Notice Historique de l'Ecole des Mines de Paris, Louis Aguillon

CHAPITRE V.

L'ÉCOLE DES MINES DU MONT-BLANC.
(1802 - 1814).

Les renseignements anciens sur la mine de Pesey sont extraits en majeure partie d'un mémoire de H. Lelivec, ingénieur des mines du département du Mont-Blanc, qui a été inséré dans le Journal des mines (t. XX, 2e semestre 1806), sous le titre : Statistique des mines et usines du département du Mont-Blanc ; les renseignements relatifs à la direction de Schreiber proviennent des archives du ministère des travaux publics, registres du conseil général des mines, etc.

Pesey, où Chaptal et Napoléon avaient déporté l'École des mines, est une assez pauvre commune de la Tarentaise, dont le seul avantage est d'être située dans une vallée des plus justement réputées de la Savoie pour sa beauté pittoresque ; elle s'ouvre sur la rive gauche de l'Isère à quelque 20 kilomètres en amont de Moutiers et descend du glacier de Pépin qui couronne sur sa face septentrionale l'Aiguille du midi (3.360 mètres d'altitude). Pesey, à une altitude de 1.300 mètres, est à 4 kilomètres en amont du débouché de la vallée ; les mines sont à 4 kilomètres plus haut; le gîte affleure à la cote de 1.580 mètres sur la rive gauche de la vallée, au pied de la falaise que surmonte le glacier. Un sentier accessible seulement aux mulets reliait à cette époque Pesey et la mine à la vallée de l'Isère.

La mine de Pesey est constituée par un filon-couche ; l'exploitation a porté à peu près exclusivement sur une colonne, très inclinée, de galène tenant 210 grammes d'argent aux 100 kilogrammes de plomb. La colonne avait été extrêmement riche dans les parties hautes où elle avait présenté une puissance de 8 mètres, donnant assez aisément des minerais à 82 % de plomb. Puissance et richesse avaient diminué rapidement en profondeur. En 1806, à l'avancement, à une profondeur d'une centaine de mètres, on n'avait plus que 1 mètre de minerai de bocard.

Découvert en 1714, le gîte fût tout d'abord exploité faiblement et par intervalles. En 1742 il passa aux mains d'une compagnie anglaise qui avait obtenu un privilège exclusif pour la recherche des mines en Savoie, avec concession pour 40 ans de celles qu'elle découvrirait. Mais vers 1760, après 18 ans d'une exploitation très lucrative, la compagnie anglaise fut forcée de rétrocéder cet établissement à une compagnie sarde qui continua l'exploitation jusqu'à la conquête de la Savoie par la France en 1792. Les principaux actionnaires et employés avaient émigré et les travaux étaient suspendus. La mine fut déclarée nationale par un arrêté de l'administration départementale du Mont-Blanc du 9 brumaire an II (30 octobre 1793) ; mais il n'y fut plus travaillé jusqu'à la reprise qu'allait provoquer l'installation de l'École dans le milieu de 1802.

De 1745 à 1792, la mine de Pesey avait produit 14.670 tonnes de plomb et 36.670 kilogrammes d'argent, soit environ par an 300 tonnes de plomb et 800 kilogrammes d'argent. De 1760 à 1792, le bénéfice réalisé avait été de 2.067.269 francs, soit moyennement 65.000 francs par an. Mais il s'était élevé dans certaines années, notamment en 1774, jusqu'à 216.000 francs. En 1774, la mine aurait produit les quantités réellement énormes pour l'époque de 3.460 tonnes de plomb et 4.689 kilogr. d'argent.
Par contre, de 1786 à 1792, le fond de la mine se trouvant inondé et la grande galerie d'écoulement faite pour la désinonder n'ayant percé aux eaux que dans cette année, l'exploitation n'avait porté que sur de vieux piliers, et le bénéfice annuel n'avait été moyennement que d'une quarantaine de mille francs. (Cette galerie de fond avait, avec les contournements de son tracé, une longueur de 1.300 mètres environ ; sa longueur réduite ne correspondait qu'à quelque 600 mètres; elle venait percer dans le puits principal à une centaine de mètres au-dessous de son orifice).

Ces résultats avaient déterminé le gouvernement à mettre l'École à Pesey. Non seulement, en effet, il entendait que les bénéfices de l'exploitation fissent face à toutes les dépenses de l'Ecole, mais encore il ne fut alloué à l'administration des mines aucun crédit extraordinaire pour les premières dépenses. Une diminution opérée sur les traitements des ingénieurs de tout grade permit de pourvoir à ces frais; le talent et l'activité de Schreiber, qui avait été nommé directeur, permit de réaliser le programme. Les preuves d'habileté qu'avait données cet ingénieur et les succès qu'il avait obtenus depuis 1777, dans l'exploitation des mines voisines d'Allemont, jouèrent certainement un grand rôle dans sa désignation à ce nouveau poste et, peut-être même, dans l'adoption du plan réalisé par l'arrêté consulaire du 12 février 1802. Schreiber était resté directeur des mines d'Allemont pour le compte du Domaine jusqu'en 1802; il passa de là directement à Pesey.

