Jules Henri FAYOL (1841-1925)

Né à Istambul le 29/7/1841. Décédé à Paris le 19/11/1925 (d'un ulcère d'estomac). Fils de André FAYOL (1805-1888), contremaître en métallurgie. Frère de Paul FAYOL, qui eut comme gendre Claude MUGUET (Henri FAYOL embaucha Paul et Claude, et choisit Claude MUGUET comme successeur en 1919). Epoux de Adélaïde SAULÉ, fille de commerçants de Moulins, décédée le 10/8/1917.
Père de :

  • Marie Henriette FAYOL (née le 17/11/1876, épouse de Joseph OBERTHÜR, médecin neurologue et dessinateur d'animaux, 1872-1956), :
  • Madeleine FAYOL (née le 16/4/1878, très proche de son père, épouse de Georges GRANGÉ, minotier, 1871-1954)
  • Henri Joseph FAYOL (né en 1899 et hostile aux idées de son père).

    Jules Henri FAYOL est le frère de Amédée FAYOL, ingénieur et écrivain, qui, de son union avec Jeanne DESAYMARD, eut comme fils André Joseph FAYOL (1906-1965), inspecteur général des finances, administrateur de compagnies d'assurences, auteur de recueils de poésies et de compositions musicales.

    Voir l'ouvrage remarquable : Henri Fayol, inventeur des outils de gestion : textes originaux et recherches actuelles / Jean-Louis Peaucelle ; avec la collab. de José Antonio Ariza Montes, Bernard Beaudoin (professeur de géologie à l'Ecole des Mines de Paris), Trevor Boyns... [et al.]. - Paris : Économica, 2003. - 316 p.

    Ingénieur civil des mines (diplômé de l'Ecole des Mines de Saint-Etienne, reçu à l'âge de 16 ans en 1857 mais entré en 1858 et sorti en 1860 classé 2ème). Son relevé de notes de l'Ecole des mines de Saint-Etienne indique au début de la scolarité : "très intelligent et travailleur", et en fin de scolarité : "extrêmement intelligent, un peu mou au travail".



     

    UN GRAND INGÉNIEUR
    Henri FAYOL

    par Henri VERNEY, ingénieur civil des mines

    Etude publiée par GEDIM - Société amicale des anciens élèves de l'Ecole Nationale Supérieure des Mines de Saint-Etienne - 1925.

    LES ingénieurs de l'industrie minière et métallurgique connaissent tous l'ancien directeur de la « Comambault », mais il n'est pas certain qu'ils connaissent suffisamment tous les aspects d'une carrière vraiment exceptionnelle ; il est encore moins certain que la notoriété de M. Fayol et l'importance de ses études administratives aient atteint tous ceux qu'elles auraient dû frapper et éclairer.

    C'est que les hommes d'une très grande délicatesse n'aiment pas qu'on les loue (la délicatesse est souvent extrême quand le mérite est élevé), mais c'est aussi le devoir de leurs camarades, de leurs amis, de leurs admirateurs, de les faire connaître, et c'est cette pensée qui nous a dicté ces pages.

    Issu d'une famille de cette petite bourgeoisie qui fut dans tous les temps si admirable par sa compréhension de la valeur de ses enfants et sut toujours faire les sacrifices nécessaires aux vocations bien affirmées, Henri Fayol préparait les Arts et Métiers lorsque les conseils d'un ancien élève de Saint-Etienne décidèrent ses parents à le diriger sur cette dernière école. Il s'y prépara, en deux ans, au Lycée de Lyon, y entra à dix-sept ans, le plus jeune de tous et fut ingénieur à dix-neuf ans.

    La promotion de 1860 de l'Ecole nationale des mines de St-Etienne comprenait aussi un des plus illustres « mineurs », M. Daniel Murgue.

    M. Fayol est resté toujours attaché à la Société de Commentry-Fourchambault : ingénieur aux houillères de Commentry de 1860 à 1866, directeur de ces houillères de 1866 à 1872, directeur des houillères de Commentry et Montvicq et des minières du Berry de 1872 à 1888, directeur général de la Société de Commentry-Fourchambault et Decazeville de 1888 à 1918 et depuis administrateur de la Société ; telles ont été les étapes de cette carrière qui s'est élevée toute droite, comme tout naturellement, du rang modeste d'ingénieur de fosse au sommet de la hiérarchie d'une des plus puissantes et des plus harmonieuses entreprises françaises.

    M. Fayol n'accepta jamais dans l'industrie d'autres fonctions que celles intimement liées avec sa charge ou totalement désintéressées : administrateur délégué de la Société civile des mines de Joudreville, président du Comité de direction de la Société métallurgique de Pont-à-Vendin (l'une et l'autre filiales de Comambault), membre du Comité central des houillères de France et du Comité de direction du Comité des forges de France, membre du Comité de perfectionnement des Arts et Métiers, du Comité consultatif des chemins de fer, il prit une part active à la direction de nombreux comptoirs métallurgiques.

    Nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1888, officier en 1913, commandeur de l'ordre de la Couronne roumaine en 1924, il a obtenu le prix Delesse de l'Académie des sciences, des médailles d'or et un grand prix aux expositions universelles, la médaille d'or de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, la médaille d'or et la grande médaille d'honneur de la Société de l'Industrie minérale..... Honneurs bien insuffisants, aux yeux de ses admirateurs, en regard d'une telle valeur. M. Fayol, esprit indépendant, ne les a jamais recherchés et c'est l'exemple du travailleur, pris tout entier par le devoir quotidien, ne s'en échappant que pour réfléchir et pour noter, qu'il a surtout donné. Il n'a, fort heureusement, pas été trop retenu par cette fâcheuse timidité qui arrête souvent l'homme de science ou le technicien lorsque, arrivé au résultat cherché, il hésite à le livrer à la publicité, sous le fallacieux prétexte que la science et la technique évoluent et que leurs conclusions restent toujours provisoires. M. Fayol n'a pas tout écrit de ses travaux, mais il a beaucoup écrit et la trace de ses oeuvres principales demeurera. En les parcourant tout à l'heure, nous verrons du reste qu'il a donné aux problèmes techniques qu'il a été amené à se poser des solutions qui restent encore les meilleures ; les questions qu'il a traitées, il les a également conduites jusqu'au bout, jusqu'au terme au delà duquel il ne reste plus rien à dire, tant que les hypothèses fondamentales ne seront pas infirmées.

    Dans le domaine des sciences sociologiques, qu'il aborda après l'art du mineur et du métallurgiste et après la géologie, en commençant ses études administratives, M. Fayol ne s'est pas arrêté non plus au provisoire. Il n'a parlé qu'après avoir de longues années pensé, et ce qu'il a avancé alors, ce fut un système complet, clair parce qu'il forme un tout, simple comme le sont les belles choses, les idées fortes. Comment, se dit-on, depuis qu'il y a des hommes et qui pensent n'avait-on pas encore coordonné ces propositions ? La doctrine administrative, lancée en 1916, a fait aujourd'hui le tour du monde: le premier tirage à part de la troisième livraison de 1916 du Bulletin de la Société de l'Industrie minérale fut de 2.000 exemplaires, il fallut en faire plusieurs autres. Aujourd'hui, l'impression est au quinzième mille. C'est un chiffre de roman à succès.

    Nous parlerons plus loin des disciples et de leurs oeuvres.

    On pourrait croire qu'un homme de quatre-vingt-quatre ans, qui a tant travaillé, assumé tant de responsabilités, est un vieillard. M. Henri Fayol est resté jeune. Nul ne saurait donner plus fortement l'impression que l'observation de la divine loi de l'effort porte en elle-même sa récompense. Droit, souriant, le regard pénétrant et clair, M. Fayol vous aborde la main tendue. Son autorité naturelle, son affabilité, sa jeunesse d'esprit, qui lui permet de s'intéresser à tout, de pratiquer merveilleusement l'art d'être grand-père (et même arrière-grand-père), font qu'il en impose et qu'il est pourtant un séducteur. Tant pis s'il ne nous excuse pas ce rapide portrait ; il fallait le faire avant de jeter un coup d'oeil sur son oeuvre.

    Les travaux de M. Fayol se classent très nettement en trois catégories : exploitation des mines, géologie, administration industrielle. Ils ont paru successivement dans cet ordre et ils marquent l'évolution parallèle de la carrière de l'ingénieur et de l'esprit du penseur, comme nous allons le voir.

    Débutant à Commentry dans une mine célèbre par ses incendies souterrains, le jeune ingénieur saisit tout de suite cette merveilleuse occasion d'exercer son sens d'observation et son esprit de décision ; il se passionne pour la lutte contre les feux et, bientôt, il est passé maître dans cet art difficile et périlleux ; aussi le charge-t-on successivement, comme nous l'avons dit, de la direction de la mine de Commentry, puis des mines de Commentry et de Montvicq, car cette dernière était ravagée par le même fléau.

    A mesure que ses fonctions s'élargissent, il est obligé d'étendre ses responsabilités et de concentrer tour à tour son attention sur des questions techniques plus nombreuses et plus variées. C'est alors toute une série de travaux qui s'échelonnent. En voici l'énumération à peu près complète :

  • Note sur le boisage aux houillères de Commentry (Emploi du fer et des bois préparés). Bulletin de la Société de l'Industrie minérale, 2e série, T. III, p. 569 (1874).
  • Guidage des puits de mine (Note sur le guidage des puits de la houillère de Commentry). Bulletin de la Société de l'Industrie minérale, 2e série, T. VI, p. 697 (1877).
  • Note sur le boisage, le déboisage et le remblayage dans les houillères de Commentry. Comptes rendus mensuels de la Société de l'Industrie minérale, juin 1878.
  • Etudes sur l'altération et la combustion spontanée de la houille exposée à l'air (Altération de la houille exposée à l'air, combustion spontanée en dehors des mines, incendies des houillères de Commentry). Bulletin de la Société de l'Industrie minérale. 2e série, T. VIII, p. 487 (1879).
  • Note sur la suppression du poste de nuit dans le remblayage des grandes couches. Comptes rendus mensuels de la Société de l'Industrie minérale, octobre 1882.
  • Note sur les mouvements de terrain provoqués par l'exploitation des mines. Bulletin de la Société de l'Industrie minérale. 2e série, T. XIV, p. 805 (1885).

    Mais si les exploitations sont réorganisées, les méthodes et procédés mis au point, et si le directeur de Commentry reprend de ce côté-là un peu plus de liberté d'esprit, d'autres très grosses préoccupations s'imposent à lui : le bassin houiller n'est pas très profond ni très étendu, on aperçoit l'épuisement des réserves houillères. M. Fayol n'hésite pas, et c'est là que le savant s'affirme, il entreprend une étude rationnelle, méthodique, infiniment patiente du gisement de Commentry, avec cette double pensée d'en scruter très exactement les richesses et d'en étudier le mode de formation, ce qui aidera puissamment à faire plus tard des études analogues ; il fouille le bassin, prospecte partout, classe les matériaux, fait appel aux plus grands géologues, les aide à coordonner les observations faites, discute avec eux et bientôt met debout cette grande « monographie du bassin de Commentry » d'où il tire lui-même sa théorie des deltas. C'est à cette période que correspondent les études suivantes :

    Comptes rendus de l'Académie des sciences :
    16 mai 1881. - Etudes sur le terrain houiller de Commentry.
    30 mai 1881. - Sur le terrain houiller de Commentry. Expériences faites pour en expliquer la formation.
    20 juin 1881. - Etudes sur le terrain houiller de Commentry. Sa formation attribuée à un charriage dans un lac profond.
    18 juillet 1881. - Sur l'origine des troncs fossiles perpendiculaires aux strates du terrain houiller.

    Société géologique de France. - Bulletin d'août 1888 : résumé de la théorie des deltas et histoire de la formation du bassin de Commentry.

    Etudes sur le terrain houiller de Commentry.
    Lithologie et statigraphie. - Théorie des deltas. - Faune fossile. - Flore fossile. (Parues en trois livres formant cinq livraisons du Bulletin de la Société de l'Industrie minérale de 1886 à 1893).

