Notice Historique de l'Ecole des Mines de Paris, Louis Aguillon

CHAPITRE VI.

L'ÉCOLE DES MINES A PARIS DEPUIS 1814.

1. L'Ecole jusqu'à son installation à l'hôtel Vendôme.

Chassés par l'invasion de la Savoie, que le traité du 30 mai 1814 devait rendre à la Sardaigne, les quelques élèves qui n'avaient pas encore terminé le cours de leurs études pouvaient être réunis à la direction générale des mines à Paris ; les élèves rentrés à Paris étaient fort peu nombreux : la dernière promotion, celle de 1813, ne comptait que deux élèves; la promotion précédente n'en avait qu'un qui fût resté français; des cinq élèves de la promotion de 1811, deux quittèrent la France. Aucun élève ne sortit de l'Ecole polytechnique dans les mines en 1814, 1815 et 1816.

Le laboratoire et les collections restés à l'hôtel de Mouchy depuis le transfert de l'École à Moutiers offraient des moyens d'instruction supérieurs à ceux dont on disposait en Savoie. Les trois professeurs, qui se trouvaient à Paris, pouvaient donner leurs leçons, et Collet-Descotils qui, depuis 1802, était resté directeur du laboratoire, pouvait, en reprenant le cours de docimasie, combler notamment la lacune qu'avait présentée à cet égard l'enseignement de Moutiers.

Mais à peine remonté sur le trône, Louis XVIII manifesta son désir de restituer aux anciens propriétaires leurs biens séquestrés qui n'avaient pas encore été aliénés. Une ordonnance du 18 juin 1814 enjoignit notamment de rendre au prince de Poix l'hôtel de Mouchy. Après avoir hésité entre plusieurs bâtiments dépendant de diverses administrations, la direction générale des mines se décida à louer, à partir du 1er juillet 1814, pour douze ans, au prince de Bourbon-Condé, qui en avait repris possession, l'hôtel du Petit-Luxembourg, y compris les communs, au prix annuel de 23.000 francs. Le déménagement de la rue de l'Université au Luxembourg se fit immédiatement. La direction générale des mines toujours confiée au comte Laumond, l'École, ses collections, sa bibliothèque et ses laboratoires, ceux-ci établis dans les communs, ne tardèrent pas à être installés ; l'École se trouvait en état de fonctionner et put fonctionner dans l'hiver 1814-1815 aussi bien que les événements de l'époque pouvaient le permettre. Vuitry, dans son rapport sur la loi du 12 juillet 1837, estime à 90.000 francs les frais occasionnés par le déménagement de la rue de l'Université au Petit-Luxembourg. Ces frais furent soldés par un prélèvement sur les fonds provenant de Pesey qui restaient disponibles. Le déménagement des collections fut fait par Tonnelier, qui en avait toujours la garde, aidé par l'ingénieur Clère.

Collet-Descotils, sur lequel on fondait justement de si grandes espérances, avait été nommé directeur de l'Ecole le 1er août 1814.

L'installation était à peine terminée au Petit-Luxembourg qu'il fallait à nouveau évacuer ce local. A la date du 17 juillet 1815, la direction générale des mines était supprimée, et le service des mines réuni à celui des ponts et chaussées dans une direction générale des ponts et chaussées et des mines confiée au comte Molé. A la même date, le Petit-Luxembourg était affecté à la résidence du chancelier, président de la Chambre des pairs.

Pour installer l'École et ses collections on fit choix de l'hôtel Vendôme, sis rue d'Enfer, 34, dont une partie fut prise à bail, à cet effet, pour 9 ans, à partir du 14 août 1815; le voisinage du Petit-Luxembourg dut être une des causes déterminantes de ce choix.

Collet-Descotils commençait à être atteint de la longue maladie à laquelle il devait succomber, à 42 ans, le 6 décembre 1815. Lefroy, qui avait déjà contribué à l'installation de l'École de Moutiers, en 1803, et au déménagement de la rue de l'Université au Petit-Luxembourg, fut chargé d'opérer ce nouveau déménagement et de faire à l'hôtel Vendôme les travaux strictement indispensables pour que l'Ecole pût fonctionner. La dépense, y compris celle du déménagement, ne s'éleva qu'à une vingtaine de mille francs. Vuitry, dans son rapport sur la loi du 12 juillet 1837, a parlé d'une dépense de 50.000 francs. C'est exact, si l'on comprend les dépenses de premier établissement faites ultérieurement en 1819. Toutes ces dépenses furent aussi imputées sur les fonds provenant de Pesey.

