes masses qui constituent l'écorce terrestre et des éléments particuliers dont elles sont composées.

    La suppléance de M. Brochant de Villiers à l'École des mines, l'avait mis et maintenu au courant des deux sciences qu'il devait enseigner, lorsqu'en 1822 fut projeté le travail de la carte géologique de la France ; nous avons déjà mentionné le voyage qu'il fit en 1823, de commun avec M. Élie de Beaumont, sous la direction de leur vénérable maître, dans le but d'étudier sur place les terrains décrits par les géologues anglais ; ce fut le premier travail qu'il fit avec son jeune collègue et l'origine de « cette noble association, si féconde pour la science, pour leur commune gloire et qui devait jeter tant d'éclat sur le corps des mines (de Sénarmont, 1857). »

    Presque tout était alors à faire en France sous le rapport de la géologie générale du pays ; il n'existait, en effet qu'un essai de la distribution des principaux terrains à la surface de la France, publié en 1822 par MM. Omalius d'Halloy et Coquebert de Monbret et plusieurs travaux monographiques se rapportant à diverses localités, à des provinces, à des chaînes de montagnes, tels que ceux de Guettard, de Monnet, de Cuvier et Alexandre Brongniart, de Charpentier, etc.

    En vue des explorations que devaient entreprendre séparément les deux jeunes ingénieurs, le territoire de la France fut partagé en deux régions par une suite de lignes passant par Honfleur, Alençon, Avallon et Châlons-sur-Saône, par les cours de la Saône et du Rhône jusqu'à la Méditerranée; la portion sud-ouest échut à Dufrénoy, l'autre à son collègue.

    Ces explorations devaient commencer chaque année après les examens des élèves de l'École des mines et se prolonger jusqu'à la reprise des cours.

    Les premiers voyages furent entrepris en 1825 isolément; dès 1826 M. l'ingénieur Fénéon fut attaché pendant deux années à M. Élie de Beaumont et l'auteur de cette notice à M. Dufrénoy jusqu'à la fin du travail séparé des deux auteurs de la carte géologique,

    On se trouva bientôt aux prises avec des difficultés de plus d'un genre, les unes matérielles telles que l'imperfection des moyens de transport et plus encore celle des lieux de stationnement en certaines régions de la France.

    Les autres d'une nature scientifique, telles que l'ignorance absolue dans laquelle on se trouvait parfois sur la nature des terrains que l'on rencontrerait le lendemain, sur la meilleure direction à choisir pour observer utilement.

    Puis l'imperfection des cartes topographiques destinées à recevoir le tracé des limites géologiques. Les feuilles de Cassini étaient alors le seul travail géographique assez détaillé pour servir de guide à une exploration de détail qui ne pouvait se faire qu'à pied et l'on sait à quel point la configuration du sol y est imparfaitement représentée.

    Mais les difficultés avaient beau grandir, elles n'atteignaient jamais au niveau de l'énergique persévérance de Dufrénoy et des ressources de tout genre qu'il trouvait dans son esprit. Loin d'opposer à ses observations des obstacles infranchissables, les fatigues physiques, les intempéries, ne faisaient parfois qu'animer sa bonne humeur. On en jugera par l'extrait suivant d'une lettre qu'il m'adressait de Bordeaux le 15 octobre 1827 après une séparation de plusieurs jours :

    «Votre... lettre m'a procuré quelques moments de plaisir et m'a délassé en partie de mes fatigues. Si le temps a été brumeux de votre côté, il a été beaucoup plus généreux du mien, et, depuis mon départ de Bergerac je puis dire avoir reçu la pluie au moins quatre ou cinq heures par jour. Je ne veux pas entrer dans des détails sur les jouissances continuelles que j'ai éprouvées, elles vous rendraient jaloux et vous m'en voudriez d'avoir choisi la meilleure part ; du reste, je suis votre dear lord et il était juste que je me fisse la part du lion. Pour vous en donner une idée, je vous dirai que je suis allé de Beaumont à Bergerac (12 lieues de poste dont 6 dans la traverse) plus chargé que le fameux jour de Gourdon ; je ne défais pas le paquet pour que vous puissiez en juger. A la vérité j'avais pour compagnons de voyage trois sphérulites dont une est, sans exagérer, double de votre hypurite de poche, et comme elle avait le caractère le plus indomptable, elle n'a jamais voulu entrer dans mon sac et j'ai été obligé de la porter sur mon bras. Pour me délasser je suis tombé dans la meilleure auberge, il est vrai, mais dans laquelle une nuée de cousins m'a empêché de fermer l'oeil, ce que vous concevrez facilement quand vous verrez les deux ou trois cents piqûres dont je porte encore les marques. Enfin, le lendemain j'ai fait cinq lieues sur les marnes d'eau douce et quatre sur l'argile plastique, les premières étaient glissantes, les autres collantes, de façon que, dans le commencement je craignais toujours d'aller trop vite et à la fin j'ai craint d'éprouver le même sort que prés de Bidache d'heureuse mémoire. Il est vrai qu'en cette seconde représentation j'avais un avantage de plus, c'est que les nuages noirs qui se promenaient autour de nous dans les Pyrénées, étaient là au-dessus de ma tête et ne me laissaient pas ignorer leur présence..... »

