Le livre d'or des carrières sous Paris

par Gilles Thomas

Publié dans Actes du 5e colloque "Graffiti historiques", Mairie du 11ème (24-25 mars 2012)

Je dédie cette modeste étude à Mme Suzanne de Jenlis, qui a été ma pierre de Rosette entre Charles-Axel Guillaumot et ses très nombreux descendants ; ainsi qu'à Annie, Corinne et Alice (la génération du futur qui s'annonce prometteuse) toutes trois Laval-Duboul, comme représentantes emblématiques des 800 membres de cette oh combien prestigieuse famille.

Dans les périodes où la bonne nourriture et le bon vin se faisaient rares, il était facile de repêcher de vieilles connaissances dans quelque tapis-franc et de les emmener dans un bistrot plus reluisant où je leur faisais trouver un poulet et du vin de première qualité. Et eux, non contents de parler, ils me faisaient faire de fascinantes promenades souterraines. Il s'agit seulement d'avoir des lampes efficaces et, pour se rappeler quand tourner à gauche ou à droite, relever une série de signes de tout type qu'on trouve le long des parcours, comme le profil d'une guillotine, une ancienne plaque, l'esquisse au charbon d'un diablotin, un nom, peut-être tracé par qui n'est plus jamais ressorti de ce lieu. Et il ne faut pas s'effrayer en parcourant les ossuaires parce que, à suivre la bonne séquence des crânes, on arrive toujours à un petit escalier par où on monte dans la cave d'un local complaisant, et de là on peut retourner voir les étoiles. « Le cimetière de Prague », par Umberto Eco (© 2011 Grasset et Fasquelle)

L'on savait déjà que grâce aux anciennes carrières souterraines parisiennes, plus souvent dénommées Catacombes - initialement par analogie avec celles de Rome, puis par dérive sémantique terme usité « maltapropos » pour l'ensemble des réseaux de carrières sous Paris - notre capitale, peut-être plus que toute autre ville, a su garder des traces de toutes les pièces de théâtre qui y furent jouées tout au long de sa longue histoire. Mais si l'on regarde attentivement les ciels et les masses de calcaire natif, ainsi que les parois des galeries de servitude édifiées à partir de la fin du XVIIIe siècle dans l'ombre des racines architecturales de la ville-lumière, il est également possible de lire les noms de certains de ces acteurs. Ils ne sont pas tous passés à la postérité, mais grâce à quelques recherches facilitées par la sphère Internétienne, parfois l'anonyme (pour reprendre un terme en usage du temps d'Héricart de Thury) dans lequel ils étaient retombés est levé, permettant d'en savoir un peu plus sur ces obscurs et ces sans grades.

Une mise en abyme d'un célèbre graffiti par Marina

Faire passer les graffitis de l'ombre à la pleine lumière... artificielle

Pour qui sait observer Paris jusque dans ses plus intimes recoins que sont ses anciennes carrières souterraines, la ville ne se contente pas d'être riche en un patrimoine monumental témoin de son histoire. Des traces historiques plus infimes parce que manuscrites, sont encore lisibles dans son sous-sol constituant ses racines architecturales. Ces écrits, laissés à la mine de plomb, au crayon ou parfois gravés (procédé qui demande plus de temps), ont été préservés jusqu'à nos jours pour deux raisons : les galeries où ils se trouvent se situent à une vingtaine de mètres de profondeur, loin de la fureur urbanistique de la surface, et de plus la température et l'hygrométrie n'y subissent pas ces variations néfastes à leur conservation. Ils sont donc protégés des atteintes atmosphériques ou humaines ; mais malheureusement, si jusqu'au début des années 80's les personnes intéressées par ces pérégrinations aux marges de la cité respectaient les lieux et les traces labiles laissées par leurs prédécesseurs, depuis les dégradations dues à une fréquentation irrespectueuse ne font que s'amplifier de manière tristement exponentielle.

Dans ces lieux, l'obscurité y est absolue, complète, accablante. La nuit y est plus noire que la plus noire des nuits, excepté à l'aplomb des puits de service remontant à la surface. Nonobstant ce faible halo lumineux à sa base provenant par diffraction de la luminosité du jour (ou de l'éclairage d'un lampadaire la nuit) perçant au travers de l'oeilleton central du tampon de fonte obturant le puits, la seule lumière que l'on peut y trouver est celle que l'on y apporte. Lanternes sourdes, lumière d'une flamme nue, d'une simple ampoule, d'ampoules halogènes ou d'un éclairage à diodes luminescentes, chaque moyen présente ses avantages et ses inconvénients. De plus une inscription pratiquement invisible, en tout cas illisible sous le flux d'une lampe, peut devenir révélée par un autre type d'éclairage. À la lecture de ces notes, peut-être comprendrez-vous la signification de certaines « pattes de mouche hiéroglyphiques » aperçues au cours de vos visites, ou peut-être cela vous incitera-il à regarder autrement les parois de galeries maintes fois parcourues. N'oublions pas que l'expérience est une lanterne qui éclaire derrière soi. Notre « Ville Lumière » recouvre ainsi une cité de l'ombre où de nombreux vestiges du passé disparaissent régulièrement sous les coups de boutoirs de promoteurs ne promettant même pas un avenir meilleur. « Chaque ville possède sa réplique, son double ténébreux qui s'étend sous l'asphalte de ses rues, mais le Paris souterrain est unique au monde. Imaginez un univers d'ombres, de gouffres et de cavernes, de sources bouillonnantes et de nappes d'eau, sillonné de galeries qui zigzaguent, s'enchevêtrent et bifurquent sur des centaines de kilomètres. Les passants se doutent-ils que le bruit de leurs pas fait résonner les voûtes d'amphithéâtres et de laboratoires souterrains. » (extrait de « Sous les rues de Paris », par George Kent).

Pour découvrir d'autres traces minuscules car sous forme de graffitis, qui se révèlent également être des écrits intimes car on peut les rattacher à des individus qui souvent passèrent une unique fois dans ces souterrains sans imaginer que l'on chercherait à les déchiffrer quelques siècles plus tard, c'est bien dans ces sous-sols architecturés par Charles-Axel Guillaumot qu'il faut aller y voir. Car si dans les galeries techniques, autres sous-sols parisiens mais plus modernes, de tels graffitis existent, ils sont davantage vindicatifs, revendicatifs, voire sexuels, mais désespérément anonymes !

Ci-dessus : vignette provenant de La malédiction des trente deniers, aventure de Blake et Mortimer.

Ci-dessus : Ecce Homo.
Portrait de l'Homme qui a sauvé Paris d'un engloutissement certain à la fin du XVIIIe siècle :
Charles-Axel Guillaumot.
Guillaumot, premier Inspecteur général des Carrières, est l'homme qui sauva véritablement Paris d'un effondrement quasi généralisé aussi dramatique qu'inéluctable s'il n'était intervenu pour le salut de la ville.