Migneron fut adjoint à Lefroy pour le déménagement et la réinstallation des collections. Un choix d'échantillons dut être envoyé à l'Académie de Berlin.

Les locaux loués à l'hôtel Vendôme étaient partiellement occupés par un détachement de soldats prussiens, dont il fallut tout d'abord obtenir l'évacuation avant qu'on pût sérieusement s'occuper de la nouvelle installation. Grâce à l'activité et à l'habileté déployées par Lefroy, elle était assez avancée pour qu'au commencement de novembre 1815 les élèves pussent venir travailler à l'École dans les salles d'étude. A la place de Collet-Descotils, empêché par la maladie, Lefroy, outre ses fonctions officielles d'architecte, remplissait en fait celles d'inspecteur des études. Les professeurs constituaient un comité d'instruction, que présidait leur doyen Baillet du Belloy. Les cours commencèrent le 11 janvier 1816 avec le roulement normal à deux leçons par semaine pour chaque matière, le cours de minéralogie et géologie ayant été seul rendu public par une décision spéciale de décembre 1815. En somme, l'École fonctionnait, en fait, à l'hôtel Vendôme, suivant les traditions anciennes, encore que ce ne dût être que par l'ordonnance du 5 décembre 1816 que son organisation devait être définitivement réglée.

A la place de Descotils, décédé, et sur le refus de Gallois qui, par modestie, crut devoir décliner les fonctions de professeur de docimasie et de directeur du laboratoire, Berthier en fut chargé, à la date du 24 mai 1816, et commença cet enseignement si original et si profond qu'il devait donner pendant 30 ans.

2. L'hôtel Vendôme et ses transformations successives.

[Voir aussi : Résumé de l'histoire de l'hôtel Vendôme, par Pierre Mahler].

L'hôtel Vendôme, où l'École des mines allait enfin trouver la stabilité nécessaire au fructueux développement de pareilles institutions, avait été élevé en 1707 pour les Chartreux, sur les dessins de Courtonne, architecte du roi, en même temps que les maisons contiguës jusqu'à la porte d'entrée de leur monastère, situé dans la rue d'Enfer. Ces religieux vendirent à vie l'hôtel à la duchesse de Vendôme, qui le fit agrandir sous la direction de Le Blond.

Le bâtiment primitif, construit par Courtonne, parallèlement à la rue d'Enfer, de 8 toises de large sur 16 de long, forme la partie centrale, à neuf fenêtres cintrées, du bâtiment actuel situé sur la terrasse du jardin. Le bâtiment était à un étage sur rez-de-chaussée, avec second étage en attique sur le jardin. Le Blond porta la longueur du bâtiment à 27 toises, en l'allongeant à chaque extrémité par un pavillon à trois fenêtres en plate-bande, un peu en retrait sur le corps principal du côté du jardin. Les appartements du rez-de-chaussée et du premier étage donnant sur le jardin étaient réputés pour la beauté des pièces en enfilade qu'ils offraient sur leur longueur de 50 mètres. Le second étage, resté en attique au milieu sur le jardin, avait l'inconvénient de ne pas être de niveau dans son plancher.

Sur la rue d'Enfer fut établie une grande cour d'honneur, à pans coupés du côté de la rue, d'une profondeur de 18 toises et demie, située vers l'extrémité nord du bâtiment. Cette cour communiquait avec deux basses cours, situées de part et d'autre de la première, dont l'une, celle du nord, de forme circulaire; ces deux cours étaient séparées de la cour d'honneur par de simples murs de 12 pieds de haut, avec ouvertures au milieu. Les basses cours étaient entourées des écuries et remises, qui étaient surmontées de logements mansardés pour les gens de service. La basse cour du sud ouvrait directement sur la rue d'Enfer par une porte distincte.