    Ce fut après l'exploration de 1826 du sud et du sud-ouest de la France, notamment après l'étude des Pyrénées, sur le revers français et sur le revers espagnol que Dufrénoy reconnut, dans une partie des terrains confondus jusqu'alors, soit avec les terrains de transition, soit avec les terrains jurassiques, la présence de la formation crétacée. Il y fut conduit par l'étude comparative des roches, par celle des fossiles, et quand il en eut acquis la certitude, cette découverte lui causa une joie semblable à celle d'Archimède sortant de son bain sans vêtement et s'écriant : Je l'ai trouvé !

    « C'est de la craie, c'est de la craie ! de la craie, de la craie ! m'écrivait-il le 8 mars 1827, tel est le refrain que je répète depuis huit jours..... Les rapprochements sont tellement frappants que je mets le plus grand prix à ce que vous arrangiez vos affaires pour être dans notre bonne ville au plus tard le 15 mai et que nous puissions étudier nos suites ensemble..... Il faut maintenant que je vous indique les malheureux calcaires qui se voient détrônés en passant du Jura dans la craie. »

    La campagne de 1827 fut consacrée par Dufrénoy à la région orientale de sa circonscription, aux environs de Saint-Etienne, à la chaîne du Forez, puis aux formations anciennes et houillères, aux terrains tertiaires et volcaniques de l'Auvergne, aux groupes trachitiques du mont Dore et du Cantal, au centre de la France, aux Landes, aux environs de Bordeaux, etc.

    L'année 1828 ramena une seconde fois Dufrénoy dans 1es Pyrénées, le reste de cette campagne et celle de 1829 furent employés aux régions centrale et occidentale de la France, notamment au Poitou, à l'Anjou, à la Bretagne, à la Normandie et dès lors l'investigation de Dufrénoy avait porté sur toute la région qui lui était assignée. Sans oser prétendre qu'il n'y eût plus à revenir sur ses déterminations de terrains, notamment en ce qui concerne certains détails, je ne crains pas d'affirmer que non-seulement le chaos avait perdu ses obscurités, mais que l'étude des terrains de tout âge était assez avancée pour qu'on pût les préciser sur une carte avec une certaine assurance ; la géologie de notre pays avait fait un immense progrès et les courses que firent depuis en commun MM. Dufrénoy et Élie de Beaumont, sur des points restés douteux, achevèrent, en 1833, cette belle et grande oeuvre que nous avons vue paraître en 1840.

    A la date du 3 novembre 1833 Dufrénoy écrivit à M. le directeur général des ponts et chaussées et des mines : Le voyage que nous avons fait cette année et qui sera terminé sous peu de jours, nous a permis de remplir les lacunes que nous avions laissées dans l'ouest de la France ; il complète à très-peu de chose près notre travail, en sorte que nous espérons pouvoir vous présenter cette année un exemplaire complet de la carte géologique. La gravure en relief du sol..... empêchera seul l'administration de la livrer au publics.

    Ils avaient exploré plus de 530.000 kilomètres quarrés et ils avaient élevé aux sciences géologiques un monument impérissable, auquel demeureront à jamais attachés les noms inséparables des deux amis, des deux glorieux collaborateurs, comme celui de l'illustre Cassini au premier monument des sciences géodésiques (de Sénarmont). »

    Ceux qui ont concouru à une oeuvre importante, quelque faible qu'ait été leur participation, possèdent rarement le don d'en parler avec une complète impartialité ; j'éviterai donc d'émettre mon appréciation personnelle sur la part du travail dont l'honneur revient à Dufrénoy, dans la crainte qu'elle ne paraisse suspecte au lecteur ; et je préfère transcrire ici l'opinion d'un juge à la fois impartial et compétent à tous égards, M. le vicomte d'Archiac, aujourd'hui membre de l'Institut (Notice sur Dufrénoy, mai 1860).

