Charles Antoine Marie Roch de RUFFI de PONTEVES-GEVAUDAN (1875-1944)

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1893, sorti classé 2 sur 239 élèves), et de l'Ecole des Mines de Paris (entré en 1895 classé 2 sur 3 élèves). Corps des mines.
Fils de Charles Antoine Léon de RUFFI de PONTEVES-GEVAUDAN, contrôleur de l'administration de l'armée (décédé en 1914), et de Aimée Juliette CULLERIER. Gendre de Zeiller. Frère de Mme DUFOUR de la THUILERIE (morte le 1/9/1927).
Père de Jean François Marie Jacques de Ruffi de Pontevez-Gévaudan (1909-1998 ; X 1930 marié le 1/7/1934 à Marie-Edith HUDAULT) et de Charles de Ponteves (vicaire à Dourdan en 1935, il prononce le service funèbre annuel de l'association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris la même année) ; grand-père de trois polytechniciens, dont Hubert de RUFFI de PONTEVES (X 1966, ingénieur en chef de l'armement, 1947-2003).



de Ponteves en 1899, élève de l'Ecole des Mines de Paris
(C) Photo collections ENSMP

Biographie de CHARLES de RUFFI de PONTEVES-GEVAUDAN, INSPECTEUR GÉNÉRAL DES MINES (1875-1944),
par H. DAUVERGNE, Inspecteur général des mines.

Publié dans Annales des Mines, 1944, 14ème série tome IV.

Le 2 avril 1944, s'est éteint à Saint-Cloud M. Charles de RUFFI de PONTEVES-GEVAUDAN, Inspecteur général des Mines, Vice-Président honoraire du Conseil général des Mines, Président du Conseil d'administration de la Caisse autonome des Ouvriers mineurs et du Conseil d'administration de l'Office national industriel de l'Azote, Officier de la Légion d'honneur.

M. BICHELONNE, Ministre Secrétaire d'État à la Production industrielle et aux Communications, le Conseil général des Mines, de nombreux membres des Corps des Mines, des Ponts et Chaussées et fonctionnaires de tous grades, les amis et la famille l'ont accompagné, le 5 avril, à sa dernière demeure. Selon le désir du défunt, aucune fleur n'a été jetée sur sa tombe, aucun discours n'a été prononcé. Ce grand homme de bien avait le goût de la simplicité et de la modestie.

Avec lui disparaît une haute et noble figure de la lignée des grands commis qui consacrent toute leur vie au service des intérêts supérieurs de la Nation et pour lesquels les titres de noblesse et les dons supérieurs de l'intelligence sont une obligation de plus à servir.

Né le 7 juin 1875 à Lille, il descendait de l'une des familles les plus illustres et les plus anciennes du Dauphiné et de la Provence, dont Aix fut le berceau et trouva, dès l'enfance, un exemple constant de vies consacrées aux grandes charges publiques, dans son grand-père, premier président de Cour d'appel, et dans son père, contrôleur général de l'Armée, qui apportaient dans la vie quotidienne le reflet des intérêts supérieurs et permanents du pays.

Il fit au Collège des Eudistes, à Versailles, des études particulièrement brillantes qui lui permirent d'acquérir une solide formation secondaire complète, littéraire, et scientifique, ainsi qu'en ont témoigné ses succès aux baccalauréats ès lettres et ès sciences.

Entré en mathématiques spéciales au Lycée Hoche, il fut reçu à l'École Polytechnique, en 1893, à l'âge minimum de dix-huit ans.

De 1893 à 1895, il poursuit ses études à cette École, dont il sort avec le n° 2, dans le Corps des Mines.

A sa sortie de l'École nationale supérieure des Mines, en 1899, il effectue aux États-Unis d'Amérique un voyage d'études, dont le journal fut tout particulièrement remarqué par la précision, l'objectivité et la richesse de ses observations sur la grosse métallurgie, la grande industrie mécanique, les usines production d'électricité et l'industrie minière.