    Nous sommes en 1888. A cette époque la Société Commentry-Fourchambault périclitait et s'acheminait vers une liquidation; aucun dividende n'était distribué depuis 1885. Les usines métallurgiques de Fourchambault, Montluçon, subissaient de lourdes pertes et semblaient vouées à un arrêt imminent. La situation était critique. Le Conseil de la Société songea, pour la rétablir, au chef qui avait su vaincre à Commentry les difficultés d'exploitation, former un personnel d'élite, dénoncer les illusions dangereuses et affirmer courageusement l'épuisement peu éloigné du gisement : M. Fayol est nommé directeur général.

    Les remarquables résultats qu'il obtint sont connus dans toute l'industrie et c'est à grands traits seulement que nous les rappelons : seule l'usine de Fourchambault fut arrêtée ; Montluçon, de son côté, a maintenu en marche le dernier haut fourneau du Centre et Imphy s'est bientôt classée au premier rang des producteurs d'aciers spéciaux, réalisant magnifiquement l'alliance de la science et de l'industrie : c'est grâce à la coopération d'Imphy que M. C.-E. Guillaume a pu faire les études qui lui valurent, en 1921, le prix Nobel, c'est dans le laboratoire d'Imphy que notre jeune et éminent camarade Chevenard a établi ses appareils d'études devenus classiques et réalisé des découvertes dont les perspectives sont illimitées pratiquement et théoriquement.

    En 1891, la Société de Commentry-Fourchambault, pour remédier à l'épuisement prochain de Commentry et de Montvicq, achetait les houillères de Brassac ; en 1892, elle absorbait les mines et les usines de Decazeville ; les méthodes, les traditions, les ingénieurs de Commentry étaient seuls capables d'entreprendre avec succès l'exploitation d'un gisement aussi difficile, et il fallait aussi toute la science et toute la prudence d'un Fayol pour orienter la fortune d'une usine métallurgique dont l'avenir paraissait si incertain et qui avait subi déjà tant de vicissitudes.

    Mais la « Comambault » grandissait encore : en 1900, elle prenait pied dans l'Est et y exploitait la concession de Joudreville ; pendant la guerre, l'entreprise, devenue formidable, rendit à la défense nationale les plus éminents services. Quand, en 1918, M. Fayol prenait sa retraite de directeur général, il laissait la Société avec une puissance financière remarquable et des cadres d'une valeur exceptionnelle.

    M. Fayol, avec modestie, attribue tout le mérite de ce succès aux méthodes employées : « Avec les mêmes mines, dit-il, les mêmes usines, les mêmes ressources financières, les mêmes débouchés commerciaux, le même Conseil d'administration et le même personnel, sous la seule influence d'un nouveau mode d'administration, la Société se releva dans un mouvement ascensionnel comparable à celui de la chute. »

    Mais il est permis de penser autrement et de croire qu'à côté des méthodes, il faut placer la valeur de celui qui sut en assurer l'efficacité. M. Fayol a réalisé sa propre conception du chef, éducateur et animateur de son personnel, doué de l'intelligence qui détermine le but, de la volonté inflexible qui y conduit.

    Pendant cette période de sa vie, M. Fayol n'a pas écrit ; c'est à ce moment-là qu'il fit réellement de l'administration et qu'il songea en même temps à faire profiter les autres de l'expérience qu'il acquérait. Il avertit le public d'un premier résultat de ses réflexions en 1900, au Congrès international des mines et de la métallurgie, il y revint avec plus de force et de précision au Congrès de 1908, il lança enfin son Administration générale et industrielle en 1916. Sans la guerre, l'ouvrage aurait paru deux ans plus tôt.

    Nous ne pourrions faire successivement une analyse même succincte de tous les ouvrages de M. Fayol sans crainte de les déflorer et de dépasser les bornes que nous nous sommes fixées. Il faut, cependant, rappeler d'une façon plus précise les plus marquants; nous nous étendrons davantage sur l'administration et sur l'extension du fayolisme.

    ÉTUDES TECHNIQUES

    M. FAYOL a toujours réservé la publication de ses études techniques à la Société fondée en 1855 par l'illustre inspecteur général des mines Louis Gruner et pour laquelle les ingénieurs de nos écoles des mines, qu'elle groupe presque en totalité, ont toujours eu un attachement tout spécial. Suivant l'usage ancien de la Société de l'Industrie minérale, ses travaux ont d'abord fait l'objet de communications présentées aux réunions de « districts », puis ils ont été mis au point et publiés dans le Bulletin, quelquefois plusieurs notes réunies en une seule. Nous ne citerons que les études parues au Bulletin.

    Un premier mémoire, publié en 1874, traite du soutènement aux houillères de Commentry. Il fait ressortir l'intérêt de l'usage des cadres en fer et il décrit les procédés à employer pour le sulfatage des bois. Il est assez curieux de constater que l'usage du fer pour le soutènement des galeries, après de longues années d'oubli, est revenu en faveur dans quelques houillères difficiles et présente certaines perspectives d'extension dans les circonstances économiques actuelles. Le sulfatage, peu connu en 1874, est aujourd'hui de pratique courante pour toutes sortes de bois.

    En 1877, c'est un autre mémoire sur le guidage des puits. L'extraction s'est accrue petit à petit dans les houillères, les prix de revient se sont élevés, il a fallu concentrer les petites exploitations et songer à équiper beaucoup plus sérieusement, en vue d'une circulation continue, les puits destinés à un débit plus grand. Leur aménagement s'était inspiré de circonstances locales. Il est temps de chercher des formules plus larges et plus étudiées. M. Fayol aborde cette question et analyse toutes les données du problème : prix d'établissement, durée des divers modes de guidage, degré de sécurité qu'ils présentent respectivement. Et il conclut : il faut des puits murailles pourvus de guidages en chêne, du système « en long », s'il y a peu de recettes, du système « en travers », s'il y en a beaucoup. La question était résolue pour les mines analogues à celles de Commentry et c'était à cette époque les plus nombreuses.

    Ces travaux n'étaient encore que des essais. En 1878, au Congrès tenu par la Société de l'Industrie minérale, à Paris, à l'occasion de l'Exposition universelle, M. Fayol présente un mémoire beaucoup plus important, ses études sur l'altération et la combustion spontanée de la houille exposée à l'air. C'était le problème des feux de mines, contre lesquels M. Fayol avait longtemps lutté, qu'il reprenait tout entier par la base. Avant de rechercher les moyens de combattre les feux, il fallait, en effet, se demander pourquoi ils prenaient naissance et examiner d'abord de quelle manière, dans quelles conditions, le charbon pouvait s'enflammer, donc rechercher le processus de son altération et pourquoi cette altération se traduisait par un échauffement. On étudierait après comment les conditions d'altération se trouvaient réunies dans les mines et ensuite comment on pourrait les empêcher de se produire, enfin par quelles méthodes on pouvait se rendre maître des incendies. Tout cela est parfaitement scientifique.

    Et voici, en effet, l'ordre du mémoire : l'auteur constate que la houille exposée à l'air arrive à s'enflammer. Il soumet ce phénomène à l'expérience en traitant une foule de combustibles de toutes provenances pendant de longues périodes, dans des étuves, à toute une série de températures comprises entre 25° et 500°. Il étudie les variations de poids, le rendement en coke, le pouvoir agglomérant, le rendement en gaz ; il enregistre les résultats obtenus en tableaux et en diagrammes et il en déduit cette conclusion générale que la condition nécessaire et suffisante pour préserver les tas de charbon contre l'altération, est de les conserver à l'abri de l'air, ce qui s'obtient, soit en les disposant dans des réservoirs étanches, soit en les emmagasinant sous l'eau.

    Ayant ainsi établi les principes, M. Fayol procède à l'examen des phénomènes de combustions spontanées dans tous leurs détails, soit en recherchant les conditions dans lesquelles elles surviennent dans les tas de charbon exposés à l'air, soit par des expériences sur de très grandes quantités de charbon soumises à une série de températures graduées.

    Il arrive d'abord à établir qu'il y a une relation directe entre réchauffement et les dimensions (hauteur et volume) du tas dans lequel le phénomène se produit. Si le tas est petit, ia température s'élève jusqu'à un certain point, après quoi elle devient stationnaire, puis elle s'abaisse de nouveau. Quelle que soit l'origine du charbon essayé et mis en tas à l'air libre, quelle que soit la teneur en cendres et la nature de ces cendres, ce charbon subit des transformations thermiques analogues.

    Sur la transformation des charbons soumis à l'air chaud, les expériences arrivent à conclure que :

    1° Par ordre d'inflammabilité dans l'air chaud, les diverses sortes de houille peuvent être classées comme suit : lignite, houille à gaz, houille à coke, anthracite ;

    2° La combustion spontanée a lieu d'autant plus facilement et plus rapidement que la température est plus élevée ;

    3° L'état de division de la houille favorise beaucoup la combustion spontanée.

    Enfin, M. Fayol expérimente l'influence de l'humidité sur la combustion spontanée et il résume : l'influence des temps humides sur le charbon entassé à la surface n'est pas assez sensible pour être remarquée.

    Il était là en contradiction avec les idées répandues notamment dans l'Amirauté anglaise, qui s'était toujours vivement préoccupée des conditions d'inflammation du charbon dans les soutes ou dans les dépôts. Aussi son mémoire eut-il auprès des ingénieurs de la marine un très grand retentissement : il fut soumis à des commissions, étudié, discuté, repris; ses expériences furent refaites. On conclut que M. Fayol avait raison : « Grâce à Fayol, écrit M. Threlfall, dans un rapport présenté au Parlement de la Nouvelle Galles du Sud, il devient possible de comprendre comment une faible différence existant entre des conditions identiques indiquées, suffit à expliquer pourquoi certains cargos prennent feu et d'autres y échappent. »

    Le mémoire de M. Fayol se serait arrêté là qu'il aurait déjà rendu un signalé service, puisque la combustion spontanée de la houille n'a pas cessé d'être un danger pour les navires charbonniers et nous ne saurions mieux montrer que les principes posés étaient les bons qu'en rappelant qu'aujourd'hui encore l'opinion des ingénieurs anglais est entièrement faite des idées exposées par M. Fayol, en 1878. Il écrit lui-même : « Il n'est pas sans intérêt de remarquer qu'à cette époque, je n'avais pas mis les pieds sur un navire charbonnier, c'est un bel hommage rendu à la méthode expérimentale. »

    Mais M. Fayol poursuit et il passe à l'étude des incendies souterrains. Là, plus de méthode expérimentale possible, mais quelles belles observations renferment le journal de la mine de Commentry, journal vécu par M. Fayol ! C'est là, en effet, qu'il puise et il nous expose le résultat de ses recherches : historique des feux à Commentry, origine, cause, conséquences de ces incendies. La cause, c'était là le point intéressant, c'est celle de réchauffement spontané et, à la lumière des principes posés dans la première partie du travail, cette cause ressort, clairement expliquée : « La cause principale de l'échauffement est toujours l'oxydation de la houille, oxydation favorisée par les forces mécaniques en jeu, la présence des pyrites, les éboulements, les crevasses. »

    Dès lors la lumière est faite sur les circonstances où se produisent les feux. M. Fayol continue : il étudie dans quelles circonstances se trouvent les travailleurs au voisinage d'un feu, contre quels dangers, provenant de l'atmosphère, il faut qu'ils se préservent et il décrit les appareils respiratoires qu'il avait conçus dès 1873.