Les conditions dans lesquelles Schreiber débutait dans sa direction n'étaient cependant guère favorables. L'établissement se trouvait abandonné depuis plus de dix ans ; les galeries et puits étaient partiellement éboulés; la maison de direction et les baraques des ouvriers inhabitables; les bâtiments d'exploitation tombaient en ruines. Schreiber sut tout d'abord réunir le personnel nécessaire et le forma lui-même en partie grâce à sa grande pratique du métier. La maison de direction fut remise en état. On construisit à l'entrée de la galerie d'écoulement, devenue galerie de sortage, une laverie, puis, plus tard, une autre plus basse et moins sujette à être arrêtée par les gelées ; on rétablit enfin une fonderie et un atelier de coupellation. De 1803 à 1805, Schreiber put arriver à produire 242 tonnes de plomb, 45 tonnes de litharge et 823 kilogrammes d'argent, réalisant un bénéfice net de 22.214 francs, après avoir fait face à 128.720 francs de frais de premier établissement et ayant, en outre, un stock de 46.720 francs. En 1806, le bénéfice net fut de 80.000 francs. Les années suivantes, jusqu'à la disparition de l'École en 1814, la production se tint, avec du schlich à 70 p. 100, aux environs de 250 tonnes de plomb et de 560 kilogrammes d'argent donnant un produit brut de 350.000 francs et un bénéfice net de 170.000 à 180.000 francs. La mine de Pesey occupait alors 300 ouvriers, dont moitié à l'intérieur ; toujours à l'imitation de ce qui se faisait dans les districts miniers allemands, Schreiber ne manqua pas d'établir, en faveur de ce personnel, des institutions de prévoyance contre la maladie et les accidents.

En somme Schreiber réussit pleinement non seulement à assurer la marche de l'entreprise et, par suite, le fonctionnement de l'École, mais encore à constituer des réserves qui, plus tard, de 1814 à 1816, servirent à payer les frais des deux déménagements que l'École, rétablie à Paris, eut à faire de l'hôtel Mouchy au Petit-Luxembourg, et de celui-ci à l'hôtel Vendôme.

Sans vouloir diminuer le talent hors de pair que Schreiber eut à déployer pour atteindre ce but, il est tout au moins intéressant d'observer que ces résultats n'ont pu être obtenus, avec une production relativement si faible, que parce que le plomb valait 80 à 90 francs les 100 kil., l'argent 220 francs le kil., et que, d'autre part, les ouvriers d'état n'étaient payés que lf,20 et les manoeuvres Of,50 par jour; en outre, le combustible venait des forêts affectées à l'établissement et ne donnait lieu qu'à des redevances peu importantes en faveur des communes.

Avant même que Schreiber eût pu entreprendre de remonter l'exploitation, l'administration s'était préoccupée de compléter l'organisation de la nouvelle École. Quelques jours après que l'arrêté des Consuls du 12 février 1802 (23 pluviôse an X) eut fixé l'École à Pesey, un autre arrêté du 27 ventôse (18 mars), en même temps qu'il désignait Schreiber comme directeur, nommait comme professeurs Baillet du Belloy, Hassenfratz et Brochant de Villiers.

L'École devait fonctionner sous la haute surveillance du conseil des mines. Mais la distance et la difficulté des communications décidèrent Chaptal à en remettre, par décision du 30 mars 1802 (5 germinal an X), l'administration directe à un comité formé du directeur et des trois professeurs. Le conseil des mines ne continua pas moins à s'en occuper avec sollicitude. En 1803, dès la première année de son fonctionnement, Gillet de Laumont, malgré son âge et ses infirmités, vint lui-même en Savoie, heureux, comme jadis dans la maison d'instruction de l'agence des mines, de se trouver entouré des jeunes élèves; il se fit un plaisir de les accompagner dans leurs courses géologiques auxquelles donnait un attrait si particulier un pays plus propre peut-être, il est vrai, à former des alpinistes que des ingénieurs et des métallurgistes.

L'École était organisée, au moins sur le papier. Quand on voulut la faire fonctionner réellement on s'aperçut de l'impossibilité absolue d'installer matériellement élèves et professeurs sur les pentes neigeuses de Pesey, inhabitables une partie de l'année, hors et loin de tout chemin carrossable, sans bâtiment pour recevoir le personnel; il fallait l'étrange légèreté avec laquelle paraît avoir été rendu l'arrêté consulaire de février 1802, pour qu'on ne se fût pas rendu compte tout de suite d'une pareille situation. On y remédia en affectant à l'École, par arrêté consulaire du 27 nivôse an XI (17 janvier 1803), les bâtiments du séminaire de Moutiers, transformés à cette époque en manutention militaire. Schreiber, que Lefroy, à titre d'inspecteur sous-directeur, vint aider dans ce travail spécial dès le printemps de 1803, y fit établir un assez vaste laboratoire avec ses dépendances, une bibliothèque, des salles de dessin et d'étude, un cabinet de minéralogie un peu rudimentaire, des logements pour le directeur et quelques ingénieurs. Le laboratoire était assez pauvrement installé, surtout au début. Berthier (Journal des mines, t. XXII, 1807, p. 82) ne put pas y achever certaines analyses faute de creusets métalliques. C'est ainsi que fut effectivement établie à Moutiers l'Ecole légalement fixée à Pesey ; elle fut dorénavant plus généralement désignée sous l'appellation d'Ecole pratique du Mont-Blanc.

