TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Première série -
(1982)

François ELLENBERGER
LES PREMIERES CARTES GEOLOGIQUES EN FRANCE : PROJETS ET REALISATIONS

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (Séance du 24 mars 1982)

Le terme de Carte géologique n'apparaît en France qu'en 1816. D'emblée, son emploi pour qualifier toutes les réalisations antérieures est sujet à caution. Nous devons être conscients, ce faisant, de commettre un certain abus de langage, de plus nous courons le risque de prêter à nos prédécesseurs du XVIIIe siècle des intentions qui leurs étaient étrangères, ou encore de porter sur leur travail un jugement de valeur mal fondé.

On considérera néanmoins ici comme faisant partie de l'histoire des cartes géologiques, tous les documents où l'auteur a voulu faire figurer des informations relatives à la présence de roches et de minéraux donnés (ou de groupements de terrains) dans un territoire donné, lui-même figuré de façon cartographique. Ce sera cette volonté d'illustrer,sous forme d'une image horizontale réduite,la distribution géographique des substances minérales, qui nous servira de critère, même si les auteurs concernés étaient encore fort peu conscients de l'importance (à nos yeux) de leur démarche. Qu'ils aient fait ainsi de la "géologie" sans le savoir ne doit pas nous empêcher de les englober dans notre étude, pourvu que nous fassions l'effort de tenter de comprendre, de l'intérieur, quel était leur but réel.

Dans ce qui suit, on aura soin de tenir compte des projets non suivis de réalisations. Certaines de ces déclarations d'intention, ou de ces simples voeux et souhaits, ont inflencé d'ultérieures réalisations (comme l'attestent au moins quelques-uns des auteurs de ces dernières. Toutes ont en tout cas le grand intérêt d'être le témoignage vivant, au présent, de l'idée particulière qu'une certaine personne, à un certain moment, pouvait se faire d'une carte entrant dans la catégorie ci-dessus définie. Bt on concédera que souvent ces propos auront été, pro parte, l'expression d'un sentiment alors commun, d'une certaine conscience collective des recherches à effectuer et des tâches à entreprendre.

I) Les projets sans suites.

-1. Il est bien connu que le premier projet avéré de carte "géologique" est à porter au crédit de Martin LISTER (1684) (1) qui souhaite, aux fins de mieux comprendre la formation de la Terre, que "a soil or mineral map, as I may I call it, were devised... The soil might either be coloured by a variety of lines or etchings, but great care must be taken very exactly to note on the map, where such and such soils are bounded" - ceci à l'échelle de toute l'Angleterre. On remarquera le caractère plutôt vague des mots "soil" et "mineral". Par ailleurs, la parution du projet (ou plutôt du voeu) de Lister dans les Philosophical Transactions lui assurait d'être lu, y compris ultérieurement et y compris en France, considérant la diffusion de ce journal, ses rééditions et traductions, etc. Son influence réelle demeure incertaine.

-2.-L'autre projet précoce anglais, celui de John AUBREY (1691) avait beaucoup moins de chances d'être connu, s'agissant d'un livre peu diffusé. Son projet paraît assez naïf : "I have often wished for a mappe of England, coloured according to the colours of the earth, with markes for the fossiles and minerals" (2). Relevons cependant les derniers mots : l'idée de symboles conctuels localisant les minéraux paraît être "dans l'air".

-3.-On pourrait volontiers y voir l'aboutissement naturel de la méthode des questionnaires (Queries, Inquiries) lancés en 1666 par Oldenburg et Boyle dans les Philosophical Transactions, puis largement utilisés par Plot, Woodward, et surtout Lhwyd (3),aux fins de procéder par correspondants interposés à à un recensement régional des données sur l'histoire naturelle du sol et du sous-sol.

-4.-Ce genre d'enquête par questionnaire était en fait une pratique répandue également dans d'autres pays. Urban HJÄRNE avait ainsi, en Suède, fait diffuser dans le royaume, en 1694, un questionnaire sur des sujets divers (notamment sur le déplacement des rivages)(4).

-5.-En France même, RÉAUMUR a profité de la protection que lui accordait le Régent nour réunir de cette façon un grand nombre d'informations et d'échantillons "de terres, de pierres, d'insectes, de coquilles, etc." alimentant son cabinet : "Chaque semaine, je lui donnais des mémoires, où je faisais des questions, tant générales que particulières, par rapport à ce qui se pouvait trouver dans chaque province du royaume. Il envoyait ces mémoires aux intendants qui, pour faire leur cour à un prince si éclairé et si ami des connaissances, mettaient en oeuvre dans leurs départements publics, les maires et autres officiers subalternes". Ainsi, dit-il, "J'ai eu pour faire des collections de tout ce que la France possède dans le règne minéral, des facilités au'aucun naturaliste n'a jamais eues" (5). Les enquêtes officielles par questionnaires adressés aux intendants étaient depuis Colbert une pratique courante au sein de l'administration française (6), le fait nouveau était de faire bénéficier l'Histoire naturelle des ressources de ce procédé en principe réservé aux besoins du gouvernement royal.

6.-Revenons aux projets précoces de cartes "géologiques". En France, leur première expression apparaît, en termes fort explicites, dans le tome 1720 (paru 1722) de l'Histoire de l'Académie royale des Sciences (p. 9). Le Secrétaire perpétuel (il s'agit notoirement de FONTENELLE), termine sa chronique consacrée au résumé du mémoire de Réaumur sur les faluns de Touraine (où l'auteur imagine un courant marin ayant jadis relié l'Océan à la Manche, explication possible des divers gisements de coquilles pétrifiées connues dans ces régions), par ces paroles autorisées : "Pour parler sûrement sur cette matière, il faudroit avoir des espèces de Cartes Géographiques dressées selon toutes les Minières de Coquillages enfouis en terre. Quelle quantité d'observations ne faudroit-il pas, & quel temps pour les avoir ! Qui sçait cependant si les Sciences n'iront pas un jour jusque-là, du moins en partie!".

-7.-BUFFON, dans la Théorie de la Terre (1749), Preuves, article VIII, reproduit intégralement la chronique précitée de "l'historien de l'Académie", et répercute donc le voeu de Fontenelle à un vaste public. L'Anonyme de 1773 (voir plus loin) s'y réfère explicitement à son tour.

-8.-Notons que, pris à la lettre, le projet de Fontenelle se limiterait à une carte paléontologique. En un sens, il est développé (à vrai dire sous forme purement verbale) par ROUELLE dans ses cours très suivis (décennie 1750-1760) : cet auteur entendait "diviser la France en un certain nombre de cantons distingués par le coquillage qui s'y trouve le plus abondamment" (7) (de Paris en Normandie, il décrit successivement les cantons ou tractus à "buccins", à "cornes d'Ammon", et à "Madrépores"). DESMAREST restera jusqu'au bout attaché à cette conception empirique des "amas" juxtaposés de faunes fossiles distinctes (8), d'où toute idée de succession des faunes est absente.

-9.-L'autre projet français,à nos yeux important, de carte géologique est celui de l'abbé DE SAUVAGES, lu à l'Académie des sciences en 1750 (bien qu'inséré dans le volume 1747, paru en 1752) (9), qui semble ignorer de bonne foi les réalisations contemporaines de Guettard. Son projet à lui est du reste fort différent. Tout le reste de son mémoire atteste que ce naturaliste isolé à Alès était un observateur hors pair. Sur bien des points, les descriptions qu'il donne des roches et des fossiles de cette petite région (de structure très complexe) sont irréprochables aux yeux du géologue moderne. Il s'est efforcé de subdiviser le territoire considéré en "chaînes" longitudinales caractérisées par la "continuité de terreins de même grain" (10). Elles sont aisées à identifier dans la nature actuelle; les unes (comme de Sauvages le voit fort bien) sont des assises ou formations superposées et basculées; d'autres sont plutôt des compartiments tectoniques composites.
Or voici le projet • Il n'est pas aisé, dit l'auteur, de connaître les lois qu'ont suivi les dérangements qui interrompent la continuité et l'ordre des couches superposées. "Il seroit à souhaiter sur-tout, que ceux qui s'intéressent au progrès de l'histoire naturelle, travaillassent à une carte topographique des terreins dont on marqueroit les continuités, les interruptions, les différens grains, la nature & les propriétés. L'exécution de cette carte auroit un autre grand avantage, en ce qu'elle influeroit sur l'économique, & qu'elle montreroit, comme d'un coup d'oeil, les cultures dont une province entière est susceptible, l'étendue & la qualité des récoltes qu'on peut en retirer; c'est un travail qu'on pourroit faire à peu de frais, à mesure qu'on lève les cartes géographiques du royaume" (loc.cit.) (allusion à la Carte de Cassini alors à peine commencée).
Cette "carte topographique des terreins" peut évoquer une carte géologique moderne à grande échelle (le périmètre exploré par de Sauvages,et subdivisé en "chaînes",était de 15 sur 20 km environ). S'il en est ainsi, une seule réalisation au XVIIIe siècle peut être si l'on veut considérée comme représentant l'accomplissement du souhait de de Sauvages, à savoir le carte des formations de Thuringe publiée par FÜCHSEL en 1761, carte remarquablement précise et moderne, mais conçue et levée par l'auteur presque à coup sûr en dehors de toute influence des projets français. - Toutefois les dernières lignes du "voeu" de de Sauvages élargissent le champ de la carte à l'échelle d'une "province entière", non sans quelque incompatibilité avec les propos du début, puisque cette échelle régionale impose de regrouper les "terreins" de "différens grains". On verra plus loin que BERNARD, publiant en 1778 une Carte minéralogique de la Provence, opère une telle généralisation, tout en citant in extenso le texte ci-dessus donné de de Sauvages, dont il souligne en italique le passage relatif à l'agronomie régionale.(11)

-10.- Hors de France, ce n'est que justice de faire référence au projet formulé par Daniel TILAS, en langue suédoise en 1738, en latin dans un journal en principe de diffusion européenne en 1739 (12): "Il est nécessaire (nous traduisons) que des cartes géographiques correctes soient faites, établissant où sont localisées les différentes masses rocheuses (berg) et terres, avec leur extension, leur largeur, inclinaison, et , là où c'est possible, avec des dessins en profil aux endroits où interviennent des changements dans le sens de la profondeur". - Le malheur a voulu que l'auteur, de grand renom dans son pays (13), ne dispose pas d'emblée de fonds topographiques, puis que les cartes déjà exécutées périssent en 1751 dans l'incendie de sa maison (Cronstedt avait reçu quelques copies de documents). En 1765, devant l'académie des sciences de Suède, il formule à nouveau, avec plus de précision, ses idées quant aux différentes cartes (minérales) qui selon lui seraient simultanément nécessaires, une seule carte ne permettant oas de tout représenter. Mais aucune carte imprimée faite par Tilas n'a vu le jour.