A son retour d'Amérique, il occupe successivement les postes d'ingénieur des Mines à Rouen, d'ingénieur du Contrôle de l'Exploitation technique du Réseau du Nord et du Réseau de l'État à Paris.

En 1908, il remplit les fonctions d'adjoint au directeur du Contrôle du Travail des agents de Chemin de fer; en 1911, il est promu ingénieur en chef des Mines.

Durant la guerre 1914-1918, il est mobilisé, comme chef d'escadron de réserve, à l'Inspection des Forges de Paris et est nommé lieutenant-colonel de réserve en 1916. Il devait être d'ailleurs promu colonel de réserve en 1932.

Après la guerre, il prend, en janvier 1920, la direction du Contrôle du Travail des agents de Chemins de fer, est promu en 1924 inspecteur général des Mines de 2e classe, en 1936 inspecteur général des mines de lère classe et en septembre 1939, vice-président du Conseil général des Mines.

Son autorité, sa puissance de travail, la clarté de son jugement et sa connaissance des questions sociales auxquelles sa bonté native le prédestinait, l'avaient naturellement désigné pour occuper un certain nombre de postes de choix que l'État se doit de réserver à ses serviteurs d'élite. C'est ainsi qu'il fut nommé en 1931 président du Conseil d'administration de la Caisse autonome de Retraites des ouvriers mineurs, et en 1939, président du Conseil d'administration de l'Office national industriel de l'Azote.

Atteint par la limite d'âge et mis à la retraite en 1941, il n'en continua pas moins jusqu'à sa mort d'assurer la présidence de ces deux importants organismes et de faire partie du Conseil général des Mines où ses avis éclairés et sûrs faisaient toujours autorité.

Il s'est éteint doucement, en grand chrétien et en grand Français, après une maladie qui le retint alité durant plusieurs semaines.

Bien que ses dernières années aient été assombries par les événements de 1940, par la captivité de deux de ses fils retenus en Allemagne, par l'éloignement de l'une de ses filles, bénédictine missionnaire à Madagascar, dont il resta sans nouvelles depuis 1942, il sut conserver jusqu'à sa fin, malgré ses souffrances, cette égalité de caractère, cette grandeur d'âme, cette foi inaltérable dans les destinées de la France dont toute sa vie avait été un constant témoignage.


Les vertus de l'homme privé et du père de famille ne le cédaient en rien à celles du haut fonctionnaire.

Il avait épousé, en 1902, Mlle ZEILLER, fille de l'inspecteur général des Mines, membre de l'Institut dont les travaux dans le domaine de la paléobotanique font autorité, et qui devait occuper également les hautes fonctions de vice-président du Conseil général des Mines. Mme de PONTEVES fut par ses qualités de coeur et d'intelligence la fidèle et digne compagne de son mari qui l'entourait d'une tendre et respectueuse affection.

De cette union naquirent sept enfants : trois filles, dont il eut l'immense douleur de perdre l'une à l'âge de sept ans, et quatre fils, dont l'aîné se fit prêtre après avoir été reçu à l'École Polytechnique et qui, suivant le noble exemple de leur père, servirent tous comme officiers et firent brillamment leur devoir durant la guerre actuelle. La Croix de guerre récompensa la vaillante conduite de deux d'entre eux.

Je crois devoir également associer à son souvenir un homme auquel l'unissaient les liens les plus sacrés du sang et l'amitié la plus pure, le vice-amiral Jean de PONTEVES qui, comme lieutenant de vaisseau, se signala par sa vaillante conduite en Chine dans la colonne Seymour, fut glorieusement blessé à la tête de ses marins sous les murs de Tien-Tsin et, comme capitaine de vaisseau, fut désigné, par ses qualités de technicien, de marin et de diplomate, pour remplir durant plusieurs années le poste éminent d'attaché militaire à Londres. Tous les fonctionnaires de l'Administration des Travaux publics se rappellent la noble et souriante figure de l'amiral qui, attaché pendant la guerre à la Direction générale des Transports, rendit au pays, en ces mois tragiques du printemps et de l'été 1940, d'éminents services par son calme courage et son sens de l'organisation.


