Gabriel Antoine Clément de CURIÈRES de CASTELNAU (1849-1907)


De Castelnau, élève de Polytechnique
(C) Photo Collections Ecole polytechnique

Polytechnique (promotion 1868, entré classé 15ème et sorti classé 3ème sur 141 élèves), Ecole des mines (sorti classé 1er sur 4 élèves et promu ingénieur quelques mois avant ses camarades), corps des mines.

Fils de Michel Mathieu Marie de Curières de Castelnau (docteur en droit, avocat à Saint-Affrique) et de Marie Antonine Léonie Barthe de Mandegourg (1824-1898). Père de Jean François Marie Joseph Béranger de CURIÈRES de CASTELNAU (1881-1969 ; X 1900), de Marie Antoinette Joséphine Clémentine Ga de Curières de Castelnau, Béatrix de Curières de Castelnau, Marie Joséphine Françoise Félicie Béatri de Curières de Castelnau, Marie François Edouard Augustin Joseph de Curières de Castelnau.
Clément de CURIÈRES de CASTELNAU avait comme frère aîné Léonce de CASTELNAU, conseiller général du Gard puis député de l'Aveyron, et comme frère cadet le fameux général Noël Marie Joseph Edouard de Curières de Castelnau (1851-1944) qui a commandé la 2ème armée française en Lorraine en 1914, puis le groupe d'armées du centre en 1915, enfin l'armée de Lorraine en septembre 1918, fut député de l'Aveyron, fondateur de la Fédération nationale catholique, et dont on retrouve le nom dans le discours de Maurice GARIEL aux obsèques de Pierre Termier.

Décrit dans le registre matricule de Polytechnique comme : Cheveux noirs - Front haut - Nez ordinaire - Yeux bruns - Bouche moyenne - Menton rond - Visage ovale - Taille 166.


Publié dans le Bulletin de l'association des anciens élèves de l'Ecole des Mines (1907)

M. de Castelnau est né à Saint-Affrique le 8 mai 1849 d'une vieille famille du Rouergue, qui, de tous temps, fut représentée dans les grands corps de l'État; ses deux frères sont, l'aîné député et le cadet général.

Il commence ses études au collège Saint-Gabriel près de sa famille, et les termine à Paris. Il entre de bonne heure et brillamment à l'Ecole Polytechnique ; son rang de sortie lui permet de choisir le corps des Mines : il y est nommé le 1er novembre 1870 et fait, encore élève à l'École supérieure des Mines, deux voyages d'études en Angleterre. Il débute dans la carrière comme ingénieur ordinaire à Montpellier, va ensuite à Alais, où il est fait chevalier de la Légion d'honneur, sur la demande du conseil général des Mines, en 1883, puis à Rodez, où il passe ingénieur en chef le 1er octobre 1887.

Pendant qu'il est à Montpellier, des neiges d'une abondance exceptionnelle couvrent brusquement les Cévennes : il faut dégager les voies ferrées; personne n'ose monter sur la première machine; Clément de Castelnau donne l'exemple et reçoit à cette occasion une médaille d'or de première classe.

Le terrible coup de grisou de Graissessac, en 1877, le met en premier contact avec les dangers de la mine. Comme ingénieur à Alais, il organise aux mines de Rochebelle la lutte contre les dégagements instantanés d'acide carbonique. Après l'accident de Fontanes, son remarquable rapport sur la cause de la catastrophe, qu'il attribue nettement à l'acide carbonique, lui donne sur toute la population ouvrière une très grande autorité. Il sait en même temps lui inspirer une telle confiance qu'elle le choisit plus tard pour détendre ses intérêts au moment de la faillite de la Société de Terrenoire et Bessèges. Il réussit à force de patience, d'habileté et d'énergie à faire régler les pensions des ouvriers, tâche qui avait d'abord paru presque inabordable. Il acquiert ainsi une grande réputation, que confirme une lettre de félicitations officielles.

Dans le bassin de l'Aveyron, il ne tarde pas à utiliser à nouveau ses remarquables facultés. Depuis le meurtre de l'ingénieur Vatrin, Decazeville, ce grand centre industriel, était dans un état très critique; il sait y ramener l'ordre.