Dans cette curieuse expérience poursuivie dans la Tarentaise, de 1802 à 1814, il y a, d'ailleurs, deux choses à distinguer. Le conseil des mines n'avait pas aisément renoncé à son idée d'arrondissements minéralogiques constitués à l'imitation des districts miniers allemands, dans lesquels l'administration devait être chargée directement ou indirectement de l'exploitation des mines et usines; ces idées étaient de nature à rencontrer plus de crédit que par le passé avec le nouveau gouvernement et une situation financière meilleure (On le voit bien par le décret du 18 novembre 1810 portant réorganisation du corps des mines qui, dans ses articles 73 à 78, prévoit la direction d'établissements pour le compte de l'État par les ingénieurs des mines).

Aussi le conseil parvint-il à créer un pareil arrondissement autour de l'Ecole pratique du Mont-Blanc. Un décret du 22 frimaire an XIII (13 décembre 1804) réserva à l'Ecole un district de quelque 450.000 hectares, englobant la Tarentaise et la Maurienne; l'administration de l'École, sous la surveillance du conseil des mines et l'autorité du ministre de l'intérieur, pouvait seule, dans ce district, exploiter des mines ou les faire exploiter sous sa surveillance directe, sauf réserve des droits déjà constitués sur les mines d'anthracite d'Entrevernes. Le personnel dont disposait Schreiber était insuffisant pour qu'il pût faire explorer directement tout le vaste périmètre de l'arrondissement. Aussi, pour inciter les recherches, fit-il adopter, par décision ministérielle du 12 novembre 1811, une organisation en vertu de laquelle tout individu pouvait faire des recherches et ouvrir une exploitation avec son autorisation, sauf à envoyer le minerai à Conflans. L'administration pouvait toujours reprendre une exploitation ainsi ouverte, à charge pendant dix ans de remettre à celui qui l'avait créée la moitié des bénéfices nets qu'elle produirait.
Bien que la mine d'Entrevernes ne fût pas exploitée directement par l'administration de l'École, celle-ci intervint assez activement pour y faire appliquer des méthodes qui étaient à la fois un modèle pour le pays et un utile enseignement pour les élèves.

On décida, en outre, l'établissement à Conflans, en face d'Albertville, au confluent de l'Isère et de l'Agly, d'une grande fonderie centrale pour plomb et cuivre, destinée au traitement des minerais provenant des diverses exploitations qui seraient faites par l'administration de l'École. Pour permettre la construction de cette fonderie, le même décret lui affecta les vastes bâtiments de l'ancienne saline où l'on avait essayé jadis de traiter les eaux de Salins, près Moutiers, à 25 kilomètres de distance. Ces bâtiments s'étendaient, avec 300 mètres de longueur, sur les trois côtés d'une grande-cour.

A côté de l'arrondissement minéralogique ainsi créé, véritable entreprise industrielle dont le succès ne laissa pas d'être prospère, l'École vécut d'une vie assez distincte, médiocrement brillante on le verra, mais qui heureusement, par suite des modifications apportées en fait à la constitution primitivement projetée, fut moins désastreuse que l'arrêté organique de février 1802 ne pouvait le faire craindre.

Tous les projets dont le décret de 1804 avait posé le programme, résultaient, en partie du reste, des constatations que Schreiber n'avait pas tardé à faire en reprenant l'exploitation de la mine de Pesey. Les difficultés qu'il rencontra ne menaçaient de rien moins que de faire disparaître le motif principal qui pût expliquer sinon justifier l'établissement d'une École dans ces régions. Dès 1806, quatre ans à peine après la reprise des travaux, les bois qui servaient à alimenter la fonderie de Pesey commençaient à s'épuiser, et l'on pouvait prévoir que dans peu d'années l'approvisionnement deviendrait impossible puisque l'on ne pouvait songer à en faire venir d'un peu loin avec les seuls transports à dos de mulet dont on pouvait disposer. Schreiber avait eu beau s'ingénier pour améliorer ses fours. Vainement il avait essayé de les faire marcher avec les anthracites de la Tarentaise.

D'autre part le gîte de Pesey s'appauvrissait sensiblement en profondeur. Aussi Schreiber porta-t-il son attention sur les gîtes voisins qui pourraient faire l'objet d'une utile exploitation, et il fut assez heureux pour réussir complètement à Mâcot, mine située à quelque 10 kilomètres au sud-ouest de Pesey, dans une vallée parallèle, mais à une altitude encore plus grande, il est vrai, 2.100 mètres. En 1813 Mâcot était en exploitation avec un bocard spécial établi au pied de la mine, à la Roche, à 1.800 mètres d'altitude, et Mâcot, jusqu'en 1866, a fourni le principal aliment à l'ensemble de l'entreprise originairement créée par Schreiber.