Mettant en pratique les devises de sa famille, Médius tutus in undis-Separata liqat, M. le Président de PONTEVES était un négociateur né, qui, par son calme, sa patience et sa diplomatie, savait concilier les difficultés les plus graves et excellait à l'apaisement des esprits; aussi la plupart des nombreux arbitrages dont il fut chargé par le Gouvernement durant la période si difficile de 1936-1939 s'achevèrent-ils par des conciliations.

C'est surtout à la tête de la Direction du Travail des Agents de Chemins de fer qu'il fit preuve de ses qualités de grand fonctionnaire et de négociateur. Il assura cette délicate fonction durant dix-neuf années, de 1920 à 1939, avec une largeur et une indépendance de vues, un souci permanent de l'équité et du progrès social, enfin une inaltérable bonté qui lui attirèrent non seulement la confiance de tous les Ministres successifs des Travaux publics, des dirigeants des grands réseaux de chemins de fer et de la S.N.C.F., mais encore celle, beaucoup plus difficile à obtenir et à conserver, de l'unanimité des cheminots et de leurs puissantes organisations syndicales.

Il consacrait à cette tâche toute sa volonté constamment tendue vers l'amélioration progressive de la condition des travailleurs en ne perdant jamais de vue l'intérêt supérieur du service public, devoir essentiel pour le haut fonctionnaire gardien permanent des intérêts de la collectivité.

D'une simplicité parfaite et d'une grande bonté, il était naturellement porté à témoigner au monde du travail et à chacun en particulier, la plus constante bienveillance. Pour tous, il était affable, et obligeant, toujours prêt à rendre service.

Mais sa grande expérience des hommes et son intelligence lucide et toujours en éveil lui interdisaient de céder à la démagogie. Il était étonnant de promptitude, de finesse et de subtilité lorsqu'il s'agissait de déceler les répercussions fâcheuses d'une suggestion dangereuse ou d'écarter d'un mot ou d'un sourire une proposition inopportune.

Son oeuvre à la tête du Contrôle du Travail fut considérable et porta notamment sur les questions suivantes :

Réglementation du travail. - Élaboration et application de la législation instituant après la guerre de 1914-1918 le régime de la semaine de quarante-huit heures, en 1937 celui de quarante heures, en 1938 celui de quarante-cinq heures, enfin au début de la guerre 1939-1940 celui de soixante heures.

Amélioration du régime des salaires et des retraites des agents des grands réseaux.

Adaptation des effectifs à la durée du travail du personnel et à l'activité des grands réseaux.

Amélioration des statuts des agents des réseaux secondaires.

Élaboration du régime des retraites des agents des réseaux secondaires d'intérêt général et des voies ferrées d'intérêt local (loi du 22 juillet 1912, modifiée par les lois des 31 mars 1928, 31 mars 1932 et 18 janvier 1936).

Institution de la Caisse de Prévoyance de la S. N. C. F.

Coordination des régimes particuliers de retraites et d'assurances avec le régime général des Assurances sociales.

Élaboration et application de la législation sociale spéciale aux cheminots alsaciens-lorrains.

Institution des Comités du Travail du personnel de la S. N. C. F. et des délégués à la sécurité, etc.

Sa grande expérience des questions sociales, la largeur de ses vues et son profond bon sens le firent en outre désigner pour représenter le Ministre des Travaux publics au Conseil supérieur du Travail et pour collaborer aux travaux du Bureau international du Travail, à Genève.


Président du Conseil d'administration de la Caisse autonome de Retraites des Ouvriers mineurs, il laissa, à la tête de cet important organisme, un souvenir aussi remarqué que celui de MM. les Inspecteurs généraux des Mines Arthur FONTAINE, auquel il succéda, et TAUZIN.

Il était le troisième inspecteur général des Mines appelé à présider cette assemblée tripartite composée de représentants de l'État, des ouvriers mineurs et des exploitants de mines.