L'hôtel avait un vaste jardin d'agrément du côté du Luxembourg, entre le jardin de ce palais, au nord, et le clos des Chartreux, au sud, mais de forme malheureusement très irrégulière; il dessinait une sorte de fer de lance qui s'appuyait à la base contre la terrasse régnant sur toute la longueur du bâtiment de l'hôtel, soit sur une longueur de quelque 65 mètres, et dont l'extrême pointe s'avançait jusqu'à environ 200 mètres du bâtiment. Un jardin potager de moindre importance se trouvait le long de la basse cour du côté sud.

En 1790, l'hôtel et son jardin avaient été saisis en même temps que l'enclos et tous les biens des Chartreux qui occupaient une si vaste étendue au sud du jardin du Luxembourg. La limite est-ouest entre le clos des Chartreux, au sud, et le jardin primitif du Luxembourg, au nord, passait approximativement au point où viennent aboutir les balustrades des deux terrasses qui entourent le parterre.

L'hôtel et ses jardins, comprenant une superficie totale de 6.027 toises (22.894 mètres carrés), furent vendus comme bien national, suivant procès-verbal d'adjudication des commissaires de la commune de Paris du 3 mars 1791, au prix de 332.800 livres, au sieur Alex. Rich. Rousseau, ancien notaire au Châtelet de Paris et ancien secrétaire du roi. En 1807, les propriétaires vendirent au Sénat une partie du jardin, du côté de l'ouest, sur une étendue de 9.436 mètres carrés, pour compléter le jardin du Luxembourg, avec interdiction de bâtir sur la partie cédée. En 1815, l'hôtel et les jardins y attenant, appartenant à M. Costé, écuyer, conseiller honoraire à la Cour de Rouen, comprenaient encore une superficie de 7.163 mètres carrés, dont en bâtiments 1.321 mètres carrés, et le surplus en cours et jardins : l'un, d'agrément, est le jardin actuel, qui s'étend entre le bâtiment principal et le jardin du Luxembourg; l'autre, dit jardin potager, de 2.340 mètres carrés, longeait l'aile sud entre la rue d'Enfer et le premier jardin.

Lorsqu'en août 1815 l'École des mines s'établit à l'hôtel Vendôme, ce ne fut qu'à titre assez précaire par un bail de 9 ans; jusqu'à la loi du 12 juillet 1837 par laquelle l'État en fit l'acquisition, elle fut plusieurs fois menacée de recommencer ses pérégrinations non plus en province où toute idée de la rétablir était définitivement abandonnée, mais tout au moins à Paris.

Dès qu'en 1817 on se préoccupa de faire fonctionner l'École conformément à sa nouvelle charte organique du 5 décembre 1816, on reconnut la nécessité de nouveaux travaux d'aménagement qui décidèrent de prolonger immédiatement le bail de 9 autres années, à partir du 1er octobre 1824, au prix de 9.600 francs au lieu du prix primitif de 8.800. On renouvela le bail successivement pour trois ans, et enfin, en dernier lieu, pour 2 ans, au prix de 12.000 francs. Le bail, qui avait été successivement étendu à la presque totalité des dépendances formant ailes sur les cours, n'avait jamais compris le second étage, qui était desservi par un escalier distinct donnant sur la basse cour du midi et fut occupé par le propriétaire et sa famille ou divers locataires jusqu'à l'achat en 1837. La partie du jardin située au midi, dite jardin potager, n'avait non plus jamais été comprise dans le bail; Lefroy, qui était logé à l'École en sa qualité d'inspecteur, et avait son appartement dans l'étage mansardé des dépendances de l'aile sud, avait loué ce jardin pour son usage particulier. Le jardin principal faisait au contraire partie des locations de l'État; il était et resta affecté à l'usage des élèves jusqu'à une date relativement assez récente. La légende, qui s'appuie toujours sur l'histoire, dit-on, prétend qu'il était réputé particulièrement propice à la préparation des examens.