    Enfin, voici le traité magistral, qui est la conclusion de l'étude, sur les moyens pour combattre les incendies souterrains. Nous y trouvons clairement et définitivement exposée toute la technique des feux : barrages, arrosage, modifications d'aérage, immersion, défournement, embouage, c'est-à-dire tous les procédés applicables. Aucun de ces moyens n'a changé autrement que par les facilités plus grandes d'applications résultant des engins et des inventions modernes : la conduite de la lutte reste la même, la discussion des moyens à employer dans chaque cas repose sur les mêmes principes. A Courrières, lors de la grande catastrophe de 1906, M. Fayol fut un des premiers ingénieurs que l'on appela en conseil sur les moyens de reprendre la mine; le programme qu'il proposa fut accepté et mis immédiatement à exécution et, aujourd'hui encore, quand paraît quelque étude nouvelle sur un incendie souterrain, quand on cherche à expliquer un accident provoqué par un feu, on ne manque jamais de se référer au travail de M. Fayol de 1878.

    Nous allons jusqu'à 1885 pour retrouver dans le Bulletin de la Société de l'Industrie minérale la signature de M. Fayol, mais c'est encore une question devenue d'une importante actualité qu'il aborde et qu'il éclaire complètement; celle des mouvements de terrain provoqués par l'exploitation des mines. Les exploitations minières, en effet, s'étendent de plus en plus, s'approfondissent, tout en abandonnant entre la surface et le fond des excavations mal remblayées, ou même non remblayées ; d'autre part, les agglomérations industrielles s'accroissent jusqu'à devenir de grandes villes au voisinage des travaux souterrains et il en résulte des difficultés considérables. Quelle était l'exploitation coupable de tel ou tel dégât ? Dans bien des cas, il était impossible de le discerner. Quels massifs de protection fallait-il laisser autour de tel ou tel ouvrage que l'on tenait essentiellement à préserver ? Nul ne le savait bien et les opinions les plus contradictoires étaient émises : on n'était d'accord ni sur l'amplitude, ni sur la position, ni sur la direction des mouvements ; on ne s'entendait pas davantage sur l'influence des remblais.

    Esprit scientifique, M. Fayol n'hésita pas à recourir encore à la méthode expérimentale et il chercha comment l'appliquer.

    Remontant aux principes mécaniques, il se dit qu'une série d'assises rocheuses, sollicitées par leur propre poids à s'affaisser par suite du vide créé dans une assise inférieure, sont dans la position de pièces encastrées à leurs deux extrémités, et il étudie tout de suite, par le calcul et l'expérience, la flexion des pièces soumises à cette condition. Il l'applique à des barres de fer d'abord, puis il serre à plat dans le sens de la stratification, des blocs de grès ou de schistes. Il remarque le foisonnement du volume primitif.

    Ainsi documenté, il cherche à reproduire en petit les mouvements de terrains provoqués par l'exploitation des mines et, après quelques tâtonnements, opère de la manière suivante : des couches artificielles en terre, sable, argile, plâtre et autres matières sont déposées dans une caisse en bois dont l'une des faces est en verre. On dispose dans les plans de stratification des petits morceaux de papier dont la tranche seule est visible ; on trace à l'encre, sur le verre, des traits qui couvrent bien exactement les lignes formées sur le papier. Les couches de houille ont été représentées par des planchettes de la largeur de la caisse, que l'on retire pour observer les phénomènes produits. On place d'ailleurs terrains et couche avec l'inclinaison qu'on veut.

    Il nous faudrait reproduire tous les diagrammes, tous les tableaux résultant des multiples expériences ainsi faites. Nous ne le pouvons pas ; arrivons à la conclusion. Elle est celle-ci : « Les mouvements de terrain sont limités par une sorte de dôme qui a pour base la surface exploitée ; leur amplitude diminue à mesure qu'on s'éloigne du centre de l'excavation. » Et les expériences faites permettent de tracer ce dôme, de se rendre compte, en somme, rationnellement, de l'étendue des dommages possibles.

    Cette conclusion n'était malheureusement pas aussi simple que celle à laquelle on était arrivé par diverses théories : la règle de la normale notamment, qui passait dans plusieurs bassins houillers, pour un axiome inattaquable, ou la règle des 45°, pour laquelle en tenaient tout aussi énergiquement d'autres praticiens. Aussi M. Fayol fut-il assez critiqué. A vrai dire les théories qu'on lui opposait s'appuyaient sur quelques idées plus ou moins empiriques. M. Fayol n'eut pas de peine à répondre à ses contradicteurs et leur montra que les prétendues règles absolues qu'ils pensaient établir n'étaient en réalité que des cas particuliers des règles plus générales qu'il avait pu déduire lui-même de l'expérience et que l'observation bien conduite vérifiait d'ailleurs.

    Il a paru, depuis, en divers pays, bien des études sur les affaissements de terrain provoqués par l'exploitation des mines, les unes, concernant des cas très spéciaux, les autres d'allure plus générale ; aucune n'a pu ignorer les dômes de M. Fayol, aucune ne les a contestés d'ailleurs dans leur principe. Pour parler d'une des plus récentes, M. Fayol nous a rappelé qu'un docteur-ingénieur allemand, Eckardt, a « découvert » à nouveau, en 1914, non seulement ses conclusions de 1885, mais même son procédé d'expérimentation. Le Dr Eckardt s'est abstenu de citer M. Favol (Gluckaüf, 21 et 28 mars 1914).

    ÉTUDES GÉOLOGIQUES

    LES études géologiques de M.Fayol ont abouti à la vaste « monographie du bassin houiller de Commentry » publiée par la Société de l'Industrie minérale, entre 1886 et 1898. En réalité, ces études durèrent plus de trente années. Pendant tout ce temps-là toute observation intéressante, toute découverte minéralogique, géologique ou paléontologique, aussitôt faite, était immédiatement communiquée aux savants les plus autorisés et, comme nous l'avons dit, jamais terrain houiller ne fut aussi profondément fouillé, analysé, décrit. Voici d'ailleurs les propres termes dans lesquels M. Fayol présentait, le 1er décembre 1886 cet ouvrage aux lecteurs.

    « Je m'occupe, depuis plus de vingt-six ans, de travaux de recherche et d'exploitation de houille dans le bassin de Commentry. Au début, à ma sortie de l'Ecole des mines de Saint-Etienne, tout imbu de la théorie des tourbières que je venais d'apprendre, je fus surpris de rencontrer, à chaque pas, des phénomènes incompréhensibles. Peu à peu, j'acquis la conviction que la théorie des tourbières est fausse, et je crus reconnaître que le terrain houiller de Commentry s'est formé dans un lac, comme se forment actuellement certains deltas lacustres.

    « Mais cette conception attaquait l'hypothèse de l'horizontalité primitive des couches sédimentaires, considérée jusqu'ici comme l'une des vérités fondamentales de la géologie ; avant de l'adopter, je me livrai à une étude approfondie des phénomènes qui s'accomplissent à l'embouchure des cours d'eau. Cette étude me prouva que les bancs houillers se sont déposés sous toutes les inclinaisons comprises entre zéro et quarante degrés ; de plus, elle me donna la clef de la plupart des particularités que présente la formation houil1ère.

    « De grandes tranchées ouvertes aux affleurements des couches de houille, font du bassin de Commentry un admirable champ d'observation; on y voit à ciel ouvert, et sur des profondeurs de trente à cinquante mètres, les phénomènes sédimentaires et éruptifs les plus variés ; ces tranchées facilitent beaucoup aussi la découverte des fossiles. Aidé par des collaborateurs zélés et intelligents, je suis arrivé à constituer de riches collections. La description de nos richesses paléontologiques, faite par les savants les plus autorisés, constituera une partie considérable de cet ouvrage :

    « MM. Renault et Zeiller se sont partagé l'étude de la flore;

    « M. Sauvage a bien voulu se charger des poissons ;

    « M. Charles Brongniart, des insectes.

    « Les roches du bassin ont été l'objet d'études micrographiques très intéressantes de la part de MM. Stanislas Meunier et de Launay.

    « M. Mallard et M. Carnot, à qui j'ai eu souvent recours, m'ont fourni de précieuses indications chimiques et minéralogiques. »

    Ces études sur le terrain houiller de Commentry comprennent trois grandes divisions :

    Lithologie et stratigraphie par M. Henri Fayol (avec une dernière partie par MM. de Launay et Stanislas Meunier) - 660 pages, 29 planches in-folio.

    Flore fossile, par MM. Renault et Zeiller - 746 pages, 75 planches in-folio.

    Faune fossile, par MM. Brongniart et Sauvage - 638 pages, 69 planches in-folio.

    Il ne saurait être question ici de faire un résumé de cette oeuvre considérable.

    En ce qui concerne M. Fayol, il en restera une théorie de la formation des bassins houillers, celle des deltas, qu'avec peut-être quelques variantes, on considère aujourd'hui comme la seule vraisemblable dans la majorité des cas ; nous en parlerons dans un instant.

    En ce qui concerne ses collaborateurs, ils ont pu aussi, grâce aux documents ainsi accumulés pour eux, donner toute la mesure de leur valeur scientifique. La paléontologie avait rendu déjà à l'industrie minière de grands services, l'industrie à son tour servit merveilleusement la science à Commentry. Les collections envoyées au Muséum passèrent dans les mains des plus illustres naturalistes : « Des types extrêmement curieux, écrit le professeur Boule, tels que la libellule géante de 72 cm. d'envergure ont été ressuscites par M. Fayol. Certains échantillons de cette collection nous montrent des formes d'insectes à trois paires d'ailes et nous font ainsi comprendre l'origine du groupe. Le professeur Lameere a pu établir une phylogénie des ordres primitifs d'insectes qui est particulièrement basée sur l'étude de la collection Fayol. Ce sont là des résultats d'une importance philosophique considérable. En offrant ses fossiles à notre Muséum national, M. Fayol s'est montré un de nos plus généreux bienfaiteurs. Il a ainsi servi également bien la science et la patrie. »

    En somme, les travaux de M. Fayol et les patientes recherches paléontologiques de Commentry ont jeté une vive lumière sur l'histoire si passionnante de l'époque houillère. Ils ont permis de se faire une idée plus précise de la luxuriante végétation de cette époque, de son climat, de la richesse extraordinaire de sa faune et de sa flore. Il y a là de quoi satisfaire jusqu'à la curiosité des poètes, qui avaient entrevu ces vastes forêts, mais y avaient à peine soupçonné la vie animale.

    Jamque novum ut terroe stupeant lucescere solem, 
    Altius atque cadant suhmotis nubibus imbres, 
    Incipiant sylvae cum primum surgere, cumque 
    Rara per ignares errent animalia montes 
    
    (Silène chantait..... l'émerveillement des terres aux rayons du soleil nouveau, et les nuages qui montent dans le ciel, et les pluies qui en tombent, et la naissance des premières forêts, et, sur les monts étonnés, la course des premiers animaux,) ( VIRGILE, Eglogue VI).

    Nous n'essaierons pas de résumer la lithologie et stratigraphie de Commentry et la théorie des deltas. Rien ne nous semble plus clair, pour en faire comprendre à nos lecteurs et le sens général et la portée, que de reproduire le rapport présenté à l'Académie des sciences pour l'attribution du prix Delesse à M. Fayol, en 1893 :

    « L'origine végétale de la houille, qu'admettait depuis longtemps la majorité des géologues, a été récemment mise hors de doute par les études microscopiques ; mais il restait à résoudre un problème qui n'intéresse pas moins le géologue que l'ingénieur, celui de savoir de quelle façon les végétaux de l'ancien monde ont pu donner naissance aux couches de combustibles.

    « Pendant de longues années, les géologues de toutes les écoles, Lyell aussi bien qu'Elie de Beaumont, se sont trouvés d'accord pour admettre que les couches de houille sont d'anciennes couches de tourbe, enfouies à la suite d'un affaissement du sol. Cette théorie dut être abandonnée lorsqu'il fut constaté que la houille est formée, pour la plus grande partie, par des végétaux terrestres, généralement arborescents, et dont les débris ont été charriés par les eaux. On continuait, d'ailleurs, à regarder comme évident que les différentes couches dont est constitué le terrain houiller avaient dû prendre naissance successivement, qu'une couche de houille n'avait pu se former qu'après l'achèvement du dépôt de la couche de schiste sur laquelle elle repose, la couche de schiste ou de grès qui recouvre la houille et en forme ce qu'on appelle le toit ne s'était formée qu'après le dépôt de la couche de combustible.