-11.- Un autre auteur malheureux, en France cette fois, a été Nicolas BOULANGER. Son principal ouvrage est resté inédit, à savoir les Anecdotes de la nature, parvenu jusqu'à nous sous forme d'une seule copie manuscrite (14), amputée des planches auxquelles le texte se réfère. Ce texte, terminé en 1753, paraît avoir cependant passablement circulé; en tout cas Buffon et Desmarest l'ont eu en main et en démarquent des passages entiers (15). Boulanger était avant tout un pionnier de la géomorphologie dynamique, interprétée en termes de creusement des vallées et de vastes dénudations horizontales (mise à nu de terrains sous-jacents avec témoins résiduels des couches disparues) par des "torrens" cataclysmiques. Il paraît avoir dessiné des figures relatives à des formes de détail (méandres encaissés reculant vers l'aval, etc.). Lui aussi semble, en matière de dépôt lent des couches, préoccupé de paléogéographie: il souhaiterait que l'on puisse "déterminer les espaces que les matières diferentes y (dans le globe) occupent, ainsi que le plan qu'elles affectent" (Boulanger voudrait connaître l'ancienne position de l'axe terrestre). Mais comme les couches sont plus inclinées que la surface du sol, "l'on auroit le Plan non d'un seul banc superficiel (...) mais le Plan d'une section". Cette phrase sous-entend que l'auteur imagine plus ou moins nettement une carte figurant les zones d'affleurement de ces différents "bancs" ou terrains. Son mérite est de voir beaucoup mieux que Guettard les choses en tant qu'étagées dans un espace à trois dimensions. Il veut que l'on considère séparément la superficie de la terre pour en "faire le portrait" (c'est l'oeuvre de sculpture récente) et son intérieur "pour en faire comme l'anatomie" (en y retrouvant les témoins des mers et terres anciennes).
Il serait très tentant de postuler une "généalogie des influences" reliant Boulanger à Lavoisier, puis Lavoisier à Cuvier et Brongniart, mais c'est là pour le moment une hypothèse gratuite.

II) Les réalisations concrètes.

A) Les _cartes minéralogiques par semis de synboles.

-1.-En 1726, le comte MARSIGLI publie un luxueux ouvrage in-folio décrivant en six volumes le bassin du Danube (pratiquement, la Hongrie) vu sous les angles hydrographique, géographique, etc. (17). Le tome III est consacré aux "minéraux", y compris remaniés par les cours d'eau. La planche 8, en double page, intitulée "Mappa metallographica fodinas in Hungaria...oftendens", figure sur un fond topographique assez schématique, les mines et gisements de substances utiles. Celles-ci sont indiquées par 14 types de symboles, à savoir ceux, classiques, des métaux, et huit autres pour : sel; nitre; grenat; cinabre; antimoine; amiante; opale; "magnes" (aimant). La carte en comprend 78 au total. La planche 9 donne le détail des mines de la région de Schemnitz, en ajoutant des lignes de directions privilégiées des filons.

En un sens, Marsigli doit être considéré comme l'initiateur des cartes minéralogiques. Guettard en 1746 se réfère à lui explicitement. Toutefois, cette carte se désintéresse complètement de tout le contexte géologique.

-2.- Plus tard.il en sera de même pour les deux cartes accompagnant l'ouvrage de G.S.GRUNER sur la Suisse et ses glaciers (18), paru en 1760. Là encore sur un fond topographique rudimentaire, sont dispersés des symboles tous relatifs à des gîtes de substances exceptionnelles, ici de 46 sortes (sources minérales comprises), sans référence aucune aux roches banales.

Il serait absurde de juger négativement ces réalisations, en alléguant qu'elles évacuent toute géologie proprement dite : leur projet est net, il est tenu. Il s'agit d'indiquer l'emplacement de gisements de matières de valeur ou tenues pour telles. Encore de nos jours, les cartes géologiques régulières à grande échelle (en France, 1/80.000, 1/50.000) recourent, fut-ce de façon lâche, à de tels symboles en surcharge, notamment métallogéniques, et l'étude de la répartition des gîtes minéraux fait partie intégrante des sciences géologiques. Mais elle n'est qu'une branche très partielle

-3.- GUETTARD, dans son célèbre mémoire lu à l'Académie des sciences en 1746 (paru en 1751), introduit cependant une innovation capitale, et personne ne lui conteste d'être le principal initiateur des cartes géologiques tant sur les plans français qu'européen. Le titre même de son travail est révélateur : "Mémoire et carte minéralogique Sur la nature & la situation des terreins qui traversent la France & l'Angleterre" (19); non moins significatif est le début du texte: "Si rien ne peut contribuer davantage à nous procurer une théorie physique & générale de la Terre, que des observations multipliées & faites sur les différens terreins, & les fossiles qu'ils renferment, rien ne peut aussi faire plus sentir cette utilité, que de rapprocher & de présenter sous un coup d'oeil ces différentes observations par des Cartes minéralogiques. J'ai voyagé en vue de m'instruire sur le premier point, & suivant l'avis de l'Académie, qui, lorsque j'eus l'honneur de lui rendre compte d'une partie de mon travail, parut souhaiter d'en voir une Carte, je n'ai rien eu de plus à coeur que de remplir ses intentions; cette Carte sera l'abrégé de tout l'ouvrage que je me propose de donner sur ce que j'ai observé dans mes voyages".

Le rédacteur de l'Histoire de l'Académie Royale des Sciences, en rendant compte en abrégé du mémoire de Guettard, ne s'y trompe pas : il estime que c'est "l'essai d'une nouvelle science minéralogique". Le projet est en effet ici de décrire la répartition géographique de tous les constituants du sous-sol, à la fois "les différens terreins" et "les fossiles qu'ils renferment" (c'est-à-dire les substances et objets particuliers, organismes pétrifiés compris). La carte aura pour but de décrire graphiquement "la nature et la situation des terreins", à l'échelle de la France et de l'Angleterre. Il s'agit bien cette fois d'une vraie géographie géologique, empirique comme il se doit, puisque fondée sur le regroupement,entièrement nouveau et novateur, de données acquises et d'observations inédites multiples.

Guettard explique comment, pour désigner les différents "fossiles", il a dû recourir (outre les "caractères" habituels en "Chymie" ou déjà utilisés par Marsigli), à des "caractères" de son invention : et ceux-ci, notons-le, sont essentiellement ceux qui désignent des roches banales (glaise, gravier, grès, granite, marne, schiste, "pierre blanche" (calcaire), etc.). On sait que le mémoire est accompagné de deux cartes, l'une à plus grande échelle (du Limousin jusqu'à l'Angleterre médiane), l'autre, plus générale, allant de la Méditerranée à l'Islande. La première comporte 36 "caractères" différents, la seconde 51. - L'auteur précise que ses propres observations n'ont concerné que des itinéraires trop bornés à son gré. Pour tout le reste, il a eu recours à diverses sources. On est fort étonné que nulle mention ne soit faite des enquêtes antérieures de Réaumur. La chose est d'autant plus surprenante, que dans ses lettres manuscrites adressées à Bourguet, Réaumur lui parle de son "bachelier en médecine", "Mr Guettard" (ainsi le 25 mars 1741) (20), qui l'assistait dans l'entretien de ses collections tout en herborisant pour lui le temps venu. Pourtant la logique voudrait, non seulement que Guettard ait utilisé pour ses deux cartes minéralogiques tout le capital de données recueillies depuis plus de vingt ans par son illustre aîné, mais que le principe même de la carte par semis de symboles discrets soit la traduction graphique naturelle directe de la méthode des questionnaires. Ce sera du moins le cas pour les cartes ultérieures de Guettard.

Faut-il supposer une brouille survenue entre les deux hommes (Guettard avait les relations humaines difficiles) ? Par ailleurs, Guettard lui-même a l'air de dire que l'idée de représenter les choses sous forme d'une carte venait (au moins pour une part) de l'Académie elle-même (il en faisait partie comme botaniste depuis 1743). Doit-on y voir l'influence personnelle d'un Fontenelle certes octogénaire, mais (dit-on) encore d'esprit alerte ? Ce sont là des questions sans réponses.

