Croix de guerre 39-45 de l'Ecole des mines de Paris

La Revue des Ingénieurs, janvier 1953 :

Discours de M. A. R. METRAL, Président de l'Association Amicale

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Maréchal,

Monsieur le chef d'Etat-Major Général,

Mes chers Camarades,

Au cours d'une cérémonie que la Direction de l'Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris a voulu aussi simple que l'héroïsme même de ceux de ses élèves que nous honorons ce soir, la croix de guerre 1939-45 va s'ajouter aux glorieuses récompenses, symboles des vertus nationales de nos camarades.

Au nom des 2.426 élèves et anciens élèves vivants de notre Ecole, au nom des veuves et des orphelins de nos chers disparus, je vous remercie, Monsieur le Ministre, d'apporter par votre présence le témoignage de l'estime et de l'amitié que vous ne cessez de manifester aux élèves et anciens élèves de cette grande école, école d'application de celle qui s'honore de vous compter parmi ses anciens.

Nous vous sommes infiniment et respectueusement obligés, Monsieur le Maréchal, d'avoir accepté de remettre aujourd'hui à notre Ecole la croix de guerre 1939-45. Monsieur l'Inspecteur Général des Mines FRIEDEL a rappelé tout à l'heure que ce fût aussi un Maréchal de France, le Maréchal FOCH, qui orna le coussin qui vous sera présenté tout à l'heure de notre première croix de guerre.

Vous nous permettrez d'être légitimement fiers de la consécration que nous apportent ainsi, à quelque trente ans d'intervalle, deux Maréchaux de France ayant forcé la victoire.

Le Président de l'Association Amicale des Elèves et Anciens Elèves se doit de rappeler à grands traits les titres de notre grande famille des Mineurs de Paris à la haute distinction collective qui nous est conférée ce soir.

Au cours de la guerre 1939-45, 50 anciens élèves de notre Ecole sont morts pour la France, que ce soit au cours de la campagne de France, des combats de la Résistance ou des campagnes de la Libération : 23 d'entre eux ont trouvé une mort souvent atroce dans les camps de déportation, ou furent exécutés pour actes de résistance.

Sur nos 50 morts, dix appartenaient au Corps des Mines : l'héroïsme, le sens du devoir allant jusqu'au sacrifice total, sont chez les Mineurs l'apanage de tous et de chacun.

Une centaine de croix de guerre, de nombreuses croix et rosettes de la Légion d'Honneur ou de la Résistance, quatre compagnons de la Libération, témoignent de la part prise dans la lutte.

Je me permettrai de citer quelques noms de la Résistance, m'excusant par avance si la modestie de certains m'en fait oublier.

Ce sont nos camarades :

ARMAND, chef du réseau fer.

— BINGEN, combattant, blessé, évadé, qui, après avoir rejoint Londres pour y diriger les Services de la Marine Marchande française, volontaire pour servir plus dangereusement, se fit parachuter en France, prit la tête du Comité National de la Résistance et mourût glorieusement en 1944 ;

LEPERCQ, Ministre, mort dans l'exercice de ses fonctions;

LAFFON et Roland PRE, qui, après avoir servi hors de la métropole, jouèrent un rôle important aux heures de la Libération de Paris ;

de BOUVIER et LHOPITAL, déportés, que leur énergie parvint à sauver ;

— Xavier de GAULLE, Henri LESPES, Roger MILLOT, Alain POHER, ancien ministre, René PICARD.

Tandis que Jacques FOURNIER, HASENKNOPF, HIRSCH, MAUNOURY luttaient avec BINGEN à Londres, LEGOUX, MARTIN et SOYER poursuivaient la lutte en Afrique française libre, BREGUET en Indochine. BODIO, LEVY-WILLARD, RAPOPORT dans le maquis de Savoie, GALTIER dans le Massif Central, ISRAËL à LYON.

Ainsi que je l'ai dit, je ne saurais les évoquer tous car beaucoup de nos camarades ont accompli leur devoir en silence, « tout naturellement » comme me le disait l'un d'entre eux, et nous ne sommes, hélas ! complètement renseignés que sur l'action de nos disparus.