    « C'est cette idée, qui semblait en quelque sorte évidente, qu'a osé déclarer fausse un ingénieur qui dirigeait les mines de Commentry, et qui avait su observer en géologue perspicace le terrain qu'il exploitait en ingénieur habile. M. Fayol fit remarquer qu'il est impossible d'admettre qu'il ait jamais pu se rencontrer, dans les âges géologiques, une époque pendant laquelle les eaux, qui charriaient des débris végétaux, aient pu ne pas transporter en même temps des débris minéraux. Une semblable suspension, pendant le temps nécessairement fort long employé à la formation d'une couche de houille, de l'action corrosive exercée sur le sol par les eaux courantes, ne pourrait se comprendre, surtout à une période de l'histoire de la terre où la formation de nombreuses couches de conglomérats, de grès et de schistes montre, au contraire, que le ravinement n'a peut-être jamais été plus intense.

    « Pour M. Fayol, le bassin houiller de Commentry, et tous les autres bassins houillers qui ont été, dans sa pensée, formés d'une manière plus ou moins analogue, est le résultat du comblement d'un ancien lac. Ce comblement s'est effectué, suivant lui, par l'apport des matériaux de toutes sortes : cailloux, sables, argiles, végétaux, etc., que charriaient les affluents débouchant dans le lac. Mais les matériaux, transportés pêle-mêle par les cours d'eau, ont subi, au sein du lac, un classement par densité, analogue à celui qui se produit dans les appareils destinés à laver le minerai. Les matières les plus légères ont été transportées plus loin, les matières les plus lourdes se sont précipitées à peu de distance du rivage, et c'est ainsi que les cailloux se sont rassemblées pour former des conglomérats, les sables pour former des grès, les argiles des schistes, enfin les débris végétaux pour donner naissance à la houille. Les couches du terrain houiller ne se sont donc pas formées successivement, mais en quelque sorte, simultanément, en progressant toutes ensemble.

    « Pour confirmer cette théorie ingénieuse, mais qui heurtait de front des idées considérées comme ayant l'évidence d'un axiome, M. Fayol s'est adressé d'abord à l'observation géologique. Non seulement il a lui-même étudié minutieusement et avec grand soin la disposition des couches de Commentry, ainsi que leur composition minéralogique, mais il a su intéresser et associer à son oeuvre les ingénieurs placés sous ses ordres et jusqu'aux mineurs eux-mêmes, entraînés par l'exemple. Il a su s'assurer la collaboration de savants éminents qui, en possession des admirables collections qu'il avait rassemblées, ont pu étudier, d'une manière approfondie la pétrologie, la flore et la faune du terrain. Grâce à ces efforts, que M. Fayol a eu le mérite de faire converger vers un même but, le bassin de Commentry est, à l'heure qu'il est, un des mieux connus qui soient au monde.

    « M. Fayol ne s'est par borné à contrôler sa théorie par l'observation des faits géologiques. Il a fait aussi appel à l'expérimentation. Mettant en oeuvre les ressources dont il disposait, il a institué dans les bassins de dépôt des ateliers de lavage de la houille, de véritables expériences de sédimentation, habilement conduites et variées, dont les résultats sont venus donner un puissant appui à ses idées.

    « Votre Commission n'a point à porter un jugement définitif sur la théorie de M. Fayol, qui est d'ailleurs, maintenant, admise par un très grand nombre de géologues et d'ingénieurs. Peut-être sera-t-on amené à lui faire subir, dans certaines parties, quelques modifications. Quoi qu'il en soit, par l'introduction dans la science d'une idée absolument neuve et qui paraît d'accord avec les faits, non moins que par les travaux géologiques qui lui sont dus et par ceux qu'il a provoqués, M. Fayol a rendu d'importants services à la géologie et votre Commission n'hésite pas à lui attribuer le prix Delesse pour 1893 ( Rapport présenté à l'Académie des Sciences par MM. Daubrée, Fouqué, Des Cloizeaux, Albert Gaudry, Mallard rapporteur. ). »

    Et si l'on veut d'autres témoignagnes de la place que tient dans la science et dans l'industrie la théorie des deltas, à laquelle M. Fayol a attaché son nom, des progrès considérables qu'ont permis les conséquences de cette théorie, dont il est juste de rapprocher les travaux des illustres paléobotanistes qui s'appellent Grand'Eury, Renault et Zeiller, nous nous contenterons de reproduire les lignes suivantes de de Lapparent :

    « Si la théorie des deltas houillers n'avait été qu'une vue de l'esprit, imaginée, en dehors de tout observation directe, pour expliquer certains traits généraux des bassins lacustres, on aurait pu, sans en méconnaître la valeur, conserver quelques doutes sur l'opportunité de son application. Mais M. Fayol avait suivi, dans l'élaboration de cette doctrine, une toute autre méthode. C'est en ingénieur qu'il avait procédé, sans parti pris d'aucune sorte. C'est l'observation patiente et réfléchie qui l'avait conduit pas à pas à un corps de doctrines, à mesure que se complétait entre ses mains l'inventaire systématique du bassin de Commentry. »

    « Tels sont les enseignements si féconds que nous donne l'étude détaillée des gisements lacustres du centre de la France, et qui changent sur tant de points les vues théoriques dont jusqu'alors on s'était contenté. Si l'on réfléchit qu'au cours de leurs recherches, MM. Grand'Eury et Fayol ont mis en lumière une foule de documents qui ont considérablement élargi nos connaissances, aussi bien sur la faune entomologique et ichthyologique de l'époque houillère que sur sa flore ; qu'à ce dernier point de vue, M. Grand'Eury a fait en paléobotanique d'importantes découvertes, ultérieurement étendues par les travaux de MM. Renault et Zeiller ; enfin qu'il a su préciser les diverses phases de la végétation carbonifère, au point que l'étude des espèces dominantes est devenue, entre ses mains, un moyen d'information industrielle dont la fécondité s'est récemment révélée avec éclat dans les recherches de houille du bassin du Gard, on ne sera pas étonné de nous entendre réclamer, pour ces savants, une place éminente parmi ceux qui ont droit à la reconnaissance des géologues. »

    LA DOCTRINE ADMINISTRATIVE

    L'OEUVRE la plus récente de M. Fayol qui restera sans doute l'oeuvre capitale, c'est-à-dire l'exposé de la doctrine administrative a été publiée, en 1916, sous le titre d'administration industrielle et générale. Certains faits, certaines observations, ont amené par la suite M. Fayol à préciser divers aspects de cette doctrine, elle a été développée par de nombreux disciples, comme nous le verrons plus loin, elle a été critiquée - assez peu et superficiellement - elle a été parfois extrapolée en quelque sorte par des continuateurs qui n'ont pas toujours fidèlement suivi la pensée du maître, mais, quoi qu'il en soit, les bases en sont entières, dans les cent cinquante pages de la troisième livraison de 1916 du Bulletin de la Société de l'Industrie minérale. Ce n'est pas une première vision des choses administratives, c'est le résultat d'une longue étude, indiquée successivement par l'auteur en 1900 et en 1908, arrivée à son terme au moment de la guerre.

    Bien des analyses de cet ouvrage ont été faites et nous n'aurions pas la prétention de faire mieux encore. Aussi nous excusera-t-on si l'on retrouve dans les pages qui suivent d'abondants passages d'un des résumés de l'ouvrage de M. Fayol les plus récents et les plus heureusement conçus, celui de M. Mazerat, commissaire général de la marine.

    Première partie
    Nécessité et possibilité d'un enseignement administratif

    Qu'une entreprise soit petite ou grande, simple ou complexe, M. Fayol répartit toutes ses opérations entre six catégories : opérations techniques, commerciales, financières, de sécurité, de comptabilité, administratives, auxquelles correspondent des fonctions essentielles.

    On se rend compte assez facilement du domaine respectif des cinq premières fonctions. Signalons simplement en passant que l'indifférence dans laquelle on tient trop souvent la fonction de comptabilité prouve qu'on ne se rend pas assez compte des services qu'on doit lui demander, et que la fonction technique au contraire a par elle-même un relief qui laisse trop souvent les autres dans l'ombre. Mais la plus importante, parce qu'elle est chargée d'arrêter le programme d'action, d'assurer le recrutement et la formation du personnel, de coordonner les efforts, d'harmoniser les actes, c'est la fonction administrative qui est le rouage des relations de toutes les parties de l'entreprise entre elles et des relations de l'entreprise avec le monde extérieur.

    M. Fayol la définit comme suit :

    Administrer, c'est prévoir, organiser, commander, coordonner et contrôler.

    Ainsi comprise, l'administration n'est pas le privilège du chef, malgré qu'elle tienne dans son rôle une grande place, elle se répartit, comme les autres fonctions essentielles, entre la tête et les membres du corps social.

    Aux six fonctions essentielles correspondent des capacités spéciales. La valeur générale d'un agent se trouvant formée de l'ensemble de ses capacités, on arrive, comme le fait M. Fayol pour préciser sa pensée, à chiffrer et à traduire en diagrammes l'importance relative de celles-ci. Il aboutit à cette conclusion : « Dans toutes les sortes d'entreprises, la capacité principale des agents inférieurs est la capacité professionnelle caractéristique de l'entreprise et la capacité principale des grands chefs est la capacité administrative. Le besoin de notions administratives est général. »

    Or, tandis qu'avec raison on fait les plus grands efforts pour répandre et perfectionner les connaissances techniques, commerciales, etc., on ne fait rien ou presque rien pour préparer les dirigeants à la fonction administrative. La raison ? C'est l'absence de doctrine administrative. Pas d'enseignement sans doctrine.

    Au point de vue administratif, les chefs peuvent se permettre les pratiques les plus fâcheuses, impunément, car les résultats des procédés employés sont souvent fort lointains sans pouvoir généralement être reliés à leurs causes. Le remède est dans une doctrine consacrée, c'est-à-dire dans un ensemble de principes, de règles, de méthodes, de procédés qui résulte de multiples observations. C'est cette « administration expérimentale » que M. Fayol a voulu vulgariser en s'appuyant sur les notes qu'il a prises et les observations qu'il a recueillies. Il ne doute pas qu'un jour vienne où l'on considère les notions administratives comme aussi nécessaires dans les affaires de l'Etat, dans la famille, que dans les affaires industrielles, le jour où une doctrine s'étant formée, une possibilité d'enseignement en résultera, du primaire au supérieur.

    Deuxième partie
    Principes et éléments d'administration

    La deuxième partie de l'ouvrage a pour but de tracer les cadres de l'enseignement administratif. Un premier chapitre traite des principes généraux d'administration, un second chapitre, et c'est le plus étendu, expose les éléments d'administration, ou si l'on veut des règles fondamentales de la fonction administrative.

    PRINCIPES D'ADMINISTRATION
    
    De même que pour la conduite des individus, il existe des règles de morale codifiées, M. Fayol voudrait qu'il soit constitué un code de principes administratifs. Mais notons bien qu'en matière administrative, il n'y a rien de rigide ni d'absolu, tout y est question de mesure. Faite de tact et d'expérience, la mesure est l'une des principales qualités de l'administrateur; les principes doivent être assez souples pour pouvoir s'adapter à tous les besoins. M. Fayol énumère et étudie ceux qu'il a eu le plus souvent à appliquer, en nous disant bien que cette énumération n'est nullement limitative. Ce sont : la division du travail, l'autorité, la discipline, l'unité de commandement, l'unité de direction, la subordination des intérêts particuliers à l'intérêt général, la rémunération, la centralisation, la hiérarchie, l'ordre, l'équité, la stabilité du personnel, l'initiative, l'union du personnel.

    La division du travail est d'ordre naturel, elle a pour conséquences la spécialisation des fonctions et la séparation des pouvoirs.