A Rodez il se plait, à proximité de sa famille et de ses propriétés ; mais, homme de devoir avant tout, il n'hésite pas à sacrifier ses convenances et ses intérêts pour aller occuper le poste difficile de Saint-Étienne. Peu après son arrivée dans la Loire a lieu la terrible explosion de grisou du puits de la Manufacture (3 décembre 1891) qui coûta la vie à une soixantaine d'ouvriers. Aussitôt, aidé des ingénieurs, il parcourt les galeries effondrées, à la recherche des victimes, entraînant à sa suite les mineurs les plus hésitants, avec un courage et un dévouement communicatifs qu'on n'a pas oubliés et qui le fit citer à l'ordre du Corps national des Mines par décision présidentielle du 29 mai 1893.

A la suite de cet accident, la population de Saint-Étienne a appris à l'estimer et à l'aimer, ce qui facilite singulièrement sa tâche auprès des Compagnies. Il peut ainsi mener à bien, avec les seules ressources de l'industrie privée, la fondation de l'École des Aspirants-Gouverneurs, fondation féconde, bien vivante encore aujourd'hui.

En 1893, il devient directeur de l'École nationale des Mines de Saint-Étienne, et le temps de son séjour à Chantegrillet a laissé le souvenir d'une période particulièrement brillante.

Trois ans après, en 1896, séduit par l'offre qui lui est faite de diriger à son tour, d'après ses idées, une de ces grandes exploitations qu'il a jusqu'ici contrôlées avec tant d'autorité, il entre à la Compagnie des Mines de la Grand'Combe. Dès lors, il se consacre tout entier à l'industrie. Son activité exceptionnelle lui permet d'être aussi l'ingénieur-conseil des Mines de Graissessac, de Campagnac, (d'une conduite si délicate à cause du grisou et des feux), puis de celles de Vicoigne et de Noeux, où il améliore la méthode d'exploitation, l'aérage et le remblayage, supprime les goyaux, fait restreindre de plus en plus l'emploi des lampes à feu nu dans toutes les couches de charbon gras ou demi-gras. En même temps, à la Grand'Combe, il donne à l'exploitation une direction et une impulsion toutes nouvelles, transforme l'outillage et contribue à assurer les retraites des ouvriers.

Les électeurs du canton, presque à l'unanimité, l'envoient à Nîmes, en 1898, au Conseil Général, où il les représentera sans interruption jusqu'à sa mort.

Entre temps, il préside la Société métallurgique de Vézin-Aulnoye, s'occupe encore de recherches minières, est chargé de missions en Espagne et en Pologne russe, dirige la rédaction de l'énorme rapport du jury des Mines à l'Exposition de 1900.

Après la catastrophe de Courrières, il fait partie de la commission qui fixe le plan de remise en état des fosses ravagées. A la nouvelle de sa mort si imprévue, l'émotion se peint sur bien des visages : de nombreux ouvriers à la Grand'Combe viennent, les larmes aux yeux, manifester spontanément à leurs ingénieurs toute leur sympathie. [Son successeur à la tête des Mines de la Grand'Combe est Alfred Soubeiran]


Discours aux Funérailles de M. de CASTELNAU,
ingénieur en chef des mines,
le 25 février 1907

Publié dans Annales des Mines, 10eme série, vol. 11, 1907.

DISCOURS DE M. AGUILLON
Inspecteur général des Mines,
AU NOM DU CORPS DES MINES.

Messieurs,

Le camarade qui vient de nous être enlevé si soudainement a occupé dans le Service des Mines, avec tant d'éclat, une place si importante que nous ne pouvons le laisser partir sans que je lui donne, au nom de notre Corps, un dernier souvenir en vous rappelant ce qu'il fut et ce qu'il fit parmi nous. Si j'ai quelque peine à trouver les termes qu'il y faudrait employer et si ma voix tremble, c'est que je ne puis dominer l'émotion qui m'a accablé à la rupture si brutale et si imprévue d'une amitié personnelle de trente-trois ans. Je n'aurais jamais pu croire que ce fût à moi, son aîné de pas mal d'années, qu'incomberait de lui rendre ce devoir, à lui qui semblait taillé pour la plus longue existence.

