Voir aussi les biographies de Charles Combes par J. Bertrand, L. Aguillon et A. de Lapparent.


DISCOURS PRONONCÉ SUR LA TOMBE DE M. COMBES,
INSPECTEUR GÉNÉRAL DES MINES ET DIRECTEUR DE L'ÉCOLE DES MINES.
PAR M. LE GÉNÉRAL MORIN, Membre de l'Académie des Sciences.

Messieurs,

Au moment où notre section de mécanique s'occupait de remplir le vide laissé dans ses rangs par la mort de notre regretté confrère le général Piobert, un coup aussi douloureux qu'inattendu vient de la priver du précieux concours d'un des membres de l'Académie les plus dévoués à la science.

Ancien élève de l'École polytechnique, où il était entré en 1818, à l'âge de dix-sept ans, Combes (Charles-Pierre-Mathieu) en était sorti en 1820, admis dans le corps des ingénieurs des mines, dont il était destiné à devenir une des illustrations. A l'aptitude remarquable pour les sciences dont il avait fait preuve dans cette école célèbre, il joignit de bonne heure le goût et l'art de l'observation et des applications, qui confirment ou modifient les règles de la théorie en étendant son domaine et en montrant que, s'il n'est pas toujours donné d'atteindre complètement le but, elle n'en est pas moins le flambeau qui doit guider dans toutes les recherches.

Dans les premières années de sa carrière, la direction naturelle de son esprit l'engagea à s'occuper d'importantes exploitations industrielles, dont les travaux se rattachaient directement d'ailleurs aux études de l'ingénieur des mines. Celles de Sainte-Marie-aux-Mines, dans les Vosges, et les usines de Firminy le virent successivement donner des preuves de cette instruction et de cette aptitude si variées qui, développées de plus en plus dans sa longue et laborieuse carrière, en faisaient un juge si sûr dans la plupart des questions industrielles.

Son amour de l'étude et son dévouement à ses devoirs d'ingénieur le portaient à approfondir toutes les parties de son art, et on lui doit un grand nombre de travaux ausssi divers qu'importants, ainsi que l'invention de plusieurs machines ou appareils d'une grande utilité, parmi lesquels nous citerons seulement un ventilateur aspirant, spécialement applicable à l'aérage des mines humides, et un anémomètre d'un usage précieux pour les expérimentateurs.

Ne perdant jamais de vue les services que la science peut et doit rendre à l'humanité, Combes dirigeait de préférence ses études sur les questions pratiques qui se rattachaient à l'art des mines.

De nombreux mémoires insérés dans le journal des sciences mathématiques de notre savant confrère, M. Liouville, attestent sa fécondité.

Mais son travail le plus important sur ces matières, et celui qui servira longtemps encore de guide aux ingénieurs, a été son Traité de l'exploitation des mines, ouvrage capital, où toutes les questions sont abordées et traitées avec le secours de la science et de l'expérience. .

Tant de travaux désignaient naturellement Combes pour l'enseignement des jeunes ingénieurs du corps illustre auquel il appartenait. Appelé successivement à professer à l'École des mines le cours d'exploitation et, plus tard, à en diriger les études, il y fit preuve de toutes les qualités qu'exigent ces importantes fonctions.

Ses nombreuses recherches scientifiques avaient depuis longtemps appelé sur lui l'attention de l'Académie, et, en 1847, il fut nommé pour succéder à Gambey.

Vous avez tous, Messieurs, pu juger que Combes n'était pas du nombre de ceux qui se reposent, quand ils ont atteint le noble but de leur ambition. Travailleur infatigable, toujours dévoué à la science, il était un des membres les plus assidus à nos séances, et de nombreux rapports sur les sujets les plus variés attestent à la fois sa fécondité et son profond sentiment du devoir.

Non moins soucieux de la dignité de l'Académie, vous l'avez toujours trouvé prêt à défendre et à sauvegarder son indépendance.

Son dévouement pour les questions où il pouvait porter la lumière l'avait conduit à participer aux travaux de nombreuses commissions, et jamais il ne se refusait à de semblables appels. Le comité consultatif des chemins de fer, celui des arts et manufactures, la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, avaient trouvé en lui le plus utile concours.