    L'autorité, c'est le droit de commander et le pouvoir de se faire obéir. L'autorité personnelle et la valeur morale sont le complément nécessaire de l'autorité administrative. Pas d'autorité sans responsabilité, c'est-à-dire sans des sanctions qui en sont la conséquence naturelle et l'équitable contrepartie. Pas d'autorité qui ne laisse cependant se développer chez les subordonnés l'esprit d'initiative.

    La discipline, l'esprit public la considère comme absolument nécessaire à la marche des affaires, si elle fait leur force principale, comme celle des armées, n'oublions pas qu'elle est ce que la font les chefs.

    La condition nécessaire de l'unité d'action, de la cohésion des forces et de la convergence des efforts est l'unité de direction : « Un seul chef et un seul programme pour un ensemble d'opérations visant le même but. » Ce principe est complété par celui de l'unité de commandement qui a comme expression : « Pour une action quelconque, un agent ne doit recevoir des ordres que d'un seul chef. L'imparfaite délimitation des services, l'imprécision des attributions, l'enclenchement des fonctions créent la dualité du commandement, source de conflits, où l'autorité est atteinte, l'ordre troublé, la stabilité menacée, le succès compromis.

    Il semble que le principe de la subordination de l'intérêt particulier à l'intérêt général ne devrait pas être rappelé. Il y a cependant une lutte continuelle à soutenir pour le faire respecter. De même, l'une des grandes difficultés de l'intervention des chefs est de concilier les intérêts d'ordres différents mais également respectables.

    A propos de la rémunération du personnel, M. Fayol pose en principe que le mode de rétribution doit : 1° assurer une rémunération équitable ; 2° encourager le zèle en récompensant l'effort utile ; 3° ne pas conduire à des exagérations. Il étudie les divers modes de rétribution des ouvriers, à la journée, à la tâche, aux pièces, les primes, la participation aux bénéfices qui selon lui ne peut être une règle générale et, en passant, il émet des doutes sur les résultats de la participation des ouvriers aux bénéfices dans les mines. Pour les « chefs moyens », M. Fayol critique dans la grande entreprise leur participation aux bénéfices et marque sa préférence pour les primes à la production. Pour les « grands chefs » il fait ressortir que les participations ne correspondent pas toujours à leurs efforts.

    La division du travail et la centralisation ne s'opposent pas ; la centralisation est aussi un fait d'ordre naturel ; elle existe toujours plus ou moins ; excessive, elle devient dangereuse. Suivant les circonstances et le caractère de l'entreprise, il importe de décongestionner la tête par la pratique de la décentralisation. La crainte des responsabilités est l'une des causes de la centralisation exagérée ; l'insouciance des dirigeants, c'est-à-dire l'insuffisance de leur capacité administrative en est une autre. Ce qu'il faut s'efforcer de supprimer, ce sont les rouages et les transmissions inutiles, les pertes de temps, les formalités bureaucratiques, la paperasserie superflue, le cloisonnement des services.

    A cet égard la hiérarchie est à établir très nettement. L'emploi de la voie hiérarchique est imposé à la fois par le besoin d'une transmission assurée et par l'unité de commandement, mais elle est parfois baucoup trop longue ; l'intérêt de l'entreprise peut exiger qu'on la lui sacrifie quand le succès repose sur une exécution rapide. Il appartient à l'autorité supérieure d'en prévoir l'éventualité.

    Pour éviter les retards préjudiciables, M. Fayol préconise l'usage de ce qu'il a appelé la passerelle, communication directe entre deux chefs de service avec l'autorisation de leurs supérieurs immédiats. L'emploi de la passerelle est simple, rapide, sûr, il permet aux deux agents de traiter en une séance, en quelques heures, telle question qui, par la voie hiérarchique, subirait vingt transmissions, dérangerait beaucoup de monde, ferait perdre des semaines ou des mois pour arriver à une solution généralement moins bonne.

    L'ordre social a pour formule : « Une place pour chaque personne et chaque personne à sa place » ; mais elle doit être complétée par cette autre : « Chacun à sa place où il peut rendre le plus de service » (The right man in the right place). L'ordre social exige une connaissance parfaite des besoins et des ressources de l'entreprise et un équilibre constant entre ces besoins et ces ressources ; il suppose réalisés une bonne organisation et un bon recrutement. Cela paraît simple : Pas de postes inutiles, pas d'agents incapables, pas de favoritisme... On est cependant obligé de reconnaître que l'application du principe de l'ordre social n'a pas toujours la simplicité qu'il comporte.

    La formule de l'ordre matériel est identique à la précédente : « Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place. » Elle est insuffisante ; il faut que la place ait été judicieusement choisie de manière à faciliter les opérations ; sinon, l'ordre n'est qu'apparent et peut couvrir un désordre réel. La propreté est le corollaire de l'ordre.

    La stabilité est une des causes et l'une des conséquences de la prospérité des entreprises. L'équité est la bienveillance unie à la justice ; il importe d'en faire pénétrer le sentiment à tous les degrés de la hiérarchie. L'union et l'harmonie dans le personnel sont une grande force à développer ; les conflits et les malentendus qui pourraient se résoudre dans une conversation s'enveniment souvent par correspondance ; avec des relations verbales on gagne en rapidité, en clarté et en harmonie; l'abus des communications écrites se traduit en surcroît de besogne, lenteurs et complications.

    Tels sont ceux des principes généraux que M. Fayol a essayé de dégager. Nous allons voir quelles sont les règles d'une bonne administration.

    ÉLÉMENTS D'ADMINISTRATION
    

    C'est cette partie de l'ouvrage doctrinal de M. Fayol qui est la plus importante, c'est celle qui renferme le plus de conclusions directes et d'une application immédiate ; c'est celle sur laquelle M. Fayol revient le plus volontiers lui-même quand il a l'occasion de résumer ses études administratives ou quand, aux prises avec quelque «reporter», il veut donner une idée aussi concrète que possible de la doctrine.

    Tandis que les principes d'administration restaient, dans son esprit (et restent sans doute encore) à codifier d'une façon plus détaillée et plus complète, les règles de la bonne administration ont été nettement et définitivement formulées, comme nous l'avons dit, dans les cinq termes suivants : administrer c'est : 1° prévoir; 2° organiser; 3° commander; 4° coordonner; 5° contrôler.

    Prévoir, c'est scruter l'avenir et le préparer. La prévoyance est la qualité maîtresse du chef. Sa principale manifestation, son instrument le plus efficace, est le programme d'action, sorte de tableau d'avenir qui présente le but et les résultats à atteindre, la ligne de conduite à suivre, les étapes à franchir, les moyens à employer. La préparation du programme d'action met en jeu toutes les fonctions, mais principalement la fonction administrative. Ses caractères généraux sont l'unité, la continuité, la souplesse, la précision. Un programme peut se diviser en plusieurs parties afférentes aux divers services, mais toutes doivent être soudées entre elles de manière à former un ensemble unique. Son action directrice doit être continue, qu'il soit de longue ou de courte durée, ses révisions successives devant toujours étroitement s'harmoniser. Il doit être assez souple pour se plier aux modifications nécessaires, et aussi précis que le permet l'inconnu de l'avenir.

    Le programme d'ensemble se compose d'une série de prévisions d'amplitude diverse, décennales, annuelles, mensuelles, hebdomadaires ou mêmes spéciales. Pour conserver l'unité, il faut, chaque année, mettre les prévisions à long terme en harmonie avec les prévisions annuelles. Les prévisions ne sont pas des prophéties ; elles ont pour but de réduire dans toute la limite possible la part de l'imprévu. M. Fayol en donne des exemples détaillés en tableaux synoptiques.

    En terminant l'étude de la prévoyance, M. Fayol nous fait remarquer que, si le système gouvernemental de la France présente des défauts, le plus grand de tous est l'imprévoyance : dans l'entreprise gouvernementale, les prévisions annuelles (budget) sont rarement terminées en temps utile, les prévisions à long terme sont rares. C'est un sujet qu'il développera davantage dans des écrits ou des discours postérieurs.

    Organiser une entreprise considérée comme un corps social, c'est la pourvoir du personnel, des capitaux, de l'outillage et des matières appropriées pour réaliser l'exécution de toutes les opérations qu'elle comporte. C'est constituer les cadres, définir les attributions, déterminer la hiérarchie, établir la division du travail. « L'organisation traduit, en fait, les conceptions théoriques de la prévoyance. »

    On constate d'abord que, malgré l'infinie diversité des entreprises, tous les corps sociaux de même importance numérique ont entre eux une grande ressemblance extérieure, ils diffèrent surtout par la nature et la valeur de leurs éléments constructifs : on s'en rend compte, par exemple, en mettant en regard les tableaux représentant les cadres de deux entreprises industrielles de nature différente, une mine de houille et une usine métallurgique occupant chacune de 1.000 à 2.000 ouvriers.

    On peut faire de nombreux rapprochements entre l'être social et l'être végétal ou animal. Comme les branches font l'arbre et les arbres la forêt, comme les cellules font l'organe et les organes l'être tout entier, de même le corps social a des organes composés de sous-organes très nombreux ; dans la grande entreprise industrielle on peut indiquer : les actionnaires, le Conseil d'administration, la direction générale et son état-major, les directions régionales ou locales, les ingénieurs principaux, les chefs de services, les chefs d'ateliers, les contremaîtres, les ouvriers.

    Les expressions de « machine administrative », « rouage administratif », que l'on emploie fréquemment, donnent bien l'idée de cet organisme soumis à l'impulsion d'un chef et dont toutes les parties, reliées entre elles, se meuvent pour un résultat d'ensemble.

    Dans les grandes entreprises, le chef, en vue d'obtenir le meilleur rendement, s'appuie sur un groupe de collaborateurs que M. Fayol dénomme « état-major », comme dans l'armée, et qui sont des secrétaires, des spécialistes-conseils, des comités consultatifs, des praticiens de bureaux d'études, de laboratoires, qui apportent au directeur la documentation dont il a besoin. C'est une aide, un renfort, une sorte d'extension de la personnalité du chef.

    Et, en outre, parmi les obligations de la direction, la recherche constante des perfectionnements est une nécessité absolue ; à notre époque, qui ne progresse pas, recule. Pour réaliser les améliorations, il faut des aptitudes que l'expérience développe, de la volonté active, des ressources financières et le temps à consacrer aux recherches. Ici, se précise le rôle important d'un service d'études des perfectionnements. Il n'y a pas d'homme dont le savoir embrasse toutes les questions que soulève le fonctionnement d'une grande entreprise et qui, avec de multiples obligations, dispose du temps nécessaire pour les approfondir. Il n'en est pas qui ne doive recourir à la réserve de forces physiques et intellectuelles que représentent l'état-major et le service de perfectionnement, organes de pensée, d'étude, d'observations, dégagés de toute direction et de toute responsabilité d'exécution.

    Signalons, en passant, la concordance du « taylorisme » et du « fayolisme ».

    Sous les noms de Scientific management, aux Etats-Unis, et de Doctrine administrative en France, ces deux écoles poursuivent un seul et même but : l'amélioration du gouvernement des entreprises.

    En gravissant les degrés de la hiérarchie industrielle, Taylor et Fayol ont constaté que les questions de personnel et de direction ont une influence capitale sur la marche des affaires et, sans négliger les questions techniques, commerciales et financières, ils se sont particulièrement occupés de l'organisation du travail humain à tous les niveaux. Si les publications de Taylor traitent surtout du travail des ouvriers et celles de Fayol surtout du travail des chefs, c'est, sans doute, parce que la carrière du premier, trop tôt interrompue, s'est écoulée principalement dans les ateliers, tandis que le second, parvenu rapidement au poste de directeur, en a exercé les fonctions pendant plus de cinquante ans. Quoique différents, leurs travaux ont le même but et se complètent.

    Passant alors à l'étude des différents organes du corps social, M. Fayol montre ce que la formation des chefs et des agents représente de longs et laborieux efforts. Il examine successivement quel doit être, pour l'obtenir, le rôle de la famille, de l'école, de l'atelier, de l'enseignement supérieur, de l'Etat.

