Publié dans Annales des Mines, tome XV, 1939.

ÉLIE DE BEAUMONT
et
L'ÉVOLUTION DES SCIENCES GÉOLOGIQUES AU COLLÈGE DE FRANCE

Leçon inaugurale donnée le 7 décembre 1938
Par M. P. FALLOT.

MONSIEUR L'ADMINISTRATEUR, MESDAMES, MESSIEURS,

S'il est une tradition utile, féconde et juste, c'est celle qui fait d'une leçon d'ouverture un hommage à nos prédécesseurs. Jadis, le prédécesseur avait achevé du même coup sa carrière savante et sa carrière terrestre. Mais la dureté des temps a fait imposer, par le jeu de rouages administratifs aveugles, une limite d'âge à l'activité des savants.

Certes, l'éloge, l'étude de la vie scientifique de celui que l'on remplaçait était délicat, alors qu'il venait de quitter sa chaire, mais cette sorte de bilan est un non-sens lorsqu'il s'agit, comme aujourd'hui, d'un savant aussi intensément actif que M. CAYEUX et dont le bilan est bien loin d'être clos.

Aussi, je vous demande la permission de ne pas appuyer sur cette circonstance délicate, et, puisqu'aussi bien cette chaire a cent ans, d'évoquer son fondateur et son évolution, dans laquelle se situera à sa magnifique place son dernier titulaire.

Cinq savants seulement s'y sont succédé durant ce siècle : ÉLIE DE BEAUMONT, Ch. SAINTE-CLAIRE DEVILLE, FOUQUÉ, MICHEL LEVY et enfin M. CAYEUX.

Nous nous arrêterons plus longtemps sur le premier dont la personnalité est d'ailleurs moins connue que celle de ses successeurs, si bien dépeints par M. LACROIX.

Il y eut un siècle voici peu de mois que la Chaire d'Histoire naturelle ouverte par DAUBENTON en 1778, illustrée par CUVIER, fut dédoublée. La Chaire primitive embrassait toutes les Sciences naturelles et, en 1832, ÉLIE DE BEAUMONT y succéda à CUVIER sous ce vocable général. Mais en 1837, elle fut scindée. Celle qui nous occupe, consacrée à l'Histoire naturelle des corps inorganiques, eut ÉLIE DE BEAUMONT pour premier titulaire, alors que celle d'Histoire naturelle des corps organisés devait attendre quelque peu la nomination du docteur DUVERNOY.

Jean-Baptiste-Armand-Louis-Léonce ÉLIE DE BEAUMONT est connu par une légende de dogmatisme autoritaire qui est parvenue presque seule aux géologues d'aujourd'hui. Bien qu'on possède au fond peu de documents précis sur lui, vous me permettrez d'évoquer ce soir sa puissante personnalité autour de laquelle ont gravité les plus grands minéralogistes et géologues du XIXe siècle.

I. - L'homme.

Et d'abord, observons l'homme et son milieu.

Il est né le 21 septembre 1798 au château de Canon, en Normandie, d'une famille anoblie pour faits d'armes sous Charles VI. Au XVIIIème siècle, on disait « Canon les Bonnes Gens » à cause d'une cérémonie annuelle évoquée par Joseph BERTRAND dans l'éloge funèbre du grand géologue. Les habitants du voisinage formaient un collège électoral de 20 membres qui désignait la jeune fille, le fils, le vieillard, la mère les plus méritants du pays. Les noms étaient proclamés en chaire par le curé. Une fête réunissait toute la population dans une grande salle du château dite « salle des Bonnes-Gens » et le chef de famille remettait aux élus une bourse pleine de pièces d'or, qui étaient pour eux la fortune.

Ces temps prospères n'étaient plus lorsque naquit Léonce, mais leur souvenir était tout frais. Son père, malgré l'amoindrissement de la situation familiale, put lui faire donner une solide éducation. En dépit des graves atteintes que sa santé avait subies et qui le rendirent infirme, il tint d'ailleurs, aidé de sa femme, à modeler lui-même en ses enfants, dès le plus jeune âge, la foi, l'honneur et le sentiment du devoir.

Cette empreinte, ce milieu, ont marqué toute la vie de l'homme et du savant qui resta, toujours et par-dessus tout, fidèle à ses affections et à ses devoirs.

Brillant élève à l'École Polytechnique, sorti de l'École des Mines avec le n° 1, il entra dans la vie virile sous les plus heureux auspices. Toutes les satisfactions de carrière lui furent dès le début assurées. « Mais quelque touché qu'il fût des joies de la famille, il s'en refusa à lui-même les bienfaits, pour se consacrer à un père accablé d'une longue et cruelle maladie, et à sa mère à laquelle il réservait tous ses instants ».

Aussi n'épousa-t-il que dans ses vieux jours, en 1859, Mlle DE QUELEN, veuve en premières noces du marquis DU BOUCHET ; elle mourut prématurément, en 1866, sans lui avoir donné d'enfant. Ce coup l'atteignit profondément. Pour achever de remplir toute l'obligation qu'il devait à son nom, puisqu'il restait privé de descendance, il adopta le fils de son frère. [Note de R. Mahl : Pas étonnant qu'elle ne lui donnat point d'enfant ! Thérèse Marie Augusta (1806-1866) avait déja 53 ans au moment du mariage. Elle est connue pour ses poèmes].

Cette existence familiale austère nous explique, dans l'ambiance pompeuse et gourmée de la société aristocratique et bourgeoise de Louis-Philippe et de Napoléon III, la physionomie grave, dure, volontaire, au regard perçant qui frappe encore dans ses portraits.

Mais cette sévérité pour lui et les autres n'excluait pas la plus parfaite courtoisie.

« Chacun était surpris, dit DAUBRÉE, de voir comment, en toute circonstance, ÉLIE DE BEAUMONT savait prendre sur un temps aussi utilement occupé, pour satisfaire à ce qu'on appelle les devoirs du monde avec l'exactitude qu'inspirait une politesse exquise. »

Cet urbanisme qui était d'ailleurs encore répandu, bien qu'il se perdit déjà, dans la société du second Empire, se retrouve dans ses lettres. J'ai pu relever de nombreux billets de son écriture fine, un peu irrégulière, où transparaît son caractère autoritaire. Partout, la formule banale se teinte d'une grâce, désuète pour nous, mais délicate et personnelle.

« Ses allures étaient celles d'un grand seigneur, a écrit FOUQUÉ. Toujours vêtu de l'habit noir et orné de la cravate blanche, il recevait cérémonieusement le moindre visiteur et le reconduisait jusqu'à sa porte. Il était intimidant même pour ceux qui étaient assurés de sa bienveillance. »

L'aménité de son caractère, cachée par ce pli cérémonieux, apparaissait en excursion. FOUQUÉ, qui ne le connut que sur le tard, nous le peint sous des dehors pompeux, même sur le terrain.

« Il y travaillait en habit noir, souliers bas, chapeau haut de forme, suivi d'un valet de chambre qui lui tenait son parapluie. Seule, une cravate noire distinguait son accoutrement de celui qu'il avait à la ville. »

Tout porte à croire que ce portrait-charge ne vise que des excursions aux environs de Paris.