Devenu inspecteur général des mines, membre de l'Institut, entouré d'une famille chérie, Combes pouvait se flatter d'achever en paix, au sein des plus douces affections, une carrière si bien remplie. La mort en a décidé autrement, et, encore plein de force et de vie, il nous a été subitement enlevé. Il laisse parmi tous ceux qui l'ont connu le souvenir, d'un homme de bien, d'un fervent ami de son pays, de la science et de la vérité. Puisse-t-il, au sein de la source éternelle de toute vérité, trouver la récompense de l'amour qu'il lui portait !


DISCOURS DE M. DE BILLY,
Inspecteur général des mines.

Messieurs,

L'homme éminent que nous accompagnons à sa dernière demeure appartenait, depuis cinquante-deux ans, au corps des mines; la mort l'a surpris au moment où, atteignant l'âge de la retraite, il allait se séparer de nous après avoir occupé le premier rang, plus encore par son mérite que par son grade.

Charles-Pierre-Mathieu Combes, naquit à Cahors, le 26 décembre 1801 ; son père, Pierre Mathieu Combes, officier supérieur de gendarmerie, ne tarda pas à découvrir dans son jeune fils les aptitudes les plus variées et les plus précieuses.

Grâce à de très-fortes études, Ch. Combes entra à l'école polytechnique avant l'âge de dix-sept ans (1er novembre 1818) et, le 15 novembre 1820, il était admis à l'École des mines.

C'est ainsi qu'à l'âge de dix-huit ans, auquel beaucoup de jeunes gens sont encore incertains sur le choix de leur carrière, Combes avait assuré la sienne à la suite des plus brillants concours.

Autrefois, les cours de l'école des mines étaient répartis sur deux années, mais tous les élèves y restaient trois ans; Combes fit exception à la règle ; en deux années il avait satisfait à toutes les conditions exigées, et il était déclaré hors de concours le 1er juillet 1822.

Aussitôt après sa dernière mission d'élève, il fut nommé (15 octobre 1823) professeur de mathématiques et de levée des plans à l'école des mineurs de Saint-Étienne.

Désireux d'appliquer sans délai ce qu'il avait appris si vite et si bien, Combes, peu après sa nomination au grade d'ingénieur de seconde classe, alla prendre, en mai 1824, la direction des mines de La Croix et Sainte-Marie-aux-Mines qu'une compagnie cherchait à remettre en activité. Mais l'insuffisance des fonds dont elle disposait mit bientôt un terme à cette entreprise, et Combes rentrait (octobre 1826) à l'école des mineurs, où il professa les mathématiques, la mécanique et la levée des plans. En même temps, il fut chargé du service des mines dans une partie du douzième arrondissement minéralogique.

Tout en lui conservant le professorat, l'administration (août 1827) autorisa l'habile ingénieur à diriger provisoirement les mines de houille de Firminy et de Roche-la-Molière, situation dans laquelle il perfectionna les connaissances pratiques dont il sut, plus tard, tirer si bon parti dans les différentes positions qu'il a occupées. En 1832, quand il venait de passer à la première classe de son grade, il fut chargé du cours d'exploitation à l'école des mines [de Paris]. Depuis cette époque, il n'a plus quitté Paris, et sa nomination au grade d'ingénieur en chef (décembre 1836) n'a eu d'influence ni sur sa résidence, ni sur ses fonctions de professeur dont il s'acquittait avec une incontestable supériorité; seulement l'administration y ajouta la direction du service des appareils à vapeur dans le département de la Seine et le secrétariat de la commission des appareils à vapeur.

L'avancement de Combes avait été aussi rapide que justifié par ses services dans le corps et par d'innombrables travaux techniques et scientifiques, qui lui attiraient des distinctions de l'ordre le plus élevé.

Décoré fort jeune, il recevait la croix d'officier en avril 1847.

L'Académie des sciences l'avait admis dans son sein la même année, et les missions les plus variées lui fournissaient a la fois de nombreux travaux et l'occasion de faire valoir ses rares capacités.

En 1851, la société belge de la Vieille-Montagne le nommait arbitre dans une contestation avec un concessionnaire.

En 1855, la compagnie des fonderies et forges d'Alais lui confiait l'expertise de ses constructions et de son matériel. En 1856, c'était la société des mines de fer des environs d'Oran qui lui demandait l'évaluation de ses apports. Pendant qu'il était inspecteur [général] de seconde classe, il fut succesivement chargé des inspections du Nord-Est, du Sud-Est, du Nord-Ouest, et, lorsqu'en 1867 il devint inspecteur [général] de première classe, il avait cessé de professer à cette école dont, peu de temps après (4 avril 1857), il devait être l'habile directeur.