On ne pouvait songer à remonter à la fonderie de Pesey les minerais de Mâcot et ceux des autres mines qu'on espérait découvrir. Conflans était au contraire dans une situation excellente, avec une force motrice considérable, au débouché de toutes les vallées du pays dont on pouvait recevoir minerais et combustibles. Désireux de faire les bénéfices nets les plus considérables, Schreiber, tant que Pesey continuait à marcher, mena fort lentement la construction de la grande fonderie projetée dès la fin de 1804. La fonderie fut placée dans le bâtiment central de l'ancienne saline ; les magasins et ateliers dans une des ailes ; dans l'autre, qui serait devenue une succursale de l'École, sinon même plus tard l'École même, pouvaient être disposés le laboratoire, les salles d'étude et les logements. L'établissement de cette fonderie centrale par les soins de Schreiber, secondé par les professeurs et les ingénieurs attachés à l'École, fut un fructueux sujet d'études pour les élèves. On y signalait principalement une grande machine soufflante à cylindres qui fut considérée comme un progrès considérable réalisé sur les trompes encore employées à Pesey. Une première campagne d'essai, plus que de marche courante, put être faite du 22 septembre au 13 octobre 1813, sous la conduite de l'ingénieur Hérault, plus spécialement attaché à ce service. En 1814, lorsque la mine de Mâcot eut été en pleine exploitation, la fonderie de Conflans devait entrer en roulement régulier; mais ce fut l'année où la Savoie allait reprendre toute cette belle organisation créée avec tant de talent et de succès par Schreiber.

En dehors de l'entreprise industrielle dépendant de Schreiber était la saline établie à Moutiers même, qui traitait les eaux sourdant à Salins, à 1 kilomètre de distance ; cette saline dépendait directement de la régie et point de la direction de l'École ; mais elle pouvait servir d'objet d'études aux élèves auxquels maintenant il nous faut revenir. Les sources de Salins et la saline de Moutiers ont été décrites en grand détail par Berthier en 1807 (Journal des mines, t. XXII). Elles rendaient net au Trésor quelque 120.000 francs avec une production annuelle de 1.000 tonnes. Si tout enseignement spécial sur les mines et la métallurgie n'a pas sombré dans l'expérience de Moutiers, on le doit aux professeurs qui y furent nommés et à la façon dont ils comprirent leur mission, tout autrement fort heureusement que ne l'avait entendu l'arrêté organique de février 1802.

Baillet pour l'exploitation et Hassenfratz pour la métallurgie ne firent que continuer à Pesey l'excellent enseignement de théorie appliquée que, depuis plusieurs années déjà, ils donnaient à Paris et qu'ils devaient y continuer à partir de 1816 pendant tant d'années encore, alors que l'arrêté du 12 février 1802 ne prévoyait qu'un enseignement essentiellement pratique. Le désaccord entre les faits et le programme officiel était inévitable ; l'arrêté des Consuls de février 1802 avait méconnu le caractère de l'enseignement spécial indispensable à la suite de celui, touchant aux généralités plus qu'aux spécialités, que recevaient les élèves del'Ecole polytechnique. Cette nécessité s'accentuait d'autant plus que l'enseignement de l'Ecole polytechnique tendait davantage vers la pure théorie des sciences mathématiques.

Brochant de Villiers qui, à peine âgé de 30 ans, était appelé à succéder à Haüy, dont le haut enseignement, commencé si magistralement à l'École des mines, devait se continuer au Muséum, allait maintenir ce cours à la hauteur où l'avaient mis déjà ses illustres devanciers. Ce qu'était ce cours au moment où Brochant monta dans une chaire dont il devait rester titulaire pendant 33 ans, on peut aisément s'en rendre compte par le Traité élémentaire de minéralogie qu'il publia à cette époque (2 vol. in-8, Paris, chez Williers), le premier volume en l'an IX, un an par conséquent avant le Traité d'Haüy, et le deuxième volume en l'an XI. Brochant de Villiers, dans le titre même de son ouvrage, indiquait que sa minéralogie était présentée suivant les principes du professeur Werner. Toutefois son Traité et son enseignement étaient complétés par l'exposé des conceptions cristallographiques nouvellement découvertes par Haüy, en sorte qu'ils présentaient une heureuse synthèse des deux méthodes. Le second volume était particulièrement intéressant par le petit Traité des roches qui le terminait, constituant ainsi un des premiers ouvrages de pure géologie. Aussi bien, Brochant, par les belles études qu'il allait entreprendre avec tant de succès dans la Tarentaise, devait provoquer dans la géologie des progrès qui ont puissamment contribué à l'asseoir comme science indépendante, aux lieu et place de cette géographie physique, comme on désignait auparavant les connaissances purement géographiques ou statistiques, mnémoniques plus que scientifiques, qu'on enseignait sous cette appellation. Le résultat le plus appréciable, et peut être le seul appréciable au point de vue scolaire, du transfert de l'Ecole des mines à Pesey est d'avoir fourni à Brochant une occasion de faire ces travaux.