Le pourquoi de ces galeries sous Paris : création de l'Inspection des Carrières

Les anciennes carrières souterraines d'où Paris a extrait tous les matériaux nécessaires à une édification pérenne (le calcaire grossier, le gypse, l'argile) ont été exploitées en souterrain dès la fin du XIIe - début du XIIIe siècle, jusqu'à la manifestation dramatique de leur présence principalement dans le dernier quart du XVIIIe siècle. Ces vides provoquèrent des effondrements pouvant être spectaculaires par leur gigantisme, mais aussi dramatiques car provoquant des morts : citons l'affaissement généralisé de décembre 1774 au sud de Denfert-Rochereau, l'accident près de l'actuel RER Luxembourg le 29 avril 1777, ou la catastrophe du 27 juillet 1778 au niveau des carrières de gypse de Ménilmontant. Pour remédier à ces problèmes, Louis XVI prit un arrêté le 4 avril 1777, portant création de l'Inspection des Carrières (= IDC). Ce service avait un triple rôle : rechercher les anciennes exploitations, en dresser la cartographie, et consolider tout ce qui dépendait du domaine public, à savoir les voies de circulation et les bâtiments du roi. Le premier Inspecteur général des Carrières, Guillaumot, était architecte du roi, et pour ce qui devint son « oeuvre au noir », il se mit à travailler avec le même soin et le même souci architectural que s'il travaillait à la réalisation d'un bâtiment officiel en surface. Sans lui, rien de ce qui suit n'aurait été possible, et Paris ne serait pas Paris ! L'une des astuces déployées par l'IDC fut de réaliser des fondations a posteriori aux bâtiments qui avaient été construits sur du vide par méconnaissance, tout en ménageant à l'aplomb des artères de la ville (rues et aqueduc), une galerie de servitude (voire deux galeries parallèles sous les voies les plus larges) permettant d'y effectuer des tournées d'inspection afin de vérifier régulièrement l'état des piliers de confortation, ou la tenue du ciel des carrières consolidées de la sorte.

Ainsi fut réalisée ce que l'on a l'habitude d'appeler « la doublure topographique du Paris du XVIIIe siècle ». Afin d'identifier les galeries ménagées par ce moyen, le nom de la rue qui était confortée était gravé soit sur une plaque de liais rapportée, soit directement sur la masse, la gravure étant noircie au noir animal. Il en sera de même pour toutes les inscriptions gravées dues à l'Inspection des Carrières (en surface d'ailleurs, le nom des rues sur des plaques de liais ne datait que de 1729, soit à peine 50 ans avant la création de l'IDC). Il est toujours intéressant d'observer la trace du modèle utilisé avant le travail définitif : soit une inscription manuscrite à proximité de la gravure si celle-ci a été réalisée in situ, soit une enveloppe grossière des lettres à graver, soit le gabarit lui-même d'une lettre ou d'un signe diacritique qui n'a pas été gravé par simple oubli.

Suite aux bouleversements de la géographie parisienne (dus à la Révolution puis aux percées haussmanniennes), ainsi que de la toponymie pour honorer des personnes en remplacement de dénominations devenues désuètes, un certain nombre de rues changèrent plusieurs fois de noms dans les 200 dernières années. L'un des rares endroits de nos jours, sinon le seul, où l'on peut encore lire des dénominations en usage au siècle des lumières, ce sont bien ces galeries de service de l'IDC.

Mais on peut y lire bien plus, et l'on va s'attacher ici à décrypter ces traces laissées par « d'obscures anonymes » à l'époque, dont certains sont devenus internationalement connus mais d'autres seraient restés dans l'ombre, absorbés par l'éponge oxymorique des ténèbres paradoxales de la surface lumineuse : ce sera leur fameux « quart d'heure Warholien » que nous leur offrons ici-bas ! Pour certains, nous resterons toujours dubitatifs quant à leur scripteur, tel par exemple ce Dupont aperçu un jour écrit au noir d'une flamme nue sur le ciel sous le Val-de-Grâce. D'autant plus que l'on sait qu'avant la création de l'IDC, c'est au « maître de mathématiques » Antoine Dupont qu'il fut fait appel et l'on sait par une lettre du 1er mars 1778, que ce dernier aurait justement sous ce terrain pas encore militaire, « osé paraître dans les carrières avec ses élèves » ! [ « Recueil de pièces manuscrites relatives à l'histoire des carrières de Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles », par le Groupe Parisien de Recherche sur les Souterrains (© Paris 1986). ]

« Tournée d'Inspection du 25 novembre 1907 », comme un poinçon de passage signé Jean Filiol, au dessus d'un H au pochoir identifiant un des nombreux escaliers sous le cimetière du Montparnasse.
(Photo Franck Albaret)

Ceux qui, ne sachant ni lire ni écrire, signent d'une croix.

On le conçoit, sur les parois de ces piliers maçonnés ne peuvent se rencontrer que des inscriptions manuscrites soit contemporaines de la fin du XVIIIe siècle, soit postérieures, laissées par des personnes ayant parcouru ces galeries pour des raisons de service (travaux de consolidations ou surveillance de leur réalisation, puis ultérieurement de l'évolution des massifs maçonnés), par simple curiosité (attirées par l'appel du noir), pour des questions historiques ou intellectuelles, ou pour satisfaire toute autre raison. Tandis que pour trouver des écrits plus anciens, ce ne sera que sur les ciels d'origine des carrières ou sur les masses encore en place qu'il faut les chercher. Ils sont alors d'apparence diverse et variée tant dans la forme que dans leur nature : ocre, crayon, soigneusement gravés, au graphisme simple ou parfois particulièrement élaboré. On peut y lire des numéros ou des lettres liés à la cartographie nécessaire pour les travaux de consolidation (reportés dans ce cas-là bien évidemment sur le plan réalisé à l'occasion). Mais plus anciens, on trouve des symboles (apposés par les carriers sur les piliers tournés et autres masses pour identifier par exemple leur zone d'exploitation : flèches, trèfles, figures géométriques simples, etc.), des noms ou des dates écrits en ciel au noir d'une flamme nue, mais rarement les deux simultanément [ p.270 des actes du Colloque Carrières et constructions III (Amiens 1994) ]. In situ, la plus ancienne date encore lisible de nos jours connue pour l'instant, se trouve dans le circuit du « Musée des Catacombes » : il s'agit de 1586.

Les ouvriers, petites gens au témoignage glyptographique non négligeable

Parmi les ouvriers ayant signé de leur nom, il y a par exemple le carrier André Sibire, qui fut assigné en 1700 pour un important effondrement sous le chemin d'Orléans. Il laissa son nom à la mine de plomb sur un front de taille d'une galerie sous le 14e arrondissement. Sous l'hôpital Cochin (Carrière dite des Capucins, site géré par la Sehdacs), parmi les noms que l'on peut apercevoir en ciel, on en distingue deux associés à chaque fois à la date 1783 : Philippe et Germain, certainement des ouvriers de l'Inspection des carrières affectés aux travaux de consolidation de l'« Hôpital vénérien » au-dessus. Ces deux-là pouvaient donc signer les documents administratifs (certificat d'embauche, perception de la paye), autrement que d'une croix contrairement à ceux « ne sachant ni lire ni écrire ».


En ciel de carrière, ce Philippe daté de 1783, avec en arrière plan, au droit du pilier à bras, un autre nom également daté de 1783, Germain.

