Charles COMBES (1801-1872)

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (major d'entrée de la promotion 1818, sorti classé 5 sur 56 élèves), et de l'Ecole des Mines de Paris (sorti en 1822). Corps des mines.

Fils de Pierre Mathieu COMBES, chef d'escadron de gendarmerie, et de Marie Salomé BEAUSEIGNEUR. Marié en 1830 à Louise Pauline BOUSQUET (1810-1841). Beau-père de Charles FRIEDEL qui épouse en deuxième noce Louise Salomé COMBES. Grand-père de Alphonse Pierre Charles COMBES (1854-1907 ; X 1874), et de Edmond Alphonse COMBES (1858-1896 ; X 1879, maître de conférences à la faculté des sciences de Paris). Charles COMBES et ses descendants cités ici étaient de religion protestante.


Biographie de Combes, par A. de Lapparent

Publié dans le LIVRE DU CENTENAIRE (Ecole Polytechnique), 1897, Gauthier-Villars et fils, TOME I, pages 194 et suiv.

L'exemple de Combes est un des plus significatifs qu'on puisse invoquer pour montrer quelle variété de services il est permis d'attendre d'un esprit vigoureux et sain, trempé aux fortes études de l'École Polytechnique. Tour à tour ingénieur, industriel, homme de science, professeur, administrateur, économiste, Combes a déployé partout une supériorité incontestée. Si sa carrière a manqué de l'éclat extérieur et bruyant qui fait la célébrité au regard de la foule, il n'en reste pas moins un des plus utiles serviteurs du pays, et réalise absolument le type qu'avaient en vue les fondateurs de l'École.

« Faire chaque jour son devoir, se préparer à celui du lendemain, allier à la bonté une rigoureuse justice, étudier sans cesse, tourner la science au profit de tous : telles furent les maximes de Charles Combes, tel est le résumé de sa vie ». Ainsi s'exprimait M. Joseph Bertrand le jour où, devant l'Académie des Sciences, il faisait revivre la figure du savant que la section de Mécanique avait perdu. C'était peindre, en quelques traits rapides, le portrait le plus ressemblant qu'il fût possible d'imaginer.

Faire son devoir et le bien faire n'est pas toujours le plus sûr moyen de réussir en ce monde. Heureusement pour lui et pour ses contemporains, Combes a vécu dans un temps relativement calme, sous une administration que sa stabilité rendait avant tout soucieuse du bien public. Aussi les plus hautes situations sont-elles venues à lui tout naturellement, comme au plus digne, sans qu'on eût à faire valoir, pour les lui décerner, d'autres titres que son indiscutable mérite et l'intérêt même des services qu'il était appelé à diriger.

Né à Cahors le 26 décembre 1801, il avait pour père un officier sans fortune. Docile et studieux, d'une physionomie ouverte et d'une gaieté expansive, doué d'une grande promptitude de conception, Charles Combes était le premier de sa classe au lycée de Cahors et se distinguait surtout en mathématiques. Mais, pour profiter d'un ensignement plus complet, il eût fallu venir à Paris, et la mort du père, survenue en 1814, avait accru la gêne de la famille au point qu'il n'était pas permis de songer à un tel déplacement. Charles Combes se chargea lui-même de lever l'obstacle, et une bourse gagnée au concours lui ouvrit, en 1816, les portes du lycée Henri IV. Deux ans après (en 1818), comme il n'était alors âgé que de 17 ans, il fut reçu le premier à l'Ecole Polytechnique, renouvelant pour son maître, M. Dinet, la satisfaction que lui avait procurée, l'année précédente, le sergent-major Elie de Beaumont. En 1820, toujours le premier, Combes arrivait à l'Ecole des Mines, où la supériorité de son travail lui faisait obtenir en deux ans, c'est-à-dire en même temps que ses anciens, le titre d'élève hors concours.

En 1828, à la suite d'un fructueux voyage d'études, il rédigea deux mémoires que les Annales des Mines s'empressèrent d'accueillir : l'un sur les forges catalanes, l'autre sur le maximum de puissance de la vapeur. Ce dernier fixa l'attention bienveillante de Navier. Désigné dès ce moment pour professer à Saint-Étienne, Combes dut ajourner l'acceptation définitive de ce poste pour remplir un devoir que la piété filiale lui dictait, celui d'être en aide à son excellente mère. Mme Combes était originaire de Strasbourg. Le fils qui l'adorait voulut, du même coup, la rapprocher de son pays et assurer son bien-être. Pour cela, il consentit à prendre la direction de la compagnie de Sainte-Marie-aux-Mines. Mais, en 1826, la mort ôta tout prétexte à ce sacrifice, car c'en était un pour Combes de mêler des préoccupations industrielles aux travaux désintéressés dont il avait le goût exclusif. Il s'empressa de revenir à Saint-Etienne, où les labeurs tranquilles du professorat lui furent une consolation. Son cours de Mécanique appliquée, commencé en 1827, marcha de pair avec la direction de la houillère de Firminy, constamment préservée, par sa vigilance, des accidents si fréquents dans le bassin. Pendant cinq ans, Combes y étudia sur place le difficile problème de l'aérage des mines, qui devait continuer à l'occuper durant toute sa carrière.