Cette délicate mission lui a été confiée au lendemain de l'application de la loi sur les Assurances sociales, à une époque où les réformes sociales qui, pour la plupart, devaient avoir une, répercussion directe ou indirecte sur le régime des retraites minières, se succédaient à une cadence accélérée.

La période comprise entre les deux guerres mondiales ayant été marquée par une instabilité de la monnaie et des prix qui nécessita des relèvements fréquents des salaires et des pensions, la guerre actuelle ayant eu, d'autre part, des répercussions notables sur la législation sociale, il n'est pas surprenant de constater que les treize années de cette présidence aient été jalonnées par un très grand nombre de modifications du régime des retraites minières.

Parmi les mesures les plus importantes, il convient de citer :

L'augmentation du taux des pensions, qui ont été relevées de plus de 160 p. 100 au cours des dix dernières années;

L'attribution de prestations supplémentaires aux bénéficiaires;

L'extension du champ d'application de la législation à de nouvelles catégories de bénéficiaires et notamment au personnel des industries annexes de l'exploitation minière ainsi qu'au personnel des entreprises de recherche de mines;

La création de l'allocation temporaire, qui a permis la mise à la retraite dès l'âge de cinquante ans des ouvriers comptant trente années de mine, dont vingt ans de travail au fond;

L'institution des allocations familiales;

La création des bonifications pour travaux accomplis au fond, destinées à relever de façon appréciable le montant des pensions attribuées à la catégorie particulièrement digne de sollicitude des ouvriers du fond;

La coordination du régime spécial des retraites minières avec le régime général des assurances sociales et avec la loi sur la retraite des vieux travailleurs.

Il convient d'observer que les plus récentes et les plus importantes de ces mesures ont exigé de profondes réformes administratives et n'ont pu être réalisées qu'au prix d'une transformation du régime financier de la Caisse autonome, dans laquelle le système de la capitalisation d'une partie des versements a fait place à celui de la répartition de la totalité des ressources (loi du 23 août 1941).

Mais les lois et décrets énoncent simplement les principes du droit. Dans la pratique, ces derniers doivent être complétés par des décisions administratives et une jurisprudence destinée à trancher des cas particuliers qui, en matière de législation sociale, sont extrêmement variés et posent souvent des problèmes fort délicats. Les décisions sont d'autant plus nombreuses et la jurisprudence d'autant plus délicate que les mesures législatives et réglementaires sont elles-mêmes plus complexes. Les procès-verbaux des séances du Conseil d'administration et des commissions témoignent de l'importance et de l'extrême variété des travaux auxquels les administrateurs et plus particulièrement leur président ont dû se consacrer au cours des dix dernières années, pour interpréter les lois et décrets ainsi que les conventions internationales et pour préciser la jurisprudence applicable à la liquidation des pensions.

A cette tâche, M. le Président de PONTEVES apporta la contribution d'une vaste culture, d'un coeur généreux en même temps qu'une grande expérience des questions sociales et une connaissance subtile des caractères et des hommes, qui surent lui attirer l'unanimité des sympathies de ses collègues, représentant l'Etat, les exploitants et les ouvriers.


C'est par un décret du 18 mars 1939, contresigné par M. de MONZIE, que M. de PONTEVES a été nommé membre du Conseil d'administration de l'0.N.I.A. et désigné pour exercer les fonctions de président de ce Conseil a dater du 1er avril 1939.

Ainsi que le faisait remarquer M. l'Inspecteur général des Mines GALLIOT en présentant son successeur au cours de la séance du 29 mars 1939, M. de PONTEVES n'était pas un étranger pour l'O.N.I.A, car il avait déjà été, à deux reprises, chargé par le Ministre des Travaux publics du rôle d'arbitre dans les différends collectifs entre l'Office et son personnel et il avait réussi à régler ces litiges à la commune satisfaction des parties.