    Reprenant quelques pages de sa communication au Congrès de 1900, il s'élève contre les lacunes de notre enseignement supérieur, trop exclusivement technique, dans lequel il n'est question ni de finances, ni de commerce, ni d'administration, ni de beaucoup de comptabilité ; enseignement où l'on abuse vraiment des mathématiques supérieures. M. Fayol a répété, après le général Maillard, que la règle de trois simple a toujours suffi aux hommes d'affaires comme aux chefs d'armée. Il ne faut très certainement voir là qu'une boutade, une image si l'on veut. Il n'en est pas moins vrai que la boutade a fait couler beaucoup d'encre et qu'elle n'a pas peu contribué, en définitive, à faire comprendre que certaines réformes étaient nécessaires.

    Sous la poussée de l'opinion, réveillée par les industriels les plus autorisés et les plus illustres professeurs, tels que M. Henry Le Châtelier, il n'est pas une grande école technique aujourd'hui où l'on ne se préoccupe d'améliorer l'enseignement en lui faisant suivre de plus près les applications pratiques, d'augmenter la part de l'économie sociale, de la comptabilité, de la science administrative, où l'on ne se préoccupe de favoriser le recrutement des candidats qui présentent une véritable « culture générale et de préparer des hommes capables de penser, d'agir par eux-mêmes, de critiquer, de comprendre, d'innover, de juger avec finesse comme avec géométrie ». Ne sont-ce point là, en effet, les qualités de l'ingénieur ? Ne sont-ce point celles qui lui feront le mieux comprendre et le mieux suivre les conseils que donne si paternellement aux jeunes ingénieurs M. Henri Fayol ? Pas un d'entre eux ne devrait sortir de l'Ecole sans avoir lu les belles pages qu'il leur adresse (Administration industrielle et générale, pages 127 à 132).

    Commander, c'est faire fonctionner le corps social constitué, c'est actionner, diriger et régler la marche de l'entreprise organisée. Cette mission se répartit sur toute la hiérarchie du personnel dirigeant, chacun ayant la charge et la responsabilité de son unité, dont il doit tirer le meilleur parti dans l'intérêt de l'entreprise. M. Fayol a tracé, en observateur attentif, le portrait idéal du chef qui commande, de « l'homme capable d'ordonner, c'est-à-dire non point seulement de donner des ordres, mais de faire de l'ordre » : A son avis, les éléments qui constituent la valeur du chef et assurent son rayonnement, sont : la vigueur physique, pour la puissance du travail; la vigueur intellectuelle, qui se compose d'aptitude à comprendre et à s'assimiler, de largeur de vue, de souplesse, de mémoire et de jugement ; la vigueur morale, c'est-à-dire le caractère, fait d'intégrité, de fermeté, de droiture, de sentiment du devoir ; la culture générale correspondant au niveau hiérarchique ; la capacité technique et les connaissances administratives propres à la fonction remplie, avec des notions sur les autres fonctions.

    Le commandement est l'art de manier les hommes. Pour l'exercer, il importe de connaître l'homme en général, ses hommes en particulier et, à fond, ses subordonnés directs ; il faut avoir le courage d'éliminer les incapables, devoir impérieux à accomplir avec discernement ; il faut faire régner dans le personnel l'union, l'activité, obtenir le zèle et le dévouement au lieu de la passivité mécanique, en se souvenant qu'on actionne des volontés et non de simples rouages. Le chef a le pouvoir de se faire obéir ; mais ce n'est pas par la crainte de la répression qu'il doit y arriver; parmi les moyens d'entraînement, l'un des plus efficaces est l'exemple. Pour maintenir la subordination des intérêts particuliers à l'intérêt général, comme pour protéger les droits du personnel, il doit se pénétrer des conventions qui lient les agents à l'entreprise, en vue de leur équitable exécution. Il tiendra compte aussi des circonstances pour conseiller ou réaliser les modifications à apporter à ces conventions afin de les maintenir en harmonie avec les conditions économiques ou sociales en cours. « A l'activité que réclame impérieusement la conduite de l'entreprise, le chef doit joindre une curiosité toujours en éveil, une puissance d'attention tendue vers l'extérieur... Il ne doit jamais se laisser hypnotiser par la satisfaction des résultats acquis... L'entreprise ne vit et ne prospère que par un effort continu de celui qui est à sa tête » (Pinot, Revue de France). Mais, pour se réserver la liberté d'action et de pensée que réclament la direction et le contrôle des affaires importantes et l'étude des perfectionnements, il est nécessaire qu'il ne se laisse pas absorber par les détails. Celui qui commande doit tout savoir; il ne peut ni tout voir, ni tout faire.

    Coordonner, c'est relier, harmoniser tous les actes, tous les efforts, de manière à faciliter le fonctionnement d'une entreprise et à en garantir le succès. La coordination réalise l'unité dans la diversité des opérations ; elle donne à toutes choses les proportions qui conviennent et adapte les moyens au but ; elle subordonne donc les dépenses aux ressources, les constructions, l'outillage, aux besoins de la fabrication, les approvisionnements à la consommation, la production à la vente ; elle fait passer le principal avant l'accessoire ; elle tient compte des répercussions qu'une opération technique, financière, commerciale, peut avoir sur toutes les autres fonctions de l'entreprise.

    Pour que la coordination soit effective, il est indispensable que chaque service marche d'accord avec les autres, que tous soient exactement renseignés sur leur coopération à l'oeuvre commune et sur l'aide mutuelle qu'ils auront à se prêter, enfin, qu'aucun agent ne puisse mettre sa responsabilité à l'abri derrière un autre agent ou derrière une interprétation personnelle d'instructions données.

    Une direction clairvoyante, active et expérimentée empêchera donc que des cloisons ne s'élèvent entre les services et les divisions d'un même service ; elle prendra des mesures pour que les responsabilités soient nettement circonscrites et que chacun ait conscience de ses obligations ; elle tiendra le programme de marche de tous les services en constante harmonie avec les circonstances et l'évolution des éléments de prospérité.

    Contrôler, c'est s'assurer que le programme d'action adopté, les instructions et les ordres donnés sont strictement exécutés et que les règles admises sont fidèlement observées. Le contrôle signale les fautes et les erreurs en vue tant de les réparer que d'en éviter le retour et aussi de faire intervenir les sanctions. Il s'étend à tout, aux personnes, aux choses, aux opérations. Il compare, discute, critique. Il constitue essentiellement la surveillance du chef de l'entreprise et de ses collaborateurs hiérarchisés.

    Pour être efficace, il faut que le contrôle soit fait en temps utile, que ses conclusions pratiques ne restent pas sans effet et, s'il y a lieu, qu'elles soient suivies de sanctions.

    Dans les grandes entreprises, le contrôle est confié à des agents spéciaux possédant les connaissances techniques et administratives correspondant à leur mission.

    A la compétence, le contrôleur doit joindre l'impartialité et le tact ; son indépendance vis-à-vis des contrôlés doit être absolue. L'immixtion du contrôleur dans la direction et l'exécution des services est un danger. Cet empiétement peut avoir de graves conséquences en raison de l'irresponsabilité de celui qui le commet. L'autorité supérieure a le devoir de délimiter d'une manière précise les attributions du contrôleur et de surveiller l'emploi qu'il fait de ses pouvoirs.

    Troisième partie
    Procédés d'administration

    Cette troisième partie n'est pas dans le premier ouvrage de M. Fayol, mais on a pu, d'une part, trouver notre exposé un peu théorique et un peu aride et, d'autre part, M. Fayol a davantage illustré en quelque sorte sa doctrine en se plaçant à un point de vue un peu différent dans les écrits ultérieurs, et en étudiant ce qu'il a appelé l'outillage administratif, c'est-à-dire les procédés d'administration.

    Nous compléterons donc très utilement notre analyse de la doctrine en reproduisant ici une partie d'un « entretien avec M. Fayol », paru dans la « Chronique sociale de France », de janvier 1925. Cette revue avait demandé à M. Fayol quelle méthode permettait le mieux, à son avis, d'apprécier l'organisation d'une entreprise et de préciser les réformes à lui apporter.

    M. Fayol répond :

    Le meilleur procédé est l'étude de ce que j'ai dénommé « l'outillage administratif ». Si celui-ci est satisfaisant, il permettra de se rendre compte exactement de la situation et de la marche de l'entreprise, on pourra d'ailleurs affirmer immédiatement que la prévoyance, Y organisation, le commandement, la coordination et le contrôle sont réalisés dans de bonnes conditions, c'est-à-dire que l'affaire est bien administrée. S'il présente des lacunes, celles-ci permettront le plus souvent de constater les vices d'organisation ou les fautes commises dans le fonctionnement de l'entreprise.

    L'outillage administratif est d'ailleurs d'un emploi très général. Non seulement son étude est précieuse pour ceux qui ont à gérer ou à contrôler une entreprise industrielle, mais à mon sens, son absence est un vice fondamental de nos grands services publics, et je ne verrai guère de plus grand service à rendre au pays que d'en faire adopter l'usage par l'Etat. Ce serait le point de départ de réformes essentielles.

    Qu'est-ce donc « l'outillage administratif ? » C'est une vaste documentation qui embrasse le présent, le passé et l'avenir, qui met à contribution l'élite du personnel et qui, ajoutée à celle qui lui vient de ses autres sources d'information, met la direction en mesure de prendre, dans les meilleures conditions possibles, les décisions dont, elle peut envisager les conséquences et les répercussions.

    Il comprend essentiellement : une étude générale, le programme d'action, les rapports ou comptes rendus, les procès-verbaux des conférences des chefs de service, le tableau d'organisation.

    L'étude générale concerne, à la fois, chacune des parties et l'ensemble de l'entreprise. Elle vise sa situation présente, son passé et son avenir probable.

    L'historique rappelle les considérations qui ont déterminé la création de l'entreprise, les transformations qu'elle a subies et les résultats qu'elle a donnés.

    La situation présente, c'est l'état actuel de toutes les parties et de l'ensemble des ressources et des besoins de l'entreprise envisagée à tous les points de vue.

    L'avenir probable est celui qu'on entrevoit en tenant compte du passé,, du présent et des événements économiques, politiques et sociaux qui peuvent survenir.

    Cette étude suppose un chef expérimenté, habile manieur d'hommes, capable d'obtenir de ses subordonnés une collaboration loyale et active, et prenant largement la part des responsabilités que l'étude comporte pour lui.

    De cette étude résultent les idées générales, les directives du programme d'action.

    Le programme d'action est la réunion, la synthèse des prévisions diverses : annuelles, à long terme, à court terme, spéciales, etc.

    C'est une sorte de tableau d'avenir où les événements prochains sont figurés avec une certaine netteté, selon l'idée qu'on s'en est fait, et où les événements lointains apparaissent de plus en plus vagues. C'est la marche de d'entreprise prévue et préparée pour un certain temps.

    La nécessité du programme d'action est reconnue par tout le monde, mais il s'en faut que la pratique en soit généralisée. Beaucoup d'entreprises privées laissent à désirer sous ce rapport ; cette pratique est exceptionnelle dans l'Etat.

    C'est que la confection du programme d'action exige un grand effort du personnel supérieur et à la tête de l'entreprise, un chef compétent et stahJe, entouré d'un bon état-major.

    On peut résumer comme suit les considérations sur lesquelles reposent la nécessité d'un programme d'action à long terme et les avantages qui résultent de son usage :

    Il est nécessaire dans une entreprise un peu complexe d'avoir des directives mûrement réfléchies à l'avance, qui tracent la direction à suivre pour une période de temps assez longue.

    Ces directives doivent être basées sur une connaissance approfondie de l'entreprise, de sa situation actuelle, des raisons de cette situation et des circonstances extérieures. Les considérations qui les guident étant explicites, si les faits rendent certaines d'entre elles erronées, on pourra modifier les conséquences qui en ont été déduites.

    Le programme d'action doit résulter de la collaboration de tous les agents qui jouissent d'une autorité et supportent une responsabilité.