Le douloureux mois de juin 1940 amena 160 des nôtres dans les camps de prisonniers. J'ai su, par des témoins, quel fût le rôle, dans les oflags de nos camarades, la part qu'ils prirent à l'organisation collective, leur immense contribution au maintien du moral, leur confiance inébranlable dans le destin de leur patrie.

Dans le pays occupé, nos camarades accomplirent un devoir ingrat. Comme tous ceux qui occupaient un poste d'autorité, leur attitude ne pouvait être spectaculaire, la surveillance de l'occupant menaçant de les démasquer à la moindre imprudence. En liaison étroite et intime avec leurs ouvriers, qu'ils réussirent à soustraire en grande partie à la relève, fournissant des cadres à la Résistance active, ils pratiquèrent aussi la Résistance passive, et freinèrent ainsi les livraisons à l'ennemi. Puis souvent, sur le point d'être démasqués, ils passèrent de l'usine au maquis. Comment ne pas citer en exemple notre camarade GALTIER qui, chef de réseau dans le Massif Central, dénoncé et prévenu, se laissa volontairement arrêter par la Gestapo le 31 décembre 1943 pour écarter les soupçons qui auraient pesé sur ses mineurs tous résistants. Aucune perquisition ne fût faite dans la mine. Torturé, il ne parla jamais, fût déporté et mourut en mars 1944 après être passé par Dachau, Buchenwald, Offenher et Hersbruck.

On ne peut, en des circonstances aussi tragiques que celles vécues par notre pays, se révéler à soi-même par l'accomplissement souvent obscur du devoir et l'abnégation totale, que si l'on porte en son âme les plus hautes vertus morales, que si la formation que l'on a reçue a exalté ces vertus dans l'accomplissement journalier du devoir professionnel et du devoir social, que si enfin l'on appartient à une grande famille qui honore ces vertus. Et cette grande famille comprend dans notre esprit les mères et les épouses qui partagèrent les épreuves les plus cruelles, soutinrent le moral des combattants, des résistants, des prisonniers et acceptèrent non seulement de longues et angoissantes séparations, mais la participation sinon l'accoutumance souriante au danger.

En saluant ici avec respect, déférence et émotion Madame BINGEN, mère de notre camarade de la promotion 1928, vous me permettrez de rendre à sa personne l'hommage que nous offrons aux mères et aux épouses de ceux dont le sacrifice glorifie ce soir les vivants.

Monsieur le Maréchal, nos morts et nos camarades, anciens élèves et élèves, saluent en vous avec respect, le Chef de nos armées victorieuses, mais aussi le Major d'une de ces promotions de Saint-Cyr, aux traditions inaltérables et qu'anime toujours l'esprit de sacrifice le plus pur et le plus noble. Il n'est pas inutile de vous confirmer, en cette cérémonie, que les Elèves des grandes Ecoles civiles éprouvent la plus cordiale et la plus vive amitié pour leurs camarades des grandes Ecoles militaires qu'ils rejoignent fraternellement aux heures du danger. Vous pouvez être assuré qu'ils restent tous fidèles à la notion d'armée inséparable de la notion de patrie, et que ceux de demain sauront, comme leurs anciens de 1914-1918 ou de 1939-1945, faire leur devoir. Habitués à servir, formés aux disciplines sociales, entraînés par l'exemple de camarades hélas ! nombreux qui furent victimes de leur devoir professionnel, ils ne séparent pas devoirs civiques et devoirs militaires. Comme conducteurs d'hommes, comme techniciens, comme administrateurs ou comme savants, ils entendent, sous l'autorité de chefs ayant du caractère, servir la France autant que comme officiers de réserve.

Le coussin qui a déjà reçu la Légion d'Honneur et la Croix de guerre 1914-1918 vous sera présenté par un camarade glorieux combattant de 1914-1918, résistant rescapé d'un camp de déportation, par un camarade combattant, titulaire de 5 citations, par la veuve d'un camarade déporté, par le fils d'un camarade officier d'activé tombé en combat aérien, et par un jeune élève.