Dans les régions lointaines, il prenait l'accoutrement le moins voyant possible. Son fidèle domestique Stock qu'il avait ramené de ses premiers voyages au Tyrol et qui le servit jusqu'à sa mort, portait le sac d'échantillons; au retour, quand la charge était trop lourde, le maître lui-même la prenait sur ses larges épaules.

CHANCOURTOIS, compagnon fréquent de ses sorties, le montre, trouvant dans la liberté des campagnes cette détente qui est le propre des excursions géologiques.

« Il s'associait alors à la gaîté de ses jeunes compagnons, sans compromettre sa dignité, lors même que quelque saillie déterminait chez lui une de ces explosions de rire aussi franches que soudaines dont tous ses disciples aiment à se rappeler l'impression joyeuse et communicative. »

Ainsi ce personnage austère s'humanisait quelquefois... cet aspect ignoré qui le rapproche de nous explique l'attachement que tant de ses élèves lui ont porté.

Le masque courtois d'ÉLIE DE BBAUMONT, cette réserve dans l'extériorisation des sentiments, ne purent, du reste, cacher complètement les manifestations d'un coeur très charitable.

Il ouvrait généreusement sa bourse, soit pour aider des jeunes gens à parfaire leurs études, par le truchement de l'Association des Anciens Élèves du Lycée Henri-IV, soit directement, mais le plus souvent dans le mystère d'un anonymat qui ne fut percé qu'après sa mort. Ses proches ont ainsi connu, après coup, toute la délicatesse discrète avec laquelle il aida non seulement des étudiants, mais des familles d'ouvriers méritants dont le hasard lui avait dévoilé la gêne. Cette bonté innée s'est exercée aussi naturellement sur le plan professionnel.

« Chaque fois, dit M. LABOULAYE, administrateur du Collège, qu'il y avait une démarche à faire auprès du ministre, un professeur à récompenser, un préparateur, fut-ce même un humble auxiliaire à encourager, M. ÉLIE DE BEAUMONT se mettait en avant, il s'estimait heureux quand l'autorité de son nom lui permettait de venir au secours de quelque savant oublié. »

Nous retrouverons la marque de cette bonté qui se cache dans son constant souci d'aider ses collaborateurs. Mais je ne saurais achever l'esquisse de ce caractère sans montrer son désintéressement en regard de sa délicatesse.

ÉLIE DE BEAUMONT fut consulté à plusieurs reprises, lors de la préparation des travaux du Canal de Suez et, pour reconnaître sa collaboration, le Conseil d'administration lui offrit un certain nombre d'actions de la Société.

Le savant refusa, se jugeant suffisamment payé par l'honneur d'avoir collaboré à une oeuvre glorieuse pour la France.

Ainsi, dans toute sa vie, il s'est inspiré des enseignements de son père et du testament où l'infirme avait écrit : « Je veux que mes fils se souviennent que tout ce que nous avons de plus que le nécessaire, n'est vraiment qu'un dépôt confié à nos mains par la divine Providence, pour secourir les pauvres, et ce serait retenir le bien d'autrui que de ne pas faire un tel emploi. »

II. - Les débuts du naturaliste et du professeur.

Nous ignorons tout des circonstances qui firent du brillant élève des grandes Écoles un savant hors de pair. Il est probable que la correspondance échangée avec sa mère qu'il entourait d'affection, nous révélerait l'origine de sa vocation. Malheureusement, ces documents qui seraient d'un si grand intérêt psychologique, ne semblent plus exister. Sans doute Léonce ÉLIE DE BEAUMONT fut-il un de ces êtres particulièrement doués qui eussent brillé dans n'importe quel domaine. Il a simplement montré, en suivant les cours de ses maîtres, du goût pour la Géologie et sa carrière, qui fut partagée entre l'École des Mines et le Colllège de France, paraît avoir été orientée par le choix de BROCHANT DE VILLIERS qui chargea le jeune ingénieur, dès sa sortie de l'École des Mines, et DUFRÉNOY son aîné, d'une enquête sur le Service géologique récemment créé en Angleterre.

Cette initiative commande leurs deux carrières.

Le voyage fut fructueux. Dès leur retour en France, tous deux s'appliquèrent à dresser une carte géologique de notre pays au 1/500.000e qui parut en 1841 et eut mérité à elle seule la célébrité à ses auteurs. Ce chef-d'oeuvre est à l'origine de la carte géologique détaillée de la France que, bien plus tard, ÉLIE DE BEAUMONT allait mettre en chantier.

Et sa collaboration avec DUFRÉNOY va se poursuivre sur le plan du Collège de France, par une curieuse incidence qui nous montrera ÉLIE DE BEAUMONT chef de service.

Louis XVIII avait un cabinet de minéralogie dont les échantillons avaient été réunis par le comte DE BOURNON. En 1825-26, pour alléger ses charges, le roi en fait don au Collège de France et le minéralogiste BEUDANT reçoit 3.000 francs par an, sur fond d'encouragement aux sciences du Ministère de l'Intérieur, pour en dresser le catalogue. Il entend par catalogue non un simple inventaire, mais l'étude systématique de ses échantillons. Et c'est une partie de l'oeuvre minéralogique de BEUDANT qui en découle. Ce savant meurt. En 1830, le ministre, secrétaire d'État au Département de l'Intérieur, rappelle ce travail inachevé au baron Sylvestre DE SACY, pair de France, administrateur du Collège. Et celui-ci d'expliquer tant bien que mal au ministre l'ampleur de la tâche. DUFRÉNOY, ingénieur des Mines, est alors nommé conservateur de la Collection, d'abord sans traitement (1831), puis avec l'allocation de 3.000 francs.

Lorsque, en 1832, ÉLIE DE BEAUMONT fut nommé à la succession de CUVIER - d'ailleurs contre DUFRÉNOY qui était aussi candidat - il s'efforça par de nombreuses interventions de soutenir et d'aider celui qui était depuis si longtemps son collaborateur et son ami.

Quand DUFRÉNOY démissionna pour se consacrer à son enseignement du Muséum, ce poste fut supprimé et, sur ses frais de Laboratoire de 600 francs, ÉLIE DE BEAUMONT fut mis en demeure de continuer étude et catalogue.

Bientôt Charles SAINTE-CLAIRE DEVILLE entrant dans l'orbite d'ÉLIE DE BEAUMONT, celui-ci demande en 1849, pour le jeune homme, le rétablissement du poste aux émoluments de 1.500 francs. Enfin, arguant de l'existence de préparateurs de physique, chimie, embryogénie, zoologie, il demande à ce que cette allocation et cette fonction, jusqu'ici liées à la Collection de BOURNON, soient transformées en un poste de préparateur. En 1852, grâce à une influence dont son grade dans la Légion d'Honneur et son titre de Sénateur rendent compte, il obtient gain de cause, malgré le vote contraire du Conseil et les soucis d'économie qui motivent la résistance de l'Administration.

La Chaire est dès lors pourvue du collaborateur stable qu'elle possédera toujours.

Ces controverses administratives où la sage gestion des deniers publics freine les besoins de la Science, montrent ELIE DE BEAUMONT préoccupé d'aider, de soutenir ses collaborateurs - et de leur donner les moyens nécessaires d'existence. Si avec eux il était froid et distant, on voit qu'il s'attachait, souvent à leur insu, à les soutenir et à améliorer leur situation.