    « La chaîne des Pyrénées, disait-il, étudiée d'abord par Ramond, Palassou et de Charpentier, était assez connue minéralogiquement et pétrographiquement, c'est-à-dire, sous le rapport des roches et des minéraux qui les constituent ou qu'elles renferment accidentellement, mais géologiquement, ou sous celui des relations stratigra phiques et de l'âge de ces roches, il restait à peu près tout à faire. Dès 1830, Dufrénoy avait accompli cette partie de sa tâche, il était parvenu à jeter une vive lumière sur ce chaos, résultat de nombreuses et fréquentes dislocations. Les rapports naturels des couches, intervertis ou masqués, leurs caractères minéralogiques, modifiés ou complètement changés, l'absence, la rareté ou le mauvais état des débris organiques, l'enchevêtrement des produits ignés et sédimentaires, tout concourait à entraver le travail du géologue occupé sans cesse à rétablir la pagination première de tous ces feuillets déplacés et brouillés du livre de la nature. »

    « Notre confrère réussit néanmoins à tracer avec une grande sûreté de coup d'oeil, dans cette vaste chaîne, comme dans les plaines qui la bordent au nord et au sud, les limites respectives des roches primaires ou cristallines, du terrain de transition, du grès bigarré, des formations jurassique, crétacée et tertiaire. Il étudia de même les roches anciennes du centre de la France et de la Bretagne ainsi que les dépôts secondaires qui les circonscrivent et les sédiments tertiaires qui occupent en général les grandes dépressions placées entre ces divers massifs. »

    Les résultats des observations faites pendant les explorations dont je viens de rendre compte ont été le sujet de nombreux mémoires que nous trouvons insérés, soit dans les Annales des Mines, soit dans le Bulletin de la Société géologique de France, soit dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences, enfin dans les volumes de l'explication de la carte géologique de la France. Nous parlerons séparément de ces derniers.

    Sans nous préoccuper ici de l'ordre chronologique de ces mémoires, mais adoptant l'ordre de superposition des formations, nous citerons d'abord comme parlant des terrains cristallins, un mémoire intitulé : Considérations générales sur le plateau central de la France et particulièrement sur les terrains secondaires qui recouvrent les pentes méridionales du massif primitif qui le compose, dont les trois premières parties traitent d'abord de la masse granitique puis du terrain houiller et du trias superposés aux rochess cristallines.

    Dans quatre mémoires publiés de 1839 à 1841, il expose avec beaucoup de clarté ses idées sur la nature du de transition dans l'ouest de la France, notamment en Bretagne où il signale l'existence des étages cambrien, silurien et dévonien.

    La suite du mémoire déjà cité qui a paru dans le tome V des Annales des Mines (1829) sous le titre: Des formations secondaires qui s'appuient sur les pentes méridionales des montagnes anciennes du centre de la France, décrit avec un soin tout particulier d'abord le lias avec ses divisions, puis les trois étages de l'oolithe et dans toutes ces descriptions, l'auteur applique avec une grande justesse d'esprit, les études qu'il avait faites en Angleterre pendant son voyage de 1823.

    D'autres travaux ont été spécialement consacrés aux minéraux adventifs des terrains stratifiés, notamment à ceux du lias; tel est le mémoire sur l'existence du gypse et des divers minerais métalliques renfermés dans la partie supérieure du lias du sud-ouest de la France.

    Une autre série de publications a eu particulièrement pour objet les terrains jurassiques.

    Mais de tous ses travaux sur les terrains secondaires, celui qui eut, avec raison, le plus de retentissement fut son Mémoire sur les caractères particuliers du terrain de craie dans le sud de la France et principalement sur les pentes des Pyrénées, dans lequel, dit M. d'Archiac, « Dufrénoy a séparé avec beaucoup de sagacité des roches réellement intermédiaires, un immense système de couches qui y avait été compris à tort par tous ses prédécesseurs et l'a remonté jusqu'à la dernière période secondaire. »

    Parmi les mémoires consacrés aux terrains plus récents, nous citerons, en première ligne, celui sur les terrains tertiaires du bassin du midi de la France, où sont décrits les dépôts qui remplissent la dépression comprise entre les terrains secondaires du versant septentrional des Pyrénées et ceux du plateau central de la France, depuis les côtes de l'Océan jusques et compris les bassins de l'Aude, de l'Orb et de l'Hérault ; « les grandes divisions tracées par l'éminent ingénieur, dit M. d'Archiac, sont restées de précieux repères pour ses successeurs. »

    Dès 1830, Dufrénoy avait signalé en Auvergne l'alternance des dépôts lacustres et des terrains volcaniques.

    Enfin, dans un Mémoire sur la position géologique du terrain siliceux, de la Brie et des meulières des environs de La Ferté, il fit voir, par la superposition aux meulières du grès tertiaire supérieur, que ces deux subdivisions étaient de la même époque, montrant ainsi « qu'aux environs de Paris, même après MM. Cuvier et Brongniart, il pouvait y avoir quelque chose à découvrir sur les terrains tertiaires ».

    Une seconde exploration faite en commun avec M. Elie de Beaumont, dans les montagnes volcaniques de l'Auvergne, eut pour résultat leur Mémoire sur les groupes du Cantal et du mont Dore et sur les soulèvements auxquels ces montagnes doivent leur relief actuel.