D'autres ouvriers ont de temps en temps éprouvé le besoin de se raconter ou simplement de laisser trace de leur passage, encore fallait-il qu'ils sachent eux aussi écrire, mais parfois cette capacité se limitait à leur simple nom. Tel Jean Petit, carrier en 1795 à l'atelier du Val-de-Grâce (demeurant 252, rue Saint-Jacques), Jean Cornichon, ouvrier à l'atelier Notre-Dame des Champs en l'an IV (4, rue des Bourguignons), Pierre Gallet de Brunoy le 5 novembre 1779, tous sous le 6e arrondissement. Quelques inscriptions ont davantage une connotation sociale, lorsque sont décrites les conditions de travail ou de vie, par la représentation dessinée d'un chantier (procédé accessible à tout un chacun), ou l'écrit d'une complainte comparant la vie d'un « patron » et celle d'un ouvrier au XIXe siècle au second étage du cimetière du Montparnasse (cf. l'article d'Archéologia cité en référence), voire l'éloge de la misère faite par un dénommé JeanJean en ciel de la « double carrière » de la rue Leclerc. Sous Montparnasse, il est également intéressant d'observer des joints d'appareillages entièrement redessinés à la main par-dessus le mortier, travail qui était réalisé par des ouvriers trop âgés pour des travaux de force (en 1843, un tiers des ouvriers de l'Inspection a plus de 60 ans : 33 ont entre 60 et 70 ans, 12 de 70 à 80 ans... et un, plus de 80 ans !). Ce qui n'était visiblement pas le cas des dénommés Huet (surnommé Carabit comme nous l'apprend un second graifito à proximité) et Dizien qui durent percer le banc vert (une couche de calcaire marneux) avec leur sonde dans la soirée du 10 août 1865, ce qui nous valut un petit texte commémoratif. Dans tout groupe d'humains, certains ont une âme et un talent plus artistiques que les autres, qu'ils révèlent à l'occasion d'une réalisation sculptée. Ce fut le cas de Roudier, affecté aux travaux d'entretien de l'aqueduc d'Arcueil, ouvrage qui détient le record de celui du plus long Monument Historique souterrain de la région parisienne. Roudier, qui grava son nom dans le pont aqueduc l'an 1837, parcourut plus tard les consolidations au niveau des carrières sises sous cet aqueduc. Il y sculpta en 1851 un visage signé de son nom, en faisant ainsi le seul dont on connaisse l'auteur, sans pouvoir pour autant identifier s'il est dû à Roudier « aîné » ou « jeune ».

Quant au personnel de l'Inspection des carrières, il n'est pas en reste de signer son passage, ainsi de Jean Filiol lors de sa « tournée d'inspection [du] 25 nbre 1907 » jusqu'à Jean Saint-Martin au milieu des années 80's sous le parc Montsouris par exemple. Si la petite histoire contemporaine est en train de s'écrire sous nos yeux, elle ne se découvrira sous les pupilles de nos successeurs et disciples que bien plus tard.


Cornichon était un ouvrier à l'atelier de Notre-Dame des Champs en l'an 4.


Autre écrit laissé par les ouvriers en 1865.

Des dessous de la Révolution française aux limites souterraines de Paris de 1860

Il fut un temps où les périodes de paix n'étaient malheureusement que de brefs intermèdes entre deux épisodes guerriers, et jusqu'à il n'y a pas si longtemps la conscription était obligatoire en France, provoquant une césure plus ou moins longue dans la vie active. Un graffito nous le rappelle : « Célestin Pierre Picoud née (sic) en 1789 a tiré le 18 mars l'an 1808 le numéro 197 fait par la main du conscrit », qui s'y est repris à trois fois pour trouver la surface adéquate pour laisser ce message, rappelant son devenir malheureux (tout n'étant qu'affaire de numéro et ayant tiré visiblement le mauvais) pour les 5 années à venir... si la paix se maintenait, puisqu'en cas de conflit on était mobilisé jusqu'à la fin de la guerre.

Une autre personne qui a éprouvé le besoin de graver plusieurs fois son nom (comme pour être sûr de le laisser à la postérité) est Nicolas Coupez qui fut « Garde de la République » en 1793. Tandis que la main qui crayonna une guillotine en s'y reprenant à deux fois, restera définitivement anonyme. En revanche, ce dessin servira comme repère de déplacement pour s'orienter sous Paris, dans la fresque romanesque Le cimetière de Prague écrit par Umberto Eco.

Pendant cette période tortueuse et agitée que fut la Révolution française et sa dérive sanguinaire la Terreur, un véritable mur fiscal fut édifié tout autour de Paris, les travaux commençant à partir de 1784. Il en subsiste dans les carrières souterraines d'autres vestiges que les quatre uniques barrières conservées en surface : celles de Denfert et du Trône, ainsi que les rotondes de la Villette et de Monceau. Non seulement les substructions implantées dans les carrières sont toujours en place, mais aussi l'emplacement de portes positionnées pour empêcher les fraudeurs qui avaient commencé à utiliser ces galeries souterraines pour échapper aux contrôles décidés pour la perception de l'Octroi en surface. Ce système de muraillement souterrain qualifié de « murs de fraude », fut doublé par des tournées d'inspection effectuées par deux employés « chargés de surveiller l'Intérieur et le dessus des carrières », mais dont le poste fut supprimé au moment de la Révolution française. Le 11 germinal an IX (ce qui ressemble à une mauvaise blague puisque le 1er avril 1801) deux « surveillants de l'Intérieur et Extérieur des carrières de Paris » étaient à nouveau affectés pour arrêter les délits que les fraudeurs pouvaient y commettre : les citoyens Bonhomme et Godefroy. Leur défraiement provint d'abord des fonds de fonctionnement du service des carrières puisque leur première tâche était le maintien de l'ordre dans les carrières. Ce ne fut qu'à partir du 1er janvier 1806 qu'ils seront payés par l'administration de l'Octroi (Bonhomme sera admis à la retraite en 1825). Tandis que pour les dernières années de fonctionnement de l'Octroi à cet emplacement, on connaît les noms des gabelous qui sévirent grâce a leur « signature » qu'ils laissèrent jusque dans les recoins les plus reculés des galeries sous Paris entre 1851 et 1859 : il s'agit de Caron, Ozouf, Trouvé ou Rétif.