Il importe de souligner un autre aspect capital de ces deux premières cartes de Guettard. Dans ses voyages, il dit avoir été frappé par la répartition régionale très différente des pierres et minéraux, dont la distribution obéit à "une certaine régularité", à une "espèce d'uniformité" (loc cit., p.364); souvent il a pu ainsi prévoir à l'avance ce qu'il allait trouver. En s'appuyant ensuite sur ses lectures et autres sources, il lui devint clair que l'ensemble des territoires considérés se subdivisait de lui-même en trois "bandes", caractérisées chacune par les substances qui s'y rencontrent en majorité, parfois en exclusivité. Il les nomme bandes "sablonneuse", "marneuse" et "métallique" ou "shiteuse", chacune étant la zone où le "fossile" en question (sable, marne, schiste) se rencontre en plus grande quantité. Ce n'est pas sans quelque enthousiasme contenu que Guettard nous fait part de la découverte de cette "régularité" , et de l'extension quasi-symétrique en Angleterre méridionale des bandes reconnues en France centrale et du Nord. Il constate également que sans exception, les métaux (autres que le fer), les eaux thermales, etc. sont localisés dans la "bande shiteuse".

Durant les années suivantes, Guettard croit pouvoir désormais généraliser à tous les autres pays le système des bandes (par pure compilation bibliographique le plus souvent) ; il donne ainsi en 1751 (paru 1755) une carte de l'Egypte et la Palestine; en 1752 (paru 1756), une carte de la Suisse et une du Canada. Toutefois,on constate qu'il s'est installé dans ses façons de faire et s'y enlise en quelque sorte, après l'élan créateur initial. En 1762 (paru 1764), sur la base de son voyage personnel, il divise le territoire d'alors de la Pologne en quatre bandes : sablonneuse, marneuse, saline et schiteuse ou métallique; la carte accompagnant le mémoire ne figure que la première et la troisième, et ne comporte aucun symbole ponctuel (21).- Durant sa vie, Guettard paraît avoir à plusieurs reprises publié une Carte minéralogique de la France ; celle de 1784 (sortie deux ans avant sa mort) en reste toujours au partage de la France en "3 Terreins principaux, Scavoir, le Métallique, le Marneux et le Sablonneux", auxquels "on n'a pas prétendu assigner des bornes exactes. Ce ne sont que des masses générales, qui souffriront beaucoup d'exceptions dans les détails". Certes, les contours de la "bande métallique" se sont améliorés et dessinent assez exactement nos ensembles de terrains anciens (Massif armoricain, Massif central, Vosges-Ardennes, zone interne alpine, Maures-Estérel). Un "Atterrissement moderne de la Mer" est figuré en Gascogne. Mais tout le reste est indivis (sauf la distinction de la "bande sablonneuse" allant de la Sologne au Pays de Caux, pratiquement inchangée depuis 1746). La variété des symboles dispersés de façon lâche s'est beaucoup accrue à nos yeux bien inutilement : on en compte 210, beaucoup plus orientés vers les particularités (voire curiosités) locales que vers un effort de distinction de roches-types.(22)

-4.- Or, depuis quelque trente ans, ROUELLE avait lancé en France la notion capitale d'une "Terre ancienne", aux couches inclinées et riches en métaux, et d'une "Terre nouvelle", aux couches horizontales attestant le long séjour de la mer sur le continent actuel (23). Peu importe ici qu'il y soit parvenu seul, ou qu'il tienne l'idée de Lehmann à travers d'Holbach. Peu importe aussi qu'il ait selon Desmarest, été amené ultérieurement à l'idée d'un "travail intermédiaire" (ou Terre moyenne) (24), suggérée par ses disciples.La question à poser, c'est de savoir pourquoi Guettard a jusqu'au bout refusé d'identifier sa bande shiteuse ou métallique à la Terre ancienne, identification pourtant allant de soi d'après les définitions respectives (25). On admet en général que cette crispation sur une vision rigoureusement empirique, excluant tout ce qui pourrait impliquer une interprétation génétique et chronologique, venait de ses convictions religieuses (sa foi était sincère, évangélique, à consonnances jansénistes) (26) et de sa volonté d'éluder tout risque de conflit entre science et dogme. Sa répugnance envers les systèmes était en tout cas profonde. Or nous savons aujourd'hui que toute carte géologique est forcément basée sur un modèle préexistant de regroupement et d'élagage opéré dans la multitude des données ponctuelles. On doit découper le réel en sous-ensembles cohérents, distincts, bien délimités et définis, dont la carte reproduira le plus objectivement possible l'image. Le progrès consiste d'une part à affiner la fidélité de cette image d'une édition à l'autre de la carte, mais aussi à innover dans le système de découpage et regroupement, en tenant compte de la leçon des faits. Et Guettard n'a pas su ou voulu comprendre qu'avec les années, les "bandes" et semis de symboles (brillant progrès au départ) devenaient une impasse, une méthode périmée.

-5.- En ce qui concerne toutefois la remarquable et ambitieuse entreprise de l'Atlas minéralogique de la France (se reporter à ce sujet aux études exhaustives de Rhoda RAPPAPORT (27 )), il n'est pas sûr qu'il faille déplorer le recours exclusif aux semis de symboles (complétés,rappelons-le, par des Coupes générales dessinées dans les marges, sous forme de colonnes de couches superposées, le plus souvent dues,au départ,à Lavoisier). On sait que sur les 214 feuilles prévues, 45 furent effectivement publiées (les dernières par Antoine-Grimoald Monnet). Les premières avaient été gravées dès 1766, mais l'Atlas ne fut réellement lancé qu'en 1775 (28). L'immensité du territoire concerné, le petit nombre d'opérateurs (essentiellement Guettard et Lavoisier, puis Monnet), l'inexistence d'une stratigraphie, interdisait toute représentation des bandes d'affleurements concrètes. Et surtout, le premier but avoué de l'Atlas, celui qui lui valait sans doute l'aide des fonds publics, était avant tout utilitaire : préoccupation qui se retrouve dans une large partie des nombreux Mémoires écrits par Guettard. En termes d'aujourd'hui, il s'agissait avant tout d'une carte géotechnique : "(...) On verra, au premier coup-d'oeil, si un canton renferme des glaises, des sables, de la marne, de craie, des pierres à chaux, ou des pierres propres à bâtir; on verra s'il contient des mines, & quelles sont ces mines, s'il en renferme (...)" (loc. cit., pp.360-361).

Ce souci prioritaire des applications, dans l'esprit de Guettard, vaut également pour la "coupe générale" gravée en marge, qui fera connaître "à quelle profondeur est placée la substance dont on a besoin", sous quelles autres, et donc à quel coût probable d'extraction. Cela dit, on s'étonne du peu de soin apporté au calage des symboles par rapport à la planimétrie et à une topographie certes fort insuffisante, mais cela n'explique pas tout. On s'en rend compte en examinant, d'une part la Carte minéralogique de l'Election d'Estampes publiée en 1757 (accompagnant le Mémoire sur les poudingues) (Mém. Acad. Roy. Sc. pour 1753), et d'autre part la partie correspondante de la feuille de l'Atlas (Carte minéralogique des environs de Fontainebleau, Estampes, et Dourdan) contenant ce district et dressée en 1767. Etampes était la patrie natale de Guettard. Comment a-t-il pu tolérer, dans les deux cas (le progrès est faible de l'une à l'autre) que bon nombre par exemple des signes "grès" soient placés en plein plateau, alors que notoirement ces grès n'affleurent que dans la vallée ? C'est apparemment à l'utilisateur de l'Atlas qu'est laissé le soin de s'enquérir sur place du lieu de gisement réel, du moment qu'on lui signale la paroisse ou localité au voisinage de laquelle la substance en question est signalée (cf.28).

B) L'Héritage de Guettard.

-l.-En 1778, un certain BERNARD,directeur-adjoint de l'Observatoire Royal de la Marine de Marseille, voit imprimer son Mémoire sur les engrais que la Provence peut fournir... (29), dont une section est consacrée aux "Terres" de cette province, et donc aux pierres du sous-sol. L'auteur, qui se réfère à peine et en passant à Guettard, fait sien le système des "Bandes" : "Calcaire", "Schisteuse", "Quartreuse" ou "Sablonneuse", "Graveleuse", enfin "Marneuse". Le tout est accompagnée d'une Carte minéralogique de la Provence (format 14 x 2.6 cm environ) jusqu'ici méconnue des historiens. En noir (les divisions colorées annoncées, manquent dans l'exemplaire consulté), elle comporte quelques symboles minéraux ponctuels mais surtout une fort explicite subdivision en Bande schiteuse, Bande calcaire et Bande marneuse, plus trois territoires de graviers (dont la Crau), le tout assez correct aux yeux du géologue moderne (Maures-Estérel, Provence calcaire, Provence alpine avec l'arc de Castellane bien indiqué). L'auteur, dans le texte, élude,tout autant que son modèle à peine avoué, le problème des relations dans l'espace entre "bandes" : lui aussi reste au ras des faits empiriques et se désintéresse de tout système.