Presque au début de sa carrière, dans son premier service administratif à Montpellier, il apprenait, avec le coup de grisou de Graissessac, en 1877, ce que doit être la lutte contre les dangers de la mine et contre le grisou en particulier. Puis, à Alais, dans un de nos districts les plus importants, il achevait de se familiariser dans toutes les particularités de notre art avec cette attention éveillée et ce soin méticuleux qu'il apporta à toutes les choses dont il fut chargé; et pour qu'il n'ignorât rien du monde souterrain, de même qu'à Graissessac il avait connu le grisou et ses manifestations les plus violentes, il eut à Rochebelle à organiser la lutte contre les premières manifestations des dégagements instantanés d'acide carbonique, plus rares, mais non moins terribles pour le mineur. En même temps que son autorité technique s'affirmait, son autorité morale et personnelle se révélait par des traits de nature à le mettre singulièrement en relief. N'en est-ce pas un exceptionnel que celui d'un ingénieur au Corps des Mines, relativement encore jeune, qui sans avoir jamais rien fait pour flatter les ouvrier, représentant plutôt par son origine et sa situation les idées qui pouvaient paraître opposées aux leurs, avait su conquérir à ce point leur confiance que, lors de la débâcle financière de la Société de Terrenoire et Bessèges, les ouvriers l'imposaient en quelque sorte à l'Administration pour être le défenseur de leurs intérêts compromis dans ce désastre ?

Promu Ingénieur en Chef à Rodez en 1887, au lendemain des grèves qui avaient tristement ensanglanté les mines de Decazeville, il semblait que sa vie fût fixée, avec un de ces services dont l'importance minière était pour lui plaire et des difficultés de nature à alimenter utilement son activité ; il réalisait, d'autre part, le rêve de s'établir définitivement dans ce Rouergue qui lui fut toujours si cher et auquel le rattachait le double lien de son mariage et de l'ancienneté de sa famille. Mais la haute conception qu'il eut toujours du devoir lui fit renoncer à tous ces avantages matériels pour accepter au premier appel, non sans regret incontestablement - et il n'en avait que plus de mérite - mais sans murmure, la tâche difficile que l'Administration tint à lui confier, en 1891, à Saint-Étienne, dans des circonstances et pour un but que ne peut avoir oublié nul de ceux qui connaissent l'histoire des mines en France, des catastrophes dont elles ont été le théâtre, des efforts qu'il a fallu faire pour les diminuer, si l'on ne peut être assuré de les éviter toujours; cette tâche était rendue encore plus lourde par la réunion, qu'il était devenu nécessaire de réaliser, de la Direction de l'Ecole des Mines à celle du service ordinaire. Nul non plus ne peut avoir oublié avec quelle maîtrise et quels heureux résultats de Castelnau sut remplir cette double mission, malgré diverses résistances qu'il rencontra.

C'est là, après six ans de dur labeur qui l'avaient classé au tout premier rang, que l'industrie privée vint nous le prendre pour lui confier des intérêts d'une tout autre nature. S'il ne m'appartiendrait pas de vous dire quels efforts il eut à déployer dans cette nouvelle orientation de sa vie et quels résultats il a obtenus, la commune renommée a suffi pour nous apprendre qu'il sut être aussi habile qu'heureux dans la gestion des plus grandes exploitations du Midi comme du Nord, malgré leur diversité de conditions. Par un exemple éclatant, il aura montré qu'on peut être d'abord un ferme surveillant, un contrôleur énergique des industriels, le modèle, pourrais-je dire, des ingénieurs des mines de l'Etat, et devenir ensuite un excellent serviteur de l'industrie privée. Il faut pour cela avoir, ici et là, avec une âme un peu relevée, la nette conscience de chacun des devoirs qu'on a à remplir ; notre ami avait l'une et l'autre au suprême degré. Il y ajoutait des dons de premier ordre : une puissance de travail et une constance d'application incomparables ; une connaissance approfondie de la mine dans son ensemble comme dans ses moindres détails ; l'art d'approprier, dans ses projets, les solutions aux circonstances; en toutes choses un rare bon sens et un jugement droit, une finesse et une souplesse d'esprit lui permettant, comme en se jouant, de résoudre les difficultés ou de les tourner ; une habileté pour trouver et retenir les meilleurs collaborateurs et les utiliser, leur demandant beaucoup parce qu'il se ménageait peu lui-même.