Très belle cursive avec des pleins et des déliés laissée par Caron et Trouvé en 1858, au niveau d'une épure de voûte également au crayon. Une autre main a surchargé l'inscription d'un rageur « Les imbéciles », peut-être en 1863. (Photo Franck Albaret)

Ce mur étant désactivé en 1860, la perception de cette taxe fut à partir de ce moment-là reportée au niveau de l'enceinte dite de Thiers, nouvelle limite de Paris bâtie à partir de 1844. Dernière enceinte militaire construite, elle joua son rôle lors de la guerre franco-prussienne de 1870. Pendant ce conflit, l'usage des carrières de Paris fut à nouveau envisagé par les différents belligérants. Les uns, craignant une invasion de Paris par ces galeries souterraines, faisaient régulièrement des inspections afin de pallier toute tentative de cette sorte et s'ingénièrent à relier par des galeries certains forts du sud à l'enceinte parisienne. Les autres essayèrent bien d'utiliser ce réseau de circulation souterrain, mais en vain. Il n'en reste pas moins la présence de graffitis au fusain ou à la mine de plomb évoquant cette période. Ce sont soit des illustrations représentant des visages ou personnages en entier (illustrations dues à des français), soit des noms à consonance germanique laissés par les prussiens eux-mêmes lorsqu'ils réussirent à s'enfoncer dans les carrières souterraines pour tenter de s'approcher de Paris afin d'éventuellement y pénétrer (sous le Bois de Vincennes, dans le parc de Saint-Cloud). Inversement en 1870, Pierre Léonce Imbert put accéder par les carrières avec le capitaine d'état-major de Beaumont, à un repaire d'Allemands près du boulevard Saint-Jacques. P.L. Imbert pénétra également le 19 décembre derrière le parc « du Grand Montrouge », et se dirigea avec deux mobiles jusque sous les batteries prussiennes de Bagneux. Mais le projet plus particulièrement étudié par Imbert et son comparse d'expéditions interdites le peintre Paul Perrey, de fervents cataphiles d'avant la lettre et le mot, était l'organisation d'un service postal souterrain.

Liée au corollaire qui succéda à ce conflit franco-prussien, la Commune de 1871 a laissé des visages anonymes mais néanmoins clairement identifiables car des têtes coiffées de bonnets phrygiens. Voire même des phrases du genre : « La République ou la mort » , « Maudissons les et crions tous en choeur Vive la République », celui-ci sur le parcours de visite des Catacombes de Paris par exemple. Si ces visages resteront à jamais anonymes représentant simplement la personnification de la République, il en est une qui ne l'est absolument pas (seul son auteur l'est) car c'est une véritable caricature qui nous est offerte à l'égal de celles qui fleurissaient dans les journaux et les tracts de l'époque, et qui plus est le nom en est également apposé : le polémiste Henri Rochefort, fondateur du journal La Lanterne en 1868. Napoléon III a en revanche été davantage représenté, reconnaissable à sa barbiche, et parfois associé au sobriquet de Badinguet.


« La République ou la Mort », slogan daté de 1871, lorsque la Commune reprit les symboles de la Révolution française (photo Diane AO « Neverends »), ainsi que quelques autres têtes coiffées de bonnets phrygiens, mais aujourd'hui disparues sous des tonnes d'injection
(photos Jean-Luc Largier).
« "La Liberté ou la mort". Il reconnut l'inscription à l'entrée de la chatière. Il déposa son sac, sa torche dont il ne pouvait s'encombrer » lit-on dans le roman policier signé Claire Mazard (Oskar éditeur - mai 2012), et qui se déroule dans le réseau des anciennes carrières souterraines du 13e arrondissement.


Malheureusement, une inscription aussi intéressante et datant du 12 juillet 1870, a disparu sous la vomissure verte d'un tag. Elle évoquait un exercice de topographie exécuté par la deuxième « brigade » d'élèves de l'École des Mines de Paris de cette année-là. Sur le cartouche dû à ce groupe d'élèves qui s'étaient donné comme surnom « la Travailleuse », on pouvait lire : « Durand de Grossouvre / Andrieux / Bibas / Chapoteaut / De Mauroy / Demarchi / Rigaud parti pour l'armée du Rhin / 12 juillet 1870 ». Rigaud, absent le jour de l'exercice de topographie pour des raisons éminemment patriotiques, y fut donc néanmoins associé par ses camarades. Il était parti se battre et fut victime de son « devoir », tout comme Andrieux d'ailleurs.



Collection Rémy Teppaz http://lumen-sub-terra.fr/

Les galeries des carrières de Paris portent non seulement les stigmates de périodes troublées, mais on le voit, grâce à l'existence de petits cartouches commémoratifs au crayon, aussi d'une utilisation plus heureuse : l'initiation pratique à la topographie souterraine autrefois nécessaire à la formation de la future élite. Cette immersion dans les galeries de servitude de l'IDC avait une autre vertu : donner à de futurs décideurs une initiation à cet univers souterrain parisien qui nous est familier. En découvrant ces galeries, certains devinrent à leur tour amoureux du lieu et le manifestèrent dans leur correspondance tant privée que professionnelle. Parmi les élèves ayant laissé leur nom sous Paris citons Adolphe Carnot, qui outre sa profession de chimiste, est aussi connu pour avoir été un homme politique important ; Henry Le Chatelier, à l'origine de la loi sur les équilibres chimiques, et de celle de la combustion des mélanges gazeux ; Emile Nouguier, qui fut l'un des trois artisans les plus impliqués dans la construction de la tour Eiffel, car il fut directeur du bureau d'études, mais la postérité, dans sa sélectivité parfois arbitraire, n'a retenu que le nom de son géniteur centralien, Gustave Eiffel ; René Zeiller, un savant célèbre en paléontologie végétale et qui fut lieutenant des mineurs auxiliaires du Génie fortement impliqué lors des travaux militaires souterrains pendant la guerre de 1870. Terminons cette énumération par Henri Poincaré, un X-Mine, philosophe, mathématicien, physicien, etc., le plus «grand savant que la France ait jamais enfanté».

À la suite de l'étude effectuée en 1994, ce sont ainsi 1/3 des élèves des promotions entre 1850 et 1900 qui ont pu être regroupés dans leurs brigades constitutives, uniquement à partir du relevé de leurs noms effectués sur le terrain ou plutôt sous la surface de la terre parisienne.

Deux autres grandes écoles parisiennes se livrèrent au même type d'exercice pratique prévu dans son cursus : l'Ecole centrale de 1900 à 1937 (c'est le deuxième conflit mondial qui y mit fin), ainsi que l'École supérieure de géographes et topomètres, de sa création en 1946 à sa délocalisation hors Paris en 1974. L'intérêt des carrières sous Paris dans la formation de l'élite cessa alors puisque l'École des Mines de Paris (aujourd'hui Mines-Paris Tech) avait cessé entre 1962 et 1964 suite à une réforme importante de son enseignement. Et comme c'est uniquement lorsque l'on connaît quelque chose que l'on peut l'apprécier à sa juste valeur... et subséquemment la respecter, voire la défendre, depuis, ce patrimoine souterrain part en déliquescence !


En 1955, année emblématique s'il en est (car date de l'arrêté interdisant de circuler sous Paris sans autorisation, loi prise le 2 novembre), Kieü Duong Phan effectuait sa quatrième année à la Section d'études géologiques et minières de l'École des Mines.

Si la plupart des élèves laissèrent leurs noms dans les galeries sous Paris, écrits en plus ou moins gros (mais cela n'est pas une question d'égo, uniquement de moyen utilisé), les noms des professeurs transparaissent parfois in situ. De petits cartouches discrets lorsque réalisés au crayon, ou de manière incommensurablement plus conséquente lorsque c'est une flamme nue qui servit de calame. Ainsi les galeries sous le Val-de-Grâce bruissent-elles du patronyme du professeur Robert Taton (pour les Mines et l'Ecole Supérieure de Géomètres et Topographes) car il s'y égara restant dans le noir total à peine quelques heures qui lui furent d'une extrême solitude ; comme un écho inextinguible, on lit en effet cette scie à plusieurs reprises « À poil et à Taton ». Tandis que pour le professeur de l'École Centrale, Louis Naudin, si l'on trouve son nom également à de multiples reprises, il peut s'enorgueillir d'avoir inspiré une caricature de lui également nue, comme une espèce de « Satyre du Val-de-Grâce ».


