Camille CAVALLIER (1854-1926)

Père de Charles et Henri ; beau-père de Marcel PAUL.

Le texte qui suit est extrait d'une plaquette publiée à la mort de C. Cavallier. Auteur et éditeur ne sont pas indiqués sur la plaquette.

OFFICIER DE LA LÉGION D'HONNEUR ;
TITULAIRE DE LA MÉDAILLE D'HONNEUR DU TRAVAIL POUR CINQUANTE ANNÉES DE SERVICES INDUSTRIELS;
TITULAIRE DE LA PREMIÈRE GRANDE MÉDAILLE D'OR DU COMMERCE EXTÉRIEUR (8 DÉCEMBRE 1923)
Président de la Société Anonyme des Hauts Fourneaux et Fonderies de Pont-à-Mousson ;
Président de la Société des Charbonnages de Beeringen ; Président de la Société des Fonderies de Brebach ;
Président de la Société Eau et Assainissement ;
Président des Fonderies de Bayard et Saint-Dizier ;
Vice-Président des Charbonnages de Charlemagne ;
Ancien Vice-Président de la Société des Aciéries de Micheville ;
Administrateur de la Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine et d'Homécourt ;
Administrateur de la Société Lorraine des Aciéries de Rombas ;
Président des Charbonnages de Haute-Vigneulles ;
Vice-Président des Charbonnages de Longeville ;
Administrateur des Charbonnages de Faulquemont ;
Président de la Société des Mines de Bazailles ;
Administrateur de la Société Nancéienne de Crédit Industriel et de Dépôts ;
Administrateur de la Banque de France de Nancy ;
Administrateur des Hauts Fourneaux, Forges et Aciéries d'Allevard ;
Administrateur de la Société des Mines de Chazé-Henry ;
Administrateur de la Société des Charbonnages de Guilford (Kent) ;
Administrateur de la Société des Charbonnages de Lyon
Président Honoraire de la Chambre de Commerce de Nancy ;
Ancien membre de la Commission de Direction du Comité des Forges de France ;
Membre du Comité des Forges de la Sarre ;
Membre du Comité Consultatif supérieur du Commerce et de l'Industrie ;
Membre de la Commission des Coefficients au Ministère des Finances ;
Membre de la Commission d'examen des Candidats Attachés et Agents Commerciaux au Ministère du Commerce et de l'Industrie ;
Président d'Honneur du Groupe des anciens élèves des Écoles Nationales d'Arts et Métiers ;
Membre du Comité de perfectionnement de l'École Nationale des Mines de Saint-Etienne ;
Membre effectif de la Société Belge de Géologie, de Paléontologie et d'Hydrologie ;
Membre d'Honneur étranger de l'Association des Ingénieurs sortis de l'École de Liège ;

M. C. CAVALLIER est né le 19 mai 1854, à Pont-à-Mousson, département de la Meurthe.

Son père est un modeste fonctionnaire des Eaux et Forêts, homme au tempérament imaginatif et prime-sautier, mais par ailleurs très averti, dont il aimera plus tard à rappeler les axiomes et les dictons favoris.

Sa mère est une de ces Lorraines admirables qui, malgré leur coeur très tendre, savent élever leurs enfants dans des principes avec lesquels elles leur apprennent à ne point transiger. C'est une femme de devoir, supérieurement intelligente et bonne, à laquelle M. C. CAVALLIER vouera toute sa vie un véritable culte.

Il est l'aîné des enfants. Deux autres naîtront : une soeur nommée Sophie, Religieuse de l'Ordre de Saint-Charles, et un frère, Henri CAVALLIER, Membre du Conseil d'Administration de la Société de Pont-à-Mousson.

La famille habite longtemps en plein coeur de ce Bois-le-Prêtre, que la dernière Guerre a rendu si douloureusement célèbre. C'est de cette habitation , éloignée d'environ 5 kilomètres de la ville, que Camille CAVALLIER se rend chaque jour au Collège de Pont-à-Mousson lorsqu'il y est admis, en octobre 1867.

Dés la première année, il obtient le premier prix d'excellence. Un peu plus tard il est classé troisième au Concours Académique. Il obtient un accessit au Concours Général en juillet 1870 et la même année est admissible premier du département à l'École Nationale des Arts et Métiers de Châlons-sur-Marne.

Déjà à cette époque, il jouit auprès de ceux qui l'entourent, c'est-à-dire de ses camarades de Collège et de ses compagnons de jeu, d'une véritable notoriété : la supériorité de son esprit et de son caractère s'est affirmée. On lui demande conseil, on aime à entendre sa parole.