Vous permettrez, Monsieur le Maréchal, qu'avant la remise que vous allez faire solennellement, un jeune élève, auquel je passe immédiatement la parole, fasse l'appel de nos morts, qui, plus encore que les vivants, ont mérité la citation qui honore notre Ecole.

ANGOT Pierre Promotion 1923 — Déporté en Allemagne, à BUCHENWALD, puis dans une mine de sel, en Pologne, où il est décédé en février 1945.
BANLIER Marcel Promotion 1924 — Tué le 25 août 1944, lors de la libération de Paris
BARATCHARD Edmond Promotion 1943 — Elève à l'Ecole, engagé dans l'Armée Rhin et Danube ; tué à Baccarat en octobre 1944.
BARTHET Hugues Promotion 1928 — Mort en franchissant le Rhin dans la région de Kembs.
BECAT Clément Promotion 1942 — Elève à l'Ecole. Arrêté à St Etienne par la Gestapo lors d'un sabotage de voitures de la Milice ; a cherché à désarmer un de ses gardiens ; a été tué le 29 juin 1944.
BERR Raymond Promotion 1911. Déporté à AUSCHWITZ, décédé le 15 septembre 1944.
BINGEN Jacques Promotion 1928 — Combattant, blessé, évadé. A dirigé à Londres les Services de la Marine Marchande Française. Volontaire en 1943 pour servir plus dangereusement, a été Délégué Général du Comité de la France Libre, a resserré les liens entre la Résistance métropolitaine et la Résistance de l'extérieur. Parachuté en Francs, arrêté le 13 mai 1944 à Clermont-Ferrand par la Police allemande, capturé après une tentative d'évasion. Détenteur des secrets les plus importants de la Résistance, a préféré se donner volontairement la mort, plutôt que de s'exposer à les livrer sous la torture.
BOIZARD DE GUISE Jacques Promotion 1921 — Déporté, décédé au camp de DORA, le 12 avril 1945.
BONNIER Claude Promotion 1919 — Parachuté d'Algérie en France — arrêté par la Gestapo — S'est donné la mort.
BOUCHET Bernard Promotion 1934 — Tué en mai 1940.
CAHEN Jean Promotion 1895 Arrêté en décembre 1943, déporté en Allemagne en février 1944. Disparu.
CHEYSSON Jean Promotion 1931 — Lieutenant aviateur. Tué le 2 juin 1940 en combat aérien.
COIRAL Albert Promotion 1929 — Capitaine aviateur. Tué en combat aérien, le 14 mai 1940.
CUSSET Paul Promotion 1936 — Disparu en juin 1940 avec le torpilleur « SIROCCO ».
DACOSTA Jean Promotion 1923 - Tué le 18 mai 1940 dans un combat avec les blindés allemands.
de LAMOTTE Jacques Promotion 1918 — Tué en juin 1940. —
DEMANGE André Promotion 1920
de RUFZ de LAVISON Jacques Promotion 1908 — Tué à Dunkerque, le 3 juin 1940.
DETRAVES Jean Promotion 1933 — Arrêté le 20 mai 1944 à Evreux pour actes de résistance, déporté à BUCHENWALD le 17 août 1944, évacué vers DACHAU le 4 avril 1945, a succombé le 21 avril à CICENICE ; a été inhumé le 24 avril à VODNANY (Tchécoslovaquie).
DIETZ André Promotion 1914 — Disparu en juin 1940 avec le torpilleur « SIROCCO ».
DIXIMIER André Promotion 1923 — Tué le 19 mai 1940 à Preux (Nord).
DURAND Roger Promotion 1943 — Elève-Ingénieur, arrêté le 29 juin 1944 à Saint-Etienne à la suite de la mort de BECAT (1942) ; déporté en Allemagne fin juillet 1944 — blessé lors d'un bombardement américain — achevé par les Allemands.
EICHISKY Marcel Promotion 1925 — Israélite déporté en 1944. Disparu.