SAINTE-CLAIRE DEVILLE a fait allusion à ce côté du caractère de son maître. « Lequel de ses nombreux élèves, dit-il, ne s'est pas senti soutenu au moment décisif de sa carrière par la bienveillante main de M. ÉLIE DE BEAUMONT ? » Et il soulignait n'avoir jamais eu à se préoccuper de son avancement dans la carrière scientifique, autrement qu'en travaillant : chacun de ses succès, « un oeil vigilant l'avait prévu, une sorte de providence l'avait assuré ».

La célébrité, l'autorité du savant ont trop fait oublier ces qualités de l'homme, tant privé que chef de service.

III. - Le savant.

Mais c'est surtout de l'oeuvre d'ÉLIE DE BEAUMONT que nous devons nous occuper. Elle comporte environ 257 travaux dont certains d'un énorme développement. Ce n'est pas toutefois, - j'en demande pardon à ses mânes - dans les sujets qui avaient sa prédilection que nous trouverons le plus à cueillir.

Elle débute par l'art des Mines et la Métallurgie.

Nous y notons l'écho de ses voyages de jeunesse et et surtout des 20.000 lieues de randonnées qu'il avait faites à pied, pour l'établissement de la Carte géologique. Dès 1829, on y voit apparaître son goût des vues générales, notamment dans ses observations quant à la continuité de la ceinture jurassique du Bassin de Paris et ses recherches sur les Révolutions du Globe.

Quand, en 1832, il succède à CUVIER, il n'a encore qu'une trentaine de notes à son actif. Si la correspondance privée de cette époque témoigne des vives réactions suscitées par cette nomination, l'avenir a ratifié le choix.

C'est que dans cette trentaine de notes figure ce bref mémoire où, pour la première fois et avec une lucidité magnifique, il montre que les diverses chaînes du globe sont d'âges différents. Que des chaînes soient nées aux Carbonifères, que les Pyrénées soient plus vieilles que les Alpes, voilà une conception absolument nouvelle pour l'époque. Exposée à l'Académie des Sciences le 22 juin 1829, elle y reçut des éloges extraordinaires de BROCHANT DE VILLIERS et de BEUDANT; ARAGO s'en enthousiasma, et la bonne opinion qu'il avait du jeune géologue ne fut sans doute pas étrangère au choix du Collège de France.

Une fois titulaire de cette chaire illustre, ÉLIE DE BEAUMONT va pouvoir développer sa pensée. D'une part, il précise et nuance cette conception de l'âge des édifices montagneux et, dans l'orogénie des Pyrénées, il distingue six phases. C'est ce décompte de phases de détail qui sera repris 80 ans plus tard par l'École de STILLE, en Allemagne.

D'autre part, il pousse ses recherches sur la formation même des montagnes. A cet égard, il avait faites siennes les idées de Von BUCH. Mais il y avait ajouté, dès 1829, la notion d'alignements de ces montagnes selon des directions privilégiées. Pour lui, la naissance des chaînes se traduisait bien par de brutaux bouleversements, mais localisés, et dès 1834, il se prononçait contre la théorie des catastrophes générales soutenue par CUVIER.

Toutefois, il devait attendre encore pour développer ses vues, l'achèvement de la Carte géologique de France.

Celle-ci parut tardivement à cause des difficultés de la gravure et le tome II de l'Explication de la Carte géologique de France, ne sortit de presse qu'en 1848.

Jusqu'à cette date, si ses travaux théoriques sont déjà, amorcés, ÉLIE DE BEAUMONT a fait surtout oeuvre d'observateur, d'analyste, de géologue de terrain.

« L'Explication », dont les divers chapitres, d'ailleurs incomplets, sont signés tantôt de lui, tantôt de DUFRÉNOY, témoigne à chaque ligne de qualités d'observateur et d'une profondeur de vues dont la géologie n'avait guère eu d'exemples jusqu'alors.

Nous ne saurions parcourir toutes ces descriptions où il cite toujours scrupuleusement ses devanciers. Mais jetons un coup d'oeil sur le chapitre consacré aux Vosges.

Il y mentionne minutieusement leurs gneiss, leurs granites, leurs serpentines. Il décrit des enclaves de gneiss dans les granites - sans le nom, cela va sans dire - et date les premiers par rapport aux seconds. Parmi ces derniers, il fait déjà une distinction entre des granites porphyroïdes à assez grands éléments et des granites à grain plus fin. Il tient ceux-ci pour plus vieux que les autres. Et, au vrai, nous avons récemment, mes collaborateurs et moi, en revisant la feuille d'Épinal, adopté cette opinion, sans avoir connu, alors, qu'ÉLIE DE BEAUMONT l'avait émise depuis cent ans. Les gneiss et leur orientation le préoccupent. Il en scrute déjà des détails intimes : ce sont les « gneiss injectés », décrits ailleurs sous ce nom par l'École française, que BRÖGGER a nommés migmatites.

L'auteur, à qui rien n'échappe, discute déjà des schistes de Ville, des Traps, du Houiller des Vosges.

Cette « Explication » est un monument. Mais, qu'elle traite de Bretagne ou de Provence comme des Vosges, si des vues théoriques y apparaissent dans des incidentes, elle se cantonne surtout dans rémunération de faits. ELIE DE BEAUMONT s'y interdit les grands raccords et les vues générales.

Ces pages représentent un pôle - le pôle objectif - de l'oeuvre d'ÉLIE DE BEAUMONT. Il faudrait y ajouter sous le même vocable une profusion de notes semées au Bulletin de la Société géologique de France et surtout aux Comptes rendus de l'Académie des Sciences, où éclate à tout coup une érudition sans bornes.

Celle-ci brille aussi vivement dans ses cours du Collège de France, dont certains seulement ont été publiés.

J'ignore de qui se recommandent, parmi l'ascendance intellectuelle des géographes, les tenants de la Géographie humaine. Mais, envisageant la répercussion de la Géologie sur les civilisations, ÉLIE DE BEAUMONT tenait déjà, dans le cours professé, ici, en 1843, ce propos précurseur :

« Il existe un rapport de disposition difficile à méconnaître entre la situation de l'Himalaya, au Nord des plaines du Gange et celle de la chaîne principale des Alpes, au Nord de la vallée du Pô. »

Et il motivait par la Géologie « les analogies géographiques et commerciales entre Milan et Delhi, Venise et Calcutta, Ancône et Madras, Gênes et Bombay. »

Ailleurs, il se préoccupe des variations de puissance des séries dans un même bassin et il insiste sur ce phénomène en ce qui concerne le Bassin de Paris. S'il n'a pas créé le terme, c'est à lui qu'appartient la paternité de cette notion de subsidence, qui fut précisée plus tard et si heureusement remise en honneur ces dernières années, et l'observation qu'il est le premier à faire mérite d'être soulignée au passage.

La stratigraphie où nous introduit cette allusion n'est d'ailleurs pas absente de son oeuvre, qu'il s'agisse, de forages artésiens, des équivalents latéraux du fullers earth ou de géologie lointaine. Sans avoir publié sur la paléontologie, il connaît cette science par les sommets et discute pertinemment de fossiles d'Algérie ou sur l'apparition des Simiens dans la faune tertiaire.

