Georges François BIDEL (1874-1909)


Bidel, élève de Polytechnique
(C) Photo Collections Ecole polytechnique

Ancien élève de l'Ecole Polytechnique (promotion 1894 ; entré classé 54ème, sorti classé 67ème sur 212 élèves dans le corps de l'Artillerie) et de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1897). Ingénieur civil des mines.

Fils de Alfred Marie BIDEL, négociant en vins, et de Emilie Marie ETORRE. Né le 4 octobre 1874 à Agneaux (Manche).


Publié dans le Bulletin de l'Association des anciens élèves de l'Ecole des Mines de Paris, avril 1909.

Georges Bidel est mort accidentellement le 6 avril dans les travaux de la fosse n° 5 des mines de Bruay. Au cours d'une de ses tournées journalières, un énorme caillou, tombant du «toit » d'une galerie, lui écrasa la tête. L'expérience la plus consommée, ni la science la plus profonde, ne pouvaient prévoir cet accident. Seule en est coupable l'aveugle fatalité, qui remplit de deuil une maison si heureuse autrefois, et où, maintenant, une veuve et deux fillettes pleurent le cher disparu.

Georges Bidel est né à Coutances le 4 octobre 1874. À la suite de brillantes études au lycée de cette ville et au lycée Henri IV, il entra, en 1894, à l'École polytechnique, puis, en 1897, à l'École des Mines. Sorti en 1900 de cette dernière école, après quelques mois de stage aux mines de Marles, il entrait au service de la Compagnie de Bruay, où on lui confia la direction de la fosse n° 5.

Ingénieur distingué, toujours à la recherche patiente des améliorations possibles, il sut vite se faire apprécier de ses chefs et aimer de ses ouvriers ; aussi l'avenir s'ouvrait-il brillant devant lui. Quant à ses collègues, ils n'oublieront jamais l'ami sûr, bon et loyal que la mort vient de leur enlever.

Les obsèques de Georges Bidel eurent lieu le 8 avril, au milieu d'une grande affluence. Les Compagnies du bassin houiller y étaient toutes représentées, la plupart par leurs Directeurs et leurs Ingénieurs en chef. MM. Léon, ingénieur en chef des Mines, Leprince-Ringuet, ingénieur des Mines, étaient présents, ainsi que de nombreuses personnalités de la région.

Le corps, porté par des mineurs, fut conduit à l'église, où l'on donna l'absoute.

L'inhumation devant avoir lieu au cimetière du Père-Lachaise, à Paris, le cortège se rendit à la gare de Bruay, où furent prononcés les quatre discours ci-après :

Discours prononcé par M. Elby, Directeur général de la Compagnie des Mines de Bruay.

« ...

Pour nous, qui vous survivons, un devoir reste à accomplir, celui d'assurer l'avenir de votre femme et de vos enfants. Cette pensée, nous la réaliserons, je vous en fais la promesse. Adieu. »

Discours prononcé par M. Léon, ingénieur en chef au corps des Mines.

« En mon nom personnel et au nom des Ingénieurs de mon service, je tiens à rendre un dernier hommage, à dire un dernier adieu à M. l'ingénieur Bidel.

M. Bidel était un de mes jeunes camarades de l'École Polytechnique de la promotion 1894. Après être passé par l'École des Mines de Paris, il avait fait à Marles un stage de peu de durée et était entré aux Mines de Bruay. C'est là que je l'ai connu au cours de quelques tournées souterraines d'abord, dans nos réunions d'ingénieurs ensuite. J'avais remarqué sa jeunesse, sa gaîté, sa bonne humeur, son amour du métier , et voilà qu'aujourd'hui toutes ces belles qualités, toute l'énergie déployée pour les mettre en valeur, tout l'espoir d'une brillante carrière, toule la paix d'une famille chérie sont brutalement anéantis. Au cours d'une tournée dans la mine, un caillou, comme disent les mineurs, une pierre détachée du toit l'a couché dans la tombe.

... »

Discours prononcé par M. Guerre, ingénieur en chef des Mines de Courrieres.

« Après les deuils répétés qui ont frappé en ces dernières années le Corps des Ingénieurs des Mines du Pas-de-Calais, nous pouvions espérer que la mort se lasserait de frapper dans nos rangs et d'accroître la liste déjà trop longue de ceux qui sont tombés sur le champ de bataille de l'Industrie minière.

Hélas ! la trêve aura été de courte durée et, après 1906 et 1907, l'année 1909 à peine commencée nous rappelle cruellement que nous pouvons être appelés aussi à prendre rang parmi les victimes du travail.

Celles-ci comprennent depuis hier notre excellent camarade Georges Bidel, en qui l'Association des Anciens Élèves des Mines de Paris perd un de ses membres les plus distingués, les plus sympathiques elles plus dévoués.

... »

Discours prononcé par M. Van de Walle, ingénieur à la Compagnie des Mines de Lens.

« Devant cette mort tragique et prématurée, qui, pareille à un coup de foudre, vient de coucher dans la tombe notre cher camarade, je reste saisi de stupeur. Cependant je veux imposer silence à mon émotion et vous retracer brièvement ce qu'a été la trop courte carrière de Georges Bidel.

Sorti de l'École Polytechnique il entrait en 1897 à l'École des Mines, où il se plaçait aussitôt dans les meilleurs rangs de la promotion. Par sa belle intelligence, son esprit de travail et son assiduité parfaite, il acquit bientôt l'estime de ses maîtres qui prévoyaient pour lui un bel avenir. Ses camarades de la veille devinrent bien vite ses amis, car il avait un coeur aimant et généreux.

Tous ceux qui, pendant les trois années d'école, eurent l'avantage de le connaître, vous témoigneront de son affabilité et de l'aménité de son caractère. D'une humeur toujours égale et sans pareille, sa présence parmi nous était recherchée, et jamais on ne le rencontrait sans cette physionomie aimable et souriante et cette franche gaîté dont il ne se départit jamais. Il s'entretenait familièrement avec chacun et il se plaisait particulièrement dans la société de ceux qui avaient fait choix d'une même carrière. Il aimait déjà le métier de mineur et ne se faisait pas illusion sur les dangers qu'il présente.

Il se passionnait dans l'étude de toutes les branches de l'enseignement qui s'y rapportaient le plus, et il lui tardait de voir venir l'heure où il pourrait mettre en pratique son esprit de travail et de méthode.

A sa sortie de l'École, en 1900, il entrait aux Mines de Marles et peu de temps après aux Mines de Bruay où, par sa bonne conduite et son application au travail, il s'attirait à juste titre la confiance de ses chefs et l'estime de ses ouvriers. Il consacra ces quelques années à améliorer les conditions de travail et de sécurité de ceux-ci, et c'est dans cette lutte de tous les instants qu'il rencontra la mort en succombant au champ d'honneur.

C'est à un excellent ami, à un noble coeur, que j'adresse un suprême adieu au nom de ses camarades de promotion.

Si devant sa dépouille mortelle il pouvait y avoir une consolation à la douleur de l'épouse, d'une famille en larmes, ce serait de voir si nombreuse cette assistance recueillie et sympathique. »

Le vendredi 9 avril, un grand nombre d'anciens Élèves et d'Élèves de l'École des Mines, avec M. l'Inspecteur général des Mines Nivoit, directeur, se trouvèrent réunis à la chapelle du Père-Lachaise. Avant de descendre dans le caveau de famille le corps de notre infortuné camarade, M. Rouy, Président de l'Association, a prononcé un discours.