On aura sans doute remarqué dans l'arrêté organique la suppression du cours de docimasie qui venait d'être professé d'une façon si nouvelle et avec tant d'éclat par Vauquelin, et après lui si fructueusement par son élève et disciple, Collet-Descotils. Il fut suppléé en fait, tant bien que mal, et plutôt mal que bien, à cette autre lacune de l'organisation prévue dans l'arrêté consulaire de février 1802, par quelques notions qu'Hassenfratz ajouta, à cet effet, à ses leçons de métallurgie et par la pratique du laboratoire, dans lequel les élèves étaient exercés durant la période des exercices pratiques, sous la direction et la surveillance des ingénieurs qui restaient attachés à l'École plus ou moins longtemps, avant d'être envoyés en service. Mais la liberté dont on jouissait à Moutiers était telle que ces exercices au laboratoire, passagers du reste, ne furent jamais très suivis, au moins par la majorité des élèves. Un Berthier a pu se former dans un tel milieu; mais tous n'ont pas la vocation et les aptitudes d'un Berthier.

L'École, grâce à Lefroy, dont il semble que la spécialité devait être de présider à toutes les installations matérielles de l'École dans ses diverses pérégrinations, fut à peu près en mesure de fonctionner dans le printemps de 1803; à partir de ce moment, l'enseignement y continua régulièrement pendant onze ans jusqu'aux événements de 1813-1814. Il s'y poursuivit, suivant une méthode qui ne laissa pas d'être assez particulière et qui était une conséquence de l'ensemble des circonstances dans lesquelles l'École avait été créée.

Schreiber, très absorbé par la direction technique d'une entreprise qui n'était pas très facile, rendu quelque peu sauvage par sa nationalité et son extraction première, paraissant avoir peu de goût pour les choses de l'enseignement, ne quittait guère Pesey; il s'en remettait aux professeurs de tout ce qui touchait à l'instruction théorique, et aux ingénieurs placés sous sa direction comme inspecteurs ou sous-directeurs, pour les exercices pratiques.

Les professeurs ne venaient guère à Moutiers que pour y faire leurs cours; aussi bien, à partir de la réorganisation du corps en 1810, Hassenfratz et Baillet, étant inspecteurs divisionnaires et membres du conseil général des mines, n'auraient pas pu y résider. L'enseignement théorique se donnait donc par périodes successives que chacun des professeurs occupait exclusivement, pendant trois mois au début de l'institution, et deux mois seulement à la fin.
Les professeurs titulaires étaient parfois remplacés par un ingénieur envoyé en mission pour faire le cours à leur place. C'est ainsi que Cordier fit le cours de minéralogie d'août à décembre 1804.
Par contre, en 1811, il n'y eut pas de cours d'exploitation par suite d'une mission qui empêcha Baillet de se rendre à Moutiers.

Tout en gardant le même fond de programme, le développement donné aux matières et la manière de les exposer variaient d'après l'état d'instruction où le professeur trouvait les élèves. Suivant les années, Hassenfratz. qui, ainsi que nous l'avons dit, devait compléter son cours de métallurgie par les notions jugées nécessaires. de docimasie ou de chimie, faisait une leçon, ou ce qui serait plus exact, une conférence tous les jours ou tous les deux jours ou même parfois deux fois par jour.

Entre les leçons, pendant la période d'enseignement technique, les élèves devaient se réunir pour repasser ensemble, sous la direction de celui d'entre eux faisant fonctions de brigadier, la leçon du professeur et la rédiger. Brochant de Villiers terminait chaque année son cours par des courses géologiques dans les environs.

A la suite de chaque cours le professeur, avant de quitter Pesey, faisait passer l'examen sur son cours et donnait les notes qui servaient au classement.

Après ou entre les cours théoriques les élèves se succédaient alternativement par roulement, à Pesey et à Moutiers, pour les exercices pratiques qui étaient réputés devoir compléter l'enseignement théorique.

A Pesey, les élèves vivaient avec l'ingénieur qui y remplissait les fonctions de sous-directeur, Beaussier de 1807 à 1811, et Brédif à partir de 1811. Ils devaient visiter journellement les travaux souterrains et les ateliers, s'exercer au lever des plans superficiels et souterrains et à la pratique des travaux, sans négliger l'apprentissage des moindres détails : forage des coups de mines, boisage, lavage, etc., travaux qu'ils devaient exécuter sous la conduite d'ouvriers expérimentés, spécialement choisis (Hassenfratz dit que les élèves étaient supposés s'exercer à tous ces travaux).

Lorsqu'on commença à travailler à l'érection de la fonderie centrale de Conflans, les élèves y passèrent dans les mêmes conditions, sous la surveillance d'Hérault qui, à partir de 1808, avait été attaché à cette branche du service de Schreiber comme sous-directeur.