Il n'est pas jusqu'à la notion de provinces paléontologiques qu'il n'ait explicitement énoncée en 1843, ici même, trente ans avant NEUMAYR.

C'est surtout dans une série d' « Instructions » rédigées par ÉLIE DE BEAUMONT pour des explorateurs qu'éclate son érudition. L'Abyssinie, la Scandinavie, l'Amérique et la discussion de l'âge des terrains cambriens et siluriens transgressifs sur son vieux socle, la Nouvelle Grenade, il sait à leur sujet tout ce que la Science en connaît. Et il relie, raccorde, suggère. Les montagnes de sel d'Algérie le préoccupent. Dès 1838, évoquant les formations récentes de la côte algérienne, il les compare aux plages soulevées de l'Europe méditerranéenne et invite la Commission chargée des investigations dans notre Afrique du Nord, à creuser la question.

Ce n'est pas, du reste, qu'il ne se trompe jamais. On sait les discussions auxquelles il participa sur l'erratisine et les formations glaciaires. Il a donné de saisissantes descriptions des roches moutonnées du Nord du Grimsel, des traces glaciaires de la vallée de Saint-Amarin et de beaucoup de régions des Vosges.

Dans les discussions sur les blocs erratiques, où il faisait jouer aux phénomènes diluviaux un rôle conforme aux idées du temps, il entrevoit la notion des glaciations telle que nous la concevons aujourd'hui mais l'écarte... « pour des difficultés insurmontables ».

Phénomènes actuels, sédimentation dans les deltas et les estuaires, formation des chaînes de montagne, vestiges des civilisations anciennes, tout a retenu son attention.

Faut-il, pour souligner cette curiosité universelle de naturaliste-né, évoquer les incursions qu'il a faites dans la botanique, la météorologie, l'astronomie, la géométrie, voire la physiologie où il discute de l'anesthésie par l'éther ?

Ces observations, sans porter en elles-mêmes de découvertes, témoignent d'une ampleur de connaissances qui est remarquable, même pour une époque où une information quasi universelle était encore possible.

Les questions de Métallogénie ou de gîtes minéraux auxquelles il avait fait une grande part dans ses jeunes années, lui sont toujours demeurées présentes à l'esprit. Je n'en veux pour témoignage que sa Note magistrale Sur les émanations volcaniques et métallifères qui, dès 1847, apporte des notions fondamentales dont découle une bonne partie de la Métallogénie moderne - et aussi cette étude sur le Phosphate de chaux, où il entrevoit déjà l'importance et l'immense essor de cette forme de l'industrie minière (1856).

Mais ceux qui ignorent le côté objectif de son oeuvre et ne voient en ÉLIE DE BEAUMONT que l'auteur très dogmatique de la théorie du réseau pentagonal sont selon leur coeur.

Nous avons déjà vu que, fils spirituel de L. von BUCH qui venait fréquemment le visiter en France, il avait faite sienne la théorie qui voyait dans les montagnes et volcans le résultat de soulèvements verticaux.

Pour lui, les cônes volcaniques résultaient : 1° de la solidification de la lave dans un bassin, et selon une surface horizontale, comme l'eau qui gèle; 2° d'un soulèvement sous le centre de ce lac, divisant la masse lavique figée en une série de triangles isocèles formant les faces d'une pyramide, le cratère ou cirque correspondant ainsi au lieu géométrique de tous les sommets des triangles. Les épanchements ultérieurs jalonnaient les lignes de fractures radiales.

Ainsi, dans les montagnes et les volcans, c'est le mouvement vertical du soulèvement qui jouait pour lui le principal rôle.

Nous avons déjà noté qu'après le Mémoire de 1829 qui lui valut la célébrité, il avait relié géométriquement les systèmes de montagnes et recherché le sens de ces alignements (« Sur quelques révolutions du Globe », Revue française, 1829) distinguant 12 directions privilégiées, correspondant à autant d'arcs de grands cercles.

Depuis lors, il ne cesse de suivre la même voie dans l'ordre des généralisations.

En 1847, il reprend et rectifie ses premières données.

En 1848, libéré par l'achèvement du deuxième volume de l'Explication de la Carte géologique de la France, il s'adonne à tous les calculs nécessités par sa théorie.

En 1849, réalisant l'ancienne promesse faite à D'ORBIGNY de rédiger un chapitre pour son Dictionnaire universel d'Histoire naturelle, il donne un texte, écrit au vol de la plume, que les éditeurs coupent bientôt parce que la place impartie est épuisée. Ce texte forme à lui seul 528 pages in-16. Il est suivi dans la Notice sur les Systèmes de montagnes, de toute la description ardue et sèche de ces systèmes, qui embrasse plus de 1.300 pages. Toujours préoccupé de sa théorie et traitant de la Géologie par le calcul, il publie aux Comptes rendus de l'Académie des Sciences (20 juillet 1868) le tableau des données numériques qui fixent 159 cercles du réseau pentagonal. Les 15, 22, 29 février 1864, il publie des données de 362 points principaux du réseau pentagonal.

Enfin, son Rapport sur les progrès de la Stratigraphie, gros volume in-4°, n'est qu'un nouvel exposé de la théorie du réseau pentagonal (1867).

D'où vient-il et où va-t-il ?

Il part des notions du refroidissement du noyau terrestre. Celles-ci datent de DESCARTES et furent reprises par STENON, comme l'on sait, puis par LAPLACE.

En 1830-60 et jusque beaucoup plus tard, cette idée de la contraction du noyau, génératrice des dislocations de la surface de la croûte terrestre, sera le fondement des théories orogéniques. Et, par le calcul, ÉLIE DE BEAUMONT établit que l'enveloppe subsphérique de ce noyau doit tendre, par affaissements, vers un dodécaèdre pentagonal.

Cette idée juxtaposée à l'observation objective de l'orientation des chaînes de montagnes, anciennes ou récentes, amène l'auteur à tout rapporter par le calcul à un solide, limité par des arêtes ou lignes idéales soumises à la symétrie du dodécaèdre pentagonal.

Il établit que, la sphère terrestre étant coupée par des plans parallèles aux faces du dodécaèdre et aux faces des 5 cubes, des 5 octaèdres, des 10 tétraèdres qui en découlent cristallographiquement, ceux-ci déterminent une série de 121 « grands cercles principaux » et « demi-principaux », susceptibles de nous donner les lignes directrices des alignements montagneux.

Cela défini in abstracto, il se demande si ce solide idéal se superposerait, en choisissant convenablement sa position par rapport à la Terre, aux chaînes existantes. Et il établit en 1850 que tout le système pouvait être équilibré sur le triangle trirectangle formé par les « grands cercles de comparaison » de l'axe volcanique de la Méditerranée, du Tenare et la grande traînée volcanique des Andes et du Japon.

Un point crucial tombait sur l'Etna, et le grand cercle du Tenare passait à l'Etna, touchait le Vésuve et passait au Mona Loa.

La position du réseau principal ainsi fixée par rapport à la Terre, le calcul définit tous les autres cercles.