L'un des exemples de l'incantation pour que Taton se dénude. Écrite au noir de fumée elle est aujourd'hui recouverte d'une flèche de peinture inutile puisque de toute manière on ne pouvait tourner qu'à droite.


Tandis que l'individu croqué dans la tenue d'Adam, avec une barbe de silène et un petit bedon, signe du bon vivant qu'il était, est fidèle aux autres caricatures connues de lui : c'est bien le professeur Louis Naudin.
(Photo JL Largier)

La création des réseaux ferrés parisiens, autre urbanisme souterrain titanesque.

Les principes de topographie souterraine ont été mis en application lors des opérations de génie civil liées à la création de certaines voies ferrées parisiennes : ligne de Sceaux (1846), Petite Ceinture de Paris (1865), et Métropolitain (1900).

En 1846 donc, l'actuelle gare de Denfert-Rochereau, la plus ancienne de Paris encore en place depuis son ouverture, a été consolidée comme il se doit. Si à son exact aplomb sous terre se lit encore son nom de baptême « Embarcadère de la ligne de Sceaux » gravé très officiellement, dans une des galeries souterraines de consolidation entre les stations Laplace et Arcueil Cachan, on lit le nom du polytechnicien [Jean-Claude Républicain] Arnoux laissé en 1845 de manière plus spontanée et anonyme quant à son auteur, qui dessina d'ailleurs un "N" dysorthographié. Concepteur des essieux articulés, système qu'il avait mis au point afin d'améliorer la vitesse des trains en courbe tout en réduisant l'usure des rails et des roues, Arnoux avait obtenu l'autorisation de développer cette ligne expérimentale, dans laquelle il créa courbes et contre-courbes plus qu'à foison et sans nécessité topographique, simplement pour tester la fiabilité de son invention.

Lors des nouveaux travaux souterrains pharaoniques nécessités pour la création du réseau métropolitain à la charnière des XIXe et XXe siècles, c'est à nouveau toute une population de migrants que drainèrent ces travaux. Ils venaient pour la plupart de la Creuse, du Limousin (devenu d'ailleurs synonyme de maçons par métonymie), voire de la Haute-Loire, département qui fut même dessiné au mortier frais sur une des consolidations en meulière du métro place d'Italie, avec ses frontières et ses routes principales.

Un peu plus tard, afin de permettre à deux endroits le passage de la ligne 12 du métro au même niveau que les galeries de servitude de l'IDC, tout en assurant la continuité du service d'inspection, la galerie de carrière a été déviée une fois par dessus (rue de Vaugirard), l'autre au dessous (rue de Fleurus). Quelques-uns des 12 ouvriers affectés à ces travaux laissèrent leurs noms à plusieurs reprises : les maçons Maubert, Boyer, Gascon, Creuzillet, Berody, en mai 1908.


Dans le système Arnoux, l'écartement des rails était particulier puisque de 1750 mm, au lieu de l'écartement standard de 1435 mm soit... 4 pieds 8 pouces et demi ! Jean-Claude-Républicain Arnoux reçut cet hommage d'une galerie à son nom, comme 155 ans plus tard des cataphiles le feront pour honorer le commandant de police Jean-Claude Saratte (créateur de l'Équipe de Recherche et l'Intervention en Carrières = la police des carrières) lors de son départ en retraite. Ils dénommèrent alors à cette occasion une galerie des carrières sous le 14e arrondissement, et y apposèrent une plaque en carreaux de céramique aux couleurs officielles de la voirie parisienne. (Photo Dominique Paris)


Ci-dessus, noms d'ouvriers ayant ouvrés aux travaux dans les carrières nécessités par le passage du métro en 1908.

Autres usages des carrières : des laboratoires de recherche aveugles et thermorégulés

À l'entrée du réseau de carrières du Jardin des Plantes (5e arrondissement), on peut lire d'une écriture malhabile « 1896-97 A Milne-Edwards Directeur A. Viré entreprit ici des expériences zoologiques ».
Armand Viré, docteur ès sciences naturelles attaché au Muséum d'histoire naturelle, laissa son nom à différents endroits des carrières de Paris en compagnie de celui de Mémain, associé également à Jacques Maheu, attaché à l'école supérieure de pharmacie, lorsqu'ils les parcouraient ensemble à la recherche de la faune (sujet des travaux de Viré) et la flore (sujet de Maheu) « obscuricoles » ; un alibi pour se promener partout sous Paris tout en se donnant bonne conscience ?
Bien que certains considèrent ce lieu comme le premier laboratoire souterrain, ancêtre de celui de Moulis (laboratoire souterrain créé par le CNRS en 1948 dans l'Ariège), ce n'est pas vraiment le cas. Antérieurement à cette réalisation, des expériences furent réalisées dans les carrières sous l'Observatoire de Paris, consolidé dès sa construction au XVIIe siècle, soit plus de cent ans avant la création de l'IDC. On trouve d'ailleurs en ciel souterrain de ce lieu dédié à l'étude d'autres deux, laissé au carbone d'une flamme nue « Noé Camar 1671 », peut-être le nom d'un des ouvriers affectés aux travaux de consolidation de ce bâtiment dédié aux observations célestes.

Lors de la construction du bâtiment de l'Observatoire (de 1667 à 1672), on fut en effet confronté, comme pour l'église du Val-de-Grâce, à l'existence insoupçonnée jusque-là d'anciennes carrières souterraines. On ambitionna alors la réutilisation de ces vides souterrains pour la science. La construction d'un bâtiment dévolu à un usage scientifique n'est pas étrangère à l'option envisagée de ce que l'on désigne du terme de « Caves de l'Observatoire », dans lesquelles diverses expériences furent tentées avec plus ou moins de succès. Le grand puits, noyau central de l'escalier, a servi pour étudier la chute des corps qu'on laissait tomber des divers étages de l'Observatoire (expériences réalisées par Mariotte et Philippe de la Hire dès 1683). On y testa aussi la résistance de très grands tuyaux en fer blanc tenus verticalement, que l'on remplissait d'eau pour voir à partir de quelle hauteur de liquide ils éclataient. Des emplacements furent réservés pour y suivre la conservation des grains et des fruits. Un puits remontant de 55 mètres, car traversant les 3 étages du bâtiment, fut même essayé comme lunette astronomique, mais sans grand succès par J.-D. Cassini. Et l'on apprend par des graffitis, au débouché de l'escalier d'accès, que « Les fils électriques ont été installés le 17 mars 1855 », que « F. Deschien A. Dantzer a posé le câble le 1er décembre 1880 Achille Dantzer F. Dupont », ou bien encore que « Laquaire et Garnier ont posé le thermomètre à acide sulfureux à contrôle électrique de M. Wolf en Xbre 1890 ».