A Moutiers, sous l'inspection de l'ingénieur plus spécialement attaché à l'École, les élèves devaient se réunir tous les jours dans le laboratoire et dans la salle de dessin pour faire les analyses, dessins, mémoires et autres travaux prescrits par les professeurs. En réalité, Lefroy fut à peu près le seul, des débuts en 1803 à la fin de 1804, à remplir réellement, avec le titre de sous-directeur, les fonctions d'inspecteur de l'Ecole, telles qu'il les occupa à Paris à partir de 1816. Après lui, il n'y eut à l'Ecole que des ingénieurs adjoints, pris parmi ceux immédiatement promus. Berthier fut notamment désigné à cet effet et dans ces conditions pendant six mois, de la fin de 1805 au début de 1806, date à laquelle il fut appelé au laboratoire central à Paris.

En réalité, les ingénieurs chargés de surveiller ou mieux de former les élèves, en fonctionnant en quelque sorte comme des répétiteurs bénévoles, étaient ceux qui, promus après avoir obtenu dans les examens les notes exigées par le règlement, leurs mediums, n'étaient envoyés en service dans les départements qu'après avoir été attachés un an ou deux au service de l'École. Le medium a été pratiqué a l'Ecole jusqu'en 1853. C'était une note moyenne qui n'était donnée dans chaque matière que lorsque l'élève était réputé avoir fait preuve de connaissances suffisantes en ladite matière. On continuait à l'étudier tant que le médium correspondant n'était pas obtenu.

On n'avait pas tardé à reconnaître qu'il ne suffisait pas aux élèves, pour se former, de suivre les travaux de Pesey et de Conflans, où ils ne pouvaient en somme étudier que l'exploitation et le traitement du plomb. Ceux d'entre eux, jugés suffisamment avancés, généralement après deux ou trois ans de cours théoriques, surtout ceux déclarés hors de concours, étaient envoyés en voyage entre les cours théoriques soit dans les mines et usines des environs immédiats, soit plus loin jusqu'à Rive-de-Gier, Chessy et Sain-Bel, le Creusot, pour compléter leurs études pratiques et examiner des exemples de gisements, de travaux d'art et d'opérations métallurgiques qu'ils ne pouvaient voir à Pesey. Mais faute d'une surveillance immédiate, tous ces travaux n'étaient guère exécutés que dans la mesure qu'il plaisait à chaque élève d'y mettre avec ses goûts particuliers. Sans maître de dessin, cette partie importante de l'enseignement était déplorable ; et l'on ne pouvait que regretter l'absence totale de l'étude des langues étrangères.

La vie et le travail des élèves, qui ne logeaient pas à l'Ecole, étaient en somme extrêmement libres; Moutiers possédait une Académie de mines plus qu'une École des mines. Une pareille liberté ne pouvait avoir, au point de vue de la discipline, aucun inconvénient. Pour avoir été la capitale de la Tarentaise, Moutiers ne comptait pour cela pas beaucoup plus de 2.000 habitants; dans un pareil centre, avec les difficultés de communication de l'époque, l'éloignement relatif de toute ville tant soit peu importante, on ne pouvait craindre les conséquences d'un pareil régime.

Malgré un ensemble de circonstances si défavorables, l'Ecole prospérait grâce à l'enseignement théorique qui y était donné. L'échange de Paris contre Moutiers n'avait pas été, il est vrai, très goûté au début, et plusieurs des élèves de l'Ecole des mines de Paris qui n'avaient pas fini leurs études, aimèrent mieux renoncer à la carrière que d'aller en Savoie (parmi les élèves qui, n'ayant pas terminé leurs études à Paris, durent aller les achever à Moutiers, se trouvaient Berthier et Migneron). Sauf en 1804, où aucun élève ne parvint de l'École polytechnique, les promotions se succédèrent régulièrement, allant jusqu'à sept élèves en 1808, mais plus habituellement de deux, trois, quatre ou cinq.

Dos élèves externes venus, les uns à leurs seuls frais, et les autres envoyés aux frais de leurs départements, élevèrent jusqu'à vingt et vingt-quatre le nombre des élèves réunis à la fois.

Pendant que l'École suivait à Moutiers la destinée que les faits avaient ainsi amené à lui donner, la loi du 21 avril 1810 venait d'être promulguée et avait été suivie du décret organique du 18 novembre 1810 portant réorganisation du corps des mines. Si différentes que fussent la nouvelle législation et celle de 1791, le changement des choses fut, en fait, moins grand qu'on ne serait porté à le croire. L'administration avait été conduite, on le sait, sous le Consulat, à appliquer la loi de 1791 dans un sens assez différent de celui que paraissait comporter son texte ; et au début de son application la loi de 1810 fut loin d'être entendue dans le sens où nous la comprenons aujourd'hui ; le concessionnaire de mines, à l'origine, était, en fait, assimilé à un concessionnaire de travaux publics, bien plus que traité en vrai propriétaire, comme nous le considérons maintenant. Puis l'Empire n'eut pas beaucoup le temps d'instituer de nouvelles concessions régulièrement constituées. La transition d'un régime à l'autre fut en réalité peu apparente et le nouveau système ne produisit réellement des effets que beaucoup plus tard.