En même temps, il participait aux travaux de la commission des chemins de fer; il était membre du comité d'hygiène du département de la Seine, de la société d'encouragement pour l'avancement des sciences et des arts, de la société d'agriculture; plus tard, il présida la commission des inventions, et, en 1861, il avait succédé à M. Cordier dans la présidence de la commission centrale des appareils à vapeur. A toutes ces associations et commissions il prêtait un concours actif, parfois même prépondérant.

Souvent l'industrie privée lui demandait des conseils. En 1860 (1er décembre), il devenait commandeur de la légion d'honneur; en 1865, commandeur de l'ordre des Saints-Maurice et Lazare, et, plus tard, de l'ordre de Léopold de Belgique.

En 1869, il succédait à M. Elie de Beaumont dans la présidence du conseil général des mines.

Combes savait mener de front ses nombreux travaux techniques, administratifs, scientifiques qui donnaient lieu à d'importantes publications. Son Traité d'exploitation des mines fait autorité, et son ouvrage sur la Théorie mécanique de la chaleur est assurément une des meilleures publications sur cet important sujet.

De plus autorisés que moi vous parleront de ses travaux purement scientifiques, mais le simple énoncé de ceux qu'il a accomplis comme ingénieur des mines atteste la variété de ses connaissances et une puissance de travail qui n'avait presque pas de limites.

Pour bien diriger l'École des Mines, pour bien présider le Conseil général des Mines, comme à su le faire notre éminent collègue, il fallait être à la fois homme de science, ingénieur technique, être versé dans la pratique de l'administration : Combes était tout cela.

Au Conseil des Mines, nous admirions chez lui une force d'attention vraiment merveilleuse. Quelque longue que fût la lecture d'un rapport, notre président en saisissait les points faibles ou défectueux et il les mettait aussitôt en discussion, faisant valoir son opinion avec une facilité de parole et une puissance d'argumentation qui révélait la clarté de sa pensée, la netteté de ses conceptions.

L'âge n'avait affaibli, ni sa mémoire, ni la vigueur de son esprit; il a quitté la vie dans la pleine jouissance de ses rares qualités intellectuelles auxquelles il alliait une grande indépendance, une grande générosité, une non moins grande bienveillance de caractère.

Toujours il prenait les questions par leur côté élevé, et dans sa vie administrative, il soutenait volontiers le faible contre l'homme puissant, quelquefois même avec une vivacité que rien ne pouvait réprimer et qui témoignait à la fois de son sentiment de justice et de la sincérité de ses convictions.

Nous ne nous étendrons pas sur ses qualités du coeur ; la plupart de ceux qui nous entourent ont pu les apprécier ; les larmes de sa famille et de ses nombreux amis attestent la douleur de tous ceux qui ont approché notre illustre collègue.

Il laisse deux filles et un fils qui soutient dignement dans la magistrature l'honneur du nom paternel.

L'unes de ses filles, non mariée, consacrait toute son existence à son père chéri ; nous l'avons trouvée assise au chevet du lit de l'illustre défunt. Puisse le Dieu qui frappe, mais aussi qui console, la soutenir en ces heures d'accablement et de douloureuse émotion.

Combes a offert, pendant toute sa carrière, un modèle accompli de l'usage que doit faire un homme de ces dons inappréciables dont il plaît à Dieu de doter quelques-uns ; celui à qui nous disons un dernier adieu en a su faire le plus noble emploi.

Sa mémoire vivra toujours parmi nous, entourée d'affection et de respect. Elle servira d'exemple à nos jeunes générations.


 

DISCOURS DE M. E. DUPONT,
Inspecteur de l'École des mines

Messieurs.

L'homme de bien que nous pleurons, a été et restera une des gloires du corps des mines.

Professeur pendant sept années à l'École des mineurs de Saint-Étienne, puis professeur d'exploitation pendant vingt-cinq années à l'École des mines, et enfin, pendant quinze ans, Directeur de cet établissement, M. Combes a été, durant un demi-siècle, en France, le grand maître de l'art des mines.