GALTIER François Promotion 1937 — Chef du maquis ROLLAND dans le Massif Central. Dénoncé par un de ses agents et prévenu, s'est laissé volontairement arrêter par la Gestapo le 31 décembre 1943 pour écarter les soupçons de son réseau : aucune perquisition ne fut faite en effet dans la Mine dont tout le personnel était affilié à la Résistance. Torturé sans jamais « parler », a été déporté à DACHAU, BUCHENWALD, OFFENHER, et HERSBRUCH. Y est mort le 25 mars 1944.
GAUTHIER Jean Promotion 1929 .— Tué le 6 juin 1940.
GOUDCHAUX Jean Promotion 1932 —¦ Disparu avec un torpilleur à Casablanca, le 16 juin 1940.
GOZLAN Roger Promotion 1941 — Déporté, disparu en 1944.
GRUNER Louis Promotion 1902 — Arrêté par la Gestapo, déporté en Allemagne.
HALF Roger Promotion 1926 — Tué le 14 juin 1940. 1925 —
HAUSER Maurice Promotion 1925
HAMEL André Promotion 1919 — Tué à Epernon, le 8 août 1944, lors d'un bombardement.
HOST Alphonse Promotion 1942 — Elève à l'Ecole, mitraillé en août 1944 dans la région de Cosne-la-Charité.
ISRAËL Henri Promotion 1920 — Un des premiers résistants à Lyon. Membre du Comité Directeur de « Combat », Chef de secteur du réseau Gallia. Fusillé le 19 août 1944 à Lyon par les Allemands après avoir été martyrisé sans avoir parlé.
LAMY de la CHAPELLE Promotion 1912 — Tué par une patrouille allemande à Bagnières de Bigorre, le 11 juin 1944.
LATEULADE Robert Promotion 1939 — Arrêté par la Gestapo, déporté à MATHAUSEN, où il est décédé le 25 mars 1945.
LE JOINDRE Guy Promotion 1938 — Tué le 12 juin 1940 à Rethoncourt.
LELONG André Promotion 1938 — Evadé, engagé à la 2e D.B., mort le 25 avril 1945 dans un accident d'avion.
MAINIER André Promotion 1942 — Elève-Ingénieur, en stage à Bruay. A été mitraillé, puis achevé par une patrouille de S.S.
MALAVOY Jean Promotion 1923 — Arrêté par la Gestapo en 1942, déporté à MATHAUSEN. Rayé des contrôles du camp en février 1945.
MAXIMOVITCH Basile Promotion 1925 — Déporté, disparu.
MENY Jules Promotion 1913 — Président de la Sté Française des Pétroles. Arrêté le 10 août 1943 par la Gestapo comme otage, évadé et repris. Déporté à LANGENSALZA puis à BUCHENWALD. Mort dans un convoi en route vers DACHAU après le 9 avril 1945.
NICOLET Victor Promotion 1919 — Directeur des Usines d'Aviation Hispano-Suiza. Arrêté par la Gestapo le 2 juin 1944, déporté à BUCHENWALD, puis à la Mine de sel de Plomnitz. Libéré par les Américains, évacué en voiture ambulance, puis disparu.
RAYNAUD Yves Promotion 1935 — Tué à Dunkerque, le 2 juin 1940.
ROBERT Yves Promotion 1936 — Tué lors d'un mitraillage de train, le 6 juin 1944, en rejoignant son poste.
SEIGLET Jacques Promotion 1936 — Blessé le 3 juin 1940 à Dunkerque. Décédé le 10 juin.
SEGRETAIN Charles Promotion 1928 — Tué le 15 juin 1940 à Combles-en-Barrois.
VAN BROCK Jacques Promotion 1906 — Mort le 17 mars 1940 des suites d'une maladie contractée en service commandé.
VINCOTTE François Promotion 1936 — Disparu en juin 1940.
WACHÉ Robert Promotion 1925 — Tué d'une balle dans la tête par un Allemand à Bigny, le 11 septembre 1944.
WIENER André Promotion 1912 — Déporté en Allemagne ; décédé le 6 janvier 1945, au camp de BUCHENWALD.
BACHELET Jean Employé à l'Ecole, tué le 25 août 1944 lors de la libération de Paris alors que, lieutenant F.F.I., il menait sa troupe à l'attaque des Allemands retranchés dans l'Ecole des Mines.