En ce qui concerne plus spécialement l'administration des mines, l'organisation de 1810 la mettait sous l'autorité d'un directeur général qui fut le comte Laumond. L'ancien conseil des mines, toujours constitué par Lelièvre, Gillet de Laumont et Lefebvre d'Hellancourt, devenait le conseil général des mines, et s'il s'augmentait d'un assez grand nombre de membres, les trois anciens conseillers, comme inspecteurs généraux de lre classe, y conservaient toutefois une situation prépondérante, puisqu'ils étaient en réalité les seuls membres nés du conseil à raison de leur situation ( le conseil général des mines (art. 45 du décret de 1810) était composé des inspecteurs généraux résidant à Paris, des inspecteurs divisionnaires appelés par le directeur général, et, d'auditeurs au Conseil d'Etat qui n'avaient toutefois voix délibérative que dans les affaires rapportées par eux; le directeur général pouvait y appeler, avec voix consultalive, les ingénieurs de tout grade se trouvant à Paris). Un d'entre eux, Lelièvre, présida le conseil effectivement en qualité de vice-président jusqu'en 1832.

Le décret du 18 novembre 1810 ne fit qu'une allusion implicite aux écoles d'application en confirmant simplement l'état des choses qui existait à ce moment. Le nombre des élèves fut toutefois fixé à vingt-cinq (art. 2) ; il fut stipulé qu'ils passeraient de la 2e à la 1re classe, puis aspirants, suivant leur rang à l'École, et en raison de leurs progrès et de leur application (art. 10); qu'ils devaient résider dans les Écoles, sauf les missions relatives à leur instruction et le service extraordinaire auquel ils pouvaient être momentanément appelés (art. 14).

Les défectuosités nombreuses et diverses du fonctionnement de l'Ecole de Moutiers n'étaient pas ignorées de la direction générale. Le conseil général des mines et les professeurs, dont deux, Baillet et Hassenfratz, résidaient à Paris et siégeaient au conseil comme inspecteurs-divisionnaires, les avaient signalées au comte Laumond. Les professeurs lui avaient communiqué leurs vues sur une réorganisation de l'Ecole à Paris, trouvant que le système suivi à Moutiers n'avait déjà que trop duré et qu'on n'arriverait jamais à le faire fonctionner régulièrement et utilement. En attendant on s'était borné, par une meilleure organisation des voyages entre les cours théoriques, par quelques compléments apportés à l'instruction (le comte Laumond exigea notamment que les élèves eussent à étudier la législation et l'administration des mines et qu'ils fussent examinés sur ces matières avant de pouvoir être envoyés en service), à tirer un meilleur parti du séjour des élèves à Moutiers.

Les événements de 1814 allaient précipiter la solution. La promotion de 1813 fut la dernière qui put entrevoir la Savoie. L'invasion n'allait pas tarder à la disperser et forcer ceux qui avaient à continuer leurs études à regagner péniblement Paris, où elles devaient s'achever. Dufrénoy faisait partie, avec Thibaud, de cette promotion de 1813. Il se plaisait à raconter comment ils durent revenir à pied, Lambert, Juncker et lui, au milieu des difficultés créées par les armées étrangères, n'ayant ensemble tous les trois pour effectuer leur voyage qui dura treize jours, qu'une somme de 106 francs, si bien ménagée qu'à leur arrivée à Paris, il leur restait juste de quoi s'offrir une voiture pour se rendre dans leurs familles (Notice sur Dufrénoy par de Billy, Annales des mines, 6e série, t. IV).

Parmi les élèves sortis en 1812 de l'Ecole polytechnique et alors encore à Moutiers, se trouvait Despine, originaire d'Annecy, qui devait être un des premiers et principaux ingénieurs du corps des mines de Sardaigne créé en 1822, et le directeur de l'Ecole de Moutiers lors de sa réouverture en 1825 par le gouvernement sarde.

Schreiber, secondé efficacement par les ingénieurs Hérault et Gardien, ses adjoints, parvint, avec beaucoup de peine, à sauver les produits de l'établissement et le matériel de l'École. Il resta à Pesey et à Moutiers malgré le désagrément inséparable d'une semblable position tant que sa présence put y être utile à l'administration ; il ne rentra en France qu'en mars 1816, et alla se fixer à Grenoble, ayant refusé les offres superbes du gouvernement sarde pour reprendre l'institution sous l'autorité de celui-ci. Schreiber avait été nommé inspecteur divisionnaire avec résidence à Lyon, mais, par faveur exceptionnelle, il fut autorisé à rester à Grenoble.

En recouvrant la souveraineté du pays, le gouvernement sarde (tous les renseignements officiels sur la création et l'organisation de l'Ecole sarde de Moutiers se trouvent dans le Reperterio delle miniere, Recueil officiel, 1re série, Torino, 1825 et années suivantes) avait pris immédiatement possession de tous les établissements, mines et usines, créés par Schreiber, et amenés par lui à un si haut degré de prospérité ; toutefois le gouvernement sarde crut au préalable devoir indemniser l'ancien concessionnaire des mines de Pesey qu'avait dépossédé l'administration française. Au refus de Schreiber de passer au service de la Sardaigne, Victor-Emmanuel avait, dès 1815, nommé de Rosenberg directeur des établissements royaux de la Tarentaise, en le chargeant de préparer, avec une nouvelle législation sur les mines, la réorganisation de l'École que son gouvernement se proposait, lui aussi, de reprendre à Moutiers. Elle fut décidée et réglée par une ordonnance du 18 octobre 1822; mais les travaux d'aménagement, en vue notamment de préparer des logements pour les élèves qui devaient habiter l'Ecole quoique sans y être nourris, et surtout en vue de la doter du matériel d'enseignement nécessaire, ne permirent d'en faire l'ouverture qu'au 1er juillet 1825. Rosenberg était mort le 10 mars 1824 et ce fut à Despine, qui lui avait succédé dans la direction des établissements de la Tarentaise et de l'École de Moutiers, que revint l'honneur de réouvrir pour le gouvernement sarde une école où, quelque vingt ans auparavant, il avait fait son éducation comme élève du gouvernement français.