Ses succès le désignaient pour un poste supérieur. En 1832, il fut appelé à l'Ecole des Mines de Paris. Son cours y fit sensation par la nouveauté, l'ampleur et la profondeur des vues. L'un des fruits de cet enseignement fut la publication faite, de 1841 à 1845, d'un grand Traité d'exploitation des Mines, qui devait faire autorité partout. Suppléé, à partir de 1848, par Callon, Combes demeura titulaire du cours jusqu'en 1856. C'est dans cet intervalle qu'il se livra à ses savantes études sur les ventilateurs et les turbines. L'Académie des Sciences, qui lui avait ouvert ses portes en 1847, et lui avait décerné dès 1854 les honneurs de la présidence, entendit de lui, en 1860, une théorie de l'injecteur Giffard, qui venait de révolutionner l'art des machines à vapeur, en même temps que, par son originalité imprévue, cette invention mettait les savants en émoi. En 1867, Combes publiait un Exposé des principes de la théorie mécanique de la chaleur et de ses applications principales. Ce livre a mérité d'être qualifié de « guide le plus sûr vers cette science qu'il rend facile (J. Bertrand, Eloge de Combes). » On lui doit aussi plusieurs mémoires sur l'application de la thermodynamique aux machines et sur la marche à contre-vapeur des locomotives. Ainsi, dans tous ses travaux, l'ingénieur inspirait l'homme de science, et le souci d'être immédiatement utile au pays lui marquait la direction où devaient s'engager ses facultés d'analyste.

A partir de 1857, Combes eut à diriger l'Ecole des Mines, où la sagesse de son administration a laissé des traces durables. Aucun directeur n'y a joui d'une autorité personnelle plus complète; car il n'était pas moins qualifié pour marcher à la tête d'un corps savant que pour présider à la formation des futurs industriels.

Quand la retraite atteignit Élie de Beaumont, la présidence du Conseil des Mines, qu'une tradition constante avait tenue distincte de la direction de l'École, n'en fut pas moins attribuée à Combes.

On sentait qu'il y aurait eu grand dommage à ne pas donner la conduite des délibérations à un homme dont la compétence presque universelle et le lumineux bon sens devaient exercer la plus salutaire influence. Allant droit au fait, il ne se perdait pas dans les discours, et donnait à l'occasion son avis avec une franchise qui ne connaissait d'autres limites que celles de la courtoisie, à laquelle on ne le vit jamais manquer. Car si personne ne s'étudia moins à plaire, personne aussi n'évita mieux de blesser.

L'âge de Combes assignait comme terme à son activité de fonctionnaire les premiers jours de l'année 1872. Mais on n'eut pas à lui appliquer la rigueur du règlement. Un mal presque foudroyant l'enleva le 15 janvier, sans que, jusqu'à cette crise dernière, aucune défaillance eût jamais été infligée à ce vigoureux esprit. Il se sentait prêt, d'ailleurs, et si sa conduite avait été celle du sage, ses espérances portaient au delà d'un monde où il n'avait donné que des sujets de l'estimer.

Ce rapide exposé peut suffire à indiquer ce qu'a été la carrière proprement dite de Combes ; mais il faudrait l'allonger démesurément si l'on voulait seulement énumérer les services de tout ordre qu'il a rendus au pays. Combien de vies humaines ont été préservées par les soins qu'il a pris de l'éclairage et de l'aération dans les mines! Que d'explosions il a contribué à prévenir par sa vigilance comme président de la Commission des appareils à vapeur! Combien d'accidents ont été rendus impossibles, grâce à la direction qu'il imprimait aux travaux de la Commission des inventions relatives aux chemins de fer, et d'où est sorti, sous son inspiration prépondérante, le règlement aussi libéral qu'intelligent du 25 janvier 1865! Coopérateur précieux des Expositions universelles, il a encore fait sentir son action dans la Société pour l'encouragement de l'industrie. L'Association française pour l'avancement des Sciences l'a compté parmi ses fondateurs. Enfin, au sein de la Société nationale d'Agriculture, il a prouvé que les intérêts des laboureurs ne lui étaient pas moins chers que ceux des industriels. Ajoutons que, loin d'être exclusivement occupé de science ou de pratique, son esprit distingué aimait à se délasser dans la culture des lettres. Tacite, qu'il lisait dans le texte, était son auteur favori.

Le nombre est prodigieux des comités de tout genre dont Combes a fait partie. Et, ce qui est la marque distinctive de son caractère, c'est qu'il n'a jamais accepté une tâche de ce genre sans être décidé à en remplir toutes les obligations. Un trait suffit à le peindre : étant, en 1869, président de la commission du tunnel sous-marin, qui avait à se prononcer sur les conditions d'établissement d'un tube métallique, il n'hésita pas à traiter lui-même la question par l'analyse mathématique, afin de vérifier si les prévisions de l'inventeur de ce projet pourraient être réalisées. A partir de 1863, Combes a été l'un des membres les plus assidus du Conseil de perfectionnement de l'Ecole Polytechnique.