Au début, en 1815, lorsque l'École s'installa à l'hôtel Vendôme, sous un simple régime de fait, on s'était borné aux installations les plus indispensables. Une salle d'étude et de dessin avait été aménagée pour les élèves au rez-de-chaussée; les collections méthodiques de minéralogie et de géologie avaient été disposées dans les sept salles en enfilade au premier étage sur le jardin ; la bibliothèque avait été installée dans les trois salles du rez-de-chaussée, au nord, sur le jardin; l'une de ces salles servait de salle au conseil quand il se réunissait, condamnant ainsi l'usage de la bibliothèque pendant ses réunions ; cette même salle servait pour le cours de mineralogie et géologie, le seul qui fût public ; les laboratoires avaient été installés dans un petit bâtiment, formant dépendance, à l'angle nord du corps principal, destiné anciennement aux cuisines au rez-de-chaussée et au logement du personnel des cuisines au-dessus ; les laboratoires offraient sept places, ce qui permettait, par un roulement à deux brigades, d'avoir un effectif de 14 élèves travaillant au laboratoire et au dessin. Tout le restant des collections, dépôts, modèles, etc..., restait entassé, non rangé, dans les autres pièces.

En 1819, après que l'École eut reçu son organisation stable et définitive par l'ordonnance du 5 décembre 1816 et les règlements qui suivirent cette ordonnance, après que le nouveau bail eut assuré un peu plus de stabilité matérielle et donné plus d'espace disponible, de nouveaux travaux d'aménagement furent repris. Les dépenses s'élevèrent à quelque 20.000 francs, à nouveau pris sur les fonds restés disponibles de Pesey. Comme toujours Lefroy fut chargé de la direction immédiate de ces travaux, ce dont il s'acquittait avec une habileté et une économie justement remarquées.

Ils permirent de porter à 10 le nombre des places du laboratoire, en étendant celui-ci dans les dépendances de l'aile nord, et par suite d'avoir un effectif de 20 élèves au moins pouvant, par roulement, travailler toute l'année au laboratoire; la bibliothèque fut augmentée d'une pièce, et on put songer à mettre un peu d'ordre dans les collections restées jusque-là entassées, notamment dans les collections statistiques départementales et de modèles qui avaient pris l'accroissement que nous avons mentionné p. 47. À cette occasion, Dufrénoy, qui venait à peine de terminer ses études, fut adjoint à Lefroy pour le rangement des collections; il entra ainsi au service de cette École, où il devait passer les 50 années de sa vie et qu'il devait élever à un si haut degré de prospérité. Les collections, avons-nous dit, étaient plus nombreuses que scientifiques. Dans les quelque 100.000 échantillons ou objets qu'elles comprenaient, Brochant de Villiers, en 1816, avait disposé une collection systématique de minéralogie, classée d'après le système français, ne comptant guère plus de 800 échantillons; il y avait, en outre, une collection spéciale classée d'après le système de Werner, qui pouvait avoir environ 500 échantillons.

Malgré d'autres développements successifs donnés aux installations, spécialement en 1822 (pour l'année scolaire 1821-1822, l'administration avait accordé un crédit extraordinaire de 21.600 francs, qui fut principalement employé à acquérir et installer le mobilier nécessaire pour le rangement des collections), la situation de tous les services resta toujours fort misérable, faute de place suffisante. Les salles d'étude, dont une partie avait été reportée à l'entresol sur la cour, étaient mal éclairées, insuffisantes par suite du nombre croissant d'élèves, dispersées ça et là de manière à rendre la surveillance malaisée. Les salles de laboratoire étaient petites, mal disposées, humides et présentaient trop peu d'élévation. Les collections qui s'augmentaient sans cesse continuaient à s'entasser sans ordre, en partie non déballées ; les salles qui leur étaient consacrées devenaient inabordables par suite de cet encombrement. La surveillance générale était rendue bien difficile par la présence des locataires étrangers qui occupaient tout le second de l'hôtel, en sorte que l'administration de l'Ecole n'avait même aucune action sur le portier-concierge, personnage dont le rôle ne laisse pas de jouer, on le sait, une certaine importance dans la discipline intérieure d'une École. (Tandis qu'en 1816 l'ensemble des collections était réputé représenter quelque 100.000 échantillons, dès 1820, Brochant de Villiers les mentionnait comme en comprenant 140.000. La seule collection systématique de minéralogie était passée, en quatre ans, de 800 à 4.000 échantillons).