-2.- On se rappellera que Guettard et ses cartes jouissait d'un grand renom, en tout cas en France. Il est intéressant de constater qu'il a eu des disciples. Mais ne les a-t-il pas entraînés dans une impasse ? On peut se noser la question quand on lit deux "projets" tardifs, non suivis d'exécution. Le premier se réfère à vrai dire plutôt aux projets de Fontenelle (nommément cité) et peut-être de Sauvages, qu'à Guettard, passé sous silence. Il forme la conclusion d'un article anonyme paru en 1773 dans Observations sur la Physique...,(t.II, pp.416-432), intitulé Essais sur l'étude des montagnes; Par M.D.F.L.G.....à Montélimar.(Ce brillant essai, plein d'enthousiasme conquérant, est-il de Faujas de Saint-Fond? L'auteur propose tout un programme d'exploration des montagnes et de leurs grottes. Voici les phrases caractéristiques de la fin : "...Réunissons nos soins & nos talens, & faisons enfin dessiner sous nos yeux des cartes de tous les lits de coquillages; étendons cette idée plus loin, & commençant par les montagnes du pays que nous habitons, que ces cartes peignent aux yeux les grandes chaînes, les montagnes isolées, les monticules, les élévations de tous les genres, les continuités, leurs correspondances, leurs formes, leurs coupures, leurs bancs, leurs cavernes, leurs accidents remarquables; la variété des minéraux, des pierres, des cailloux, des sables, des terres, des eaux, les corps pétrifiés de toute espèce, la situation de toutes les matières, les espaces qu'elles occupent, que les cartes soient en un mot le tableau fidèle de la nature". Et il ajoute plus loin : "...Il seroit superflu de s'étendre sur les découvertes importantes qui naîtroient d'une telle entreprise ; nos voisins imitant notre exemple, pourroient de proche en proche continuer le même travail".

L'auteur avait-il lui-même une idée claire de son projet ? On peut en douter : par quels artifices graphiques arriverait-il à faire figurer simultanément sur ses cartes toute la multiplicité disparate des données qu'il énumère ? Obtiendrait-il autre chose qu'un fouillis d'indices ponctuels plaqués sur une topographie insuffisante ? Et ceci faute de dominer les faits en les organisant selon la simplification d'un concept synthétique et sélectif.

-3.- Lui aussi attaché à une méthode dépassée, on voit CHRYSOLOGUE DE GY (30) publier en 1787 dans Observations sur la Physique...(t.XXX, pp.271-285) le "Plan d'une Carte Physique, Minéralogique, Civile & Ecclésiastique de la Franche—Comté & de ses Frontières...". La carte en projet aurait couvert un carré d'environ six pieds (l'auteur paraît en avoir réalisé au moins en partie la minute, au prix, dit-il, de cinq voyages). A le lire, il s'agissait avant tout d'une carte géographique, réservant les enluminures pour le tracé des frontières de provinces et diocèses, et faisant ressortir les chaînes des "grandes montagnes" du Jura. Quant au sous-sol, il en est resté au système des symboles ponctuels: "Les caractères minéralogiques sont placés très-exactement dans les endroits où se trouvent les matières qu'ils indiquent, & on a mis sur un côté de la carte, une table pour leur explication".

-4.-Au moment d'en finir avec la "filière Guettard", il reste à se demander dans quelle mesure les nombreuses informations collectées par lui et ses collaborateurs en France ont été utilisées (et utilisables) par ses successeurs du XIXe siècle naissant. On a au moins deux indications positives dans ce sens. En comparant la Carte géognostique des environs de Paris de Georges Cuvier et Alexandre Brongniart (datée 1810) et la Carte minéralogique des environs de Paris (feuille n° 40, gravée en 1766) de l'Atlas de Guettard et al., on note que la première citée reproduit dans ses grandes lignes, avec quelques rectifications, les bandes de pointillé figurant les champs de cailloux roulés de la Marne et de la Seine. C'est un sujet que Guettard avait particulièrement développé, avec beaucoup de détails intéressants,dans ses mémoires de 1753 et 1756 (31), et sur lequel Cuvier et Brongniart insistent fort peu. La similitude des tracés évoque un emprunt. - Mais surtout, en 1816 D'Omalius d'Halloy dans son Mémoire sur l'étendue géographique du terrain des environs de Paris (32), dit avoir "trouvé beaucoup de ressource dans l'atlas minéralogique de M.Monnet, ouvrage rempli d'observations précieuses, et moins connu qu'il ne devrait être". Or, Monnet répercute et prolonge Guettard.

C) La filière de la topographie fine (cf.61).

-1.- Elle n'a, d'abord, aucune intention géologique. On sait (33) que les Ingénieurs-géographes du Roi, dès la fin du XVIIe siècle, étaient capables d'exécuter pour les besoins des armées des levés topographiques de haute qualité. Il arrivait qu'en temps de paix ils lèvent des cartes à l'usage de la cour, notamment des chasses royales. Les arpenteurs des Eaux-et-Forêts, seuls ou aidés des précédents, intervenaient dans la réalisation de cartes très précises des forêts royales. C'est ainsi que fut gravé en 1727 un assez extraordinaire "Plan général de la forest de Fontainebleau ..." dont la planimétrie et le modelé du relief sont d'une exactitude qui ne sera dépassée qu'au XIXe siècle. En particulier, cette carte fait admirablement ressortir l'opposition entre les alignements rocheux et les "monts" intermédiaires (calcaro-sableux). Les cartes de 1778 et de 1809 de cette même forêt ne sont pas plus parlantes ni exactes. Précisons que cette carte de 1727 est à l'échelle du 1/32.500 environ. Dans ce cas précis, isolé, cette très fine représentation du relief venait 150 ans trop tôt, puisqu'il faudra attendre l'étude de Henri Douvillé en 1886 pour qu'une explication géologique plausible en soit proposée (34).

-2.- En 1763, la fin de la guerre de Sept Ans rend disponibles les Ingénieurs-géographes (cf. 33). C'est précisément à ce moment que Nicolas DESMAREST obtient le soutien de l'Intendant d'Auvergne dans l'étude qu'il entreprend des volcans d'Auvergne. En collaboration avec les ingénieurs-géographes du Roi Dailley et Pasumot (ce dernier lui-même naturaliste distingué)(35), il entreprend un levé de la région volcanique, d'un type tout-à-fait nouveau. Ce levé ne prend tout son sens qu'à la lecture du mémoire (résumé) que Desmarest publie en 1779 : "Précis d'un mémoire sur la détermination de quelques époques de la nature par les produits des volcans, & sur l'usage de ces époques dans l'étude des volcans" (Observations sur la Physique...,t.XIII, 1779, pp.115-126). Deux démonstrations sont en jeu : l'origine volcanique du basalte prismé, et les interférences dans le temps des éruptions successives et de la lente sculpture en creux du sol par les eaux courantes. La carte gravée en hachures (si nous comprenons bien la démarche de Desmarest), doit épargner de longs discours et emporter la conviction.

De fait, la "Carte d'une partie de l'Auvergne ou sont figurés les courans de laves..." publiée en 1774 dans les Mémoires de l'Académie royale des Sciences pour 1771 (en accompagnement du Mémoire sur l'origine & la nature du Basalte à grandes colonnes...") est un authentique chef-d'oeuvre, unique en son genre. A l'échelle du 1/130.000 environ, gravée par le célèbre Guillaume De la Haye, cette carte représente dans son domaine propre une "percée" méthodologique et technique au moins aussi méritoire que la carte (si méconnue) de Füchsel. Le projet qui la sous-tend est net, précis, sélectif. La carte ainsi publiée, couvrant le gros du massif du Mont-Dore (en y ajoutant des données discontinues de là jusqu'à Clermont-Ferrand) se borne strictement à la géomorphologie (représentation extrêmement précise et parlante du relief) et au volcanisme ( distinction des anciens courants de laves, entamés par le creusement des vallées, des "laves anciennes fondues en place" et des courants modernes, localisation dans les courants des prismes et des boules de basalte). En 1771, il ne pouvait encore être question d'individualiser divers types pétrographiques de laves, ni de toujours bien distinguer celles-ci de leur substratum cristallin ancien, dont elles étaient présumées être issues par fusion.

Ainsi, cette carte du Mont-Dore de Desmarest, Pasumot et Dailley est au plus haut degré une carte thématique. Elle entend donner une image cartographique vraiment fidèle d'un aspect particulier bien délimité de la réalité. Le champ d'investigation choisi par Desmarest appartient à ses propres yeux autant à la "Géographie physique" qu'à la "Minéralogie". A nos yeux, rétrospectivement, le succès est total. Il suffit pour s'en convaincre, de confronter cette carte à celles publiées au siècle dernier, et où seule la pétrographie est en progrès évidents. On peut cependant se demander pourquoi les auteurs avaient choisi le massif du Mont-Dore, de structure si complexe et parfois obscure, plutôt que la chaîne des Puys, où les manifestations du volcanisme récent sont bien plus spectaculaires et l'oeuvre de l'érosion plus évidente d'emblée.

-3.- On sait qu'avec une ténacité inlassable, Desmarest n'a cessé jusqu'à sa mort en 1815 de travailler à sa grande carte d'Auvergne, publiée seulement en 1823 sous le nom de Carte topographique et minéralogique d'une partie du département du Puy de Dôme...où sont déterminées la Marche & les Limites des Matières fondues & rejettées par les Volcans ainsi que les Courants anciens & modernes. L'énoncé même montre que le projet initial n'a nullement varié, depuis 1771 jusqu'à la fin. Entre temps, en 1806, quatre cartes partielles avaient paru en accompagnement d'une refonte plus développée au mémoire de 1779 (36). Déjà à ce moment, il était manifeste que malgré tous les soins apportés au levé et à la gravure, celle—ci, en hachures noir et blanc, ne suffisait plus pour rendre compte des faits géologiques. Le système adopté une fois pour toutes permettait bien de représenter de façon très parlante les cônes à cratère récents et leurs coulées, et plus ou moins bien les coulées anciennes, mais ni les volcans en dôme, ni les culots résiduels d'appareils anciens démantelés ne se distinguent clairement de simples buttes non volcaniques. On s'étonne que Desmarest n'ait pas tenté de valoriser ses cartes (levées et gravées au prix de frais considérables) en y introduisant des enluminures. Né en 1725, on le sent dans ses dernières oeuvres (notamment les volumineux tomes de Géographie physique de l'Encyclopédie méthodique) fixé en sa vieillesse dans les visions de son âge mûr. Tout comme pour Guettard, ce qui au début constituait une remarquable innovation, devient plus tard une impasse, une voie sans avenir. La morphologie des contrées volcaniques allait certes garder tout son intérêt, mais à condition d'être toujours plus complétée par la cartographie lithologique. Au XIXe siècle, les fonds topographiques exacts vont peu à peu couvrir la France et leur levé cessera de faire figure de recherche scientifique de pointe comme c'était le cas en 1771, et encore, sans doute, en 1806.