    Après avoir soumis à un calcul analytique très-simple les surfaces soulevées et la valeur des interstices résultant du crevassement dans le cas général, les auteurs de ce savant travail comparent les groupes du centre de la France avec les cratères de soulèvement des îles Ténériffe et de l'Archipel grec décrits par Léopold de Buch, et ils terminent par des descriptions non moins ingénieuses que détaillées des deux groupes trachitiques du Cantal et du mont Dore.

    Nous ne saurions passer sous silence plusieurs autres travaux sur des roches adventives dont Dufrénoy avait à plusieurs reprises fait une étude spéciale ; tels sont un mémoire sur les relations des ophites, des gypses et des sources salées des Pyrénées et sur l'époque de leur apparition, un mémoire sur la position géologique des principales mines de fer de la partie orientale des Pyrénées, accompagné de considérations sur l'époque du soulèvement du Canigou et sur la nature du calcaire de Rancié, et plusieurs mémoires de moindre importance attestant, comme les précédents, l'immense variété des sujets auxquels se sont appliquées ses savantes investigations.

    La plupart des travaux géologiques dont je viens de donner la longue énumération ont servi à la rédaction du texte de la carte géologique de France.

    Nous trouvons au tome Ier de cette grande oeuvre, après une introduction rédigée en commun avec son collaborateur, la description du terrain ancien et du terrain de transition au centre de la France (chapitre 2), celle des mêmes terrains dans la presqu'ile de Bretagne (chapitre 3); plusieurs articles concernant le terrain houiller (chapitre 7).

    Dans le second volume, nous voyons la description du trias s'appuyant sur les montagnes du Charolais et de Tarare, du trias déposé sur le pourtour des montagnes anciennes du centre de la France (chapitre 8) ; une série d'articles relatifs aux terrains jurassiques de la Normandie, du versant septentrional du plateau central du sud-ouest de la France, du plateau du Larzac et des Cévennes, des environs de Lyon et de la rive droite de la vallée de la Saône. Le troisième volume de la description de la carte n'a pas encore paru, mais Dufrénoy a laissé complètement achevés les chapitres qu'il devait y insérer, et dont nous transcrivons les intitulés, savoir :

    Chapitre 12. Formation crétacée du bassin du sud-ouest de la France.

    Chapitre 13. Description du terrain tertiaire inférieur dans le bassin sud-ouest de la France.

    Chapitre 14. Terrain tertiaire moyen dans le sud-ouest et le sud de la France.

    Chapitre 15. Terrain tertiaire supérieur. Superposition transgressive de l'étage supérieur sur l'étage moyen. Le terrain tertiaire supérieur est composé principalement de dépôts de transport. Sa répartition à la surface de la France.

    Chapitre 16. Description de la chaîne des Pyrénées, sa structure, sa composition et les différents terrains qui la constituent.

    Chapitre 21. Description des terrains volcaniques de l'Auvergne.

    L'apparition de la carte géologique de la France fut un événement dans le monde savant où elle reçut partout l'accueil le plus mérité. A cette occasion, la Société géologique de Londres qui, depuis plusieurs années, avait appelé dans son sein les deux auteurs de cette grande oeuvre, leur décerna la médaille de Wollaston, et par la dérogation la plus flatteuse aux règles établies par l'institution même de cette médaille, elle en offrit un exemplaire à chacun des deux collaborateurs.

    Mais ses investigations géologiques ne se bornèrent pas aux limites de la France : Dufrénoy nous a laissé deux précieux mémoires, l'un intitulé : Sur les terrains volcaniques des environs de Naples ; l'autre : Parallèles entre les différents produits volcaniques des environs de Naples et rapports entre leurs compositions et les phénomènes qui les ont produits. Ils furent le résultat d'un voyage entrepris en commun par les deux auteurs de la carte géologique de la France dans le but de comparer les terrains volcaniques de l'Italie avec ceux de l'Auvergne. L'étude porta principalement sur les deux grands volcans de cette contrée; l'Etna avec la Sicile fut assigné à M. Elie de Beaumont, le Vésuve et la Campanie à Dufrénoy.

    Nous rencontrons dans ces mémoires une étude approfondie des roches des environs de Naples, des trachytes, des laves anciennes et modernes, notamment des tufs ponceux que l'auteur trouve identiques à la Somma, dans le massif de collines des champs Phlégréens, dans toute la Campanie, à l'île d'Ischia. La présence de coquilles fossiles dans les tufs lui prouve qu'il faut attribuer le dépôt de ces roches à une action neptunienne , et , après avoir observé dans les champs Phlégréens le relèvement des tufs vers les masses trachytiques, il est conduit à regarder la Somma comme le résultat d'un soulèvement semblable et distinct constituant, dans l'origine, une enceinte conique au centre de laquelle a surgi plus tard, et successivement, le cône actuel du Vésuve en commençant à l'éruption de Pline l'an 79 de l'ère chrétienne.