Tant de services rendus dans le passé permettaient d'en escompter bien d'autres pour l'avenir dans la pleine vigueur physique et intellectuelle dont il jouissait. Et tout s'est effondré! Et il disparaît, nous laissant cette tristesse particulière que l'on éprouve à la perte de ceux que l'on sait, bien que leur tâche ait été considérable, n'avoir pas rempli encore tout leur destin. Qui oserait dire qu'il ne vaut pas mieux mourir ainsi que de se survivre, si peu que ce soit?

Certes, pour courte qu'ait été sa dernière maladie, elle aurait assez duré pour laisser à notre ami l'affreux regret de tout quitter, s'il n'avait pas été de ceux qui ont toujours cru du plus profond de leur âme aux éternelles et consolatrices espérances, ayant précieusement conservé la foi chrétienne de ses antiques aïeux. Pour nous qui - pour combien de jours ? nous l'ignorons - avons encore à lutter et à travailler ici-bas, gardons fidèlement le souvenir de notre camarade comme de l'un de ceux qui nous ont le plus instruits et le plus honorés par leur travail, leur succès et leur caractère.

Puissent ces pensées être un allégement - s'il en est de possible en ce moment - à la douleur de toute cette famille dont il était fier à juste titre, comme elle pouvait être fière de lui, à la vie de laquelle - c'était sa seule distraction - il trouvait encore le temps de se mêler intimement malgré le labeur quotidien qui l'écrasait. Qu'elle me permette de l'assurer que tous ceux qui l'ont aimé - et il suffisait pour cela de l'avoir fréquenté, - que tous ceux qui l'ont apprécié - et il suffisait pour cela de l'avoir rencontré, - que tous sont de coeur avec elle comme ils le sont avec moi, quand je viens tristement dire à notre ami un adieu définitif sur cette terre, à l'heure où ce grand et fécond travailleur a peut-être pris son premier repos avec son dernier sommeil.


DISCOURS DE M. B. DEFLASSIEUX
Ingénieur civil des Mines, Vice-Président de la Société amicale des anciens élèves de l'École des Mines de Saint-Étienne,
AU NOM DE CETTE SOCIÉTÉ.

Messieurs,

Une voix affectueuse et amie - celle de la Société amicale des Anciens Elèves de l'École des Mines de Saint-Étienne - a le devoir de se faire entendre aujourd'hui, malgré sa profonde douleur, pour dire un dernier adieu à M. de Castelnau et déposer sur le cercueil de l'Ingénieur eu chef des Mines, de l'ancien Directeur de l'École nationale des Mines de Saint-Étienne qu'elle a tant admiré et aimé, l'expression de ses regrets attristés et de sa plus vive reconnaissance.

Le Conseil d'administration de notre Société amicale ne peut oublier, en effet, les services éminents que M. Clément de Castelnau a rendus aux mines du bassin de la Loire, pendant les dix années qu'il a passées au milieu de nous, et aux camarades qui se sont adressés à lui.

Comme Ingénieur en Chef des Mines, sa direction éclairée et sûre fut appréciée de tous. Il connut les angoisses et les tristesses de plusieurs catastrophes dues au grisou, qui semèrent le deuil dans notre grande famille d'ouvriers mineurs.

Son courage et sa science furent à la hauteur des événements : toujours il dirigea les sauvetages avec sureté et précision; il étudia ensuite les modifications à apporter soit à l'aérage, soit à la méthode d'exploitation ; enfin, il donna des avis clairs et raisonnés dont il acceptait, à l'avance, toute la responsabilité. Ses avis, ses conseil étaient toujours écoutés, et suivis comme des ordres. Depuis près de vingt ans, Messieurs, les Mines de la Loire n'ont pas eu de grandes et terribles catastrophes ; à M. de Castelnau revient une grande part de cet immense résultat.

Des voix plus autorisées vous diront ce qu'a été, dans les Mines de Vicoigne et Noeux, de la Grand'Combe et autres, le savant mineur que nous pleurons et la pérte irréparable que la science et l'art des mines viennent de faire.

Comme Directeur de l'École nationale des Mines de Saint-Étienne, de 1893 à 1896, M. de Castelnau sut maintenir et élever le niveau des études théoriques et pratiques, inculquer à ses élèves les principes nécessaires à tout ingénieur qui veut se faire une place honorable dans l'industrie et diriger les ouvriers avec tact, bonté et fermeté. Il montra surtout à ses élèves, par son propre exemple, que le travail ennoblit.