M. de PONTEVES prenait la présidence de l'O.N.I.A. dans une atmosphère lourde de tous les nuages qui, après s'être amoncelés dangereusement à l'horizon, devenaient de plus en plus menaçants. Ses premières préoccupations furent d'accroître la sécurité de l'exploitation, d'augmenter les stocks de matières premières, et de compléter la protection du personnel et des installations contre les attaques aériennes éventuelles.

La déclaration de guerre de septembre 1939 imposait à l'O.N.I.A. et à son président de nouvelles obligations : satisfaire à la fois aux besoins des armées en explosifs et à ceux de l'agriculture en engrais azotés pour fournir au pays des moyens de subsistance accrus.

Malgré les difficultés résultant de l'état de guerre et notamment de la mobilisation d'une partie importante de ses ingénieurs, employés et ouvriers, l'O.N.I.A. put maintenir en 1939-1940 sa production à plus de 56.000 tonnes d'ammoniaque, sensiblement au même niveau que celle de la campagne précédente, qui avait constitué un chiffre record. En 1940-1941, si cette production avait baissé de 10 p. 100 en chiffre absolu, la part de l'O.N.I.A. dans les livraisons de l'industrie de synthèse, a pu cependant être portée à 45,7 p. 100 contre 32 p. 100, contingent normal.

En outre, les exigences de la guerre posaient le problème du développement de la capacité des usines d'azote en France. M. de PONTEVES apporta immédiatement au Gouvernement le concours de l'O.N.I.A. et lui offrit dès la fin de 1939 de créer une nouvelle usine de synthèse susceptible de produire 20.000 tonnes d'azote par an. Les autorisations administratives furent obtenues, l'emplacement choisi, les terrains achetés sur les rives de la Loire et le matériel commandé.

Les événements de juin 1940 n'ayant pas permis la réalisation du projet dans sa conception primitive, l'outillage industriel dut en majeure partie être incorporé à l'usine existante de Toulouse dont il vint ainsi notablement accroître le potentiel en vue de répondre aux besoins accrus de l'agriculture pour la période d'après-guerre.

Il serait inutile d'insister ici sur la période qui suivit, sur le bouleversement de notre économie, sur la nouvelle organisation de l'industrie et sur la pénurie croissante de matières premières, d'énergie, de personnel et de transports, s'il ne fallait signaler les lourdes difficultés auxquelles M. de PONTEVES, à la tête d'un important organisme industriel, eut chaque jour à faire face avec le concours du Conseil d'administration et de la Direction générale.

L'Office avait d'ailleurs, lui aussi, subi sa réorganisation. Le Conseil a été en effet renouvelé par une loi du 21 septembre 1941, mais un décret du 3 avril 1942 maintenait à sa tête M. de PONTEVES pour trois nouvelles années.

M. de PONTEVES ne devait pas voir le terme de son mandat. Jusqu'au dernier moment, il eut la consolation de maintenir en activité les usines de l'O.N.I.A., malgré tous les obstacles. Un mois exactement après sa mort, une attaque aérienne dirigée contre la poudrerie voisine a atteint l'O.N.I.A. et l'a contraint à arrêter ses fabrications qui n'ont pu être encore actuellement reprises. Mais le fait qu'aucun agent de l'usine ne fut victime de ce bombardement témoigne de l'efficacité des mesures prises, sous l'impulsion vigilante de M. de PONTEVES, pour protéger le personnel contre les attaques aériennes.


M. de PONTEVES assura la vice-présidence du Conseil général des Mines de 1939 à 1942.

Dans ces hautes fonctions où excella son esprit très cultivé, ouvert à toutes les grandes et nobles idées, il fit preuve de la compétence et de la technicité les plus éclairées, d'une sûreté de jugement et d'une haute conception des intérêts supérieurs de la Nation, auxquelles tous les inspecteurs généraux se sont fait un devoir de rendre hommage.