Et pendant cette longue période de travail, savant illustre, ingénieur émérite, conseiller éminent de l'administration supérieure, il fut toujours prêt à mettre au service du pays, sous les formes les plus diverses, sa merveilleuse intelligence, ses connaissances étendues et profondes, son organisation d'élite pour le travail, et la droiture d'une belle âme.

Je n'ai le droit de parler, messieurs, que d'une de ses oeuvres, de la part qu'il a prise à l'enseignement et à l'administration de nos écoles minérales.

Dès 1825, au début de sa carrière, M. Combes fut attaché comme professeur à l'Ecole de Saint-Étienne, et il y remplit ces fonctions pendant deux ans.

Sa notoriété spéciale de mineur avait fait rechercher son concours par l'industrie active, et, pendant deux années, il dirigea les travaux de Sainte-Marie-aux-Mines.

Rappelé à l'École de Saint-Étienne en 1827, il reprit ses fonctions de professeur, qu'il garda jusqu'en 1831, tout en prêtant un concours éclairé à l'industrie houillère de la Loire, par la direction des mines de Roche-la-Molière et Firminy.

C'est donc pendant sept années que M. Combes a professé, à Saint-Étienne, des sciences se rapportant à l'art des mines ; les nombreux élèves qu'il y a formés ont démontré tout à la fois, en défrichant le sol minier de la France, et leur propre mérite et celui de leur illustre maître.

Appelé à l'École des Mines de Paris en 1832, M. Combes y a professé activement, pendant dix sept ans, l'exploitation des gîtes minéraux; et, durant cette longue période, il cumulait, comme labeur, le service des appareils à vapeur de la Seine; il rédigeait, comme secrétaire de la Commission centrale des machines à vapeur, cette ordonnance réglementaire de 1845, qui rendit, avant de vieillir, des services réels à une industrie naissante et à la sécurité publique; il faisait, à la même époque, ses belles études sur l'aérage des mines, et divers travaux scientifiques justement rappelés par d'autres que moi.

En 1857, lorsque la mort prématurée de M. Dufrénoy ravit à l'École des Mines son organisateur, M. Combes fut appelé à lui succéder dans la direction de cet établissement.

Vous savez tous, Messieurs, s'il a dignement occupé ce poste.

M. Dufrénoy, dans le juste intérêt de l'industrie des mines et forges, avait ouvert à notre école un essor nouveau par l'institution féconde des cours préparatoires ; il fallait soutenir cet essor, maintenir le niveau des études, créer des laboratoires, développer les collections, accroître les bâtiments, assurer l'instruction pratique des élèves ; il fallait enfin administrer avec intelligence et droiture une école importante.

M. Combes a fait toutes ces choses, il les a faites avec modestie ; mais nous, ses élèves ou ses subordonnés, nous ne saurions, sans ingratitude, être modestes pour lui : nous ne voulons pas être ingrats.

Messieurs,

Deux écoles minérales, établies sur des bases et dans des conditions différentes, avec cette variété qui sied bien à l'enseignement, celle de Saint-Étienne et celle de Paris, ont occupé pendant quarante sept années l'activité savante de M. Combes ; les élèves qu'il a formés disent au pays ce que ces deux écoles ont fait pour l'art des mines.

Qu'il me soit permis de le revendiquer au nom de ces deux écoles, où l'enseignement de toutes les sciences qui se rapportent aux mines et aux forges est donné avec une si entière libéralité la distribution généreuse de cet enseignement constitue certainement une des oeuvres les plus méritantes du corps des mines ; M. Combes aimait à le dire, et il en avait acquis le droit ; j'ajoute que cette oeuvre d'un enseignement minier, donné si largement par les ingénieurs de l'État, accomplit d'une manière réelle et féconde, quoique indirecte, une promesse formelle de la loi de 1810 à l'industrie minérale du pays.

Les années n'avaient pu dompter l'énergie de labeur de M. Combes : il a travaillé jusqu'à la dernière heure.

Mais la science et le travail ne sont pas tout l'homme : si nous étions fiers de votre science, ô mon maître, nous l'étions aussi de votre mâle vertu; nous tous, membres à divers degrés de cette famille laborieuse qui s'appelle l'École des Mines, et dont vous étiez l'illustre chef, nous aimions votre bienveillance inépuisable, votre justice si droite et si franche, à l'abri de laquelle chacun se sentait sûrement protégé.