Mais voici l' « Année terrible ».

M. C. CAVALLIER dira plus tard avec quel intérêt passionné il a suivi les événements, et les batailles qui ont eu lieu à Pont-à-Mousson même et dans les environs.

Plus d'une fois, sa jeune curiosité le pousse, insouciant, au milieu du danger.

Après la tourmente, il rentre au Collège à la réouverture de cet Établissement au printemps de 1871, mais pour quelques mois seulement. En fin d'année il obtient, en effet, le diplôme de fin d'études de l'Enseignement Secondaire Spécial avec la mention très bien et il est reçu définitivement à l'École des Arts et Métiers de Châlons-sur-Marne, où il entre le 15 octobre 1871, n° 5 de sa promotion.

Il sort de cette École, médaillé, le 31 juillet 1874. Ses études à peine terminées, il entre aussitôt, dés le 1er août 1874, à la Société de Pont-à-Mousson, qui ne comprend alors que la seule Usine de Pont-à-Mousson et la Mine de fer de Marbache (Bassin de Nancy).

L'Usine de Pont-à-Mousson, créée en 1856, est dirigée depuis 1859 par M. Xavier ROGÉ.

Celui-ci, qui est également un ancien élève des Arts et Métiers, où il fit de brillantes études, a alors redressé la situation de la Société, très compromise à l'époque où il y est entré. Il y a commencé, l'un des premiers parmi les métallurgistes de l'époque, la dénaturation des fontes de Meurthe-et-Moselle en l'appliquant à la fabrication des fontes moulées et plus spécialement des tuyaux en fonte.

Mais l'importance de la production est encore bien faible, les hauts fourneaux ne produisant guère que 50.000 tonnes par an, dont 12.000 tonnes seulement sont transformées en fontes moulées.

A son entrée à la Société, M. C. CAVALLIER fait un stage de quatre mois au service des Études et Travaux jusqu'à son incorporation militaire le 5 novembre 1874. [La mère de Camille CAVALLIER était la femme de ménage de X. ROGÉ].

Il accomplit son volontariat d'un an à Versailles, au 1er Régiment du Génie jusqu'au 1er novembre 1875.

Il en sort classé premier et titulaire du Brevet d'admission au grade de sous-lieutenant de réserve.

Le 2 novembre 1875, il reprend son service à la société de Pont-A-Mousson, qu'il ne quittera plus jusqu'a sa mort.

A sa rentrée, il est affecté d'abord à la Fonderie « à plat ». Puis il demeure une année à la Fonderie « debout » en second du Chef de Service.

M. Xavier ROGÉ, parmi beaucoup de qualités éminentes, avait incontestablement celle de savoir distinguer et choisir ses Collaborateurs.

Dès novembre 1877, il appelle auprès de lui, au Service Central, M. C. CAVALLIER. M. CAVALLIER est peu après chargé d'organiser le Service commercial et le Service des Transports de la Société.

A cette époque, la Société de Pont-à-Mousson ne dispose, pour son alimentation en minerai de fer, que des mines de Marbache et de Custines, dans le Bassin de Nancy, mines qui fournissent environ 100.000 tonnes par an de minerai siliceux.

En 1882, à la suite de recherches faites dans la région de Millery, Pont-à-Mousson demande une nouvelle concession, qui est injustement refusée.

Cet échec incite M. ROGÉ à faire des recherches vers la frontière de la Lorraine annexée : un sondage est exécuté au nord-est du village d'Auboué, dans la vallée de Ramévaux.

Peu de temps après, deux autres sondages seront commencés, l'un par Vezin-Aulnoye, prés de Joeuf, l'autre par M. LABBÉ, près de Moutiers, mais c'est certainement le sondage de la Société de Pont-à-Mousson prés d'Auboué qui est commencé le premier et qui recoupe, le premier, les deux couches supérieures de la formation ferrugineuse le 1er décembre 1882.

Le Bassin de Briey est découvert !..

Malheureusement, quelque temps après la rencontre des deux couches supérieures, le sondage est arrêté. L'entreprise chargée de l'exécution déclare, en effet, que la formation ferrugineuse est complètement traversée et qu'elle a rempli son engagement.

M. ROGÉ charge M. C. CAVALLIER d'étudier la question. Celui-ci acquiert la conviction que, contrairement à l'opinion de M. BRACONNIER, alors Ingénieur des Mines à Nancy, le gisement de fer en Lorraine annexée peut comporter plus de deux couches, pressent que le sondage de Ramévaux n'a pas recoupé toute la formation et obtient de M. ROGÉ l'autorisation de faire continuer les recherches.