L'ultime avatar de cette utilisation scientifique débuta en 1920 : c'est dans les caves de l'Observatoire que fut installée la première des horloges fondamentales (le « cour de l'horloge parlante »), qui sera remplacée par une pendule à quartz en 1946. Si ce site des carrières de l'Observatoire avait à nouveau été choisi grâce à sa constance de température, de nos jours l'horloge atomique (une fontaine à césium qui délivre la seconde à 10-15 près) qui donne le temps officiel, ne réside plus en ces lieux, mais dans une salle isotherme et climatisée aux paramètres technologiquement parfaitement contrôlés.

Au début du XXe siècle, des études sur la conservation et la tenue de produits chimiques à l'humidité des carrières et des expériences sur ces produits chimiques soumis à la température des carrières, avaient aussi été réalisées sous la faculté de pharmacie. Pour y accéder, était utilisé l'escalier circulaire d'environ 13 mètres construit en même temps que l'édifice pour le compte de l'état, et débouchant dans le sous-sol du bâtiment principal. À partir de cet escalier, le 27 mars 1885 « Pernet, Normazu et Perdinet, députation à l'école des Potards » (autrement dit des étudiants en Pharmacie) vinrent se « perdre » dans les galeries de carrière des environs.

Pour en revenir au jardin des plantes, les expériences tentées par Armand Viré cessèrent en 1910 à cause de la crue de la Seine, qui n'épargna bien évidemment pas un lieu aussi proche que le jardin des Plantes. A. Viré tenta bien de relancer son laboratoire, mais sa mobilisation en 1914 mit définitivement un terme à l'utilisation scientifique de ce site. Et si Félix Tournachon, dit Nadar, expérimenta sous Paris en 1860 les premières photos souterraines à la lumière électrique en prenant comme décor l'ossuaire des Catacombes et les égouts de Paris, on peut considérer que le sous-inspecteur municipal E. Vallet, n'en continuait pas moins des expérimentations photographiques sous Montparnasse lorsqu'il y prenait des vues en 1897, comme le montre une inscription au crayon que l'on peut lui attribuer.

Des prémices de la guerre à l'Occupation un peu envahissante de nos amis teutons

Lors de la « Grande Exposition du siècle », celle de 1900, les carrières du 16e arrondissement furent le site astucieusement retenu pour deux présentations souterraines : l'Exposition minière souterraine, dédiée à la gloire de nos industries extractives (reconstitution d'une galerie de mine de charbon avec plan incliné, d'une mine d'or du Transvaal, etc.) et le Monde Souterrain, consacré aux découvertes archéologiques récentes naturelle ou anthropiques. C'est Louis de Launay, ingénieur des mines, et son beau-frère Edouard Alfred Martel, célèbre spéléologue, qui sont principalement à l'initiative de cette double vitrine souterraine. Louis de Launay, comme ces autres compères de l'École des Mines toutes promotions confondues, a laissé son nom dans les carrières sous Paris lorsqu'il les découvrit à l'occasion de son initiation à la topographie souterraine en 1882 (cf. supra). Il était le responsable du groupe d'élèves qui ont laissé leurs noms au dessous du sien, celui surnommé "le Brigadier", les élèves étaient alors regroupés en brigades pour leurs études.

En 1937, se tint une nouvelle Exposition Internationale (dédiée aux « Arts et Techniques dans la vie moderne ») qui laissa sous terre des traces à connotation politique, mais beaucoup plus discrètes il est vrai, les « Souvenirs de l'Expo de 37 », comme on peut le lire à plusieurs reprises, côtoyant des slogans à la gloire du Communisme. Plusieurs personnes, employées à différents titres pour le bon déroulement de cette manifestation, profitèrent de sa localisation à nouveau sur la colline de Chaillot, pour aller « s'encanailler » dans les sous-sols. On peut en effet encore trouver des inscriptions laissées par les « brigadiers » Kovacs, Mezrach, ou les « gardiens » Trane ou Stépankowski, et concomitamment des slogans encensant le Front Populaire : « Vive le parti communiste » (accompagné de l'incontournable dessin d'une faucille et d'un marteau), « Vive Thorez », « Vive le Front populaire », ou même « Vive les Soviets » (jusqu'à l'écrire à l'intérieur d'un coeur !).

Déjà lors du passage en France du « Tsar de toutes les Russies », et de la famille impériale russe (en septembre 1896), avait été organisée une exposition au Champ-de-Mars en l'honneur de ce régime. Il nous en reste une chanson composée par Franc Nohain (un peu tombés dans l'oubli tous les deux), les fameux desserts « Franco-Russe »... ainsi qu'un portrait du Tsar dessiné sous Paris.


Nous avons eu la chance de retrouver la petite fille de Wladimir Stépankowski, interprète parlant le russe et le français, qui s'est promené dans les carrières du Trocadéro en 1937 en compagnie des brigadiers Mezrach et Kovacs, et du gardien Trane.
(Photo Hugo Clément ; Documentation DR).

Moins de 15 ans après le grand raout des nations que fut l'Exposition de 1900, qui se voulait à la fois Universelle (= traitant de tout) et Internationale (= voulant rassembler tous les peuples dans un semblant d'amitié fraternelle), se déclencha ce que l'on pensait être la Der des Der, qualifiée ainsi devant l'horreur du nombre de tués, blessés et définitivement traumatisés : la première Guerre mondiale et sa cohorte de millions de victimes. Sous Paris, excepté un « Marchons vers Berlin » et « Vengeons-nous et mourrons » signant l'entrée en guerre, aucune autre trace de ce conflit. Il faut s'éloigner dans les carrières de la banlieue pour trouver des inscriptions laissées par des conscrits : Charles et Henri Gillet, tous les deux de la classe 1916, gravant leurs adieux dans les carrières de calcaire de Chavenay, ou l'inscription votive honorant Félix et Henri Corroyer « morts aux champs d'honneur » en 1915, dans celles de gypse à Triel-sur-Seine.

Lors de la deuxième Guerre mondiale, les carrières de Paris ayant été aménagées par endroit pour servir astucieusement d'abris de Défense Passive, on peut y retrouver des écrits liés à cette utilisation. On observe également des traces de passage datées de 1939 dans quelques galeries, par exemple sous le cimetière Montparnasse, facilement accessible à partir d'escaliers menant aux abris. Hormis les traditionnels pochoirs utilisés dans les différents abris pour identifier l'usage des pièces, qu'ils soient français ou allemands (avec pour ces derniers : « Ruhe » i.e. silence, « Rauchen verboten » défense de fumer, « Notausgang » sortie de secours, etc.), on peut aussi y lire des moments de la vie à l'époque : « 5 mars 42 Bombardement aérien de Paris » (ce sont les usines Renault qui étaient visées car elles travaillaient pour la Wehrmacht), « 3 août 44 2ème alerte », « En souvenir d'une charmante alerte qui a eu l'audace de me faire rater mon train. Gynète Le Moyne », « Au remerciement du génie qui nous fit avoir une alerte pendant les sciences. Les martyrs du brevet », « En souvenir d'une journée de déménagement qu'une alerte a dérangé. Christiane Lavarède ». Mais les allemands n'étaient pas en reste de vouloir laisser également une trace de leur passage dans et sous la capitale, comme « mon ami » Rudy, successivement en 1940, 1941 et 1942, 1943 ; l'année 1944 restant définitivement muette pour une raison que nous ignorons (son départ de Paris pour le front ?). La surprise que nous eûmes en 2012 fut, lors d'une prolongation de ce travail en cours avec Marina autour des traces de ce dernier conflit mondial, de découvrir quatre prénoms allemands datés de 1942 dont un Walter en bas des marches du Bain de Pieds des carriers de l'ossuaire des Catacombes.