Et maintenant, adieu, ô mon vénéré, mon illustre maître, nos regrets vous accompagnent, mais bien après vous, votre nom vivra dans les annales du pays. Dans les temps si durs du présent, que votre vie d'ingénieur nous soit à tous un exemple, pour l'amour de la science et de la justice, l'âpreté au travail utile, le dévouement au pays de toutes les heures, et cette fleur de vertu qui s'appelle l'honneur !


PAROLES PRONONCÉES SUR LA TOMBE DE M. COMBES
Par M. VOISIN, élève de l'École des mines.

Qu'il nous soit permis, à nous aussi, qui avions voué à notre vénérable maître un attachement respectueux et presque filial, de déposer sur sa tombe l'humble et pieux hommage de nos regrets.

M. Combes n'était pas seulement, pour nous, le directeur plein de bienveillance et de sollicitude; il était encore, par l'éclat de sa science et de ses vertus, par l'activité infatigable de ses travaux, le modèle qui s'imposait à nos modestes efforts.

Aussi votre souvenir vivra toujours dans nos coeurs, illustre maître ; c'est en suivant vos leçons et vos exemples, que nous voulons honorer votre mémoire, et mériter d'avoir été un peu vos enfants.


PAROLES PRONONCÉES PAR M. BARRAL,
Secrétaire perpétuel de la Société centrale d'agriculture, membre du Conseil de la Société d'encouragement.

La Société centrale d'agriculture de France et la Société d'encouragement pour l'industrie nationale ont voulu que, sur le bord de cette tombe, un pieux hommage fût rendu à l'homme éminent qu'elles viennent de perdre. En leur nom, je dois remplir ce douloureux devoir.

M. Combes a appartenu, pendant vingt-deux ans, à la Société centrale d'agriculture. Il y représentait à la fois la science mécanique dont les arts agricoles ont, chaque jour, un plus grand besoin, et la culture méridionale, dont les riches produits deviennent d'autant plus abondants qu'elle s'éclaire davantage au flambeau de toutes les sciences. Il avait acquis dans nos délibérations cette légitime influence que donnent la bienveillance alliée à un grand savoir, un rare bon sens, un caractère indépendant et libéral, enfin une modération entraînante et pleine de force, parce qu'en M. Combes cette modération était le signe d'un noble caractère.

Ainsi, lorsque de longues et délicates discussions furent ouvertes à l'occasion du choix du régime commercial le plus favorable au développement de l'agriculture nationale , il a exercé une action décisive pour qu'un vote en faveur d'une sage liberté commerciale et industrielle finît par l'emporter, pour que l'intérêt public triomphât sur les intérêts particuliers s'abusant à chercher une vaine protection dans des doctrines restrictives. D'ailleurs son avis était toujours pris, lorsqu'il s'agissait d'une question difficile, et le plus souvent la majorité se conformait à l'opinion qu'il avait émise.

M Combes appartenait à la Société d'encouragement l'industrie nationale depuis 1839, au titre de membre du comité des arts mécaniques. Durant sa laborieuse carrière, il n'a pas cessé d'encourager les inventeurs; il les soutenait dans leurs épreuves, il les aidait à suivre la voie qui devait plus tôt les conduire à un résultat fécond. Devenu l'un des secrétaires des séances, il y donna l'exemple de l'assiduité la plus scrupuleuse et du zèle infatigable dans l'accomplissement de tous les devoirs. Il prêtait une plus grande valeur aux travaux qu'il analysait, par la clarté avec laquelle il en mettait en évidence les parties nouvelles ou ingénieuses. Un inventeur n'est jamais sorti des séances que réconforté, en quelque sorte, par les paroles du maître qui avait su dire tout ce qu'il fallait pour bien faire comprendre la découverte nouvelle ou le progrès proposé, en redressant parfois les erreurs et les exagérations, mais sans jamais blesser.