C'est ainsi que le sondage de Ramévaux sera repris et qu'en avril 1883 sera recoupée une couche de 4 métrés d'épaisseur : la couche grise est traversée !

Le 11 août 1884, la concession d'Auboué est accordée à la Société de Pont-à-Mousson.

En 1886, la Société, jusqu'alors en commandite, est transformée en Société anonyme et prend la raison sociale qu'elle a conservée encore aujourd'hui.

M. Xavier ROGÉ en devient l'Administrateur unique.

Il laisse alors de plus en plus d'initiative à M. C. CAVALLIER.

Les concessions de Vieux-Château et de Belleville, dans le bassin de Nancy, sont accordées à la Société de Pont-à-Mousson, respectivement les 17 août 1888 et 25 mai 1892.

D'autre part, Pont-à-Mousson acquiert la mine de Malzéville et la mine de Grande-Goutte, également dans le Bassin de Nancy.

Sur la proposition de M. Xavier ROGÉ, M. CAVALLIER est nommé Sous-Directeur de la Société, le 15 janvier 1895, par l'Assemblée Générale des Actionnaires.

Les techniciens chargés de l'étude de la mise en exploitation d'Auboué déclarent que la traversée des morts-terrains surmontant le gisement sera très difficile à cause de l'eau « et que dans l'état où l'art des mines est arrivé, la création d'un siège d'exploitation à Auboué est impossible ».

Cependant, malgré ces avis défavorables, la mise en exploitation d'Auboué est entreprise en 1896. M. G. CAVALLIER décide d'y appliquer le procédé de fonçage par congélation, bien que ce dernier n'ait été jusqu'alors utilisé que pour des profondeurs de 50 à 60 mètres. A Auboué, il s'agit de traverser plus de 100 mètres de morts-terrains aquiféres.

Entreprise ardue, bien aléatoire, mais qui sera couronnée de succès. Le fonçage du premier puits d'Auboué, longuement décrit dans les Annales des Mines, témoigne d'un grand progrès dans l'art des mines. La comparaison de ce fonçage d'Auboué avec celui de Beeringen entrepris dix ans après, s'impose à l'esprit.

1899-1900. - Nomination de M. C. Cavallier comme Codirecteur général. -Retraite de M. Xavier Rogé.

Le 31 janvier 1899, M. Xavier ROGÉ propose à l'Assemblée Générale, qui l'accepte, la nomination de M. C. CAVALLIER en qualité de deuxième Administrateur de la Société et de Co-Directeur Général. Sa santé devenant très précaire, M. Xavier ROGÉ se retire, en décembre 1900. L'Assemblée Générale nomme M. Xavier ROGÉ Administrateur Honoraire et M. C. CAVALLIER reste seul Administrateur.

M. C. CAVALLIER a écrit lui-même :

« La période qui s'est écoulée de 1899 à 1914, c'est-à-dire de 15 ans, représente certainement la période la plus active et la plus belle de ma carrière industrielle. En 1899, j'avais 45 ans, je me sentais tout à fait en forme, bien maître de toutes les branches de mon métier, ayant la perception exacte du but à atteindre et des moyens à employer pour l'atteindre. »

Ce que sera pour la Société de Pont-à-Mousson cette période d'intense développement de 1899 à 1914, nous allons essayer de l'indiquer brièvement.

M. C. CAVALLIER s'attache, tout d'abord, à développer considérablement l'Usine de Pont-à-Mousson. Dés 1892, il a pris une grande part aux décisions qui ont abouti à la construction du haut fourneau n° 5, doté pour la première fois d'appareils Cowper qui seront ensuite appliqués à tous les hauts fourneaux.

Puis il étudie l'utilisation directe du gaz de hauts fourneaux pour la production de l'énergie nécessaire à l'usine. Il construit une première centrale électrique d'essai, suivie d'une grande centrale définitive.

Il développe les fonderies et améliore les fabrications par l'application systématique d'un contrôle scientifique, dont les résultats doivent, selon lui, devenir la base de la réputation commerciale de la Société de Pont-à-Mousson.

Il accentue la spécialisation de la Société dans la production des tuyaux, spécialisation commencée par M. Xavier ROGÉ.

En 1903, il dote Auboué de hauts fourneaux. En 1905, il crée la fonderie de Foug.

Ici se place un magnifique exemple de la rapidité avec laquelle M. C. CAVALLIER sait réaliser ses décisions : Le premier coup de pioche étant donné, pour cette Usine, le 7 décembre 1905, un mois après, le 7 janvier 1906, la première coulée est faite.