    Suivant lui, ce furent des déjections boueuses qui ensevelirent, en les conservant intactes, les villes d'Herculanum et de Pompéi.

    Afin de ne pas trop nous étendre, nous avons omis, dans cette liste déjà bien longue, un assez grand nombre de rapports de Dufrénoy sur des mémoires présentés à l'Académie des sciences par divers géologues, rapports insérés dans les Comptes rendus.

    Mais nous ne saurions omettre, dans l'énumération de ses oeuvres pour l'avancement de la géologie, la part active qu'il prit à la création de la Société géologique de France, dont il fut le premier vice-secrétaire et qu'à deux reprises il eut l'honneur de présider; nous ne saurions oublier l'intérêt qu'il porta constamment à cette société, même quand la multiplicité de ses occupations l'empêcha d'en suivre les séances ; nous ne saurions laisser inaperçus les services signalés, qu'en plusieurs occasions il lui rendit, soit auprès du ministre des travaux publics, soit auprès de celui de l'instruction publique.


    Nous arrivons maintenant à un autre ordre de travaux scientifiques de Dufrénoy, à ceux qu'il accomplit pour l'avancement de la minéralogie.

    Dufrénoy qui, dans l'origine, s'était fait remarquer comme professeur-suppléant du cours de minéralogie à l'École des mines, c'est-à-dire, en exposant les idées des auteurs qui l'avaient précédé, fixa bientôt l'attention par ses travaux originaux : les uns cristallographiques se rapportant à la forme, les autres chimiques, traitant de la composition des minéraux.

    De nombreux mémoires, insérés dans les recueils scientifiques désignés ci-dessus à l'occasion des publications géologiques, témoignent de ce qu'il a fait sous ce rapport depuis 1828 jusqu'en 1842.

    Parmi ces travaux, les uns se rapportent à des espèces nouvelles dont on lui doit la découverte, telles que l'huréaulite, la couzéranite, la dréelite, la villarsite, le plomb gomme de Nussière, la junckérite, la greenovite.

    Les autres ajoutent aux connaissances déjà acquises sur des espèces minérales décrites antérieurement; de ce nombre sont des mémoires ou de simples notes sur la glaubérite de Vic, sur le gisement et la composition de quelques silicates alumineux; sur la cristallisation et la composition de la laumonite, de la bournonite, du sphène de Saint-Marcel, sur l'arsénio-sidérite, sur le diaspore, sur l'apophyllite du Puy-de-la-Piquette, sur la magnésie de Chenevières, sur la chute et la composition d'un aérolithe tombé, en 1841, près de Château-Renard.

    Nous mentionnerons encore ici trois mémoires publiés par lui sur la nature minéralogique et la composition chimique de plusieurs cendres volcaniques, notamment sur celles lancées par les volcans de l'Amérique équatoriale, un mémoire du même genre concerne une poudre recueillie à Amphissa en Grèce.

    D'autres publications concernent les principes mêmes de la science, tel est celui ayant pour titre : Expériences et accidents de cristallisation prouvant l'influence des milieux sur les formes secondaires des cristaux.

    Je m'abstiens de mentionner un grand nombre de rapports faits à l'Académie sur des travaux de minéralogie soumis à l'appréciation de ce corps savant et que l'on trouve insérés dans les Comptes rendus.

    Mais de toutes ses oeuvres de minéralogie, la plus importante et celle qui résume toutes les autres, est son Traité de minéralogie dont la première édition, en 3 volumes et atlas, parut de 1841 à 1847, et dont il ne devait plus voir publiée, dans son entier, la deuxième édition, entièrement refondue, remplie d'aperçus nouveaux et augmentée d'un 4e volume. Trois volumes étaient déjà publiés et les épreuves du dernier étaient entièrement corrigées de sa main quand cette main qui avait tant écrit cessa d'écrire!

    Sa famille fit immédiatement terminer la publication de cet ouvrage auquel son auteur avait consacré les dernières années de sa vie.

    Dans son traité, la méthode pour la détermination des minéraux est principalement fondée sur leurs caractères extérieurs.

    « Je pense, dit l'auteur, qu'il faut donner à la chimie la plus grande part dans la classification oryctognostique.... mais qu'il est nécessaire de n'employer autant que possible, à la reconnaissance des minéraux, que les caractères extérieurs ; il ne faut avoir recours aux essais que lorsque ces caractères sont insuffisants..... Le géologue et le mineur doivent donc s'habituer à déterminer les minéraux par leur simple forme. »

    Après l'exposé des principes de la minéralogie, après avoir familiarisé le lecteur avec les instruments employés dans cette science et les procédés adaptés à l'étude des minéraux, Dufrénoy aborde la description des espèces qu'il sait rendre intéressante tantôt par d'ingénieux rapprochements, tantôt par d'utiles considérations sur l'emploi des substances minérales.