Ainsi, M. Combes a rendu des services incomparables, non-seulement par ses beaux travaux, mais encore par les nobles exemples qu'il a donnés. L'agriculture et l'industrie s'unissent dans une commune affliction pour pleurer sa mort inattendue. Dans des temps où la France a si grand besoin, pour triompher de ses terribles épreuves, d'être soutenue par des chefs alliant le savoir au bon conseil, par des caractères fermes et animés d'un patriotisme libéral, on se sent saisi des plus poignantes angoisses alors que des hommes ayant l'expérience et la sagesse, comme M. Combes, lui sont enlevés au milieu de la lutte et du danger. Le souvenir de notre confrère demeurera du moins pour rappeler, dans les assemblées où il ne sera plus, qu'il faut toujours et exclusivement chercher le triomphe de la vérité. L'image d'un vrai savant, bon citoyen et fidèle aux idées de liberté, restera gravé dans nos coeurs.


 

DISCOURS DE M. ELIE DE BEAUMONT.

Messieurs,

Après les paroles éloquentes et si bien senties que vous venez d'entendre, qu'il soit permis à un ancien condisciple d'ajouter encore quelques mots. Peu de personnes peuvent aujourd'hui se rappeler les premiers débuts d'une si belle carrière. En 1817, M. Combes était l'un des élèves les plus distingués du collège Henri IV, dans les classes de mathématiques. Il y était remarqué et même cité plus souvent qu'il n'arrive ordinairement à un élève. En 1818, après de brillants examens, âgé de moins de dix-sept ans, il entra à l'École polytechnique le premier de sa promotion, dans laquelle il ne quitta jamais les premiers rangs. On admirait sa promptitude de conception, sa lucidité d'élocution et de rédaction, sa facilité de travail; car il n'était pas de ceux qui doivent leur supériorité à une application exceptionnelle et, même aux époques des examens, il ne perdait rien de sa gaieté expansive et quelquefois presque bruyante. Une si heureuse organisation lui faisait des amis de tous ceux qui l'entouraient et dont les loisirs que lui ménageait sa facilité lui permettaient d'être souvent et sans appareil le répétiteur officieux.

A la sortie de l'École polytechnique, en 1820, son rang lui permettant de choisir librement sa carrière, il opta pour celle des mines. La variété des études auxquelles l'École des mines est consacrée ouvrit à son étonnante facilité un nouveau et vaste champ, où il moissonna avec tant de rapidité qu'il fut déclaré hors de concours après deux années d'études seulement, distinction que les règlements permettaient alors, mais qui était rarement obtenue.

Il avait suivi toutes les branches de l'enseignement avec une aptitude également surprenante, et il n'était pas moins apprécié par M. Berthier, professeur de chimie, et par M. Brochant, professeur de minéralogie et de géologie, que par M. Baillet, professeur d'exploitation des mines et de mécanique appliquée. C'était cependant dans le domaine de celui-ci qu'il devait se fixer définitivement pour y porter l'enseignement de la mécanique à ce degré d'élévation qui est un des titres les plus incontestés de notre École.

Il a couronné cet enseignement par la publication de son excellent Traité d'exploitation des mines et par celle de l'Exposé des principes de la théorie mécanique de la chaleur et de ses applications principales, ouvrage qui n'a paru qu'en 1867, et où cette théorie nouvelle et difficile est présentée avec la simplicité lucide qui était un des caractères du talent de M. Combes.

Je n'essayerai pas de rien ajouter à ce qui vient d'être si bien dit de la brillante carrière que M. Combes a parcourue d'un pas aussi calme qu'assuré. Je rappellerai seulement, en terminant, quelques souvenirs au sujet desquels on ne peut qu'aimer à se répéter.

A l'Académie des sciences, où il fut élu en 1847, dans la section de mécanique, M. Combes se fit remarquer, comme partout ailleurs, par l'aménité de ses manières, la sûreté de son commerce, la profondeur et la variété de ses connaissances, la finesse et la solidité de son jugement. Ne se pressant jamais d'arrêter son opinion, il l'établissait sur des bases certaines, et, après l'avoir exprimée, il était rarement conduit à la modifier.

Nommé, en 1857, directeur de l'École des mines, il continua sans effort les développements que son regretté prédécesseur, M. Dufrénoy, avait commencé à lui donner. L'honorabilité et la bonté de son caractère faisaient qu'on aimait à lui obéir. Sa fermeté continue le dispensait d'être sévère. Partout on trouvait en lui sous des formes simples et bienveillantes lejuslum ac lenacem propositi virum qu'Horace a caractérisé comme un des types les plus dignes d'estime.

Adieu, Combes! adieu, cher condisciple ! adieu, ou plutôt au revoir!!!