Marie François Maurice METTRIER (1864-1939)


Mettrier, élève de Polytechnique
(C) Photo Collections Ecole polytechnique

Fils de Pierre Alfred METTRIER, juge d'instruction, et de Marie Françoise Berthe BRETON.

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1883, entré classé 3 et sorti classé 5 sur 222 élèves), et de l'Ecole des mines de Paris (promotion entrée en 1885, sorti classé 4). Corps des mines.


Publié dans le Bulletin de l'Association amicale des Anciens élèves de l'Ecole des Mines de Paris, 1er trim. 1940 :

Le 5 novembre 1939 est décédé l'Inspecteur Général Mettrier : depuis de longues années, il était condamné par la maladie à un pénible isolement, de sorte que la génération actuelle l'a peu connu. Ce sont les souffrances endurées en territoire envahi, de 1914 à 1918, qui avaient ruiné sa santé et l'avaient obligé à prendre une retraite prématurée. Le rappel de ces épreuves prend à l'heure actuelle une singulière actualité et le souvenir de cet homme modeste et serviable, de cet excellent ingénieur, mérite d'être conservé.

Mettrier était né à Langres le 5 septembre 1864. Après de fortes études classiques, — poursuivies notamment à l'école Notre-Dame-de-Mont-Roland à Dôle, qui jouissait alors d'une grande réputation, -- il entrait, en 1863, troisième à l'Ecole Polytechnique, en sortait dans le Corps des Mines et était reçu licencié es sciences mathématiques. Ses années d'élève-ingénieur se terminèrent par deux grands voyages, qui lui firent visiter la plus grande partie de l'Europe et le Caucase.

Nommé ingénieur des Mines en 1889, — après un passage à Foix et à Pau, -- il occupa, à partir de 1893, le poste, nouvellement créé, de Montpellier; chargé, en sus du service ordinaire et du contrôle des chemins de fer, des fonctions d'ingénieur-conseil des mines de fer communales de Rancié, il réussit à relever à une réelle prospérité cette affaire « difficile, compliquée et rebutante », et à ramener à une réelle prospérité cette curieuse et antique association ouvrière.

De son chef et ami M. Dougados, il avait reçu une forte empreinte de mineur ; il s'affirmait comme un ingénieur « de la plus haute valeur » : aussi était-il tout désigné pour succéder, en 1906, à Kuss dans l'importante charge de l'Arrondissement minéralogique et la direction de l'école des Maîtres-ouvriers mineurs de Douai. Il était titularisé ingénieur en chef en 1907 et fait chevalier de la Légion d'Honneur en 1909.

En dehors de son service, son expérience le faisait rechercher pour l'étude des gîtes minéraux : il fit ainsi de nombreux voyages en Suède, Espagne, Italie, Grèce, Serbie (mines de Bor), dans l'Afrique du Nord, et en Amérique, où il fut Conseil de la West Canadian Collieries Ltd.

Les congrès de l'Association française pour l'avancement des Sciences lui furent l'occasion de publier un aperçu de la constitution géologique et des ressources minérales des Basses-Pyrénées (1892) et une importante Etude de l'Industrie houillère du Nord (1909).

La guerre, en 1914, le trouve à son poste. Pendant la première occupation de Douai, il met en garde les agents en sursis d'appel contre une convocation qui n'était qu'un guet apens, puis il prend l'initiative de faire parvenir aux ouvriers l'ordre d'appel général qui n'avait pu être publié et organise des trains spéciaux d'évacuation sur le Pas-de-Calais. Le 1er octobre, Douai est définitivement occupée et livrée au pillage. Il est alors pris comme otage avec d'autres notables, et même menacé d'être fusillé.

A partir de décembre, il hospitalise dans les locaux de l'Ecole, privés de toute la literie, une centaine d'évacués du Pas-de-Calais et trouve le moyen de les entretenir, d'organiser des classes, un ouvroir et une consultation, jusqu'à ce que ces locaux soient eux-mêmes requis en octobre 1915. En même temps il s'occupait de soutenir le moral de la population au moyen de journaux français, colportés, copiés et commentés clandestinement ; il mettait en cachette sûre les plus intéressants documents de la bibliothèque et de service ; il vérifiait les réquisitions allemandes.