La progression des Usines entre 1899 et 1913-14 peut être caractérisée par le fait que dans cet espace de 14 ans la production des Établissements de la Société est quadruplée.

Le 31 mars 1899, la concession de Mairy, dans le bassin de Briey, a été accordée a la Société de Pont-à-Mousson. L'initiative en revient entièrement à M. C. CAVALLIER.

Quelques années après, en 1905, M. C. CAVALLIER achète à M. de SAINTIGNON la concession de Moineville qui sera fusionnée un peu plus tard avec Auboué, sous le nom de concession d'Auboué-Moineville, formant, pour ces deux concessions, un ensemble de 1.437 hectares d'un seul tenant.

L'approvisionnement des Usines de la Société en minerai de fer étant assuré par la mise en exploitation d'Auboué et l'obtention de la concession de Mairy, M. C. CAVALLIER se préoccupe, dés 1900, de l'approvisionnement en coke.

Il pose nettement le problème à l'Assemblée Générale du 23 janvier 1900 :

« Faut-il se contenter de construire des fours à coke et rester tributaires des Charbonnages pour les fines ?
« Faut-il essayer d'acquérir une houillère en exploitation ?
« Faut-il faire des recherches et essayer d'obtenir une concession pour la mettre ensuite en exploitation ? »

C'est à cette troisième solution que s'arrête M. C. CAVALLIER.

En janvier 1902, M. C. CAVALLIER pressent, à travers les informations contradictoires qui paraissent à cette époque sur la découverte de la houille dans le Limbourg, qu'il existe véritablement un gisement au nord de la Belgique. Il entraîne la Société de Micheville et la Société du Nord et de l'Est à s'associer à Pont-à-Mousson pour créer la Société Campinoise de recherches et d'exploitation de houille. Le 11 avril 1902, cette Société est constituée et le 15 avril le sondage de Beeringen est commencé.

Après bien des difficultés, ce n'est que le 26 novembre 1906 que la concession de Beeringen-Coursel, d'une superficie de 4.950 hectares, est octroyée à un Groupe de trois Sociétés de Recherches.

Pont-à-Mousson, qui a des intérêts dans deux d'entre elles, participe ainsi à la constitution de la Société des Charbonnages de Beeringen, le 23 février 1907.

Le gisement est très beau mais il est recouvert par des morts-terrains d'une épaisseur variant de 550 à 700 métrés, aquiféres sur une grande partie de leur hauteur et composés de sables boulants immédiatement au-dessus de la tête du houiller.

Le problème du fonçage des puits est extrêmement ardu. Il sera néanmoins résolu, au prix d'efforts considérables et malgré les difficultés énormes provenant de la guerre de 1914-1918. Mais il faut pour cela une énergie et une confiance inébranlables qui ne feront défaut, ni à M. C. CAVALLIER, ni au Directeur chargé de la mise en exploitation, M. SAUVESTRE.

Ce fonçage, réalisé par congélation, ne sera terminé, pour le puits n° 1, que le 26 décembre 1921 et, pour le puits n° 2, le 18 décembre 1922.

En Lorraine même, M. C. CAVALLIER participe activement à l'étude du prolongement du Bassin houiller de Sarrebrück.

Il effectue, au voisinage de la station centrale de l'Usine de Pont-à-Mousson, un sondage de reconnaissance jusqu'à une profondeur de 1.500 mètres, sondage qui recoupe plusieurs couches de houille, malheureusement à grande profondeur : c'est à Pont-à-Mousson qu'est reconnue, pour la première fois, l'existence de la houille en Meurthe-et-Moselle.

Sous l'impulsion de son génial Administrateur, la Société de Pont-à-Mousson participe à d'autres recherches de charbon : elle prend ainsi des intérêts dans les Charbonnages de Limbourg-Meuse, de Charlemagne (district d'Aix-la-Chapelle), de Frédéric-Henry (même région), de Gouy-Servins, Fresnicourt, et Vimy-Fresnois (Pas-de-Calais), etc...

Pont-à-Mousson prend, d'autre part, le contrôle des Fonderies de Bayard, en Haute-Marne.

Enfin, M. C. CAVALLIER veut prémunir son oeuvre contre les crises qui assaillent périodiquement toute industrie : remarquant qu'il n'y a pas concomitance entre les crises qui frappent les fonderies et celles que subissent les aciéries, il estime utile, pour la Société de Pont-à-Mousson, de prendre des intérêts dans des aciéries. C'est ainsi que la Société acquiert des participations dans Micheville et dans Marine-Homécourt. C'est pour la même raison qu'elle s'intéressera après-guerre, comme on le verra plus loin, à certaines aciéries en Lorraine et en Sarre.