-4.- On se doit de mentionner en passant un projet non suivi d'exécution, à savoir celui formulé en 1779 par MARIVETZ et GOUSSIER (Discours préliminaire et Prospectus d'un traité général de Géographie physique ...Avec des Cartes qui contiendront la Topographie naturelle de ce Royaume, considérée dans ses états précédens, dans son état actuel...(etc.), Paris, 1779, 32 pp.). Les auteurs songeaient à éditer par souscription une "Carte Physique & Hydrographique de la France" en 45 feuilles in-folio, centrée sur le relief, les eaux courantes et souterraines, les grands bassins fluviaux, mais de plus accompagnée "de nos Cartes d'émersions successives de la France, où les terrains submergés à chaque époque seront lavés en couleur d'eau". Les auteurs postulent un simple retrait graduel de la mer par abaissement de son niveau. A supposer qu'elle ait été publiée, il est douteux qu'une telle carte ait mérité le nom de "géologique", car les auteurs ne semblent être intéressés que par l'évolution du relief, et non par le contenu du sous-sol. Ils n'ont conservé que l'un des deux aspects (chez lui inséparables) du projet de Boulanger, dont il ont pu peut-être avoir connaissance.

D) Les cartes "structurales" de PALASSOU.

-1.- Les cartes de 1781 : Presque au même moment, l'abbé PALASSOU s'intéresse, lui, précisément autant au sous-sol du versant français des Pyrénées qu'au relief et à son histoire passée probable. Accompagnant son Essai sur la Minéralogie des Monts-Pyrénées (1781), il donne une Carte Minéralogique des Monts-Pyrénées en huit feuilles gravées en noir. Sur une planimétrie et topographie schématiques, l'auteur (dont l'oeuvre a par ailleurs beaucoup d'aspeots positifs), superpose un petit nombre de signes minéralogiques, où dominent largement les deux signes "Schiste ou Terre Argileuse" et "Pierre calcaire", qui se succèdent en alternance sur les itinéraires parcourus (en général vallées). Palassou constate que ces deux types de roches forment de longues bandes longitudinales. Il est persuadé d'avoir découvert que les montagnes qu'il étudie, "ruines causées par le temps", offrent une "uniformité constante de leur structure intérieure". Ses mesures montrent, pense-t-il, qu'on peut ramener cette structure à une orientation constante des bancs (Ouest-Nord-Ouest - Est-Sud-Est) avec une inclinaison de 60° vers le Nord-Nord-Est. Sur ses cartes, il trace des lignes droites de deux types, qui se trouvent en général passer par les symboles respectifs Schiste et Calcaire (la régularité ne s'étend pas jusqu'à l'espacement, donc à la largeur des bandes).

-2.- On a là un type original de carte thématique, le thème ici privilégié étant cette régularité ("uniformité") de la "structure intérieure". Palassou est donc à ce titre l'initiateur en France des cartes structurales. A-t-il influencé HUMBOLDT, ou celui-ci est-il arrivé seul à l'idée que "la direction et inclinaison des couches primitives...suivent des lois et un parallélisme général qui ne peut être fondé que dans l'attraction et la rotation du globe" (37). De là, par l'intermédiaire de Von Buch, on voit l'idée de la direction structurale constante au sein des montagnes s'épanouir chez ELIE DE BEAUMONT, l'idée s'étant enrichie du principe de directions réglées successives multiples, correspondant chacune à un épisode formateur distinct. (Voir la petite carte de la région Alpes-Apennins du Nord donnée par cet auteur en 1830 dans le tome 19 des Annales des Sciences naturelles. On y compte déjà six systèmes d'alignements.)

L'innovation de Palassou introduisait ainsi une "filière" dont on ne sait s'il faut ou non regretter la fécondité jusqu'à nos jours, celle de cartes qui "géométrisent" abstraitement les structures par une sélection généralement involontaire des seules observations favorables à la grille alléguée.

E) Les cartes figurant les grandes subdivisions du bâti ou les formations.

Pour nous, c'était évidemment la bonne voie, celle qui allait mener aux "vraies" cartes géologiques des XIXe et XXe siècle. Mais dans le vécu du XVIIIe siècle, le projet mis en oeuvre pouvait passer pour aussi arbitraire que tout autre, et pour ne pas répondre aux besoins pratiques immédiats.

-1.- Mettons tout d'abord à part la carte de FÜCHSEL , déjà mentionnée (38). Il paraît exclu qu'elle ait pu exercer une influence quelconque sur le développement de la oartographie géologique hors d'Allemagne, et plus précisément ailleurs qu'en Saxe (sensu lato). Mais là, Gottlob WERNER en a plus que probablement retenu la leçon (et donc ensuite, à travers lui, ses nombreux disciples); il lance en 1774 le terme décisif de Géognosie : à peine treize ans plus tôt, Georg Füchsel l'avait créé ("Scientia geognostica")(39). Les "Séries montanae" de Füchsel deviennent les "Formations" de Werner, mais à travers Lehmann, elles s'enracinent dans le savoir pragmatique des mineurs qui de longue date, avaient comme "personnalisés" par des noms les divers termes de la série contenant les célèbres Schistes cuprifères, l'une des principales richesse minières du Harz et de Thuringe. A ce titre, la carte si remarquable de Füchsel appartient avant tout au domaine propre de l'histoire de la géologie allemande. Venant trop tôt, c'est indirectement, à travers Freiberg et la Géognosie, que son héritage éclora en France avec Cuvier et Brongniart en 1811.

-2.- Mentionnons aussi pour mémoire les premières cartes allemandes qui introduisent dans la décennie 1770 deux innovations capitales : la couleur en teintes plates et la condensation synthétique de la complexité des faits en quelques grands ensembles à la fois adossés et superposés. Outre une carte sans doute mythique attribuée à Lehmann lui-même (40), on sait que les premières cartes de ce types sont celles de GLÄSER (1775) et CHARPENTIER (1778) (41). La première ne dépasse pas le niveau empirique des "bandes" de Guettard : elle se contente de subdiviser le comté de Henneberg en "Gebürge" (massifs, masses rocheuses...) granitique, sableux et calcaire. La carte de Charpentier subdivise le territoire de la Saxe s.str. en huit zones, figurées par des couleurs avec quelques indices pétrographiques surajoutés, correspondant respectivement aux ensembles lithologiques suivants : Granite ; -Gneiss; - Schiste; - Calcaire; - Gypse; - Grès; - Sable fluviatile; -Argile et limon. Le titre de l'ouvrage est explicite : il s'agit d'une Géographie minéralogique (terme souvent utilisé dans les décennies suivantes). Le texte témoigne d'une conscience vive des superpositions et successions dans le temps (notons incidemment les relations épistolaires entre Arduino et Charpentier, pp.404-406). Notons aussi que cette réalisation (entreprise en 1774 d'après KEFERSTEIN) précède le renom de Werner et de sa géognosie. - Autrement dit, on est progressivement arrivé en Europe centrale à la notion d'une hiérarchie dans les faits de terrain : on sait désormais comment les ordonner en sous-ensembles cohérents, formant une suite habituelle. Deux mots utilisés par Charpentier sont caractéristiques : Lag (le gisement à plat) et Bau (le bâti). Puisque ce bâti est structuré en unités étagées bien individualisées, dont le contenu lithologique est d'avance recensé et connu, la carte n'a qu'à se contenter de figurer l'extension de ces unités. Dans la région Harz - Saxe - Thuringe (le berceau de la tradition minière allemande), ces unités et leur hiérarchie sont désormais part du savoir commun. D'emblée, les auteurs de cartes savent ce qu'ils ont à y figurer, à savoir le socle (Ganggebirge, Grundgebirge) et la couverture (Flötzgebirge), ainsi que leurs subdivisions lithologiques respectives. La méthode est"dans l'air", Werner n'en sera que le codificateur et le convaincant pédagogue.

-3.- En Angleterre, WHITEHURST (1778, 1786) (42) est à mentionner. Lui-même n'a pas fait de carte, mais il est bien possible que la lecture de son livre ait conforté le jeune William SMITH dans sa prise de conscience de l'importance capitale de la succession des strata (en fait, formations), de leur relevé exact en coupe (et finalement en plan). On sait que Whitehurst avait montré que dans le Derbyshire, quels que soient leurs dérangements, les "strates" se suivent dans un ordre invariable, comme les lettres d'un alphabet, chacune avec ses fossiles propres, ce qu'il illustre par des coupes.

-4.- Or en 1776, Johann Jakob FERBER avait publié son propre petit ouvrage sur "l'oryktographie" de ce même Derbyshire (43), où il avait séjourné, en partie, dit-il, guidé par Whitehurst dans ce district minier. L'une des coupes de la séquence des couches, brisées, décalées, basculées, illustrant l'ouvrage de Ferber se retrouve trait pour trait dans celui de Whitehurst, ici signée de lui. Rien ne prouve que ce dernier ait pris de l'expert en géologie minière qu'était Ferber ses idées sur sa séquence type et sa technique du dessin de coupes. Du moins cette visite a dû au moins avoir pour résultat de conforter Whitehurst dans ses méthodes. On ne saurait de plus exclure complètement l'influence possible antérieure de techniciens saxons, car on sait que nombre de mines métalliques en Europe recouraient à leurs service.