Aussi dès 1823 le conseil de l'École avait-il demandé l'achat de l'hôtel pour que l'administration, absolument et définitivement maîtresse de ses actes, pût donner à l'institution déjà si florissante (en 1823, l'effectif des élèves titulaires était d'une trentaine, non compris une douzaine d'élèves autorisés dont plusieurs ne différaient guère des véritables élèves titulaires) tous les développements qui lui étaient nécessaires. Ce projet ne devait aboutir que sous le gouvernement de Juillet, par la loi du 12 juillet 1837, après que l'École eut subi une assez profonde transformation et dans son administration et dans son enseignement. Avant de se décider à l'achat de l'hôtel, le gouvernement avait même étudié la possibilité de transporter l'École soit à l'hôtel d'Orsay, soit à l'hôtel de la rue des Saint-Pères, aujourd'hui occupé par l'Ecole des ponts et chaussées, et siège alors de l'administration générale des ponts et chaussées et des mines.

L'hôtel et toutes ses dépendances furent enfin achetés par l'administration, en vertu de la loi du 12 juillet 1837, pour le prix principal de 380.000 francs. La loi allouait en outre un crédit de 50.000 francs pour travaux de réparation et de restauration, devenus d'une nécessité urgente. Depuis quarante ans l'hôtel Vendôme avait pour ainsi dire cessé d'être entretenu.

Ces travaux de restauration furent confiés à Lefroy qui, devenu inspecteur général des mines, avait officiellement remis à Dufrénoy, en 1836, l'inspection de l'École, que celui-ci exerçait en fait depuis 1834, en qualité d'inspecteur-adjoint. Ces travaux furent exécutés en 1837-1838 ; ce fut, à tous égards, pour Lefroy, le digne couronnement d'une carrière où cet ingénieur avait donné fréquemment des preuves remarquables de ses talents d'architecte et d'administrateur. Le crédit voté par les Chambres pour l'ensemble de toutes les opérations de l'achat et de la restauration, avait été de 435.000 francs. Lefroy, qui fut chargé de suivre l'ensemble de l'affaire, sut tout exécuter de la façon la plus satisfaisante en restant de lf,05 au-dessous du crédit, ce qui lui valut de chaudes félicitations de l'administration, pour un exemple certainement rare en circonstances pareilles.

Ces travaux de réparations terminés, il fallut reprendre le projet d'agrandissement devenu de plus en plus indispensable. Un projet dressé par Lefroy d'après les indications du conseil de l'École, avait été soumis aux Chambres par le gouvernement avec la loi de 1837 (315.000 francs), mais celles-ci avaient provisoirement ajourné le travail. Le plan auquel on s'arrêta définitivement, après diverses modifications successives, et qui fut exécuté de 1840 à 1852 pour le gros-oeuvre, ne s'écartait pas sensiblement, dans ses grandes lignes, de celui proposé par Lefroy. Le plan fut préparé par Duquesney, architecte des bâtiments civils, d'après les indications données par le conseil de l'École et suivant rectifications demandées par celui-ci. La différence essentielle avec le plan de Lefroy consiste dans ce que les deux ailes transversales n'avaient été prévues par lui qu'à rez-de-chaussée, tandis qu'elles furent exécutées avec premier et second étages comme le bâtiment principal.

Le bâtiment principal de l'ancien hôtel Vendôme, parallèle à la rue d'Enfer, fut allongé par la construction, à chacune de ses extrémités nord et sud, d'un pavillon de 15 mètres de longueur sur 15 mètres de profondeur. Les dépendances en ailes transversales, à rez-de-chaussée et mansardes, de l'ancien hôtel, furent enlevées; deux ailes transversales de 9 mètres de largeur furent implantées à leur place, s'étendant du bâtiment principal à la rue d'Enfer; ces ailes étaient à premier et second" étages, se raccordant avec ceux de ce bâtiment principal. Ces deux' ailes enserraient ainsi une vaste cour de 25 mètres de profondeur sur 32 mètres de largeur, fermée sur la rue d'Enfer par une grille avec arcades en maçonnerie. Deux autres cours de moindre importance bordaient les ailes au nord et au sud.

Les laboratoires étaient placés au rez-de-chaussée de l'aile nord; ils étaient construits de telle sorte qu'ils offraient 22 places et permettaient d'avoir un effectif de 44 élèves travaillant toute l'année, par périodes, au laboratoire; les salles d'étude et de dessin étaient en face dans l'autre aile.