L'idée en 1830 ou 1840 méritait que l'on s'y arrêtât pour confronter la théorie avec les faits. Mais à la pousser à l'extrême des déductions géométriques, on perdait le contact avec la réalité.

Bien plus, lorsque cette réalité lui impose des observations contraires à la théorie, l'auteur les élimine. Ainsi, page 11 de sa Notice sur les Systèmes de Montagnes, il dit expressément que sa règle ne souffre exception que dans les points de croisement des alignements. Ils « ont généralement donné lieu à des complications dont on doit souvent chercher à faire abstraction dans la recherche des lois générales du phénomène du redressement des couches ».

Devant cette prépondérance donnée aux mathématiques dans un domaine qui relève plutôt de l'histoire naturelle que des sciences exactes, les géologues, après avoir applaudi, se turent. Vu l'autorité et la courtoisie de ce gentilhomme, les contradicteurs ne se lancèrent guère dans la polémique.

FOUQUÉ, qui l'a bien connu avant de devenir sou successeur, écrivait : « ... Il avait une cour assidue d'admirateurs convaincus et quelques adversaires peu écoutés, qu'il poursuivait d'un dédain et d'une hostilité sans trêve. Personne ne connaissait le sol de la France aussi bien que lui, et la Carte géologique qu'il en a dressée est un chef-d'oeuvre pour l'époque à laquelle elle a été publiée. Mais ce travail capital lui paraissait peu important, il n'aimait pas à en parler. Il en était de même pour son travail suggestif sur les émanations volcaniques et métallifères. En revanche, la théorie du cratère de soulèvement, empruntée à Léopold DE BUCH, et surtout le réseau pentagonal étaient l'objet de sa préoccupation constante. Quand j'allais le voir, je le trouvais toujours dans son cabinet de travail, au bout d'une enfilade de petites pièces, devant une table chargée de cartes et occupé à tracer des alignements nouveaux ».

Chose moins rare qu'on ne pense et qu'un moraliste soulignerait avec un sourire désabusé, ce grand théoricien faisait profession de ne pas croire aux systèmes. Sa génération se croit arrivée à un palier, sinon au faîte des connaissances humaines. Dans son cours du Collège, il dit un jour :

« Il est plus rare aujourd'hui de voir présenter aux Académies un nouveau système géologique qu'un nouvel essai de quadrature du cercle. Mais, de même que les tentatives faites encore de temps en temps par quelques esprits malavisés pour trouver la quadrature du cercle ne déconsidèrent pas la géométrie qui repose sur des bases immuables, de même certaines idées hasardées qui pourraient être mises en avant par quelques individus, ne pourront faire perdre de vue à personne les bases larges et solides sur lesquelles l'observation fait reposer la géologie... Des systèmes absurdes ont eu souvent de l'utilité ».

Et, en fait, il ne croyait pas avoir apporté un « système », le mot étant pris dans le sens « d'hypothèse ». La seule hypothèse qu'il ait admise sans discussion est celle de la contraction terrestre sous l'effet du refroidissement. Tout le reste découle pour lui mathématiquement de ce postulat.

A sa mort, la Société Géologique de France chargea CHANCOURTOIS de lui consacrer une Notice. Celui-ci, avant de parler de son Maître, apporte un plaidoyer pour sa doctrine, qui était déjà morte. Mais la notice complète ne fut jamais lue.

SAINTE-CLAIRE DEVILLE qui a consacré sa première année de cours magistral au Collège, en 1875, à commenter l'oeuvre de son maître, ne parle que des aspects généraux de sa production et du système pentagonal, sans insister autant que nous le ferions sur tant d'autres points, et sans parler de sa vie.

Il faut le déplorer, car on eut fait ressortir, à côté de la partie trop strictement mathématique de l'oeuvre, toute l'érudition, l'ampleur de vues, la richesse des observations qu'ÉLIE DE BEAUMONT a jetées dans ses Cours du Collège de France et de l'École des Mines, dans ses Notes, dans ses livres. Certaines de ses suggestions, jadis négligées, se trouvent maintenant mieux accordées, par une sorte de résonance à travers le temps, à nos idées actuelles, que la théorie à laquelle reste lié son nom.

Et lorsqu'il dit : « Les chaînes de montagnes correspondent aux parties de l'écorce terrestre dont l'étendue horizontale a diminué par l'effet d'un écrasement transversal... Les portions restées intactes de part et d'autres ont cessé d'être liées entre elles d'une manière invariable; elles ont formé comme les deux mâchoires d'un étau... », ÉLIE DE BEAUMONT, précurseur, aboutit à des conclusions très voisines de celles des géologues modernes.

Ses lectures, ses calculs, ses mesures, ses dessins sur les cartes, les commissions dont il était membre, nécessitaient un temps considérable. Il l'a trouvé en organisant sa vie rigoureusement.

Levé vers 8 h. 30, il partait au Collège ou à l'École des Mines en emportant un petit pain d'un sou qui devait le soutenir jusqu'au soir. Il dînait vers 18 heures, comme c'était la coutume, et sortait volontiers car il aimait le monde. Mais dès son retour à la maison, qui avait lieu assez tôt, il se mettait au travail jusqu'à 2 heures du matin.

L'activité du professeur, du géologue, s'est exercée aussi bien à l'École des Mines qu'au Collège de France et l'on ne saurait la scinder en deux parts correspondant à ces deux centres.

Aussi, les honneurs qui lui échurent sans qu'il les cherchât, marquent-ils simplement les étapes de cette double carrière.

En 1827, il est professeur à l'École des Mines.

En 1831, il est chevalier de la Légion d'Honneur.

En 1832, peu après sa nomination au Collège de France, il devient ingénieur en chef des Mines, puis inspecteur général en 1845.

En 1835, à 37 ans, il est nommé membre de l'Institut par 45 voix. Comme au Collège, il y est concurrent de son ami DUFRÉNOY qui devra attendre le décès de BROCHANT DE VILLIERS pour accéder à cet honneur en 1840. Mais cette préférence dont jouit ÉLIE DE BEAUMONT ne troublera pas l'amitié des deux collaborateurs.

A la même élection, Constant PRÉVOST n'a que 3 voix. Il attendra, lui, la mort de BRONGNIART pour être élu en février 1848. Qui dira la part de cette déception dans la véhémente opposition de PRÉVOST aux tendances d'ÉLIE DE BEAUMONT ?

Après son accession à l'Académie, ÉLIE DE BEAUMONT est appelé par toutes celles d'Europe : Vienne, Berlin, Pétersbourg, Royal Society, etc...

En 1841, il devient officier de la Légion d'Honneur puis passe commandeur en 1850 et grand officier en 1860.

En 1852, le Sénat est reconstitué par Napoléon III. ÉLIE DE BEAUMONT, appelé à y siéger dès le début, y conservera toujours la plus stricte réserve, ne se mêlant à aucune intrigue, ne s'inscrivant à aucun parti.

En 1853, à la mort d'ARAGO, il devient secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences.

En 1855, il est nommé commissaire de l'Exposition et ce choix se répétera en 1867.

Il saisit ces occasions pour réaliser le projet de ses jeunes années : doter la France d'une carte géologique détaillée.

Dès ses recherches avec DUFRÉNOY, il avait estimé qu'un document plus précis que leur publication au 1/500.000e était nécessaire.