-5.- On rappellera encore que l'école germano-suédoise était à cette époque acquise dans son ensemble à l'idée que les terrains superposés étaient les dépôts successifs d'une ou plusieurs mers passées (Werner faisait sienne l'affirmation de LINNÉ (44) pour qui les roches sont "filles du temps"): elles sont des "formations" successives, au sens littéral du terme. Leur figuration sur une carte introduira donc dans celle-ci une signification chronologique.

-6.- Cela dit, il serait abusif de vouloir tout enraciner dans la pensée germanique. On a vu que Lavoisier avait une intuition claire de la méthode qui deviendra celle de la stratigraphie. Mais ce n'est pas lui qui en exprime le premier en France les principes, sous forme écrite et cartographique. Ce rôle revient à l'abbé GIRAUD SOULAVIE, qui précisément paraît avoir mûri sa pensée et sa méthode à l'abri des influences étrangères. Ses travaux s'échelonnent de 1780 à 1784, mais c'est la date de 1780 qui est décisive. L'auteur tout en décrivant les contrées voisines, prend pour région type le Vivarais. Il explique dans un mémoire paru dans Observations sur la Physique..., Juillet 1780, t.XVI, pp.63-73, comment il a construit une "Carte du Vivarais dressée en relief" , "enluminée selon la nature du sol & les variétés des êtres organisés". Cette même année était publiée une "Carte des trois Règnes de la Nature", que l'auteur dit être "dans le goût des Cartes Minéralogiques de la Franoe, de MM, Guettard, Lavoisier & Monnet", mais en fait basée sur une systématisation fort différente (45). En se basant essentiellement sur les principes posés en 1669 par Sténon, qu'il paraît avoir longuement médités et faits siens (Sténon n'est pas cité), il pose que toute superposition bien établie donne une chronologie. Or, il observe, superposés de bas en haut (bien qu'inclinés) : le granite; - des calcaires marins; - un poudingue fluviatile; - une énorme couche de coulées basaltiques; - enfin, encaissés dans les vallées, des coulées basaltiques récentes.

La carte, à l'échelle du 1/350.000 environ, comporte un semis très lâche de signes minéralogiques et botaniques. Son principal intérêt est de comporter pour la première fois en France des teintes plates : beige pour la région calcaire, rose pour le basalte en nappe des plateaux. La région granitique ressort en blanc. Les volcans et coulées modernes sont tracés en pourpre. Giraud Soulavie montre dans tous ses textes qu'il a une vision aigüe des trois dimensions de l'espace; il nous dit avoir réalisé une carte du Vivarais modelée en relief dans un assemblage de cubes jointifs mobiles d'argile, dont la mobilité permet de "tracer la géographie souterraine & la superposition des bancs" (loc.cit., p.72). Dans le tome I de l'Histoire naturelle de la France méridionale, p.10, il résume ainsi l'essentiel de sa vision synthétique : dans le territoire considéré, "les règnes calcaire, granitique & volcanisé paroissent superposés les uns sur les autres. Formant trois contrées séparées, & leur existence étant de diverse date, ils offrent chacun un monument des trois grandes époques du monde, & des révolutions secondaires qui ont suivi ces trois faits principaux".

Giraud Soulavie est arrivé à une vision historique comparable à celle des Epoques de la nature de BUFFON (1779), mais induite a posteriori d'une exploration objective du terrain (où il se montre observateur très perspicace) et non déduite d'un modèle génétique a priori. Sa carte renonce à tenter de figurer beaucoup de données pourtant importantes: tels les grès et granites remaniés intercalés entre le granite et les calcaires; telles les trois divisions qu'il établit dans ces calcaires, qui sont pour lui trois âges, basés sur le changement des faunes; ainsi encore que les poudingues fluviatiles supportant les coulées des Coirons. Il paraît donc avoir pleinement compris qu'une carte du sous-sol ne peut exprimer les faits cruciaux qu'au prix de l'élimination des faits de moindre valeur signifiante. Son projet est déjà, malgré la pauvreté des moyens, au plus haut degré géologique (mot qu'il ignore encore): la seule lecture,fidèle, du terrain nous donne une tranche de l'histoire de la Terre. Telle est à nos yeux la raison qui nous fait considérer la carte du Vivarais de Giraud Soulavie comme un jalon capital dans l'histoire de la cartographie géologique française, même si son influence réelle sur les développements ultérieurs reste à établir(46).

-7.- De 1780 à 1811, trente ans s'écoulent en France sans qu'une carte géologique véritable voie le jour en France. Pendant ce temps, les cartes "géognostiques", souvent colorées, se multiplient en Europe centrale (48). On peut énumérer, pour la période 1788-1799, les cartes (grandes ou petites) de BECHER, LASIUS, NOSE, RIESS, Von FLURL, REUSS, VOIGT, FICHTEL, Von BUCH, HEIM. Cette importante production n'est que l'expression graphique de la lame de fond qu'était la Géognosie, ressentie par ses adeptes comme la nouvelle, l'authentique science de la Terre, objective et positive, fondée sur des bases minéralogiques et donc chimiques et physiques.

Comment expliquer la carence française ? Il faut bien comprendre que la percée effectuée à nos yeux par Giraud Soulavie était celle d'un homme seul, non accompagné d'un mouvement similaire quelconque,et qui par surcroît s'est vite découragé et tourné vers d'autres activités. On ne tentera pas ici de trouver les raisons du retard pris par la France. Il faudrait d'abord disposer d'une bonne histoire de la Géognosie germanique : n'était-ce pas plutôt elle qui avait pris de l'avance ? En 1822, Ami BOUÉ n'hésitait pas à écrire que l'Allemagne était la "patrie de la véritable Géologie" (49).

-8.- Peut-être l'école française était-elle pénalisée d'avoir avec Guettard lancé le mouvement cartographique trop tôt, avant de disposer des concepts organisateurs adéquats. Au tournant du siècle, Desmarest est bien conscient des insuffisances graves du système adopté pour l'Atlas. Mais lui-même ne paraît pas avoir de projet alternatif vraiment explicite à proposer. En 1794, dans le tome I de sa Géographie Physique de l'Encyclopédie méthodique, il fait certes part de ses suggestions (p.177, pp.790-791 et 804-808), mais elles déçoivent. Nulle part, par exemple, il ne propose de représenter sur une carte les limites (terme qu'il affectionne, reprochant à Guettard de ne pas en tracer), de ses trois grands ensembles étagés du sous-sol (Terre ancienne, Terre moyenne, Terre nouvelle). Il annonce pour l'Atlas de la Géographie physique une "carte circonscrite de la craie de Champagne" (loc.cit., p.177)(carte apparemment disparue), illustrant l'article Craie (t.III, 1809): or, cet article, fort intéressant certes, est directement issu du manuscrit de Boulanger, transcrit en termes de dénudation lente actualiste. La Craie a jadis supporté (et supporte encore) d'autres terrains, elle découvre à son tour par son recul d'autres "massifs".

-9.- A cette proto-stratigraphie (Boulanger, Lavoisier, Desmarest), il manque probablement la forte conviction qui anime la Géognosie allemande, pour qui les "formations" superposées représentent autant de chapitres marquants de l'histoire universelle du globe : conception neptuniste qui sera bientôt dépassée, mais qui aura fécondée et dynamisée la Géologie naissante. En somme en France, on en était resté aux "anecdotes" de la nature, Buffon et Giraud Soulavie étant presque seuls à proposer une histoire. Peut-être est-ce là l'une des causes du peu d'intérêt précité pour la cartographie géologique jusqu'en 1811. L'investissement en temps et en argent que représente une carte suppose que la distinction et la figuration des objets revête une importance essentielle, soit pratique, soit scientifique (pour ne pas dire philosophique). La filière pratique s'étant épuisée dans l'essoufflement de l'Atlas minéralogique de Guettard et Monnet, il fallait qu'intervienne un renouveau dans les paradigmes.

F) La Carte géognostique des environs de Paris de Cuvier et Brongniart.

Datée de 1810, elle illustre l'Essai sur la géographie minéralogique des environs de Paris imprimé en 1811. Des coupes colorées, levées au baromètre, éclairent la carte. En premier apparence, on pourrait dire que le tout est l'exaucement du voeu de Desmarest (loc.cit., t.I,pp.804-808). Mais déjà le langage est différent. Bien que Monnet utilise ce terme dans l'introduction de l'Atlas... de 1780, l'expression géographie minéralogique appartient à l'école allemande (WERNER 1774,1778, 1787, CHARPENTIER ,1778, REUSS ca.1792, etc.). L'emploi du terme de Carte géognostique est typique; et encore plus l'insistance mise sur le mot et le concept de formations (avec référence explicite à Werner ; cf. p.31 et p.254 de l'Essai...)(50). Cette carte en 7 couleurs plates principales, à l'échelle du 1/200.000, peut à bon droit être considérée comme la première carte géologique moderne française, et si l'on veut européenne. Son levé, principalement par Brongniart, est le fruit d'un labeur considérable, qui suppose une ardente motivation. Bien que les auteurs soient discrets sur ce point, on peut supposer qu'il ne s'agit pas seulement de démontrer graphiquement la puissance d'analyse offerte par la nouvelle science géognostique. La carte et les coupes doivent aussi illustrer et attester deux données radicalement nouvelles, ressenties alors comme une véritable révolution dans les idées sur la Terre, à savoir l'alternance de terrains marins et d'eau douce et le renouvellement des faunes d'une formation à l'autre (51). En fait, on sort de la géognosie orthodoxe pour entrer dans l'ère de la stratigraphie paléontologique, où l'on renonce au modèle neptunien si séduisant d'une suite lithologique unique et universelle. De plus en plus, la carte géologique sera un lieu de tension entre deux obligations non toujours conciliablss : figurer les unités lithologiques mais également les unités chronologiques. Déjà en 1811, Cuvier et Brongniart affrontent ce problème en ce qui concerne par exemple la place exacte (en coupe verticale, donc dans le temps) de leur "calcaire siliceux".