    Pour l'appréciation d'une oeuvre de cette importance, on me saura gré de ne pas me contenter d'inscrire ici mon propre jugement, mais de rapporter textuellement les opinions émises par des juges dont le témoignage est entouré du respect de tous les savants.

    « Jamais, a dit l'un d'eux, la cristallographie n'eut un interprète plus facile et plus élégant (Elie de Beaumont).

    « Par ses ouvrages (Discours de M. Damour, 22 mars 1857), M. Dufrénoy montre qu'il est à la fois excellent minéralogiste et savant géologue. Dans son Traité de minéralogie, il expose, il développe avec netteté, avec l'élégance et la facilité de style dont il possédait si bien le secret, les lois de la cristallographie, les caractères physiques, les propriétés chimiques des minéraux. Il fait remarquer avec une grande sagacité les associations, les rapports des espèces entre elles et leur rôle en géologie. Il étudie ensuite chacune des espèces, discute leurs caractères et leur valeur avec cet esprit de critique judicieuse et impartiale qui porte la lumière et ramène dans le chemin de la vérité. Si, dans ces derniers temps, nous ne voyons que trop souvent des minéralogistes établir bien à la légère des espèces nouvelles et mal définies, il est beaucoup plus rare d'en rencontrer qui s'appliquent à effacer de la nomenclature les substances qui ne doivent pas y figurer. Il est facile, en effet, de s'attribuer le mérite d'avoir donné un nom à une substance sans avoir pris la peine de la bien étudier pour la définir; mais c'est un travail long, ingrat et difficile, en minéralogie plus encore qu'en toute autre science, que de démontrer l'erreur..... Dans le cours de son Traité, comme dans ses Notices mineralogiques, M. Dufrénoy observe avec sagacité, il n'hésite pas à supprimer beaucoup de noms nouvellement introduits et à réunir en une même espèce des substances minérales qu'on n'aurait jamais dû séparer ».

    C'est ici le lieu de mentionner la part qu'eut Dufrénoy pour faire rentrer en France la précieuse collection de minéraux créée par Hauy, et qu'après la mort du fondateur de la cristallographie le duc de Buckingham avait transférée en Angleterre. Cette collection se trouvant à vendre après le décès du duc, Dufrénoy, en sa qualité de professeur au Muséum d'histoire naturelle, proposa au ministre de l'instruction publique d'en aller faire l'acquisition; ce projet eut un plein succès, et le continuateur d'Haüy eut la satisfaction de replacer, de ses mains, dans les galeries du Jardin des plantes, cette suite précieuse à laquelle s'attachent tant de souvenirs et tant d'intérêts pour l'histoire naturelle des minéraux.

    Tels furent les travaux de Dufrénoy en géologie et en minéralogie, non moins remarquables par le nombre, par la variété que par la valeur scientifique ; ils attirèrent à leur auteur la plus haute récompense à laquelle un savant puisse prétendre, ils lui ouvrirent, en 1840, les portes de l'Institut.

    Au mois de juin 1829, la Société philomathique l'avait appelé dans son sein; nous avons déjà vu que peu d'années après il avait été nommé membre de la Société géologique de Londres.

    Comme professeur et directeur de l'École des mines.- Nous avons déjà dit que, pourvu d'un sous-arrondissement qui lui permettait la résidence de Paris, Dufrénoy fut appelé à l'enseignement sur la proposition de M. Brochant de Villiers; dès 1825 il suppléait le professeur de minéralogie et de géologie à l'École des mines de Paris, mais il ne tarda pas à céder la suppléance de la géologie : « Ma couronne est divisée en deux », m'écrivit-il au mois de mars 1827, en m'annonçant les démarches qu'il venait de faire, d'accord avec M. Brochant de Villiers, auprès de M. Becquey, alors directeur général des ponts et chaussées et des mines, pour faire donner la suppléance du cours de géologie à M. Élie de Beaumont; «j'ai déclaré que je trouvais la division utile à la chose publique, mais j'ai ajouté que j'y consentais principalement dans l'intention de faire un heureux de plus. »

    A partir de ce moment, le professorat de Dufrénoy fut réduit à la minéralogie, et il devint titulaire du cours en novembre 1835 quand M. Brochant de Villiers eut annoncé l'intention de se retirer.

    Dès 1826, il était professeur de minéralogie et de géologie à l'École des ponts et chaussées; son cours, moins scientifique que celui de l'École des mines, rédigé surtout en vue des applications à l'art de l'ingénieur, fut publié en 1844 et 1845; on verra ci-dessous de quelle manière fut apprécié par ses élèves cet enseignement qui dura près de 25 ans.

    Il avait suppléé M. Alex. Brongniart dans son cours de minéralogie au Muséum d'histoire naturelle; il l'y remplaça définitivement le 7 octobre 1847 quand la mort vint enlever aux sciences cet illustre savant. A cette occasion, après quinze ans d'exercice, il quitta le professorat de l'École des mines.