Expulsé lui-même de l'Ecole en mars 1917 ; témoin le 10 janvier 1918, entre un piquet de soldats de la déportation de trois hauts magistrats qui devaient mourir dans une grange infecte et glacée de Lithuanie ; réduit à n'occuper, avec Madame Mettrier, qu'une méchante pièce dans une maison des faubourgs ; exposé, après l'avance des Anglais, aux bombardements qui détruisent les deux maisons voisines, il est finalement évacué avec toute la population le 2 septembre 1918, c'est à Hornu, à la frontière belge, qu'il sera libéré, le 9 novembre.

Le 9 septembre 1920, il était fait Officier de la Légion d'Honneur, avec la citation suivante : « Demeuré à son poste d'ingénieur en chef à Douai pendant la durée de la guerre, a, par sa fermeté de caractère et sa haute autorité en matière de questions minières, rendu les meilleurs services aux intérêts français dans la région du Nord pendant l'occupation ennemie ». Il avait été promu Inspecteur Général dès le 1er juillet 1918 et chargé de l'Inspection du Sud-Est l'année suivante.

Mais les souffrances physiques et morales endurées pendant l'occupation avaient compromis irrémédiablement sa santé : la Kommnandantur ne lui permit même pas d'aller consulter un médecin à Lille. A la suite d'une grave opération subie en 1922, une affection de la vue, cruelle, implacable, se déclara, qui l'obligea à prendre sa retraite le 1er juillet 1924.

Pendant quinze ans, réduit à vivre dans une demi-obscurité et, pour finir, dans une réclusion absolue, il suporta cette privation de lumière, qu'aggravaient de lancinantes douleurs ,avec une parfaite résignation. Bien qu'en quelque sorte retranché du monde, il continuait à s'intéresser, par les lectures qu'il se faisait faire, à l'histoire, aux questions économiques et à la politique extérieure, à participer aux œuvres susceptibles de redresser l'esprit public trop oublieux de la leçon de 1914. Ne se faisant pas d'illusions sur le compte des Allemands, il voyait venir depuis longtemps la catastrophe qui a certainement hâté sa fin.

Félix LEPRINCE-RINGUET


Carrière de Maurice METTRIER, par Marie-Noëlle Maisonneuve :

25 août 1885 élève ingénieur de 3e classe...

25 mars 1889 Ingénieur ordinaire de 3e classe

23 avril 1889 chargé du sous-arrondissement minéralogique de Foix

11 avril 1891 sous-arrondissement minéralogique de Pau et 2e arrondissement du contrôle de l’exploitation des chemins de fer du Midi.

19 mai 1891 intérim du sous-arrondissement minéralogique de Foix.

26 avril 1893 Nommé Ingénieur au Conseil des mines de Rancié (Ariège) en conservant ses autres attributions.

25 mai 1893 déchargé de l’intérim du sous-arrondissement minéralogique de Foix.

10 juin 1893 attaché au Service du contrôle del’exploitation des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée.

26 juillet 1893, outre ses fonctions actuelles, service du sous-arrondissement minéralogique de Montpellier.

27 octobre 1894, ingénieur ordinaire de 1e classe.

10 novembre 1900 ingénieur ordinaire de 1e classe.

20 mai 1903 outre ses fonctions actuelles, interim du 6e arrondissement du service de contrôle de la voie et des bâtiments des chemins de fer du PLM et du 3e arrondissement du service du contrôle de la voie et des bâtiments du chemin de fer du Midi.

12 mars 1908 déchargé des fonctions d’ingénieur conseil de la mine de Rancié.

25 juillet 1906 service de l’arrondissement minéralogique de Douai et de la direction de l’ecole des maîtres mineurs de Douai.

2 mai 1907 ingénieur en chef de 2e classe

28 décembre 1909 chevalier de la Légion d’honneur.

11 juillet 1910 élevé à la 1e classe de son grade.

30 mars 1911 congé de deux mois à partir du 21 avril 1911 avec traitement entier.

13 juillet 1916 porté au traitement de 12000 fr.

26 juillet 1918 Inspecteur général de seconde classe.

15 avril 1919 division minéralogique du Sud-Est.

12 août 1919 interim de la division minéralogique du Centre : arr. minéralogique de Saint-Etienne.

20 août 1919 suppléant du directeur des mines au Conseil d’administration de la Caisse autonome de retraite des ouvriers mineurs. Il en sera déchargé en 1924.

19 septembre 1920 officier de la Légion d’honneur.

18 janvier 1923 membre de la Commission centrale des machines à vapeur pour 1923 et 1924.

1er juillet 1924 admis à faire valoir ses droits à la retraite pour cause d’invalidité.