    La pratique des prévisions, non seulement fait bénéficier automatiquement, le chef des réflexions des agents de l'entreprise, mais force ceux-ci à l'examen des améliorations à apporter dans leur service. C'est 'le meilleur procédé pour assurer automatiquement l'adaptation d'une entreprise à des circonstances nouvelles.

    La collaboration des agents des divers échelons de la hiérarchie pour l'établissement de ces prévisions permet de réaliser entre eux l'unité de vues ; elle leur fait comprendre les raisons de telle ou telle détermination et élargit leur horizon.

    Elle accroît ainsi la valeur de ces agents et, d'autre part, elle permet de les juger, de préciser leur responsabilité et facilite le contrôle du chef.

    Pour le chef, elle est une garantie précieuse de stabilité et de bon accord avec ceux qui le contrôlent.C'est la charte de l'entreprise ; une fois acceptée d'un commun accord, elle établit l'unité de la volonté directrice et 'la confiance mutuelle.

    Les rapports ou comptes rendus, visant les opérations effectuées, sont le complément du programme d'action.

    Les rapports des subordonnés à leurs supérieurs sont établis à chaque échelon de la hiérarchie ; ils sont quotidiens, hebdomadaires, mensuels et annuels. Ils sont un puissant moyen de contrôle.

    Les procès-verbaux des conférences des chefs de service sont établis à la suite de la conférence, qui réunit, chaque semaine, les chefs de service de chaque établissement autour du directeur. Chaque chef de service expose, à son tour, la marche de son service les résultats obtenus, les difficultés rencontrées. Après discussion, le directeur décide. On se quitte en sachant ce qu'on a à faire et en sachant çu'on en rendra compte. En une heure le directeur a fait une revue des principaux événements de la semaine écoulée et des projets concernant la semaine suivante. C'est pour lui un moyen puissant de coordination et de contrôle.

    Le procès-verbal de cette conférence, où toute la vie de l'établissement se déroule, exposée par ses acteurs principaux serait d'un très grand intérêt pour le directeur général. Aucun rapport, aucune correspondance ne pourrait lui donner au même degré la vision du personnel.

    Des tableaux d'organisation à accolades, qui affectent la forme des tableaux généalogiques, permettent de saisir d'un coup d'oeil, mieux qu'on ne pourrait le faire avec une longue description, l'ensemble de l'organisme, les services et ileurs limites, la filière hiérarchique, le poste occupé par chaque agent, le chef dont il relève et les subordonnés auxquels il commande.

    Le tableau attire l'attention sur les chevauchements ou les empiétements, sur les dualités de commandement, sur les fonctions sans titulaires... C'est une sorte de gabarit qui dénonce les imperfections du corps social et dont on peut utilement se servir toutes les fois que l'on constitue ou que l'on modifie l'ensemble ou une partie seulement de l'organisme.

    Accompagné de la définition claire des attributions de chacun, il précise les responsabilités et permet de découvrir rapidement l'agent auquel il faut s'adresser pour traiter d'un sujet déterminé.

    Telles sont les pièces de l'outillage administratif, sur lesquelles j'estime utile d'attirer l'attention de façon particulière. On peut d'ailleurs sans inconvénient en étendre la notion. Pour connaître la situation exacte de l'entreprise, il est nécessaire que ses prix de revient soient correctement établis. A ce titre, les documents statistiques extraits de la comptabilité pour documenter les chefs pourraient rentrer dans cet outillage.

    LE CARACTÈRE DE LA DOCTRINE ADMINISTRATIVE ET SON EXPANSION

    Si nous essayons de préciser les caractères de la doctrine que nous venons .d'exposer, nous serons frappés tout d'abord de la clarté et de la simplicité qui s'en dégagent. C'est ce qui a séduit tous ceux qui ont approfondi les études de M. Fayol.

    Nous n'entendons pas « classer » définitivement l'auteur et son oeuvre en cherchant quelques-uns des jugements portés à cet égard par des personnalités qui s'imposent et d'origines les plus diverses. Nous noterons cependant les lignes suivantes, qui nous paraissent particulièrement heureuses pour caractériser l'impression produite par les « études administratives ».

    M. Sainte-Claire-Deville, directeur technique des mines de la Sarre, écrit : « M. Fayol est devenu l'apôtre d'une nouvelle science appliquée, la science de l'administration et de l'organisation. Sans doute, il y a beau temps que l'administration et l'organisation existent, mais le grand mérite de M. Fayol a été d'avoir observé pendant sa longue carrière nombre de faits d'expérience relatifs à l'organisation, d'avoir dégagé de ses observations quelques principes très simples et de les avoir mis en langage clair. Ces principes sont si simples, si clairs qu'en lisant les notes de M. Fayol on a tendance à se dire : mais c'est vieux tout cela, c'est connu, c'est évident ! Oui, c'est vieux, c'est connu, c'est évident, mais chacun de nous aussi, s'il est sincère, peut faire son examen de conscience et s'avouer que, tout en connaissant ou croyant connaître les principes de M. Fayol, il les a enfreints, volontairement ou non. »

    M. Jules Billard, docteur en droit, auteur d'une importante étude sur « le fayolisme », écrit de son côté : « En lisant M. Fayol, on a l'impression de rencontrer surtout des vérités connues et incontestées. Il est vrai qu'elles relèvent du bon sens pur. Mais aussi, dans les affaires, le rôle du bon sens est essentiel. Rien ne le remplace ; ne voit-on pas des hommes brillants échouer faute d'en avoir et des hommes médiocres réussir parce qu'ils en ont ? C'est que l'idée du bon sens est plus facile que sa mise en pratique. On s'en aperçoit dès qu'on agit... Louons M. Fayol d'avoir fait l'apologie du bons sens. »

    Et voicij enfin, comment s'exprime en un langue particulièrement élégante, le P. Doncoeur, un religieux, ancien combattant, dont les travaux sur les questions sociales ont été depuis longtemps fort remarqués :

    « Nous faisons un cordial accueil à cette littérature ardente qui s'essaye, aujourd'hui, à formuler l'art de conduire les hommes... On dira que les formules sont vieilles, mais comment en parliez-vous si peu ? C'est ce qu'ont fait les hommes d'action... Chose curieuse, c'est autour d'un homme qui n'a pas fait la guerre et qui n'est pas de leur génération qu'ils se retrouvent. La guerre a mis en éveil leur esprit et c'est maintenant vers un ingénieur pacifique qu'ils regardent parce que, par lui, leurs pensées s'organisent en une doctrine cohérente. Le maître de la jeune école française de chefs, M. H. Fayol, hier encore était inconnu du public et son nom définit aujourd'hui une doctrine dont tout le monde a entendu parler... Nous garderons les exemples que M. Fayol tire de son expérience industrielle, mais chacun verra facilement quelles applications spéciales ou quelles transpositions sont exigées par les situations diverses où il se trouve. Elles seront d'autant plus aisées que la doctrine de M. Fayol est particulièrement assimilable du fait qu'elle est essentiellement moyenne. Ne jouant jamais ni au Colbert, ni au Richelieu, ni même au Hugo Stinnes, M. Fayol estime au-dessus de tout la mesure, et ce n'est pas le génie, mais la sagesse qu'il enseigne. La clairvoyante et lente manière d'un Claude Bernard marque son idéal, c'est un homme d'ordre et le mieux fait pour être un éducateur. »

    Si l'on se place au point de vue de la logique pure, M. Fayol peut revendiquer ce titre d'avoir le premier précisé le concept, la notion de l'administration. Le mot était resté vague, le dictionnaire le définit par des synonymes et peut-être avait-il fallu arriver à l'âge de la société anonyme pour bien apercevoir qu'il y avait là une entité philosophique, une idée inspiratrice d'action féconde. La société anonyme du XIXe siècle, en effet, est devenue une entreprise assez importante pour qu'ïl y apparaisse autre chose que son objet propre ; elle n'est pourtant pas aussi vaste que les grands corps sociaux tels que la Marine, la Guerre, l'Etat, trop complexes pour être embrassés d'un seul coup d'oeil. Il avait fallu aussi qu'un homme se trouvât, à l'esprit ouvert et vigoureux, qui voulut bien occuper les loisirs d'une belle vieillesse après une carrière exceptionnelle et où il avait « tout vu », à écrire et à parler.

    Désormais « l'administration, un mot qui évoquait la chose inerte, les bureaux poudreux, les rouages rouilles, les décrets fossiles, apparaît aussi vivante que les nerfs d'un organisme, et son étude est un chapitre, l'un des plus difficiles, mais l'un des plus urgents, de la sociologie » (Wilbois et Vanuxem).

    Nous comprenons mieux maintenant ce que c'est qu'un grand administrateur et, remontant dans l'histoire, nous saisissons mieux quelles étaient les qualités dominantes des grands coloniaux romains, par exemple, et d'hommes tels que Dupleix, Colbert, saint Ignace, Liautey. Qu'on nous pardonne ces rapprochements qui pourront paraître un peu étranges. Les oeuvres de ces hommes-là ne montrent-elles pas qu'ils ont vraiment su à la fois « prévoir, organiser, commander, coordonner, contrôler? » alors qu'à d'autres grands conquérants ou à d'autres génies il a manqué la réunion de toutes ces qualités et quels noms mieux que ceux-là pourraient-ils illustrer la doctrine ?

    Que les idées de M. Fayol aient éveillé dans tous les milieux la plus vive curiosité, cela n'est point surprenant. Nous ne serions pas complets, d'ailleurs, si nous ne mentionnions pas, à côté du maître, les disciples ; nous ne pourrons malheureusement que les citer ; il faudrait sans cela donner à cette note des proportions démesurées.

    La doctrine de M. Fayol n'a pas tardé tout d'abord à se cristalliser autour du « Centre d'études administratives » qu'il a créé lui-même sous la poussée des sollicitations multiples dont il était l'objet. Depuis plusieurs années, le centre d'études administratives se réunit régulièrement tous les huit jours ; à ces conférences, à ces causeries plutôt, que M. Fayol préside avec la bonne grâce et l'autorité que l'on devine, prennent part les hommes les plus éminents venant des milieux les plus divers : écrivains, penseurs, homm.es d'action, ingénieurs et soldats, fonctionnaires et industriels. De cette collaboration active sont déjà sorties d'importantes publications. Nous ne les citons pas toutes.

    C'est tout d'abord, sous la signature d'un des premiers et des plus féconds disciples de M. Fayol, M. Carlioz : Administration et organisation commerciale, magistral traité de l'application immédiate des principes aux entreprises industrielles et commerciales, suivant leur importance, traité développé plus encore par l'auteur sous la forme des leçons qu'il a bientôt été appelé à professer à l'Ecole des hautes études commerciales. Ces ouvrages sont de 1918 ; on voit que le « fayolisme » n'avait pas tardé à conquérir droit de cité à l'école. Ce sont ensuite :

    Essais sur la conduite des affaires et la direction des hommes, de MM. Wilbois et Vanuxem ;

    Industrialiser, de M. Vanuxem ;

    L'incapacité commerciale de l'Etal, la liquidation des stocks, de M. J. Zapp ;

    Les origines biologiques de la fonction administrative, de M. Désaubliaux ;

    L'entreprise gouvernementale et son administration, de M. Albert Schatz ;

    Le jayolisme, du P. Doncoeur ;

    Introduction théorique et pratique à Vétude de l'administration expérimentale, de M. Vanuxem ;

    Essai d'une classification systématique décimale des points de vue envisagés dans la doctrine administrative, par M. Vanuxem ;

    Pour former les hommes qu'il faut à la France et à l'aprês guerre, par MM. A. et L. Franchet ;

    La fonction des chefs d'entreprises dans l'industrie, par M. Palewski ;

    Un essai de doctrine, le fayolisme, par M. Billard ;

    Exposé des principes généraux de la doctrine de M. Fayot, par M. Dautheuil ;

    Projet d'organisation du ministère de, l'éducation nationale selon les principes de la doctrine administrative, par MM. A. et L. Franchet.