En 1835, une circulaire demandait aux Conseils généraux de faire lever et publier par les ingénieurs des Mines des cartes géologiques départementales. De là naquit la série de monographies séparées et de cartes départementales, qui s'échelonne, dans notre bibliographie française, de 1840 à 1865.

Mais il fallait qu'un organisme central unifiât légendes et bases topographiques. Ainsi que M. GOGUEL l'a souligné, ÉLIE DE BEAUMONT vit dans l'Exposition de 1855 l'occasion de montrer ce qu'on devait faire et il y présenta, dessiné par lui, un ensemble de 20 feuilles du Nord de la France. L'idée, reprise à l'Exposition de 1867, aboutit enfin, après une période de gestation dont sortirent les minutes de 67 feuilles, à la création du Service de la Carte Géologique de France, en 1868.

Le personnel, sous la direction d'ÉLIE DE BEAUMONT, était assez réduit. Dans son pamphlet de 1869, MARCOU raille cet état-major de « petits Ingénieurs inconnus ». Mais le recul des ans donne raison au chef qui a su s'entourer. Quels noms y figurent ? BÉGUYER DE CHANCOURTOIS, l'ami d'ÉLIE DE BEAUMONT, était sous-directeur et les cinq ingénieurs des Mines chargés des explorations étaient : A. POTIER, F. CLÉRAULT, mais surtout FUCHS, A. DE LAPPARENT, H. DOUVILLÉ.

Par ces trois derniers savants, nous rejoignons, sous l'ombre du maître vieillissant, mais toujours actif, ceux qui ont établi les bases de la Géologie, de la Paléontologie et de la Métallogénie modernes, ceux, qui ont été nos propres maîtres.

IV. - La fin.

Il eut pu à 70 ans prendre enfin quelque repos - et depuis longtemps s'était fait remplacer par SAINTE-CLAIRE DEVILLE pour son cours du Collège, remplacement pour lequel il abandonnait, en grand seigneur, les 8.000 francs de son traitement.

Mais cette oeuvre de la carte à laquelle il avait donné tant d'efforts, il tint à la poursuivre sans relâche.

Atteint par la limite d'âge comme inspecteur général des Mines, il ne put continuer à travailler que moyennant un détour administratif et il accepta, après avoir touché au faîte de la hiérarchie, « les simples fonctions d'ingénieur détaché à la Carte géologique avec le même empressement qu'au jour où, un demi-siècle avant, la confiance de BROCHANT DE VILLIERS les lui avait offertes ».

Un dernier trait montrera que ce vieillard eut jusqu'à la fin autant de commandement sur soi-même que d'empire sur les autres.

Depuis qu'il avait été nommé, en 1853, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, il s'était consacré à sa tâche, comme à tout ce qu'il entreprenait, de toute son énergie.

En 1870, l'Institut fut déserté par presque tous ses membres; lorsqu'on pressa ELIE DE BEAUMONT de quitter Paris, il refusa de ce ton courtois mais net qui indiquait une décision sans appel.

Et, plus l'émeute bouillonnait, plus souvent il venait au Palais Mazarin, comme pour en garder les trésors solitaires. Un lundi, il ne put l'atteindre. Une barricade crépitante l'arrêta à peu de pas.

Bientôt la guerre civile fut à son paroxysme. L'Armée attaquait, mais on ne pouvait encore deviner le sort des armes. ÉLIE DE BEAUMONT, qui habitait alors, 5, rue de l'Université, dans un des immeubles qui furent démolis lors de la construction de la Gare d'Orsay, travailla comme de coutume jusqu'à 2 heures du matin. Puis il tenta de voir le progrès de l'incendie qui rougeoyait rue de Beaune, de prévoir sa marche par celle du vent, de discerner la signification de la canonnade qui grondait par rafales. Conscient que l'irréparable se jouait mais qu'il n'y pouvait rien, il se coucha. Le matin, STOCK, en le réveillant, lui annonça que l'émeute était matée, que la troupe occupait l'immeuble.

Et il partit pour l'Institut.

Comme le cycle de sa carrière s'était fermé par son retour dans le Corps des Mines au titre d'ingénieur détaché qu'il avait eu à ses débuts, le cycle de sa vie terrestre devait se clore au lieu de sa naissance, ce lieu qui avait marqué toute la formation de son caractère en symbolisant la règle de vie que lui avaient enseignée ses parents.

Selon sa coutume, il était arrivé pour le début de l'automne au château de Canon. Le 21 septembre 1874, son fils adoptif et ses jeunes enfants fêtaient son 76e anniversaire. Épanoui, il écouta de naïves récitations et dit lui-même, sans en manquer un vers, le Rat de Ville et le Rat des Champs, puis il sortit pour respirer l'air du soir dans la cour du château. On trouva son corps déjà froid devant la salle des Bonnes-Gens.

Ces, notes, bien qu'incomplètes, nuanceront la légende créée autour de son nom et montreront, je l'espère, à côté d'une susceptibilité qui passa pour de l'orgueil, la noblesse de son caractère et la richesse de son esprit.

V. - L'action du maître sur les disciples.

« Si son oeuvre écrite eut le grand retentissement que l'on sait, son enseignement, dit FOUQUÉ, était moins brillant. Il parlait à voix basse, le dos tourné au public, le nez appuyé au tableau noir.

« Son cours traitait surtout de physique du globe et avait un caractère si général, embrassait un champ si vaste, qu'on n'en tirait pas grand profit. »

SAINTE-CLAIRE DEVILLE, plus académique peut-être, dépeint avec d'équitables nuances la méthode du professeur. Après avoir souligné le succès qu'il se serait ménagé s'il eut voulu traiter avec ampleur les questions qu'il abordait, il ajoute :

« Mais en faisant ainsi, il n'eut pas rempli le but des leçons du Collège de France, qui n'est pas d'attirer un grand nombre d'auditeurs en leur dissimulant en partie les difficultés du sujet et leur préparant ainsi une assimilation facile aux dépens de l'exactitude et de la profondeur.

« Tout au contraire, dès son début et jusqu'à la fin, M. ÉLIE DE BEAUMONT aborda toujours sans détours le chemin qui menait au coeur de son sujet, sans rien voiler des obstacles ni des aridités de ce chemin, ne laissant rien d'obscur ni d'inexploré... quelquefois, il faut bien l'avouer, trop peu soucieux de la forme... jusqu'au moment où sa démonstration ayant été ainsi préparée par cette minutieuse accumulation de chiffres... un rayon éclatant venait subitement éclairer ce labyrinthe en apparence inextricable et récompenser l'auditoire des efforts d'attention que lui avait demandés le professeur. »

Si son oeuvre, si sa fameuse théorie ont marqué la Géologie française pour longtemps, il est délicat de démêler au juste son action directe sur ses élèves.

L'action lointaine, les relations qu'il entretenait partout à l'étranger et l'estime où tous le tenaient, sont hors de doute : ZITTEL lui prête du génie.

Mais en France, on parle plus souvent de lui comme d'un de ces autocrates de l'esprit qui veulent régenter les découvertes et les théories, que comme d'un animateur. En ceci encore, cette légende est excessive. Nous avons déjà vu quel souci il avait de soutenir ses collaborateurs. Il le faisait avec la plus grande largeur d'esprit.