Le Bottin mondain de cette année-là nous signale pour le musée des Catacombes « Visites provisoirement suspendues »... mais les Allemands étaient un peu chez eux à l'époque, donc ils pouvaient aller à leur guise ou bon leur semblait. Ils avaient d'ailleurs totalement annexé les galeries menant depuis l'abri sous le quartier général de la Luftwaffe (dans le lycée Montaigne), jusqu'aux trois sorties de secours assez éloignées mais fléchées comme il se doit : sur le boulevard Saint-Michel, la rue Notre-Dame des champs et la rue Bonaparte.

D'obscurs visiteurs à défaut d'être anonymes

Les quelques graffiti(s) évoqués dans cet article, ne sont qu'une faible partie d'un corpus beaucoup plus considérable, limité ici aux traces dont l'auteur est ou pourrait être identifiable moyennant un certain nombre de recherches, facilitées de nos jours grâce à Internet, ce réseau virtuel écho du réseau physique souterrain parisien. En effet, nombreuses sont les personnes, qui ayant circulé (clandestinement ou non d'ailleurs) dans les anciennes carrières de la Ville de Paris, y ont laissé une modeste inscription comme signe de leur passage, parfois seulement un nom et une date. La plupart resteront malgré tout « anonymes ». Heureusement de temps en temps au détour d'une circonvolution dans une galerie souterraine nous est révélée une belle histoire.


© Franck H20 (http://www.datacombes.com/)

Portrait de Philarète Chasles, dont le nom apparaît photo précédente en utilisant le P et le C signifiant « pilier de consolidation ».

Ainsi quelques-uns parmi les cataphiles à l'esprit le plus ouvert connaissent les innombrables graffitis dus en 1874 à Emile Gérards, auteur entre autres du fameux Paris souterrain (paru chez Garnier frères en 1908, précédé d'ailleurs par Les Catacombes de Paris chez Chamuel en 1892). À cette époque, il avait alors 15 ans et venait d'entrer à l'Inspection des carrières, ayant pris ses fonctions le 1er août de cette année-là. On peut parfaitement expliquer son comportement obsessionnel qui de nos jours serait l'équivalent de la monomanie des taggers : écrire à de multiples reprises son nom de reconnaissance adopté, ici en l'occurrence EDEG. Faisant l'hypothèse que c'est lors de sa première descente, donc sa première visite des sous-sols de Paris, qu'il parcourut le boulevard Arago (qui serait alors également l'une des toutes premières galeries qu'il emprunta), il y écrivit son nom ad nauseam sur chacun des piliers. Cette découverte des sous-sols l'accaparera d'ailleurs tant qu'il en écrira les ouvrages sus-nommés, et lorsqu'il fera valoir ses droits à la retraite il sera alors nommé Ingénieur honoraire des Travaux Publics de la Ville, une carrière remarquable s'il en fut car à l'âge de 18 ans il n'était encore que Piqueur stagiaire.

En revanche, dans le même secteur se distingue un autre nom, celui de Philarète Chasles, homme de lettres et journaliste français, bibliothécaire à la bibliothèque Mazarine et professeur au Collège de France (chaire de littérature européenne). Mais lors de son périple sous Paris, il aurait eu au moins soixante-dix ans.

D'autres amateurs d'un jour (ou d'une nuit) n'auraient jamais été connus si bizarrement il n'avait pas été reconnus grâce à leur nom écrit une fois, avec un élément permettant de les identifier et de les distinguer de potentiels homonymes. Adolphe Clamet (qui eut l'idée de préciser « Blois l'Estimable, compagnon couvreur ») a visité les galeries sous Paris pour le plaisir en 1869, et nous avons eu la chance de retrouver son ultime descendant, ancien compagnon couvreur lui aussi, qui possédait alors toujours la canne de son aïeul au pommeau gravé de son « blase compagnonnique ». Gadon Garçon, « marchand de vins rue d'Assas 110 », alla lui aussi se dégourdir les jambes dans les « catacombes parisiennes », tout comme Fernand Dumesnil, né à Paris en 1877, lequel aurait également pu venir à partir de la brasserie éponyme ouverte rue Dareau. Son nom voisine celui du grand tragédien François Joseph Talma en 1802, ce qui rappelle que la fréquentation clandestine des anciennes carrières sous Paris n'est pas que le fait d'étudiants, mais aussi d'artistes. Si Talma y passa, mais ne semble pas avoir évoqué cette expérience ponctuelle dans ses écrits, Mounet-Sully, tragédien d'une autre époque, y descendit également, mais pour l'instant nous n'avons pas relevé de preuves in situ de ce fait. Tous ces visiteurs considéraient alors ces galeries comme un terrain de jeu et d'exploration, leur terrain devrais-je dire, puisqu'ils estimaient comme un privilège de pouvoir accéder à ces lieux, et ils en transmettaient alors la connaissance au sein des leurs par corporatisme.

Nous n'omettrons pas non plus que de la fin du XIXe siècle jusqu'au début du XXe siècle, la région parisienne le disputait au reste de la France dans l'intérêt géologique quelle suscitait. Ainsi dans un karst dans le second étage de la carrière de Port-Mahon (14e arrondissement), on peut relever les noms de membres de sociétés savantes qui sont venus dans l'ossuaire des Catacombes au cours d'une de ces « courses géologiques » pédagogiques. Elles parcouraient des spots franciliens liés à des stratotypes, ou mettant en évidence des phénomènes étudiés par les sciences de la terre. Les carrières permettent une approche facilité de certaines zones habituellement enfouies sous des couches stratigraphiques qui les rend invisibles depuis la surface ; elles faisaient donc partie de ces tournées scientifiques, qui perdurèrent jusqu'à assez récemment sous la houlette de professeurs de l'université de Jussieu ou de Paris I montés en association loi 1901, comme le montre les inscriptions indiquant dans les années 80's des endroits où furent levées de telles coupes géologiques.

Sachant qu'une rencontre internationale de géomorphologie se déroulera à Paris en août 2013 et qu'au cours de celle-ci une série d'excursions va être organisée autour du thème « Paris souterrain » avec la visite de sites emblématiques (principalement l'ossuaire des Catacombes ainsi que la carrière des Capucins sous l'hôpital Cochin... voire plus si affinité !), peut-être que dans quelques années quelqu'un découvrira un écrit commémoratif quelque part dans les carrières, et qu'il sera à son tour transcrit dans un article tel celui-ci, par une mise en abyme comme un écho sans cesse reproduit ? L'histoire en marche semble parfois n'être qu'un perpétuel recommencement ; ne parlons pas des écrits historiques !