Il s'occupa avec une sollicitude constante du placement des anciens Élèves de l'École et aida de ses conseils les plus judicieux tous ceux qui s'adressèrent à son expérience et a son dévouement inépuisable.

L'homme privé reflétait les qualités admirables de son âme forte, droite et bien trempée. Notre vénéré doyen et toujours aimable camarade, M. de Villaine, Directeur honoraire et ancien Directeur des Mines de Montrambert pendant plus de cinquante ans, s'exprimait ainsi, il y a peu de temps : « M. de Castelnau est l'un des hommes pour lesquels, à tous les points de vue, j'ai la plus grande et la plus méritée estime et considération. »

En présence de la mort soudaine de cet homme de bien, qui nous a surpris comme un coup de foudre, au milieu de l'émotion générale de tous ceux qui l'ont connu, apprécié et aimé, le Conseil d'administration et les Membres de notre Société amicale présentent à sa digne compagne, à ses enfants et à sa famille en pleurs leurs respectueuses condoléances.

Au revoir, Monsieur de Castelnau, dans la patrie céleste où Dieu vous a donné une place pour récompenser votre belle vie toute de dévouement, de travail et d'honneur.


DISCOURS DE M. DE WARENGH1EN
Prisident du Conseil d'administration de la Compagnie des mines de Vicoigne et Noeux,
AU NOM DE CETTE COMPAGNIE.

Messieurs,

C'est sous le coup d'une profonde et douloureuse émotion qu'au nom de la Compagnie des Mines de Vicoigne et de Noeux, de son Conseil et de son personnel tout entier, je viens adresser à l'Ingénieur éminent, au collègue affectionné, à l'homme de bien que la mort a couché prématurément dans la tombe, notre suprême adieu.

Il y a quelques jours à peine, il était encore au milieu de nous, plein de vigueur et de santé, traitant, avec la netteté d'esprit, la sûreté de jugement qui nous rendaient sa collaboration si précieuse, les questions soumises à nos délibérations ; et voici que, terrassé par un mal que des complications soudaines ont aggravé, il est enlevé cruellement à tous ceux que tant de chers liens attachaient à lui.

Ingénieur en Chef au Corps des Mines, ancien Directeur de l'École des Mines de Saint-Étienne, de Castelnau nous appartenait depuis dix ans. Il avait bien voulu, malgré les grands intérêts dont il était déjà chargé, nous consacrer une part de son temps et de son infatigable activité.

Trop longue serait l'énumération des services rendus par lui à notre Compagnie, des décisions importantes provoquées par les études approfondies auxquelles il se livrait sur les ressources de notre gisement. Est-il besoin de rappeler quelle place la sécurité de nos mineurs tenait dans ses préoccupations, quelle ardeur il apportait à l'examen des moyens d'améliorer les conditions et de diminuer les risques de leur travail, d'augmenter leur bien-être, de leur ménager les avantages susceptibles d'être mis à leur portée? Notre haut personnel, qu'il inspirait sans rien lui enlever de son initiative, avait en lui la confiance, la plus justifiée, reconnaissant sa compétence exceptionnelle, l'autorité discrète et courtoise du chef expérimenté. Nos jeunes ingénieurs, qu'il aimait souvent à traiter en camarades plutôt qu'en subalternes, n'oublieront pas avec quelle sollicitude il s'informait de leurs situations respectives et s'intéressait au développement de leur carrière.

A ces qualités, qui lui valaient l'estime et la déférence de tous, combien d'autres s'ajoutaient qui lui attiraient les sympathies : à côté de l'ingénieur toujours consulté avec fruit, nous trouvions le meilleur des collègues, et, dans l'intimité d'une collaboration fréquente, l'ami le plus sûr.

De Castelnau, en effet, n'était pas seulement une intelligence supérieurement douée et cultivée, c'était un caractère et c'était un grand coeur.

Il avait puisé à la source des plus saines et des plus nobles traditions ces principes et ces sentiments de foi chrétienne, d'honneur, de droiture, de franchise vaillante, devant lesquels on ne pouvait pas ne pas s'incliner. Il était bien, à cet égard, le frère des hommes distingués dont les services et le talent ont marqué brillamment leur place dans l'armée, dans le barreau et le Parlement. C'est à son attitude d'une simplicité digne, bien faite pour rehausser son mérite, qu'il devait les suffrages fidèles de ses électeurs du Gard, et son siège au Conseil Général de ce département.