Un homme qui joint le bon sens le plus ferme à une science profonde et à une netteté d'esprit peu commune est suffisamment désigné pour exercer son influence dans toutes les grandes affaires. Si, par surcroît, il s'y ajoute une droiture, une fermeté de caractère et un désinteressement inflexibles, un tel assemblage fait de lui l'arbitre nécessaire lorsque surgit une difficulté exceptionnelle.

C'est à ce titre que Combes a été appelé à jouer un rôle efficace lors de la préparation des traités de commerce. Sa compétence et son intégrité furent d'un puissant secours pour essayer de tenir une juste balance au milieu de tant d'intérêts contradictoires. Plus tard, on eut souvent recours à lui comme arbitre, notamment lorsqu'il fallut résoudre une grave difficulté qui divisait les compagnies d'Orléans et de Lyon. Une fois même, son arbitrage, provoqué par la question des chemins de fer de Belgique et du Luxembourg, eut une portée internationale et contribua au maintien de la paix. Il ne tint qu'à lui, en 1870, de jouer un rôle analogue entre le directeur de l'Observatoire et ses adversaires. On l'avait choisi sans qu'il fût astronome, rien que pour son bon sens. Il en donna, comme a dit excellemment son panégyriste (J. Bertrand), une preuve suprême en refusant d'intervenir dans cette campagne.

Le récit de sa vie peut finir sur ce trait. Ajouté à tant d'autres, il légitime bien le jugement qu'au nom de la postérité le Secrétaire perpétuel de l'Académie a porté sur son illustre confrère lorsque, après avoir rendu justice au savant, il définissait en ces termes les mérites de l'administrateur : « Aucun n'a fait paraître, avec plus de droiture dans l'esprit, plus de sagesse dans les affaires. »

A. de LAPPARENT


Extrait du livre Notice historique sur l'Ecole des Mines de Paris, L. Aguillon, 1889 :

Combes, né à Cahors le 26 décembre 1801, est mort à Paris le 10 janvier 1872, quelques jours après qu'atteint par la limite d'âge il venait de quitter la direction de l'Ecole des mines où il avait succédé à Dufrénoy en 1857. Entré à l'Ecole des mines en 1820, il fut de ceux qui terminèrent leurs études en deux ans. Nommé à sa sortie de l'Ecole professeur à l'Ecole de Saint-Etienne, les usages de l'administration à cette époque lui permirent de s'occuper en même temps de la direction d'exploitations telles que celles de Sainte-Marie-aux-Mines, et surtout, de Roche-la-Molière et Firminy, et de se former ainsi à la connaissance des choses que l'on enseigne avec d'autant plus d'autorité que l'on arrive par leur pratique à les mieux connaître sous toutes leurs faces. Combes resta titulaire de la chaire d'exploitation des mines à Paris pendant vingt-quatre ans, jusqu'en 1856; mais il cessa son enseignement effectif dans l'année scolaire 1848-1849, date à partir de laquelle il se fit suppléer par Callon qui, en 1856, lui succéda comme titulaire.

Son Traité d'exploitation des mines (3 vol. in-8, Paris, 1844-1845) reproduit ses leçons à l'Ecole des mines de Paris, a l'exception de ce qui concernait les moteurs hydrauliques; ce traité a été le premier ouvrage de cette nature publié en France; il est resté classique dans le monde entier jusqu'à l'apparition du cours publié par Callon.

Combes avait été nommé de l'Académie des sciences en 1847 dans la section de mécanique, à la place de Gambey.

Il a présidé le conseil général des mines, après la mise à la retraite d'Elie de Beaumont, en 1868.


1860 : Commandeur de la Légion d'honneur
1868 : Commandeur de l'ordre de Saint-Maurice et Lazare
1868 : Commandeur de l'ordre de Léopold de Belgique

Combes influença fortement la carrière d'un autre ingénieur des mines, Parran.

D'après Les ingénieurs des mines du XIXème siècle, de André Thépot :

Charles Combes fut le premier ingénieur-conseil de renommée internationale. Dès 1838, il fut désigné comme expert dans un litige concernant l'aération des mines belges de Saint-Martin de Marchienne. L'année suivante, il était comme ingénieur-conseil la Compagnie des Houillères et Fonderies de l'Aveyron, et il fit adopter un plan de modernisation des établissements de Decazeville. En 1851, la société belge de la Vieille-Montagne le choisit comme arbitre dans une contestation avec un concessionnaire. En 1855, c'est la Compagnie des Fonderies et Forges d'Alais qui lui confiait une expertise de ses constructions et de ses matériels, grâce probablement à l'intervention de Diday. En 1856, c'est la société des mines de fer d'Oran, contrôlée par Talabot qui lui faisait évaluer son patrimoine.