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                  N° 114 - Avril 2024 - Pollutions industrielles : qu’est-ce qu’une industrie propre ?                  
                Vision du Bureau européen de  l’Environnement pour la révision de la directive IED  
                
                Par Christian SCHAIBLE 
                  Bureau Européen de l’Environnement (EEB) 
                  
                La directive sur les émissions industrielles  – refonte de celle de 2008 relative à la prévention et réduction intégrées de  la pollution – (ci-après « IED ») 2010/75/UE couvre environ 50 000 activités  industrielles qui sont responsables d’environ 40 % des émissions de gaz à effet  de serre de l’UE, 50 % des émissions de polluants de l’air, et 20 % en flux  pour les émissions dans l’eau avec un coût externe évalué entre 277 et 433  milliards d’euros par an.  
                  Les principales dispositions découlent des  obligations fixées dans les prescriptions contenues dans les permis,  déterminées par les autorités compétentes des États membres. Les conditions  d’autorisation doivent respecter des principes et obligations généraux,  notamment la cohérence des conditions d’autorisation avec les conclusions sur  les Meilleures Techniques Disponibles (MTDs) des documents de référence de  meilleures techniques disponibles (dits les « BREFs »), qui sont périodiquement  révisés sur une base d’échange d’informations entre l’industrie concernée, les  États membres, les ONG de protection de l’environnement (tels que le Bureau  Européen de l’Environnement – EEB) et la Commission européenne.  
                  L’auteur aborde les points clefs et grands  enjeux de la révision de l’IED (ci-après « IPPC 3.0 ») et du Règlement sur le  Portail sur les Émissions Industrielles (ci-après « IEP-R »), de sa perspective  (personnelle) et/ou pour le compte de son organisation (EEB), notamment en ce  qui concerne la question sur la plus-value éventuelle de ce nouveau cadre pour  définir ou promouvoir une « industrie propre », avec des points de frictions  entre le positionnement des ONG, certaines industries (notamment de l’élevage  intensif) et/ou certains gouvernements sur ces points. 
                  Remarque : L’évaluation ci-dessous suppose  que la version de l’accord commun (15 décembre 2023) constitue la version  finale.  
                  En résumé, le cadre révisé pourra apporter  quelques avancées utiles sur la transition vers une industrie propre sur les  aspects suivants : 
                  Un recadrage de ce qui est une meilleure  technique disponible (MTD), qui exclura toute option de l’âge fossile et qui se  focalisera davantage sur la protection de la santé et la substitution de  substances dangereuses. La plus-value concrète de la nouvelle définition de «  transformation en profondeur » avec un triple objectif de protection à  atteindre avant 2050 dépendra largement de l’honnêteté et de l’engagement réel  des parties prenantes dans la détermination de ces nouvelles MTDs, y compris  pendant la phase d’élaboration des plans de transitions par les opérateurs. Le  devoir pour l’opérateur d’élaborer des « plans de transformations » par  installation, même si on s’attend à du concret, risque de devenir un exercice  de greenwashing. Le fait que ces plans doivent être faits au plus tard en 2030  est déjà trop tardif pour certains secteurs dont les investissements portent  sur 15 à 20 ans.  
                  Alors que l’aspect d’efficience de  l’utilisation des ressources est renforcé notamment en ce qui concerne l’eau,  une incohérence juridique et sur le fond persiste quant à l’aspect de  l’efficacité énergétique, qui reste au bon vouloir des opérateurs et des  autorités compétentes. Les exigences concrètes de performances à atteindre  restent encore à définir pour la majorité des secteurs. 
                  L’approche d’alignement quasi systématique  par les autorités des valeurs limites d’émissions vers la fourchette haute des  niveaux d’émissions associés aux MTDs (NEA-MTD) a été inversée sur le principe,  mais avec une naïveté des décideurs politique effrayante vu que ce seront : 1)  les opérateurs concernés eux-mêmes qui devront élaborer une analyse de  non-faisabilité de se conformer à la fourchette NEA-MTD la plus stricte ; 2)  qu’aucun délais précis n’a été fixé pour ces opérateurs de revoir leurs permis  ; et 3) aucun devoir explicite de contradictoire avec le public concerné sur ce  que l’opérateur compte faire en ce qui concerne ses installations. La révision  des permis en question pourra être repoussée au plus tard de 12 ans par les  autorités compétentes, ce qui permettra aux autorités compétentes proches de  leur industrie de maintenir un statu quo pour la décennie à venir. A contrario  une nouvelle dynamique est créée pour les États membres qui transposent les  conclusions MTD par des prescriptions générales, tels que la France.  
                  Dorénavant ils devront fixer les règles en  conformité de l’esprit IED, c’est-à-dire la prévention/réduction des émissions  en s’orientant vers les fourchette strictes.  
                  À l’inverse on va faire une régression  réglementaire généralisée sur les élevages intensifs par rapport à 1996/2010  concernant les porcs et volailles ainsi qu’une inaction sur l’élevage des  bovins. 
                  Les dispositions sur le renforcement du droit  à indemnisation des victimes de pollution et des sanctions ont été affaiblies  de telle manière qu’on constate une inversion du principe pollueur payeur. 
                  L’extension du champ d’application (activité  minière, Giga fabriques de batteries) est dérisoire, de mineures avancées ont  été prévus pour la (co)-incinération des déchets. 
                  Des avancées sur la transparence et mise en  contexte utile des données de performances environnementales ont été apportées  notamment par le règlement connexe établissant le Portail sur les émissions  industrielles et l’obligation de système de e-permis / procédures par voie  électroniques. 
  
                  
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