Pendant la guerre, l'activité de M. C. CAVALLIER n'est pas moins admirable et féconde :

L'Usine de Pont-à-Mousson, occupée pendant quelques jours au début de la guerre, reste à moins de trois kilomètres des lignes allemandes. Auboué est envahi. L'oeuvre paraît dangereusement compromise.

Néanmoins, le Chef incomparable ne perd pas confiance. Il communique sa foi à ses Actionnaires et à ses Collaborateurs. Il offre à la Défense Nationale la seule usine disponible de la Société : Foug, et y entreprend immédiatement la fabrication des munitions de guerre, malgré la proximité du front et les incursions des avions ennemis.

Mais M. C. CAVALLIER ne se contente pas de maintenir en activité pour la guerre cette usine : répondant à l'appel du Gouvernement, il crée, en 1917, à Saint-Étienne-du-Rouvray, prés de Rouen, la Fonderie Lorraine, qui travaille, elle aussi, pour la Défense Nationale.

Des ateliers sont établis à Belleville en 1916 et à Sens en 1917.

Fin 1918, obligé par les événements du Chemin des Dames de prévoir l'évacuation de Foug, il crée une cellule à Toulouse qui prend le nom de Fonderie de la Moselle. Fort heureusement, la situation militaire redeviendra favorable peu de temps après, et Foug pourra continuer à travailler jusqu'à l'armistice.

Depuis la retraite de M. Xavier ROGÉ, la Société de Pont-à-Mousson est gérée par un seul Administrateur, M. C. CAVALLIER.

Cette gestion a donné des fruits splendides et cependant à l'Assemblée Générale du 24 janvier 1917, M. C. CAVALLIER, désirant consacrer l'union intime du Capital et du Travail, propose la nomination d'un Conseil d'Administration où prendront place à la fois des Associés, représentant le Capital et des Collaborateurs, anciens et élevés, représentant le Travail.

« Ce qui assure la réussite d'une entreprise, dit-il, c'est moins la façon dont elle est organisée comme direction que la valeur de ses dirigeants et que la mentalité de tous ses participants.

« Avec des pouvoirs en quelque sorte dictatoriaux, votre Administrateur unique, en toutes circonstances importantes, n'a pas manqué de prendre l'avis de la plupart d'entre vous, Messieurs, Associés ou Collaborateurs... Ce qui a fait en réalité le succès de Pont-à-Mousson, c'est l'union morale qui existe entre tous ses Actionnaires et tous ses Collaborateurs, c'est la pensée commune profondément ancrée dans le cerveau de chacun de nous : qu'une seule chose doit compter, doit primer toute autre, et doit servir de boussole en toutes circonstances : la grandeur morale et matérielle de la Société de Pont-à-Mousson. »

A l'armistice, la tâche de reconstitution se présente formidable pour la Société :

A Pont-à-Mousson, l'usine est pilonnée par des bombardements acharnés.

A Auboué, les hauts fourneaux sont détruits, la mine hors d'état de produire.

Dans les autres usines, il faut faire face à l'arrêt des fabrications de guerre et les remplacer par des productions de paix.

La guerre ayant fait de profonds ravages dans l'ancien Personnel, il faut former de nouveaux Collaborateurs. Il faut, au point de vue commercial, reconquérir, sur le marché intérieur et à l'exportation, la place d'honneur que la Société y occupait avant guerre.

C'est une période très dure, pleine de dangers et de risques de toutes sortes, fertile en problèmes sans précédents.

Dés qu'il a pu prévoir la fin de la guerre, M. C. CAVALLIER a lancé cet appel :

« Je veux donc sonner la cloche, écrit-il, et la resonner jusqu'à ce que tout le monde soit éveillé, bien éveillé.
« La période déprimante de la guerre est finie. La victoire est à notre porte. Nous la touchons. Nous la sentons. Elle est sûre. Il s'agit de nous apprêter à reprendre nos travaux de paix. Il s'agit de nous préparer à retourner dans nos Usines, à les reconstruire, à reprendre le travail, à reprendre la clientèle, à reprendre, en somme, toutes choses, et j'invite tout le monde à faire un effort pour se réadapter, avec plus de vigueur que jamais, à l'oeuvre de reconstitution...
« Sonnons la cloche, réveillons les dormeurs, invitons tous ceux qui n'ont pas dormi à réveiller ceux qui dorment encore, à exciter au travail ceux qui n'ont pas encore retrouvé complétement leurs moyens... »
(4 septembre 1918)

Sous une telle impulsion, la Société de Pont-à-Mousson ne peut manquer de se relever rapidement.