    Quant à sa manière de professer, je ne puis mieux la faire connaître qu'en reproduisant les paroles mêmes de l'un de ses élèves de l'École des ponts et chaussées, M. Hervé Mangon, devenu ingénieur et professeur lui-même à cette école. « Sa parole sobre et concise, mais toujours claire et souvent élégante, savait appeler l'attention sur les points les plus abstraits de la science et donner un attrait véritable aux études les plus arides. L'élève laborieux trouvait toujours auprès de lui un éloge et un encouragement auxquels la réserve habituelle de ses manières donnait un prix tout spécial. C'est avec bonheur que je peux mettre ici ce témoignage public de ma reconnaissance personnelle pour une bienveillance si précieuse, dont beaucoup de ses élèves conservent, comme moi, religieusement le souvenir. »

    Le moment est venu de parler de l'influence qu'il exerça sur l'Ecole des mines. D'abord conservateur des collections et de la bibliothèque, il accomplit de 1819 à 1825, dans ces collections, des travaux de classement d'une grande importance en créant des suites de roches qui existent encore; plus tard (1834), inspecteur des études, adjoint et secrétaire du conseil de l'École, puis inspecteur des études en 1836, il s' appliqua à maintenir et à faciliter l'accès du public aux cours et dans les collections de ce bel établissement, à développer le bureau d'essai créé par M. l'inspecteur général Berthier. En même temps, il étudia les projets d'agrandissement auxquels il donna une impulsion décisive lorsqu'en janvier 1848 il devint directeur de cette école.

    Les résultats de son utile influence ont été signalés avec une véritable éloquence par Senarmont, directeur des études au moment de la mort de Dufrénoy et qui devait malheureusement le suivre dans la tombe à si peu d'années d'intervalle!

    « Parmi tant de travaux utiles et glorieux, le plus utile, le plus glorieux peut-être, est la création de l'École des mines. Je dis la création, sans crainte d'être démenti par ceux qui l'ont connue telle que l'avait reçue M. Dufrénoy et qui la connaissent telle qu'il l'a laissée.

    « Entre ses mains, tout a changé de face ; des collections de toute nature se sont ouvertes à l'étude dans des constructions nouvelles ; l'administration et l'industrie privée ont trouvé un laboratoire toujours prêt à répondre à leurs demandes ; un grand nombre de jeunes ingénieurs sont venus chaque année puiser des connaissances spéciales à un enseignement presque transformé, et les étrangers eux-mêmes ont brigué, à l'École des mines, une place comme une faveur. » (Dans l'intérêt de la vérité, il convient de dire que, dès 1818, des étrangers ont pu suivre les cours de l'École des mines).

    Et maintenant que j'ai parlé de Dufrénoy comme ingénieur, comme savant, comme professeur, comme administrateur, ma tâche serait imparfaitement remplie, si je ne le faisais pas connaître comme homme, c'est-à-dire, tel qu'il paraissait à ceux qui l'ont approché.

    Sa taille excédait la taille moyenne, et vers l'âge de trente ans il était si bien proportionné qu'il paraissait moins grand qu'il n'était réellement; il avait alors une véritable élégance corporelle que l'âge altéra plus tard par un peu d'embonpoint.

    Sa tête était légèrement penchée en avant; sa figure, sans être régulière, avait de la distinction; elle annonçait l'intelligence ; l'expression de sa bouche et de ses yeux dénotait à la fois la bienveillance du caractère et une extrême finesse de l'esprit.

    Sa constitution très-vigoureuse lui permettait de supporter de très-grandes fatigues corporelles et, sans une atteinte de rhumatisme articulaire qu'il eut en 1824, et dont il subissait quelquefois les retours, sans une disposition aux migraines qui le forçait parfois à s'arrêter, la fatigue physique aurait difficilement pu mettre obstacle à son activité. Ses manières étaient réservées, son abord était froid envers ceux qu'il ne connaissait pas, mais plein d'aménité dans les rapports intimes ; son geste était sobre, il parlait peu, sa parole claire, nette, concise, sans manquer parfois d'élégance, avait souvent un tour de piquante originalité.

    Il aimait les jeunes gens et se plaisait à entourer de sa sollicitude, au commencement de leur carrière, les élèves de l'Ecole des mines qui se recommandaient d'ailleurs par leur travail et leur conduite, allant parfois jusqu'à aider de sa bourse ceux dont les familles ne pouvaient leur donner une suffisante assistance.

    Je n'ai plus à m'étendre sur les qualités de son esprit, elles sont mises en relief par ses oeuvres qui témoignent d'une grande facilité, d'une merveilleuse souplesse permettant de traiter les sujets les plus divers.

    Dufrénoy possédait en outre un véritable talent d'investigation dont la trace lumineuse brille tout autant dans ses travaux scientifiques que dans ses travaux administratifs, faculté précieuse résultant de l'heureuse association d'un esprit vif et pénétrant et d'une grande sûreté d'appréciation.