Bien qu'il soit toujours pénible d'accepter la contradiction, il l'admettait souvent il est vrai sans bonne grâce pourvu qu'elle fût basée sur l'observation, pourvu qu'elle représentât un progrès.

A cet égard, une anecdote contée par M. LACROIX dans sa biographie de FOUQUÉ est si caractéristique que je vous demande la permission de la citer.

C'était en 1865, après les premiers voyages vulcanologiques de FOUQUÉ, alors préparateur au Collège de France.

Le jeune homme vint rendre compte à ÉLIE DE BEAUMONT de ses découvertes.

Bientôt celui-ci l'interrompit pour demander sous quelle pente maximum il avait vu la lave couler et se solidifier en lits continus. FOUQUÉ hésitait à répondre, car ce qu'il avait vu contredisait ce que son maître avait dit et publié.

« Son oeil gris, perçant, était fixé sur moi et me pénétrait jusqu'au fond de l'âme, racontait-il. Je balbutiai la réponse conforme à la vérité. Sans attendre davantage, il se leva, me reconduisit à la porte sans dire un mot et sans que le moindre trouble parût sur sa physionomie. »

FOUQUÉ se voyait déjà congédié et perdu. Peu de temps après, il reçut un billet où M. ÉLIE DE BEAUMONT l'invitait à le venir voir. Il se rendit à la convocation comme un condamné. A sa surprise, c'était pour lui dire que l'Académie des Sciences l'enverrait à Santorin pour étudier l'éruption. Et ÉLIE DE BEAUMONT d'ajouter : « Allez, vous observerez peut-être des faits qui ne cadrent pas avec les opinions actuellement établies. A votre retour, ne craignez pas de les signaler, quelle que soit la théorie qu'ils ébranlent... »

C'est là un propos qui suffit à peindre son auteur. S'il s'est livré à son goût des généralisations, si, lorsqu'il fut accablé de charges trop lourdes, il a perdu le contact avec la nature, il a toujours conservé ses qualités d'observateur, il a toujours voulu former des observateurs. C'est à l'observation bien faite que, même si elle sapait ses théories, il a su rendre les armes.

Ses conseils étaient recherchés. Il les donnait avec prudence. Chancourtois en évoque la gradation, depuis le : « Monsieur, ceci est fort intéressant » de pure politesse, au « Monsieur, je n'y vois pas d'objection », qui était déjà une réponse favorable, et au « Monsieur, vous avez fait là une belle découverte » qui était le comble de la louange et d'une rareté sans égale.

Je ne crois pas, néanmoins, qu'il ait cherché à devenir le confident des hésitations, des efforts, des enthousiasmes de ses élèves, ni directement leur animateur.

La froideur de son époque, son caractère réservé et assez distant, le poids de charges écrasantes, semblent avoir limité ses conseils aux formules générales, d'ailleurs mûrement pesées, gravées dans la mémoire de CHANCOURTOIS.

Il n'en a pas moins polarisé la Géologie française durant quarante ans.

Et si son École n'a pas fait souche quant aux théories qui lui étaient chères, c'est de son enseignement, de la discussion de ses vues, qu'est sortie, comme un rejeton, toute l'École pétrographique et vulcanologique française, par un enchaînement que je retracerai brièvement, puisque aussi bien il constitue la suite de l'Histoire de cette chaire.

VI. - La lignée des vulcanologistes et pétrographes français.

C'est d'abord Charles SAINTE-CLAIRE DEVILLE. Né en 1814 à Saint-Thomas, élève libre à l'École Polytechnique, puis à celle des Mines, il fut captivé par l'enseignement d'ÉLIE DE BEAUMONT.

Le cachet apparent d'exactitude et de vérité que son Maître avait donné à la théorie des cratères de soulèvement, l'incita à rechercher dans l'Auvergne dès 1839, puis dans ses Antilles natales, des preuves nouvelles en faveur de la doctrine. Ainsi commença une vie de voyages aux Iles Vierges, Sainte-Croix, Puerto-Rico, Saint-Martin, Saint-Barthélémy, Saint-Thomas, la Guadeloupe.

D'autres voyages devaient l'entraîner vers d'autres volcans : Vésuve, Etna, Lipari, les lagoni de Toscane. Et une nouvelle notion en résulta. On pensait avant lui que chaque volcan était caractérisé par un ensemble de gaz et de vapeurs qui lui étaient propres. On croyait qu'à l'Etna c'était l'acide sulfureux qui dominait, qu'au Vésuve c'était l'acide chlorhydrique, dans les volcans des Andes, l'acide carbonique. Il montra que toutes ces émanations se produisent dans un même volcan, que leur composition varie avec l'éloignement du centre du volcan et que, dans un même point, elles variaient avec le temps écoulé depuis le paroxysme.

Cette loi si simple, qu'elle semble presque évidente a priori, n'a cependant été établie qu'après de pénibles et délicates expériences.


Avec FOUQUÉ et son collaborateur A. MICHEL LÉVY, l'évolution, la spécialisation amorcée dans la science française et la Chaire du Collège de France vont nous porter vers les sommets.

M. LACROIX a donné de sa vie, des hésitations du début de sa carrière et de son oeuvre, une analyse à laquelle il faudrait tout emprunter. Je n'en veux tirer que l'évolution de la vulcanologie et de la pétrographie françaises.

C'est d'abord l'étude des volcans qui retient FOUQUÉ. Il la poursuit avec un esprit bien plus libre que SAINTE-CLAIRE DEVILLE. Ses travaux sur ceux d'Italie et surtout sa monographie de Santorin sont des modèles. Ses recherches pétrographiques faites sur les laves de Santorin, ont un grand intérêt car, pour la première fois, les produits d'une éruption volcanique étaient étudiés, en quelque sorte in vivo.

Mais l'étude des volcans actifs appelant celle des volcans éteints, ceux du centre de la France, lui en fournirent l'objet, sous forme d'appareils et surtout de roches volcaniques pour lesquelles une technique nouvelle était nécessaire.

C'est de 1870 que date cette orientation. Ayant conduit à Mortain sa famille déjà nombreuse, il prit part à la guerre en tant que médecin chef de l'ambulance installée au Couvent des Soeurs de la rue Méchain. Chassé de Paris par la Commune, réfugié à Palaiseau, il y entreprit l'étude au microscope des roches en lames minces.

Il allait, dès la paix et l'ordre rétablis, devenir l'introducteur en France des méthodes nouvelles appliquées en Angleterre par SORBY et en Allemagne par ZIRKEL, méthodes qui permirent l'essor de la science pétrographique. Bientôt, devant la nécessité de classer toutes les roches étudiées, il donna avec Auguste MICHEL-LÉVY, qui était devenu depuis peu son collaborateur et son ami, cette Minéralogie micrographique qui devint l'oeuvre fondamentale de la Pétrographie française et que vous connaissez tous.

Puis, ce furent des synthèses de roches et de minéraux qui se suivirent de 1878 à 1881 et la continuation jusqu'en 1904 d'un labeur qui ne s'arrêta jamais et unit chaque jour plus étroitement le maître et le collaborateur dans l'admiration du Monde scientifique.