En clair, pour ces deux auteurs, comme pour tant de leurs contemporains, la Géognosie aura été l'éducatrice et le piédestal, dont la fécondité a résidé dans le fait même d'être vite dépassée, sinon désavouée, par ses adeptes auxquels elle avait donné foi et enthousiasme conquérant.

G) D'Omalius d'Halloy et les premières cartes géologiques de la France

-1.- De 1804 à 1813, un homme jeune et seul, Jean-Baptiste d'Omalius d'Halloy, conquis à l'étude de la Terre par les cours suivis au Muséum d'Histoire naturelle, entreprend de lever la carte géologique de l'Empire français d'alors, ou du moins de la partie occidentale, ceci au pris d'immenses voyages à pied (52). Il paraît avoir assimilé et dominé les méthodes de la géognosie allemande, révisée à la lumière des nouvelles vues parisiennes. En tout cas, il fait preuve d'un pouvoir peu commun dans la maîtrise des innombrables faits de terrain et dans l'art de regrouper les couches et les formations en quelques unités majeures. En 1813, il formulait ainsi sa méthode : "Il a donc fallu sacrifier à l'uniformité le désir si naturel de présenter tous les détails qu'on possédait sur certaines contrées, sauf à les reproduire dans des mémoires particuliers; il a fallu imaginer également un système qui, en faisant abstraction d'une grande partie des divisions établies par les auteurs, conservât cependant les coupes les plus essentielles, et s'associât avec la manifestation des divers terrains dans les pays que je voulais représenter" (53)

-2.- D'Omalius d'Halloy publie en 1816 dans les Annales des Mines (54) une première carte en cinq couleurs : "Esquisse d'une Carte Géologique du Bassin de Paris et de quelques contrées voisines" , à l'échelle du 1/1.800.000. L'article que cette carte accompagne est centré sur la délimitation du "Terrain des environs de Paris" (notre Tertiaire) mais la carte délimite de plus la "Craie ordinaire", la "Craie ancienne", l'"Ancien Calcaire horizontal" (= Jurassique), et les Terrains de transition et terrains primitifs (= socle hercynien indivis). A nos yeux, la carte inaugure évidemment la lignée de nos cartes géologiques usuelles à petite échelle, elle ne nous dépayse pas du tout. Certes elle est loin des cartes contemporaines anglaises, mais fait date en France.

-3.- Ce n'est qu'en 1822 (53) que d'Omalius d'Halloy peut enfin publier sa deuxième carte, modestement intitulée "Essai d'une carte géologique de la France, des Pays-Bas et de quelques pays voisins...", dont il avait recueilli les matériaux par ses voyages mais aussi par l'entremise du baron Coquebert de Montbret, alors directeur de la Statistique du gouvernement impérial.
La carte, à l'échelle du 1/3.600.000 environ, est, tout comme la précédente, d'une grande clarté par le regroupement de tous les terrains en sept terrains principaux : "Primordiaux" (=socle hercynien, Alpes, Pyrénées), "Pénéens" (= Permien), "Ammonéens" (=Jurassique et Trias), "Crétacés", "Mastozootiques" (= Tertiaire et Quaternaire présumé marin) et "Pyroïdes".

Le "projet" mis en oeuvre par d'Omalius d'Halloy suppose déjà un haut niveau de synthèse et de conceptualisation. Toute la différence entre les "bandes" de Guettard et ses plages colorées est que Guettard ne comprenait pas ce qu'il représentait, tandis que d'Omalius d'Halloy projette sur le papier un modèle hautement élaboré de la réalité, issu à travers ses recherches propres de tout l'effort collectif de la Géognosie, et plus généralement de tout l'élan critique de la communauté scientifique internationale. On notera qu'en intitulant son premier grand mémoire paru en 1808 au Journal des Mines (vol.XXIV, pp.123 sqq.), "Essai sur la Géologie du Nord de la France", il précise en note que par ce mot de Géologie, il désigne simplement ce que les auteurs allemands appellent géognosie.

Il paraît donc clair que les premières cartes géologiques modernes faites en France (Cuvier et Brongniart, d'Omalius d'Halloy) n'ont pas été influencées par les réalisations anglaises. Elles s'enracinent "sur le Continent".

H) L'explosion cartographique

-1.- Il n'y a pas d'autre mot pour qualifier l'impressionnante multiplication des cartes géologiques en France et ailleurs dès les années 1820. En 1836, dans un très curieux ouvrage en deux tomes in-12° intitulé Guide du géologue-Vovageur, Ami BOUÉ énumère (t.II, pp.332-349) les "meilleures cartes géologiques" par lui recensées à cette date. Leur nomhre est considérable, même s'il s'agit très souvent de cartes locales accompagnant des mémoires. En France, elle se multiplient surtout après 1830, notamment sous la forme de cartes géologiques de départements (Ami BOUÉ en mentionne déjà 19). Parallèlement à ces efforts en ordre dispersé, en 1822, le Ministère des Travaux Publics décide qu'une carte géologique de la France doit être levée à l'échelle du 1/500.000. Elle sera l'oeuvre de deux jeunes ingénieurs des Mines, ELIE DE BEAUMONT et DUFRÉNOY, qui sont d'abord envoyés en Angleterre y parfaire leur connaissance de l'anglais mais surtout celle des terrains secondaires. La carte paraîtra en 1841, très belle réalisation en six feuilles.

-3.- En 1868, c'est la Carte géologique de la France à l'échelle du 1/80.000 qui est mise en chantier, et qui prend le relais des cartes départementales. On entre là dans la mouvance de notre géologie actuelle, puisque les rééditions successives des feuilles se poursuivent jusqu'à notre génération. Tout un code de symboles ponctuels (très inégalement utilisés) a au départ été arrêté, pour permettre de signaler des gisements et exploitations locales de substances utiles. Certains sont repris de Guettard, et le recours (même devenu bien marginal) à cette formule montre que, à défaut d'être une vraie carte géologique, l'Atlas minéralogique de la France répondait au moins de façon valable à une demande permanente sur le plan géotechnique.

-4.- On ne dira rien des développements très actifs actuels, sauf pour noter la multiplication, comme complément de plus en plus nécessaire des cartes proprement géologiques des diverses échelles, de cartes spécialisées ayant pour but de se limiter à la représentation graphique d'un type particulier de données (cartes gravimétriques, aéromagnétiques, hydrogéologiques, pédologiques, etc.). Remarquons aussi le fait que de nos jours comme dans le passé, les cartes géologiques dont le tirage est épuisé, tout en restant souvent d'irremplaçables documents, constituent un réel problème bibliographique, non pas seulement pour l'historien, mais pour le chercheur et l'enseignant. Ami BOUÉ en 1836 dans son énumération des cartes publiées dans les deux décennies antérieures, note la rareté de certaines d'entre elles. Il serait au plus haut point désirable que la communauté mondiale des historiens de la Géologie entreprenne la réédition méthodique en fac simile au minimum de toutes les cartes à caractère géologique antérieures à 1830 (pour commencer). Voir certaines de ses yeux est presque un exploit (55).

I) Une carte fantôme : celle de l'abbé COULON,

Le 4 mai 1835, nous dit le rédacteur du Bulletin de la Société géologique de France (t.VI. p.249) "M.Dufrénoy communique à la Société le 1er. vol. d'un ouvrage en 2 vol. in-8° intitulé : Les Rivières de France, ou Description géographique et historique du cours et débordement des rivières de France, avec le dénombrement des villes, ponts et passages, par l'abbé L.Coulon. Cet ouvrage est remarquable par une carte géologique, indiquant déjà, à cette époque, la division du terrain en granitique et secondaire, avec assez d'exactitude".

Ami BOUÉ en 1836 (loc.cit., t.I, p.100) écrit: "Les premières cartes géologiques ont été construites vers le milieu du siècle passé, quoique Coulon en eût déjà dressé une pour la France en 1644. Son ouvrage remarquable, intitulé Les rivières de France ou Description géographique et historique du cours et débordement des fleuves etc. (Paris 8°) provoqua probablement Martin Lister à proposer (le 12 mars 1683) l'exécution de cartes semblables (...)".

En 1841, dans la préface de l'Explication de la carte géologique de la France par Dufrénoy et Elie de Beaumont (t.I, p.16), BROCHANT DE VILLIERS fait état de cette carte de Coulon, "publiée en 1664".

En 1862, d'ARCHTAC (Cours de paléontologie stratigraphique... Précis de l'histoire de la Paléontologie stratigraphique, p.284) mentionne à son tour l'ouvrage de Coulon ("In-8. Paris, 1664.") : "On avait déjà quelques indications sur la distribution des roches à la surface de notre pays dans un ouvrage devenu assez rare et intitulé : Les rivières de France, ou description géographique et historique des cours et des débordements des rivières, par Coulon, avec une carte hydrographique qui semble marquer la séparation des granites et des terrains stratifiés".