C'est sous sa présidence que le Gouvernement a reconnu la nécessité de faire appel plus encore que par le passé au concours des ingénieurs des Mines dans l'oeuvre de redressement et de reconstruction nationale, en accroissant leurs effectifs, en développant notablement leurs attributions et en étendant celles-ci à des fonctions pour lesquelles, du point de vue technique comme du point de vue administratif, économique et social, ils sont tout particulièrement qualifiés. C'est ainsi que les ingénieurs des Mines sont devenus ce qu'ils auraient dû toujours être, les conseillers des Préfets dans les domaines des activités techniques et économiques relevant aussi bien de la Direction de la Sidérurgie et de la Direction des Carburants que de la Direction des Mines dont, d'autre part, la compétence a été étendue (contrôle du gaz, matériaux de construction et produits de carrière, etc.).

Soucieux de l'avenir du Corps auquel il appartenait et défenseur de ses traditions morales et techniques, il s'est en effet toujours efforcé de faire attribuer aux ingénieurs des Mines des fonctions en rapport avec leur sélection et leur culture scientifique; il ne manqua pas d'insister très fortement sur ce point dans l'allocution si applaudie qu'il prononça le 12 mai 1943 au dîner des ingénieurs des Mines et attira notamment l'attention de nos jeunes camarades sur la nécessité pour certains d'entre eux de se consacrer à la science pure et appliquée, à l'enseignement et à la recherche scientifiques et pour d'autres, à la direction des grandes sociétés de Services publics ou d'économie privée, dans lesquelles ils apportent leurs qualités de travail et d'intelligence ainsi que le sens permanent de l'intérêt général que facilite une collaboration de quelques années à un important service d'État.


J'insisterai enfin sur les éminentes qualités de l'homme, du chef et de l'éducateur.

La marque de son âme généreuse et noble, ce fut l'équilibre du coeur et de la raison. Il excellait à répandre la paix partout où il passait. Tout en lui respirait le calme, la maîtrise de soi-même, la bienveillance naturelle, l'action bienfaisante.

D'une simplicité parfaite alliée à une exquise courtoisie et à une profonde bonté, il accueillait tous ses visiteurs avec la plus vive sympathie et les mettait immédiatement à l'aise; chacun, du plus petit au plus élevé en grade, était conquis par la délicatesse de ses sentiments et par la sûreté de ses avis dictés toujours par le souci de l'équité la plus parfaite et par une compréhension vraiment humaine des humbles.

Sa sollicitude et sa bienveillance n'étaient pas moindres à l'égard de ses collaborateurs qui avaient pour lui une vénération profonde. Le Corps des ingénieurs des Mines, celui des inspecteurs du Contrôle du Travail des Agents de Chemins de fer, le personnel de la Caisse autonome et de l'O.N.I.A. lui sont redevables de bien des améliorations intervenues dans leurs statuts et dans leur situation. A tous il communiquait la confiance, le calme, l'amour du travail bien fait, le goût de l'effort patient, le sens permanent de la subordination des intérêts particuliers aux intérêts supérieurs de la Nation.

De sa conception élevée du devoir et de son désintéressement, il donna une nouvelle preuve en septembre 1940, en offrant de se constituer prisonnier en échange de la libération de M. l'Ingénieur en chef des Mines FRIEDEL, sous-directeur de l'École nationale supérieure des Mines, retenu comme otage par les autorités d'occupation dans la région du Nord.

" S'il apparaît, écrivait-il le 9 septembre 1940 aux autorités d'occupation, qu'il y ait lieu pour elles de se ménager une garantie supplémentaire de la correcte observation des dispositions de l'article 3 de la Convention d'Armistice par l'Administration des Mines sous forme de détention d'un otage, ce n'est pas sur le sous-directeur de l'École des Mines, mais sur le vice-président du Conseil général des Mines que devrait porter ce choix. "

Les autorités allemandes ne donnèrent pas suite à ce geste généreux, la libération de M. FRIEDEL étant intervenue en octobre 1940. Le Ministre de la Production industrielle tint à féliciter spécialement M. de PONTEVES pour la noblesse et la générosité de son attitude dans une lettre du 23 octobre 1940, où il indiqua notamment :