    Les monopoles vus de près, par M. Paul Vanuxem.

    Dans l'armée, la doctrine administrative a de fervents adeptes. Dès la première heure, deux jeunes officiers, que de graves blessures après de courageuses actions avaient éloigné des combats, MM. de Mijolla et Desaubliaux, étudiaient « l'administration au front ». Le général Lyautey répandait au Maroc à 2.000 exemplaires une brochure : « Des méthodes modernes d'administration et d'organisation du travail », dont le rédacteur, le colonel Bursaux, écrivait à M. Fayol : « Vous trouverez ici, mot pour mot, ce que vous ne cessez d'enseigner. » Dans une étude sur la fonction administrative dans le domaine militaire, le général de Pouydraguin disait: « On n'attribue généralement le succès d'une armée victorieuse qu'à des capacités militaires purement professionnelles, sans chercher, comme pour l'individu isolé, un facteur plus profond et plus général de la réussite ; ce facteur est celui que M. Fayol est venu mettre en évidence, sous le nom de fonction administrative. » Et le général Pénelon, dans une conférence sur le problème des communications aux armées, se référait aux enseignements de M. Fayol en présentant son livre comme « un discours sur la méthode pour se bien conduire dans la direction des affaires et le maniement des hommes ».

    On enseigne la doctrine administrative à l'Ecole du commissariat de la marine et nous avons déjà cité les belles communications faites à l'Académie de marine par M. le commissaire général Mazerat.

    A l'Ecole supérieure de guerre et au centre des hautes études militaires, M. Fayol lui-même a été sollicité de faire une série de conférences, qui ont été publiées.

    Les revues d'information et d'enseignement ont toutes traité de la question. Citons :

    Le Bulletin de la Société des ingénieurs civils (conférence de M. Fayol, du 3 novembre 1916) ;

    Le Bulletin de la Société d'encouragement (conférence de M. Fayol, du 24 novembre 1917) ;

    La Technique moderne (article de M. Fayol sur l'administration positive dans l'industrie, février 1918) ;

    La Revue pratique du Cercle commercial el industriel de France (article de M. Fayol sur la réforme administrative des services publics, janvier 1918) ;

    L'Information (article de M. Maxime Leroy sur la technique administrative dans l'industrie) ;

    La France Postale (12 janvier 1918) ;

    Le Mercure de France (16 mars 1918) ;

    La Revue politique et parlementaire (juillet 1917, article de M. de Lachapelle sur les idées de M. Henri Fayol) ;

    Le Génie Civil (novembre 1917, article de M. Dautheuil sur l'administration industrielle et générale) ;

    La France nouvelle (mars 1918, article de M. Renucci sur la réforme de notre administration) ;

    Chimie et industrie (article de M. Paul Otlet, sur la technique générale de l'action) ;

    La Science moderne (article de M. Carlioz, sur le gouvernement des entreprises etc...).

    Cette longue énumération montrera bien imparfaitement le retentissement des idées de M. Fayol. Et nous ne parlons pas des propositions de lois basées sur la doctrine de M. Fayol, des articles des syndicalistes les plus notoires, des échos réveillés par la doctrine dans une foule de milieux tels que les Semaines Sociales, la Semaine des P. T. T., la Semaine de la monnaie, des écrits étrangers. Il y en a eu en Pologne, à Heidelberg, au Portugal, en Grèce, à Copenhague, en Roumanie. Nous ne parlons pas des lettres et des visites que M. Fayol reçoit chaque jour : il n'est pas jusqu'à des fonctionnaires bolchevistes, chargés d'étudier les questions d'organisation, qui se sont mis en rapport avec lui.

    La portée de la doctrine administrative est plus grande encore : elle a pénétré les milieux gouvernementaux. M. Fayol avait aperçu tout de suite l'intérêt de ses principes au point de vue de la réforme des services publics et, dès 1919, il publiait dans le Bulletin de la Société de l'Industrie minérale, un mémoire intitulé : « l'industrialisation de l'Etat ». Il faut se rappeler qu'à cette époque l'enthousiasme des réformateurs, suscité par la guerre, battait son plein. Il semblait que nous allions vivre réellement des temps meilleurs, que l'on allait assez facilement faire table rase des vieux errements et que les esprits s'ouvriraient, aussi généreusement que s'étaient ouverts les coeurs à l'appel de la patrie, à chercher et à appliquer sans retard des méthodes nouvelles aux oeuvres considérées jusqu'ici comme intangibles. Et quelles hardiesses dans les conceptions, quelles illusions aussi ! M. Fayol, qui avait gardé toujours le sens de la mesure, eut le courage de montrer que le vice de l'organisation gouvernementale était bien moins dans les grands principes politiques que dans les défauts de la machine administrative. Il n'a pas lui-même l'illusion de les corriger d'un trait de plume et il se rend compte plus qu'aucun autre de l'énormité de la tâche, mais il ne la croit pas impossible et c'est avec la conviction d'un apôtre qu'il la poursuit.

    Appelé à étudier à fond l'organisation des P. T. T., étude pour laquelle toutes les facilités lui furent données par le sous-secrétaire d'Etat alors en fonction, M. Deschamps, il publia en 1921, dans la Revue politique et parlementaire un mémoire important sur ce service de l'Etat et il réussit à établir le cadre complet des réformes à réaliser. Se plaçant au point de vue pratique et immédiat, il indique comme premières mesures à prendre : l'institution d'une direction stable et compétente, l'usage du programme à long terme, la suppression des interventions abusives des parlementaires. Nous n'étonnerons personne en disant que l'Etat n'a encore appliqué aucune de ces mesures.

    Il est assez curieux de noter que les idées de M. Fayol ont l'adhésion de la Fédération nationale des P. T. T. M. Digat, secrétaire fédéral, l'a déclaré dans une longue interview qu'il a accordée à un rédacteur de la Journée industrielle et que l'on trouvera dans le numéro du 12 janvier 1925.

    Mais les affirmations de M. Fayol pénétraient plus effectivement dans les administrations d'Etats. En 1923, il prenait une part prépondérante au Congrès des sciences administratives tenu à Bruxelles, devant M. Jaspar, ministre des Affaires étrangères et les délégués des gouvernements d'une quinzaine de nations, il développait longuement l'utilité de la doctrine administrative, montrant que la direction supérieure de l'Etat doit posséder trois éléments essentiels d'organisation : un chef, un état-major, un outillage administratif. Il voit pour cela le Président du Conseil des ministres déchargé de tout portefeuille et ayant pour mission essentielle de proposer les ministres à l'agrément du Parlement et du chef de l'Etat. Les ministres, en petit nombre subordonnés immédiats du Président du Conseil ont charge d'assurer le fonctionnement d'un groupe de services publics. Ils sont à leur tour les chefs des directeurs de chaque service, qui ont de larges pouvoirs relatifs à la nomination, à l'avancement, à la rémunération, à l'élimination du personnel. Président du Conseil et Ministres sont assistés chacun d'un état-major qui les aide. On fait des programmes d'action, on les soumet au Parlement, on les exécute.

    M. Fayol recueillit au Congrès de 1923, les félicitations unanimes des hautes personnalités qui l'entouraient. Il était d'ailleurs bien préparé à être écouté en Belgique, puisque dès 1921, M. Devèze, ministre de la Défense nationale, avait donné à son personnel des instructions officielles en vue d'adopter la doctrine administrative.

    M. Fayol étudie en ce moment l'organisation des manufactures de tabacs en France. Cette étude n'étant pas terminée, nous n'y ferons pas d'autre allusion.

    Enfin, nous mentionnerons que, lors de la dernière session de la Société des Nations, à Genève, M. Fayol a accepté de faire une conférence, sous les auspices de la Fédération universitaire internationale. Cette conférence n'a pas encore été publiée à l'heure où nous écrivons ces lignes. Quelle place y a-t-il pour les études administratives dans les préoccupations des dirigeants ou des organismes permanents de la Société des Nations ? Pour le dire, nous laisserons parler M. Fayol lui-même, empruntant encore la réponse qu'il fit à cette question pour la « Chronique sociale de France ».

    Plusieurs considérations importantes me paraissent pouvoir déterminer la Société des Nations à prendre directement ou indirectement l'initiative d'une étude générale de l'organisation du travail, voire même de la production, englobant les problèmes d'administration entendus comme je l'ai fait. C'est d'abord que l'organisation imparfaite du travail dans un grand nombre d'entreprises publiques ou privées, par leurs conséquences sans cesse répétées, cause finalement des dommages matériels, du même ordre que les guerres dont nous pouvons continuer à être menacés à des intervalles plus ou moins éloignés ; ensuite, il n'est pas douteux que les Nations ne pourront constituer une association solide que lorsqu'elles seront capables de prendre des engagements sérieux et de les tenir, de même que les comptoirs de vente et les associations de producteurs, si utiles pour la mise en valeur rationnelle des richesses d'un pays, ne sont viables qu'entre entreprises industrielles bien administrées. Il est permis d'espérer que cette étude aura pour conséquence d'améliorer notablement le gouvernement des Nations et leur situation économique.

    C'est dans un esprit semblable que fut tenue la Conférence internationale de Bruxelles en 1930. « Ce qui peut et doit être fait, indiquait M. le président Adar, c'est une étude consciencieuse de la situation économique et financière de tous les Etats et la recherche des meilleurs moyens d'encourager le travail et de remédier aux maux qui, en se prolongeant, conduiraient le monde à sa ruine. » C'est dans le même esprit qu'ont été organisées par le bureau international du travail des enquêtes sur la production.

    Peut-on essayer de dresser un bilan administratif des Etats, de leurs grands services publics, et de leurs grandes entreprises privées ?

    La difficulté serait considérable si la doctrine administrative en indiquant le but à atteindre ne précisait aussi les cadres de l'étude à faire, et n'apportait pas des méthodes scienlifiques d'observation. Je crois que l'enquête pourrait être menée assez rapidement. Elle permettrait d'apprécier la manière dont sont, gérées les affaires publiques dans les divers Etats qui font partie de la Société des Nations ; elle permettrait surtout d'établir un programme des réformes nécessaires et de procurer à l'opinion publique les satisfactions auxquelles elle a le droit de prétendre.

    Nous sommes arrivés au terme de cette note et nous avons montré bien imparfaitement l'étendue de l'oeuvre et les développements à en espérer. Pour M. Fayol la tâche n'est pas encore terminée, car il est de ceux dont on peut dire avec Claude Bernard : « Les esprits qui s'élèvent et deviennent vraiment grands sont ceux qui ne sont jamais satisfaits d'eux-mêmes dans leurs oeuvres accomplies, mais qui tendent toujours à mieux dans des oeuvres nouvelles » Il est incontestable que la doctrine administrative a déjà exercé une influence considérable sur la pensée des hommes de notre génération. Puissions-nous contribuer pour une faible part à l'étendre encore. Nous serons déjà satisfait si le Maître veut bien accepter ce modeste essai, venu après tant d'autres plus autorisés, com.me l'hommage de ses jeunes camarades, auxquels il a toujours témoigné tant d'affection et pour qui sa vie entière reste un continuel sujet d'admiration.

    Saint-Etienne, 17 février 1925.

    Henri VERNEY, Ingénieur civil des mines.


    Henri Joseph FAYOL (le fils), né le 30/1/1899, licencié es sciences, devint directeur des Forges de Strasbourg (1920) puis passa à Felix Potin, à l'Organisation Economique Moderne ; on le retrouve en 1932 responsable des ventes des Aciéries de Pompey, puis en 1936 directeur commercial de Davum ; en 1942, il est répartiteur de fers, fontes et aciers à l'Office central de répartition des produits industriels. A partir de 1944 il dirige des filiales du groupe BOUSSAC. Il préside en 1945 la commission des prix du CNPF, puis en 1966 le Comité national de l'organisation francaise. Contrairement à son père, Henri Fayol fils milite pour un taylorisme rigoureux.





    Mis sur le web par R. Mahl