Pour un Barrois identifié (auteur en 1964 du Paris sous Paris et qui était descendu le vendredi 16 février 1962 avec un dénommé Oudin), combien de Louis Messu (qui s'y promena également en 1962, le 18 mars, le dimanche des Accords d'Évian, comme pour rechercher une paix intérieure), de Boudouille (là on sait que c'est toute une famille), ou même de Chaput, sur les noms desquels nous ne nous sommes pas encore penchés sérieusement pour arriver à y mettre un (des) visage(s) ?

Quand des graffitis souterrains sont colportés au moyen de photos ou d'articles

Le patronyme de Chaput se lit in situ non seulement sous le cimetière Montparnasse ou sur la fontaine des Capucins, mais également en ciel du vestibule de l'Ossuaire des Catacombes. Il est également l'un de ceux passés définitivement à la postérité quoi qu'il arrive à ces écrits souterrains, car il apparaît aussi clairement sur des cartes postales anciennes. Il se pourrait même que l'on ait à faire à une dynastie, car sous Paris les plus récents sont clairement datés de 1965, tandis que les cartes postales où se lit ce nom (tombeau de Gilbert ou sculpture de Décure par exemple) datent de la fin du XIXe - début du XXe siècle.

Voici d'ailleurs une source inexplorée pour enrichir ce relevé de graffitis ayant un intérêt historique : les photos et autres documents iconographiques anciens. Et comme on sait qu'il n'y a pas que « la canaille qui met son nom sur la pierraille » [ Inscription du XIXe siècle trouvée dans une carrière de l'Aisne ] , cela laisse la porte ouverte pour de futures belles découvertes. En revanche, « le temps presse, l'eau monte » car comme la langue d'Ésope, les graffiti(s) sous Paris sont à la fois la pire et la meilleure des choses : grâce à eux le passé de notre Capitale n'a jamais été aussi vivant, mais à cause des tags et autres bombages à la peinture multipliés ces dernières années jusqu'à l'écourement, ce passé est en train de mourir d'une manière dramatiquement accélérée sans que les autorités ne s'en émeuvent nullement. Raymond Devos avait dit : « Paris ressemble à un théâtre qui a gardé les traces de toutes les pièces jouées précédemment », c'est le « Paris de tous les possibles... ».

Mais actuellement la pièce de théâtre qui se joue dans les sous-sols est non seulement tragique, elle est aussi d'une noirceur sans égale dans le passé ; l'avenir de ce patrimoine est plutôt sombre, le ciel y est vraiment couvert. « Il y avait sur les parois d'innombrables signes, des flèches surtout, des traits peints en diverses couleurs, gravés, bombés ou tracés à la craie. Ces flèches décochées en tout sens marquaient des directions différentes, souvent opposées, et, s'annulant à force, permettaient sans doute d'aboutir partout et en même temps nulle part. À moins que certains cataphiles eussent voulu tout simplement marquer un territoire, délimiter un espace et se l'approprier. Ou alors fixer un événement, laisser un signe de son passage, un nom et une date pour attester de sa présence dans les catacombes, un cour aux initiales enlacées témoignant d'un pacte amoureux dans l'instant ou l'éternité. [...] Tout au long les parois étaient chargées de peintures, de tags, de graffitis obscènes charbonnés ou bombés : le Louvre souterrain » [ Jean-Pierre Otte Le labyrinthe des désirs retrouvés (© Julliard 2012). ] . Pourtant comme déjà signalé, lorsque l'on regarde de vieilles vues de ces Catacombes sur des cartes postales anciennes, on constate que les monuments de l'Ossuaire municipal étaient déjà entièrement graffités d'une multitude de noms, dates, phrases, et ce déjà dès le tout début du XXe siècle (voir le Blog http://ossuaire. wordpress.com)... mais chacun respectait alors son prédécesseur.


Photo 1 : dernier chantier repéré ayant donné naissance à une inscription commémorative (en 2006). Les travaux souterrains n'échappent pas à la mondialisation ; à défaut de pouvoir être délocalisés, ceux-ci sont sous-traités, ici à des ouvriers d'origine turque.
(Photo Stéphanie Godon)

Photo 2 : l'auteur devant une inscription signée FL (comme la tour) : « Pour le plaisir d'aller jusqu'au bout » (datée du 20 septembre 2003).
(Photo Marina ktakafka.free.fr/)

Remerciements

Mille mercis à tous ceux qui comprennent et soutiennent mon travail de recherche historique sur / sous le territoire parisien, et qui parfois y participent en m'accompagnant d'une manière ou d'une autre, dans les carrières ou les Catacombes de Paris, « le seul endroit où il fasse frais ».

Parmi ceux-ci, un focus particulier à Franck H20 (http://www.datacombes.com/) qui a commencé un travail d'inventaire photographique des plaques gravées, Frédéric Mathieu, spécialiste de l'histoire de la période 1870-1871 (http://geos1777.free.fr/), Marina (http://ktakafka.webatu.com/) ; et plus récemment Jeanne Grange de chez Stock (assistante d'édition pour L'Enfant grec, roman de Vassilis Alexakis, lequel a intégré Célestin Pierre Picoud dans l'histoire en partie souterraine de son dernier opus).
Nous ne pouvons que vous conseiller la lecture de Avant, l'un de ses précédents romans, car celui-ci se passe intégralement dans les anciennes carrières souterraines de Paris, précisément sous le cimetière du Montparnasse. En revanche, dans celui-ci vous ne pourrez trouver aucun graffiti car cette histoire se déroule entièrement dans le noir. Mais croyez-en la parole d'un cataphile qui pense connaître un peu la littérature des « Catacombes », ce livre constitue l'une des plus belles oeuvres de fiction française évoquant un Paris souterrain qui nous est cher (n'est-ce pas Sophie ?).

Nouvelle bibliographie liée aux graffitis souterrains parisiens :


Photo : un des nombreux exemples montrant jusqu'à quel point les plaques de l'ossuaire (qui furent à un moment peintes en blanc) était recouvertes de graffitis de visiteurs voulant laisser une trace de leur passage dans l'« Empire des déjà morts ». Dans le renflement en bas droite, le nom d'un élève en 3ème au lycée de Caen.


La profusion de graffitis dans l'ossuaire était déjà signalée dans l'article intitulé « Le seul endroit où il fasse frais : Une visite aux catacombes », dans Le Journal du 9 août 1911 : « On peut aussi déchiffrer les noms, les signatures, inscriptions, déclarations et autres graffiti que des hommes innombrables, et des femmes aussi, qui désiraient laisser, ne fût-ce qu'aux Catacombes, un souvenir d'eux-mêmes, ont tracé sur ces murs au passage. Je distingue : Kufka de Copenhague ; Louise et Henri, pour toujours, etc., et d'autres plus explicites ; et celle-ci, qu'on devine sincère : Chichette voudrait bien être sortie d'ici. » (d'après : http://thetunnel.free.fr/upresse.html). Et l'on découvre que la diffusion de ces graffitis des Catacombes voyagea relativement rapidement en Europe, puisque le samedi 12 août, un même texte apparaissait déjà dans le quotidien néerlandais NIEUWSBLAD VAN HET NOOR DEN van Zaterdag 12 Augustus 1911, sous le titre « Uit Parijs ».