" La conception élevée du devoir et le noble désintéressement dont vous avez fait preuve honorent le Corps à la tête duquel vous êtes placé. "

Aux vertus du haut fonctionnaire et de l'homme privé, M. de PONTEVES alliait les qualités des l'éducateur. Son cours d'économie industrielle aux élèves de l'École nationale supérieure des Mines était suivi avec une attention et une ferveur toutes particulières en raison de la richesse et de la noblesse des idées, qui apparaissent dans les conseils suivants donnés à nos jeunes camarades au terme de l'année d'études de 1943 :

" Dans un ordre d'idées général, devant avoir dans l'Administration des Mines, dans des exploitations industrielles ou dans des entreprises commerciales, des supérieurs, des égaux et des inférieurs, efforcez-vous de contribuer au maximum, pour votre part, à la bonne harmonie en faisant pour tous ce que vous voudriez que l'on fit pour vous-mêmes.

" Je vous donne aujourd'hui ce conseil parce qu'il répond à une nécessité de tous les temps. Mais cette année encore, comme en 1941 et 1942, je crois devoir y ajouter quelques mots très courts d'ailleurs en relation avec la situation exceptionnelle dans laquelle nous nous trouvons.

" On parle beaucoup des causes de notre défaite de 1940. Elles sont multiples et je me garderai d'en faire l'analyse. Mais il n'est pas douteux que parmi ces causes figurent l'oubli de la grande loi du travail, l'amour de la vie facile, le culte des loisirs qui a malheureusement subsisté même après notre entrée en guerre et un égoïsme qui, chez de trop nombreuses personnes, faisait disparaître tout souci de l'intérêt général du pays, chacun n'ayant d'autre objectif que la satisfaction de ses intérêts particuliers. Un redressement s'impose qui supprime de telles causes d'affaiblissement, les droits que chacun de nous peut estimer avoir sur ses concitoyens ont pour contre-partie les devoirs supérieurs que nous avons tous envers notre patrie.

" Je suis convaincu que, forts de l'expérience si douloureuse qui a coïncidé pour vous avec l'entrée dans la vie active, vous mettrez tout votre coeur à remplir ces devoirs sacrés. "


Au terme de cette notice, je tiens à remercier tout particulièrement MM. les inspecteurs généraux LOCHARD, vice-président du Conseil général des Mines, et D'ANDON, directeur des Mines ; MM. le vice-amiral de PONTEVES, le capitaine Jean de PONTEVES, HENRY, directeur de la Caisse autonome des Ouvriers mineurs, MANESSE, secrétaire général de l'Office national industriel de l'Azote; leur confiance et leur collaboration ont grandement facilité ma mission et m'ont permis d'acquitter, dans une mesure d'ailleurs bien modeste, la dette sacrée de reconnaissance que j'ai contractée envers le chef aimé et respecté dont je fus le collaborateur direct de tous les jours, de 1927 à 1940, et qui m'honora, jusqu'à ses dernières semaines, de son affectueuse amitié et de ses sages et utiles conseils.



Charles de Ruffi de Ponteves Gévaudan, élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1893)
(C) Photo Collections Ecole polytechnique



Une dynastie polytechnicienne : Dominique Charles Nicolas de Ruffi de Pontevez Gévaudan (photo ci-dessus), polytechnicien de la promotion 1960, a 2 frères polytechniciens dont Hubert (photo ci-dessous), leur père Jean-François Marie Jacques (1909-1998) a été élève de la promotion 1930, leur grand-père est Charles Antoine Marie Roch de la promotion 1893, leur arrière-grand-père Antoine Jacques Eugène Zeiller était de la promotion 1865, un autre arrière-grand-père Marie Armand Anatole Hudault de la promotion 1862, et un trisaïeul Antoine Jacques Eugène Zeiller de la promotion 1828, et même un ancêtre plus lointain, Pierre Dominique dit Adolphe Bazaine X 1803.
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Hubert de Ruffi de Pontevez Gévaudan (1947-2003), élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1966)
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