    Quant à son caractère , il avait un très-grand fonds de bienveillance et surtout d'indulgence envers les autres; il plaisantait avec ses amis d'une manière aimable et souvent avec une douce ironie dépourvue de toute intention de méchanceté, quoiqu'il sût fort bien tenir un importun à distance et même écarter un indiscret.

    Quand il souffrait de quelque indisposition, quand il était excédé par le travail, il devenait très-bref, parfois même assez brusque; mais devinait-il qu'il vous eût blessé, il n'y avait sortes de moyens qu'il n'employât pour effacer jusqu'aux moindres traces d'une impression désagréable.

    Il n'avait de sévérité réelle qu'envers ceux qui manquaient de droiture et de délicatesse, défauts trop contraires à sa nature loyale pour qu'il pût les supporter.

    Dès ses plus jeunes années, il inspirait la confiance et l'amitié, et quand il avait contracté une liaison, elle était durable. Je ne saurais mieux faire comprendre cette disposition de son excellent coeur qu'en reproduisant l'extrait d'une lettre qu'il écrivit à un ami dont il avait reçu les félicitations à l'occasion de son entrée à l'Institut.

    « Je vous remercie de votre bonne lettre....., nos occupations nous empêchent quelquefois de nous donner signe de vie pendant des mois entiers ; mais si une circonstance heureuse nous arrive, si un malheur vient nous frapper, on est sûr que les véritables amis viennent partager votre bonheur et soulager votre peine, j'étais donc convaincu que vous auriez appris avec plaisir ma nomination à l'Academie..... Notre amitié est du reste à l'épreuve de tout événement. Quand on a voyagé ensemble plusieurs années, quand on a partagé les mêmes fatigues et qu' on a éprouvé les mêmes émotions, il est impossible de rester indifférent l'un pour l'autre. Si les caractères ne sympathisent pas, on est brouillé à tout jamais, mais quand au contraire on a le bonheur de s'entendre, on se voue une amitié durable, et j'espère que la nôtre sera à toute épreuve, même à l'épreuve de l'éloignement. »

    Les qualités précieuses dont il était doué lui valurent, en 1850, d'être désigné par le voeu de ses concitoyens, comme adjoint au maire du douzième arrondissement de Paris, qui renferme l'École des mines, et fort peu de temps après, d'être proposé comme maire de cet arrondissement par M. Berger, alors préfet de la Seine, fonctions que la multiplicité de ses occupations l'empêcha d'accepter.

    Le même motif lui fit écarter des offres très-sérieuses qu'il reçut avant 1848 pour remplacer, comme député de la Gironde, son beau-père, M. Jay, qui, pendant plusieurs sessions avait représenté ce département à la chambre élective.

    Ces instances furent renouvelées, sans plus de succès, au mois de mars 1848.

    Je ne dirai pas ce que fut Dufrénoy dans l'intérieur de sa famille, pour en juger il faudrait l'y avoir connu, ou avoir lu les lettres qu'il écrivait, empreintes d'une joie vraiment naïve ou d'une profonde douleur, suivant la nature des événements dont elles rendaient compte.

    Il a laissé trois fils, dont l'aîné occupe une grande position dans l'industrie belge, dont les deux autres remplissent des fonctions publiques en France.

    Vers l'âge de soixante-trois ans sa robuste constitution commença à fléchir, ébranlée, moins par les fatigues corporelles que par celles de l'esprit ; le travail intellectuel etait son plaisir, son bonheur, il ne savait pas modérer son ardeur ; sa santé dut s'en ressentir. Toutefois, rien n'annonçait une fin prochaine , quand un accident imprévu vint compromettre, et le 20 mars 1857 fut le dernier jour de cette carrière si belle, si utile et si noblement remplie.

    Dufrénoy était alors inspecteur général de première classe au corps impérial des mines, directeur de l'École des mines, professeur au Muséum d'histoire naturelle, commandeur de la Légion d'honneur, commandeur de l'ordre des SS. Maurice et Lazare de Sardaigne , d'Isabelle la Catholique d'Espagne, de Saint-Stanislas de Russie, de l'ordre du Christ de Portugal ; il était un des membres fondateurs de la Société géologique de France, membre de la Société géologique de Londres, de la Société philomatique, membre de l'Académie des sciences, etc.

    Je me suis complu dans cette longue énumération pour avoir l'occasion d'ajouter que ses grades, ses honneurs, ses dignités, il ne les dut qu'à son labeur et que s'il rencontra dans sa vie des protecteurs, il les devait à l'irrésistible attrait de ses éminentes qualités.

    Pouvais-je donner un meilleur enseignement, offrir un plus noble exemple aux jeunes générations qui se destinent à la carrière de Dufrénoy ?