Depuis lors, d'autres auteurs ont encore fait référence à cette carte, (probablement d'après d'Archiac). R.Rappaport précise toutefois "I have been unable to locate a copy of Coulon's map" (56).

Or, aucun des 4 exemplaires du livre de Coulon (tous datés 1644) que nous avons examinés à ce jour à Paris ne comporte de carte (Ecole des Mines ; 2 à la Bibliothèque nationale ; Muséum d'histoire naturelle). Dans leur référence à ce livre, ni le catalogue du British Muséum, ni le Union catalogue ne signalent de carte. La Biographie Michaud à l'article Louis Coulon consacre 20 lignes aux Rivières de France sans mentionner de carte.

Comme d'autre part il semblerait extraordinaire que Coulon ait eu en 1644 la moindre notion de la distinction de terrains granitique et secondaire (alors que dans son texte, il en est encore aux influences astrales et jeux de la nature), l'hypothèse la plus vraisemblable est que Dufrénoy a eu en main un exemplaire du livre de Coulon auquel on a adjoint à la reliure une carte de loin postérieure. Faute d'avoir jusqu'ici mis la main sur cet exemplaire, on ne peut ici en dire plus. La leçon à en tirer est (une fois de plus) de la méfiance nécessaire vis-à-vis des sources indirectes. Faute de cette rigueur, on perpétue des données déformées ou fausses. On a vu ci-dessus comment Ami BOUÉ postule la source Louis Coulon à la proposition de Martin Lister, sur la seule base de son antériorité prétendue. De même, la faute (typographique ?) "1664" au lieu de 1644 fera imaginer une seconde édition de l'ouvrage, qui n'est mentionnée dans aucun catalogue.

III) Conclusion.

Celui qui a durant sa vie consacré beaucoup d'efforts à lever des cartes géologiques et à initier des étudiants à cette pratique exigeante fera entièrement sienne l'affirmation de Martin RUDWICK, lorsqu'il rappelle que "a geological map is a highly complex, abstract and formalized kind of representation" (57). Le géologue cartographe actuel oscille sans cesse entre deux aspects de sa démarche : cartographier pour comprendre, ou au contraire cartographier ce que l'on a compris. L'analyse du terrain suggère un modèle, la carte terminée en sera la représentation ; encore faut-il ne pas avoir en cours de route éludé l'inattendu, souvent surgi graphiquement de la minute en chantier. Faute d'être sans cesse remise en cause par cette intrusion souvent déplaisante du non prévu, l'image cartographique finale sera celle d'un modèle irréel et donc trompeur.

La distance est cependant énorme entre notre univers scientifique actuel et celui où vivaient les hommes du XVIIIe siècle concernés par la terre. Le danger est permanent, insidieux, de les "expliquer" selon nos façons de faire et de penser actuelles.C'est pourquoi il nous a paru important, non seulement de tenter de cerner d'après leur propre témoignage le "projet" véritable des auteurs de cartes publiées, mais aussi d'étudier les textes où apparaissent des projets, plans, voeux qui n'ont pas été suivis de réalisations (et souvent n'en n'avaient pas le désir). Certains étaient du reste par nature irréalisables : ainsi celui de l'Anonyme de 1773 lorsqu'il veut que les cartes soient "le tableau fidèle de la réalité", sans en omettre aucun aspect : il ne fait guère que rêver.

Notre devoir est donc d'écouter nos devanciers, dans leur propre langage. Mais il est aussi de nous compromettre en tentant de dégager leur motivation et de mettre à nu leurs concepts moteurs. L'historien doit assumer ce risque.

R.RAPPAPORT dès 1964 a très bien posé cette question des motivations : "The central question to be asked of any map seems to me to be : for what purpose was it constructed ?"; elle souligne qu'il est essentiel de chercher la réponse dans les écrits de l'auteur lui-même (58). D'autre part, elle met en avant une dualité d'objectifs : "One purpose behind the construction of maps was economic rather than scientific", mais elle poursuit en disant que les cartes géologiques devraient être examinées en tant que "mirrors of geological theories" (ibid., p.74).

C'est notamment cette dualité que nous avons tenté d'exprimer dans le tableau qui récapitule la présente étude. On y oppose (à gauche) les cartes avant tout empiriques et utilitaires ("géotechniques"), aux divers types (à droite) de cartes "thématiques" ou "conceptuelles". Ces dernières ne répudient nullement l'utilité pratique, mais leur construction accorde d'abord la priorité à l'illustration graphique d'un thème principal généralement d'ordre scientifique (sans doute à l'époque aurait-on dit "philosophique").


Remarques sur le tableau graphique

Les traits pleins figurent divers types de connexions établies. Dans une partie seulement des cas il s'agit de références explicites d'un auteur à un prédécesseur (indice R).
Les traits discontinus indiquent des connexions probables, mais dont la preuve fait défaut.
Le tableau n'entend pas récapituler l'ensemble des débuts de la cartographie géologique européenne, et n'a voulu être complet que pour la France.
Les auteurs dont le nom n'est pas souligné interviennent autrement qu'en formulant en leur nom des projets cartographiques originaux
.

 

De ce fait ces cartes "thématiques" seront sélectives : on décide volontairement d'éliminer tout ce qui est étranger au thème, au modèle choisi. Encore faut-il ici remarquer que par nature, toute carte quelle qu'elle soit impose une démarche réductrice et sélective. On ne peut évidemment pas représenter en petit sur une feuille de papier tout ce que contient en vraie grandeur un terrain de dimensions 10.000, 100.000, 1.000.000 fois supérieures. En nous penchant sur les cartes anciennes, il faudra se demander quels sont les rôles respectifs de la réduction volontaire, de la condensation consciente valorisant l'essentiel, et d'autre part des simples contraintes techniques imposées (ainsi, pendant longtemps, l'absence ou le caractère rudimentaire des fonds topographiques).

Dans notre exposé, nous avons insisté à plusieurs reprises sur les processus mentaux d'élagage et de regroupement synthétique des données,où intervient forcément un concept organisateur dominant. A cette lumière, on découvre combien les cartes récentes diffèrent des premiers essais en la matière. Il ne faut pas s'y tromper. Le géologue sait que leur simplicité apparente, leur fausse "naïveté", sont la projection sur le papier d'un modèle "codé", hautement élaboré, qui renvoie à tout un savoir collectif.

De façon un peu conjecturale, il nous a semblé que les premières cartes françaises "modernes" publiées au XIXe siècle étaient plus directement les héritières de la Géognosie allemande que des cartes antérieures françaises (59)(on a laissé de côté le problème de "l'explosion" William Smith).

Or,c'est ici le lieu de faire une remarque. Elle concerne le rôle spécifique positif qui durant un siècle aura été joué par l'Académie des Sciences. En 1720, son secrétaire perpétuel lance en France l'idée même. En 1746, Guettard nous dit avoir fait ses premières cartes selon un souhait de l'Académie. Celle-ci publie dans ses Mémoires toutes les cartes de Guettard jusqu'à l'Atlas (exclu), ainsi que celle de Desmarest de 1771. Rien d'équivalent n'avait jusque là été fait ailleurs (à l'unique exception de la carte de Füchsel). En 1806, l'Institut de France publie les quatre cartes susmentionnées de Desmarest. Et c'est encore l'Institut qui assume les frais de la carte (et du mémoire) de Cuvier et Brongniart de 1811. Rappelons aussi que c'est l'Académie royale des Sciences qui avait successivement dressé la première carte géographique de France basée sur des coordonnées astronomiques (1693), mesuré un arc de méridien puis achevé la triangulation du royaume (1744), et enfin appuyé Cassini dans le levé de la carte au 1/86.400 devant couvrir la France (60).

Retrouver les héritages et les filiations est une entreprise hasardeuse, dès qu'il n'y a pas citation ou référence explicite. Les idées voyagent, dans le temps et dans l'espace, contrastant avec la permanence relative des institutions. Document très coûteux, très élaboré conceptuellement, la carte géologique, dès l'origine, naît au carrefour, au noeud de convergence de conduites collectives et de démarches mentales individuelles fort complexes. Considérant le lot global des cartes connues, il vaut sans doute la peine de lui appliquer la méthode baconienne d'analyse inductive. D'où notre tentative ci-dessus de classement en catégories. Il est ensuite normal de s'interroger sur les parentés et similitudes constatées. S'agit-il de coïncidences, ou d'un petit nombre d'options possibles permanentes, ou encore d'influences et traditions ? Certaines continuités, surtout dans l'oeuvre d'une vie isolée, nous ont paru relever de l'inertie,et de l'enfermement dans une pratique dont le premier succès certain, alors novateur, fait ensuite un carcan retardateur. D'autres continuités procèdent d'une permanence des besoins. Enfin il doit bien arriver que la percée presque inconsciente de "précurseurs" soit reprise en toute lucidité, le moment venu, par des hommes d'une nouvelle génération, dont on ne saura peut-être jamais dans quelle mesure ils ont reçu (souvent à leur insu), le message des prédécesseurs.

Une chose du moins est sûre, c'est que beaucoup reste à faire dans l'histoire de la cartographie géologique. Le présent essai n'a fait qu'effleurer un sujet où la collaboration de géologues et d'historiens de métier est particulièrement nécessaire. (61)

Bibliographie et Références

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ADDENDA.

Le texte qui précède constitue le développement d'une communication présentée le 9 Juin 1982 au Comité français d'Histoire de la Géologie. Il a de plus été remis pour enregistrement, après exposé oral, aux organisateurs de la 10e Réunion du Comité international d'Histoire des Sciences géologiques (INHIGEO) tenue à Budapest en Août 1982.

Il convient d'y ajouter les compléments suivants (Octobre 1982) :