La pensée du bien qu'il était appelé à faire, qu'il aurait certainement fait encore, navre tous ceux qui, l'ayant connu, ne cesseront pas de le regretter.

Que dire du déchirement profond que sa perte laisse au coeur des siens, dans cette famille si fortement groupée, si tendrement unie, où la mort, dont les choix mystérieux déconcertent et troublent les âmes les mieux trempées, vient de jeter le deuil et la désolation?

Nous ne trouvons pas de paroles en face d'une pareille douleur, mais nous voudrions que l'expression de nos sympathies portât jusqu'à elle quelque chose comme un adoucissement.

C'est à cela seulement que peuvent prétendre notre condoléance émue et notre reconnaissant souvenir.

A Dieu, cher collègue et ami, à Dieu.


ALLOCUTION DE M. MASCART
Membre de l'Institut
au Conseil d'Administration de la Compagnie des Mines de la Grand'Combe, dans sa séance du 26 février 1907.

Publié dans le Bulletin de l'association des anciens élèves de l'Ecole des Mines (1907)

Je regrette vivement qu'un malentendu ne m'ait pas permis de traduire les sentiments du Conseil aux obsèques de M. de Castelnau.

Nous ne pouvons pas oublier qu'il est entré dans la Compagnie à une époque très critique, et qu'il a abordé cette situation avec un absolu dévouement.

C'est à son initiative que nous devons la réfection du matériel, la réforme des méthodes d'exploitation et l'ensemble des mesures de prudence adoptées par le Conseil pour assurer l'avenir de la Caisse des retraites. Les dix dernières années ont exigé de lourds sacrifices, mais si nous retrouvons plus tard des périodes de prospérité, c'est à lui que la Compagnie en sera redevable. M. de Castelnau avait, à un degré éminent, toutes les qualités de l'ingénieur, une compétence technique exceptionnelle, une rare aptitude commerciale et une influence respectée sur tout le personnel. Il devait cette influence à son autorité scientifique, à la netteté des idées et a la loyauté de son caractère.

Nous ne pouvons songer sans une profonde amertume, que son dernier séjour à la Grand Combe lui a été fatal et que, mieux informés sur son état de santé, nous aurions pu lui éviter ce voyage.

Ses qualités personnelles lui avaient valu la confiance du Conseil ; pour votre président en particulier, les onze années de travail commun avec M. de Castelnau lui laisseront un souvenir inoubliable.


LETTRE DE M. DARCY
Président du Comité central des Houillères de France
lue par M. Gruner dans la séance du 16 mars 1907.

MES CHERS CONFRÈRES,

Je n'ai jamais tant déploré d'être retenu loin de nos assemblées qu'en ce jour où il m'eût incombé d'adresser devant vous et en votre nom un dernier hommage de sympathique attachement et de reconnaissance à nos morts de ce mois.

Dans des fortunes diverses, l'un, un professionnel, l'autre, M. Casimir-Périer, une illustration de la Cité, prêtaient à notre Comité un concours précieux.

Le comte de Curières de Castelnau fut un ingénieur éminent ; il avait une rare puissance de travail et de probité ; il mettait l'honneur de sa profession au même prix que le sien et ce n'est pas peu dire ; nos plus grandes Compagnies ont ressenti les effets bienfaisants de sa collaboration; son nom restera particulièrement attaché à l'histoire de la Grand'Combe, à l'histoire aussi de notre exposition de 1900, dont il fut le savant rapporteur.


Concernant de Castelnau, voir aussi : Biographies de Emile Coste, Louis Tauzin, et Henri Kuss.


Jean-François, fils aîné de Clément, élève de Polytechnique (promotion 1900)
(C) Collections Ecole polytechnique


Graffiti autographe de Clément de Castelnau, laissé lors d'une visite d'élèves de l'Ecole des mines de Paris dans les catacombes, probablement le 22 juin 1872. On reconnaît le nom de quelques camarades de promotion.
Crédits photographiques : Ecole des mines de Paris et Aymeline Wrona. Photo réalisée sur une idée de Gilles Thomas.
Voir aussi : Les murs de l'histoire / L'histoire des murs, par Gilles Thomas