L'École théorique et pratique de minéralogie de Moutiers, suivant son appellation officielle, fut exactement calquée, dans son ensemble comme dans tous ses détails, sur l'école française qui venait de disparaître : c'était un hommage qui lui était ainsi rendu (un hommage plus spécial fut rendu à Schreiber dont le portrait fut placé dans la grande salle de l'Ecole avec ceux de Nicolis, de Robilant, de Napione et de Rosenberg, qui étaient les fondateurs de la réorganisation du service des mines en Sardaigne). Trois professeurs devaient y enseigner : l'abbé Étienne Barson, la minéralogie et géologie ; Victor Michelotti, la docimasie et la minéralurgie ; Antoine Replat (un ancien élève de l'Ecole des mines de France, qui avait dirigé avec succès l'exploitation des mines d'anthracite d'Entrevernes, dans la Tarentaise), l'exploitation des mines; les programmes semblent copiés, jusque dans la terminologie un peu barbare adoptée par Hassenfratz, sur les programmes français. Par analogie avec les dernières instructions du gouvernement français, le professeur d'exploitation devait faire quelques leçons de législation des mines, d'administration et de comptabilité. Même organisation d'enseignement, donné en deux ou trois ans, divisé chaque année en cours théoriques à Moutiers, et en exercices pratiques sur les mines et à Moutiers ; exercices identiquement réglés comme dans le système français ; les professeurs, qui ne résidaient pas davantage sur place, se succédaient l'un à l'autre et faisaient passer les examens à la suite de leurs cours. En un mot, le gouvernement sarde faisait revivre l'école française, non pas telle que Chaptal l'avait assez singulièrement imaginée en 1802, mais telle que l'expérience avait amené à l'organiser. Elle dura théoriquement quelque vingt ans jusqu'en 1846. Si à cette époque elle disparut officiellement, en fait elle avait cessé de fonctionner antérieurement, beaucoup par manque d'élèves, un peu, peut-être, par la faute des professeurs. En 1846, le gouvernement sarde se décida à envoyer ses ingénieurs se former à l'Ecole des mines de Paris. Les deux premiers furent Q. Sella, l'éminent homme d'Etat, et Giordano, encore inspecteur général de 1re classe du corps italien, qui entrèrent à l'Ecole de Paris en 1847.

En 1853, le gouvernement sarde afferma, et, en 1856, vendit ses mines et usines de la Tarentaise à une compagnie Franco-Savoisienne, qui les a exploitées avec activité jusqu'en 1865. A cette date, l'insuccès des recherches à Pesey, et l'appauvrissement du gîte de Mâcot, déterminèrent la société à se défaire de ses mines, restées depuis totalement abandonnées. L'ancienne maison de direction de Schreiber, à Pesey, est devenue un simple lieu de villégiature pour son propriétaire et un pied-à-terre pour les alpinistes; dans ces derniers temps il a été question d'en faire une station d'air ! Triste chute pour le siège de l'École des mines de Napoléon.

Dès 1858, la compagnie Franco-Savoisienne avait, d'ailleurs, abandonné l'usine de Conflans-Albertville pour établir une autre usine à plomb à Vizille.

Les bâtiments de Moutiers, à la suite de l'abandon de l'entreprise par le gouvernement sarde, servirent à partir de 1856, à divers services publics : sous-préfecture, tribunal, etc.

Lors de la réunion de la Savoie à la France, des pétitions furent adressées à l'empereur pour qu'il rétablît à Moutiers une école destinée, sinon aux ingénieurs des mines, tout au moins aux gardes-mines. L'administration française ne crut pas, avec raison, devoir donner une suite à ces demandes. L'expérience faite de 1802 à 1814 avait suffi pour montrer l'erreur commise. Cette tentative n'a servi qu'à établir l'habileté technique de Schreiber comme exploitant de mines métalliques (le souvenir de Schreiber a été longtemps conservé en Savoie; ses talents et son caractère commandaient le respect; sa bienveillance lui assurait l'amicale reconnaissance de tous), et à provoquer les belles et importantes études de Brochant de Villiers sur la géologie des Alpes. L'expérience eût été encore plus désastreuse si les professeurs n'avaient pris sur eux de transporter à Moutiers, autant que les choses le permettaient, les méthodes et l'organisation que le conseil des mines avait su créer dans l'École de la rue de l'Université.


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