A l'Assemblée Générale de 1925, M. G. CAVALLIER pourra annoncer que la Société a retrouvé approximativement sa production d'avant-guerre.

En même temps qu'il assure la reconstitution des Usines, M. C. CAVALLIER poursuit le rétablissement commercial de la Société : celle-ci reprend brillamment son active exportation.

Le 8 décembre 1923, à la Sorbonne, M. Raymond POINCARÉ remet à M. C. CAVALLIER la première Grande Médaille d'Or du Commerce Extérieur de la France.

La citation à l'Ordre de l'Expansion Française porte :

« M. C. CAVALLIER a été un pionnier de l'Expansion française. Plus que tout autre, il a contribué au développement de notre Commerce Extérieur.
« Sous sa haute impulsion et grâce à son effort personnel, la Société des Hauts Fourneaux de Pont-à-Mousson a pris avant la guerre une part tout à fait prépondérante sur tous les marchés extérieurs...
« Après la guerre, la Société de Pont-à-Mousson a repris progressivement son rôle de Grande Société Exportatrice, malgré les dommages énormes qu'elle a subis dans ses deux usines les plus importantes (Pont-à-Mousson et Auboué).
« ... L'effort d'expansion réalisé par M. C. CAVALLIER est unique. Il n'existe pas, en effet, de pays au monde qui n'ait été visité par les Agents de Pont-à-Mousson. Presque sur tous les marchés d'outre-mer, Pont-à-Mousson a triomphé de la concurrence étrangère et a réussi à introduire nos produits.
« Actuellement, 458 villes étrangères, dont 323 en Europe, 29 en Asie, 16 en Afrique, 89 en Amérique et 5 en Océanie, utilisent, grâce à l'initiative et à l'effort soutenu de M. C. CAVALLIER, des produits métallurgiques fabriqués en France. »

Aussitôt la guerre terminée, M. C. CAVALLIER veille au développement des participations de la Société, et notamment à la mise en exploitation de Beeringen.

De plus, sur l'invitation du Gouvernement français, Pont-à-Mousson prend en 1919-1920 le contrôle d'une affaire sarroise très importante ayant la même spécialité.

Pont-à-Mousson participe également, avec d'autres Sociétés, à l'acquisition des Usines Lorraines mises en liquidation et notamment de Rombas.

M. C. CAVALLIER acquiert, enfin, pour la Société, des intérêts dans le magnifique charbonnage de Sarre et Moselle.

C'est avec une satisfaction intime certainement très grande, que M. C. CAVALLIER peut, en toute certitude, dire à l'Assemblée Générale du 7 mai 1924 :

«Je déclare aujourd'hui que le problème est virtuellement résolu pour la Société de Pont-à-Mousson au point de vue coke comme il l'est effectivement pour le minerai de fer.
« Encore quelques années et la question combustible sera réglée pour Pont-à-Mousson.
« En d'autres termes, nous avons déjà notre indépendance pour le minerai de fer, nous aurons bientôt notre indépendance pour le combustible. »

La Grande oeuvre à laquelle M. C. CAVALLIER a consacré sa vie est de ce jour pour ainsi dire achevée...

L'oeuvre est presque achevée au point de vue industriel... M. C. CAVALLIER estime qu'elle ne l'est pas encore au point de vue social.

Depuis longtemps, cependant, il s'est attaché à créer à la Société de Pont-à-Mousson, ce qu'il aime à appeler des « oeuvres de solidarité ».

Bien avant les lois d'avril 1898 et mars 1905, la Société verse aux ouvriers victimes d'accidents du travail une allocation journalière sans retenue sur les salaires.

Dés 1895, la Société organise dans ses Usines de Pont-à-Mousson un service médical et pharmaceutique gratuit pour les ouvriers malades.

Un service de secours vient en aide aux ouvriers nécessiteux et momentanément gênés par suite de maladie ou charges particulières de famille.

Des étrennes et allocations de retraite sont instituées en faveur des ouvriers et anciens ouvriers décorés de la Médaille officielle du Travail, et cela sans aucune retenue sur les salaires.

Des gratifications annuelles viennent récompenser les Membres du Personnel ayant une certaine ancienneté.

Des allocations militaires sont versées aux jeunes ouvriers appelés au régiment et aux familles des réservistes.

Des bourses scolaires sont instituées.

Une succursale de la Caisse d'Épargne est créée à l'Usine de Pont-à-Mousson et les déposants sont encouragés par des primes, parfois très importantes.

De nombreuses maisons ouvrières et d'ingénieurs sont construites.