Lorsque la mort subite de FOUQUÉ interrompit cette association, le Collège de France, reconnaissant la part que MICHEL-LÉVY avait prise depuis trente ans à l'essor de la Pétrographie, et voulant assurer l'achèvement de l'oeuvre entreprise, préféra MICHEL-LÉVY à P. TERMIER.

Inspecteur général des Mines, professeur à l'École des Mines, directeur du Service de la Carte Géologique de France, MICHEL-LÉVY dont la puissance de travail suffisait à tout, avait alors, à 60 ans, produit l'essentiel de son oeuvre, dont la Minéralogie micrographique, publiée avec FOUQUÉ, la Structure et classification des roches éruptives (1889) et les Minéraux des roches publiés avec M. A. LACROIX forment les bases essentielles.

Il a surtout réservé au Collège de France, l'enseignement pétrographique qui continuait celui de son Maître et les 7 ans pendant lesquels il enseigna, ne virent paraître qu'une faible part de son abondante et substantielle production.

SAINTE-CLAIRE DEVILLE, FOUQUÉ, MICHEL-LÉVY, forment les anneaux d'une même chaîne. Nous avons vu l'orientation de chacun d'eux résulter du milieu savant créé à son origine par ÉLIE DE BEAUMONT au Collège. Chacun d'eux y fut formé alors qu'il était le préparateur de son Maître. Il y eut, en somme, évolution sur place.

Cette lignée propre au Collège de France s'interrompit en ce que M. LACROIX, qui avait été formé dans l'ambiance du Collège où FOUQUÉ enseignait, développa la prestigieuse carrière que l'on sait, au Muséum.

M. CAYEUX, qui succéda à MICHEL-LÉVY, y vint par une autre évolution. Sa carrière au Collège s'inscrit, par contre, dans le même orbe. Il a appliqué à l'étude des roches sédimentaires les méthodes microscopiques. Son oeuvre gigantesque qui forme un corpus de plus de 4.000 pages in quarto, compte non tenu de ses nombreuses Notes, mérite à elle seule une longue analyse. Mais heureusement, le cycle n'en est pas achevé. Je vous rappelais en commençant cette magnifique activité. Elle nous demeure un exemple si vivant qu'il serait malséant de vouloir en résumer prématurément les effets.

Ceux-ci continuent et continueront encore longtemps, je l'espère, illustrant la Science et complétant le cycle de la Pétrographie française.

VII. - Programme de la Chaire actuelle.

Ce résumé de l'activité de la Chaire créée voici cent ans, exposé en mettant l'accent sur son plus lointain passé, a montré le rameau de la Pétrographie en quelque sorte jailli de certaines prédilections d'ÉLIE DE BEAUMONT, en une spécialisation logique et harmonieuse.

Mais MICHEL-LÉVY déjà, dans sa leçon d'ouverture, soulignait les matières qu'il entendait y traiter pour rentrer dans son esprit primitif.

L'étude des chaînes de montagnes et de leur tectonique s'y inscrivait au premier rang. Les circonstances et ses préoccupations personnelles détournèrent le grand savant de ce but.

En revenant maintenant à la Géologie générale, nous renouerons avec le passé, comme avec les intentions irréalisées de MICHEL-LÉVY.

Mais nous y revenons sur un point précis du globe, et dans un but défini.

La Tectonique, la Stratigraphie, la Paléobiologie, la Pétrographie, constituent des disciplines de détail de la Science géologique.

Au degré où elles sont arrivées, il est peut être permis d'en conjuguer les méthodes et d'en coordonner les résultats pour essayer de retracer l'Histoire d'un domaine particulier.

Nous choisirons le Bassin méditerranéen. Le Bassin de Téthys a représenté durant le secondaire une province biologique privilégiée. Il a subi déjà à ce moment, mais surtout au Tertiaire, des effets orogéniques importants. Et la naissance de ses chaînes pose, dans un cadre particulièrement propice, les termes du problème mobiliste.

Notre but sera donc d'abord tectonique. Nous nous consacrerons à démêler la structure géométrique des chaînes tertiaires circum-méditerranéennes. D'abord, dans l'Ouest, ensuite en poussant vers l'Est.

Analyser et décrire ne vont pas sans comparer. Loin d'être uniformes, les modalités des déformations de la surface du globe s'avèrent très variées. Cette première phase de nos recherches comportera donc beaucoup de chapitres de tectonique comparée, pour mieux fixer le style et les particularités de nos chaînes.

Ces notions générales acquises, nous aurons à étudier la Stratigraphie de tout ce domaine, à y déceler les mouvements prémonitoires, à contrôler surtout les résultats de la seule science tectonique par ceux de la paléogéographie et de la paléobiologie.

La doctrine mobiliste, invoquée par la tectonique moderne, veut que l'Europe et l'Afrique aient été dans des positions relatives très éloignées de l'actuelle, avant les paroxysmes tertiaires.

L'analyse de la stratigraphie et de la tectonique du Primaire devra nous éclairer sur cette position relative ancienne. Elle précédera l'étude des étapes du rapprochement générateur et des événements stratigraphiques et des dislocations tectoniques du bassin de Téthys.

Tout fait espérer qu'aux deux extrémités de l'actuelle Méditerranée, nous pourrons confronter, avec les faits ainsi analysés, les données théoriques du mobilisme.

Mais nous nous inspirerons de la suprême leçon que nous donne l'oeuvre d'ÉLIE DE BEAUMONT et nous n'aborderons la théorie pure qu'avec méfiance.

Dès que le géologue tente une généralisation schématique, dès qu'il perd le contact étroit avec les faits, dès qu'il cesse d'être naturaliste, il a mille chances pour une de se tromper.

Si nous étions encore à l'âge où les Corporations se choisissaient un saint pour Patron, je voudrais que les géologues prissent pour maître et guide l'« homme de peu de foi» de l'Évangile, ce saint Thomas qui, se refusant à croire ce qu'on lui disait, voulut vérifier, et ne se persuada de la résurrection du Christ qu'après avoir touché la plaie béante de son flanc...

Nous serons donc aussi objectifs que possible. Nous garderons étroitement ce contact nécessaire avec les chaînes étudiées. Mais leur extension est immense. Si un seul homme ne peut tout embrasser par le menu, c'est ici comme en tant d'autres domaines, le lieu de former une équipe, ramassée quelquefois pour des discussions et coordinations au Laboratoire, plus souvent largement articulée sur le terrain d'Afrique, d'Espagne, d'Italie, voire de Turquie.

Chacun de ceux qui voudront faire partie de cette équipe trouvera ici une sorte de centre de symbiose et de méditation où nous conjuguerons nos efforts pour résoudre les problèmes locaux et pour contrôler et éclairer les vues générales. Et si, dans ces Cours, ou au Laboratoire, ou sur le terrain, nous n'aboutissons pas ensemble au but final, au moins aurons-nous tracé un peu plus avant le sillon, en nous répétant, dans la sérénité acquise sur les hautes chaînes et face aux horizons marins, l'invocation malherbienne de Dubech :

« Comme le marin sur sa barque, 
« Le laboureur sur son labour, 
« Opposons au fer de la Parque 
« Notre  métier  et  notre  amour. »

Voir aussi :