Le 19 mars 1906, est institué au Siège de la Société un Comité dit « Comité Consultatif des oeuvres de Solidarité de la Société anonyme des Hauts Fourneaux et Fonderies de Pont-à-Mousson ».

Depuis 1908, des « Fêtes du Travail », comportant des remises de médailles, un banquet, une tombola, etc..., ont lieu presque annuellement pour mettre en honneur les Membres du Personnel qui se sont le plus distingués, soit par leur travail, soit par leur dévouement, soit par leur épargne.

Ces Fêtes, suspendues pendant la guerre, sont reprises quelques années après...

De nouvelles oeuvres sont alors instituées, telles que caisses de secours comportant des allocations journalières aux ouvriers malades, allocations familiales, etc...

Et cependant M. C. CAVALLIER n'est pas satisfait!

En 1925, il fait procéder à une révision complète des oeuvres alors existantes.

Le 18 octobre 1925, au cours d'une de ces « Fêtes du Travail » qu'il a tant de joie à présider, il annonce au Personnel cette nouvelle réglementation des oeuvres de solidarité de la Société.

La veille même de sa mort, il fait voter par l'Assemblée Générale des Actionnaires la création d'un fonds d'invalidité, doté à son origine d'une somme supérieure à 2 millions de francs...

Ainsi, jusqu'à ses derniers moments, M. C. CAVALLIER se préoccupe du bien-être matériel et moral d'un Personnel qui lui est très cher et dont il connaît bien les sentiments de dévouement et d'affection à son égard.

M. C. CAVALLIER, au milieu de son labeur industriel immense, a cependant trouvé encore le moyen de faire, dans son oeuvre, une large place aux questions générales intéressant sa Corporation et son Pays.

Membre, pendant de longues années, de la Commission de Direction du Comité des Forges de France, Vice-Président, puis Président Honoraire de la Chambre de Commerce de Nancy, Membre de nombreux Comités et Associations, il apporte dans toutes les réunions auxquelles il prend part un esprit uniquement préoccupé de l'intérêt général en jeu.

Aussitôt après la guerre, il prévoit tous les dangers que comporte pour notre Pays la situation créée par la ruine de nos départements envahis et par le vote d'une loi de restriction du travail, au moment même où seul un travail accru peut sauver le Pays.

On retrouve dans ses carnets de notes, à la date du dimanche 13 avril 1919, les phrases, en quelque sorte prophétiques, qui suivent :

« Voilà cinq mois que l'Armistice est signé.
« Les préliminaires de la paix ne sont pas signés.
« Les alliés nous refusent le Rhin et, me dit-on, « les frontières de 1814.
« La loi de huit heures va être votée.
« La Confédération du Travail impose de suite « et de bonne grâce cette loi folle.
« On prévoit un budget de 22 milliards.
« Où allons-nous????? »

Ce danger qu'il voit naître, il ne cesse alors de le montrer dans ses discours, dans ses comptes rendus d'assemblées générales, dans de multiples brochures :

« Celui qui a un cerveau ou des bras et du courage, celui-là est invincible.
« Celui-là seul est au-dessus des événements.
« Et c'est un des grands malheurs de la guerre ce d'avoir déshabitué beaucoup du travail.....
« La France est menacée ou de manquer de tout, ce ou de faire faillite. On ne se nourrit pas de billets de banque.....
« Par suite de quelle aberration a-t-on songé à « réduire la durée du travail au moment où il « aurait fallu l'augmenter. »
( 10 Juillet 1920)

« Dans la griserie qui a suivi la fin de la guerre ce on a cru trop facilement qu'il n'y avait plus qu'à ce se reposer pour jouir d'une paix aussi héroïquement acquise. Quelle erreur!
« Nous n'avons pas partagé cette illusion et, ce depuis l'armistice, nous n'avons cessé de clamer :
« HAUT LES COEURS ! RÉVEILLONS-NOUS ! TRAVAILLONS! PRODUISONS! EXPORTONS! ÉCONOMISONS!»
(6 janvier 1921)

Ceux qui ont bien connu M. C. CAVALLIER ne souriront pas de voir ajouter ici qu'il s'intéressait à tout, qu'il comprenait tout avec un sens de divination extraordinaire et qu'il était homme à réussir en tout.

Ingénieur, il le fut dans tout ce que ce terme comporte de science précise, d'observation attentive et de dévouement à « l'usine ».

Avec quelle persévérance ne le voit-on pas poursuivre sans cesse les améliorations techniques, le perfectionnement du contrôle des fabrications, la création de nouveaux ateliers !

Pendant toute sa vie et jusqu'à ses derniers jours, il s'intéresse à la marche de chacun des Établissements de la Société, il donne ses précieux conseils dès qu'une question technique un peu compliquée se pose : l'ingénieur qu'il mande pour avoir l'explication de telle ou telle particularité est souvent bien étonné de s'apercevoir au bout de quelques instants que son Président connaît bien mieux que lui la question sur laquelle il l'interroge.....

Mineur, M. C. CAVALLIER le fut avec passion : « La Géologie, disait-il, est mon violon d'Ingres ».

Il ne cessait de répéter que les richesses de notre sous-sol sont encore inconnues, qu'il faut chercher, chercher toujours.

C'est à Pont-à-Mousson, nous l'avons dit, qu'en 1905, la houille est découverte pour la première fois en Meurthe-et-Moselle.

Les fonçages des puits d'Auboué en 1896 et de Beeringen entre 1911 et 1921, exécutés d'après ses directives resteront à jamais célèbres.

Pour l'exportation et l'expansion nationales, il fut un véritable précurseur et personne ne son gérait à lui contester ce titre de « pionnier de l'Expansion Française » qui lui fut conféré publiquement à la cérémonie de 1923 que nous rappelions plus haut.

Il était le Grand Chef d'une immense famille dont tous les Membres lui étaient profondément dévoués. Il fut aussi un véritable Apôtre et un Grand Français. Exhortant sans cesse ses compatriotes au Travail, il prêchait d'exemple, car si M. C. CAVALLIER fut une intelligence géniale, un Chef au jugement juste, à la décision rapide, ce fut aussi un infatigable Travailleur.

Le 18 octobre 1925, à cette Fête du Travail que nous avons déjà évoquée et qui célébrait le Jubilé Industriel de M. C. CAVALLIER, celui-ci, refoulant avec peine l'émotion qui l'étreignait, s'écriait :

« Travailleur acharné moi-même, je mets pour ainsi dire le Travail au-dessus de tout.
« J'ai la plus grande estime pour les Travailleurs et tout ce qui me vient d'eux m'est infiniment cher.
« On exalte mon oeuvre de Travailleur. N'exagérons pas, et si j'ai beaucoup travaillé, si je travaille encore, je n'y ai pas grand mérite ! Le Travail, retenez cela les jeunes ! comporte en lui-même toutes les récompenses!
« Il donne la santé du corps, il donne la santé de l'esprit. C'est le refuge en toutes choses. Le Travail est la base de la dignité humaine ! »

M. G. CAVALLIER est mort dans sa propriété de Gentilly, à Maxéville, prés Nancy, le jeudi 10 juin 1926, vers 10 heures du matin, d'une crise cardiaque que tous les soins prodigués immédiatement n'ont pu vaincre.

La veille encore, il avait présidé avec sa grande autorité l'Assemblée Générale des Actionnaires de la Société de Pont-à-Mousson.

Il fut terrassé par le mal alors qu'il s'apprêtait à se rendre de grand matin comme d'habitude à son bureau de la rue Saint-Léon, à Nancy.

Jusqu'à ses derniers moments, malgré d'atroces souffrances, il resta maître de lui et sut trouver un dernier sourire pour accueillir le Révérend Père LEMARCHAND, de l'Ordre des Dominicains, qui vint lui apporter le suprême Viatique.

Sa mort fut ce qu'il pouvait la souhaiter : celle d'un soldat sur le champ de bataille.

La savait-il aussi proche ? Ceux qui l'entouraient espéraient le conserver longtemps encore tant son activité restait entière et jeune. Quant à lui, peut-être pressentait-il mieux la vérité. Il parlait souvent du terme de sa vie et s'y préparait depuis longtemps, ajoutant ainsi à tant de courages le plus méritant de tous.

La perte d'une si grande Force, d'un si grand Cœur et d'une si grande Pensée a profondément frappé ceux sur qui sa puissance rayonnait depuis tant d'années......


D'après Les ECHOS, 8 août 2005 :

La fortune personnelle de C. Cavallier était estimée à 10 millions de francs or en 1910, montant certes important mais faible par rapport à la valeur de l'entreprise qu'il dirigeait. En effet, pour lui, son travail passait avant tout.

Pour permettre aux familles fondatrices de mieux contrôler Pont-à-Mousson, Cavallier crée un pacte d'actionnaires entre ses enfants, les héritiers de Xavier Rogé (une fille et un gendre), le colonel Plassiart et le banquier Lenglet. Ce pacte au sein de la société financière FILOR durera jusqu'à 1964, date à laquelle Roger Martin devient PDG de Pont-à-Mousson.