Les constructions se firent successivement, d'abord à raison de nécessités budgétaires qui forçaient à les répartir sur plusieurs exercices, puis de façon à ne pas interrompre les études ; on se bornait à déplacer les salles de travail suivant l'état des constructions.

Le bâtiment des laboratoires, qui fut le premier entrepris, était terminé pour l'année scolaire 1844-1845. On construisit ensuite successivement le pavillon nord, à l'extrémité du bâtiment principal, le pavillon sud à l'autre extrémité et enfin l'aile transversale sud. Vers 1852, les constructions proprement dites étaient terminées et il ne restait que des travaux d'appropriation intérieure, installation des collections, etc.

A peine cette première transformation achevée, tout était à recommencer en 1860 par suite du percement projeté du boulevard Saint-Michel; les deux ailes transversales étaient coupées vers leur milieu légèrement en biais ; le sol de la nouvelle voie se trouvait en outre sensiblement en contrebas de celui de l'ancienne rue. Les nouveaux travaux de l'École furent quelque peu retardés par la remise, qui était nécessaire, au nord, de terrains appartenant au Sénat. L'importance des travaux (devis de 1.200.000 fr.), la rapidité relative avec laquelle ils devaient être menés, le nombre d'élèves alors présents à l'École, tout concourait pour qu'il fût impossible, comme jadis, de déplacer successivement, au cours des constructions, et suivant leur état, les salles destinées à l'instruction. La Préfecture de la Seine remit donc à l'École, pendant la période des constructions, une maison située en face, rue d'Enfer. n° 13, où furent établis des laboratoires provisoires.

Commencées en 1861, les nouvelles constructions, telles qu'on peut les voir aujourd'hui et que les représente suffisamment le dessin de la planche III, furent terminées en 1866.

Depuis, il n'a plus été fait à l'Ecole que de simples appropriations intérieures, des changements de destination de diverses pièces. Les deux principaux ont consisté, de 1876 à 1879, dans l'extension des salles attribuées à la collection de paléontologie ( l'extension des collections de paléontologie dans tout le second étage de l'ancien bâtiment de l'École a donné lieu, en 1876, à de nombreuses discussions dont l'écho a retenti jusque dans le Parlement ; Gambetta avait mis son influence à la réussite de ce plan dont il entretint la Chambre des députés dans la séance du 1er décembre 1876 : Journal officiel du 2, p. 8926, col. 2 et 3), et, un peu plus tard, dans la transformation en salles couvertes pour les collections de modèles (les modèles placés dans ces nouvelles salles proviennent presque tous de modèles qui avaient figuré à l'Exposition universelle de 1878 et qui ont été donnés à l'École par les exposants), des deux petites cours surélevées, situées sur le boulevard de part et d'autre de l'entrée principale.

La collection de paléontologie, à la suite de ces dernières transformations, a pu disposer de tout le second étage de l'ancien bâtiment principal donnant sur le jardin ; elle s'est étendue au sud dans les pièces antérieurement dévolues aux logements de l'inspecteur et du directeur ; ces logements ont été reportés dans le bâtiment neuf en façade sur le boulevard, au nord de l'ensemble des constructions de l'École. Ces travaux d'aménagement de la collection de paléontologie ont coûté 350.000 francs. Dans le plan primitif dressé en 1860, le directeur et l'inspecteur devaient être logés dans le bâtiment spécial, portant le no 64, élevé sur le boulevard à l'extrémité sud des constructions de l'Ecole. Mais ce bâtiment a reçu une autre destination; il sert en partie au service de la carte géologique détaillée de la France et en partie au logement d'employés du Sénat.

Les collections de minéralogie et de géologie disposent également, au-dessous de la collection de paléontologie, de tout le premier étage de l'ancien bâtiment en façade sur le jardin; les deux collections furent reliées l'une à l'autre par un escalier intérieur spécial. Les nouveaux laboratoires ont été installés dans un bâtiment spécial construit, à cet effet, à l'angle nord-ouest du massif des constructions de l'École, du côté du Luxembourg. Ils offrent aux élèves 32 places. Outre les laboratoires des élèves et leurs dépendances, ce bâtiment contient également, au premier étage, le bureau d'essais et un amphithéâtre pour les leçons ; à l'étage au-dessus, du côté du Luxembourg, sont les laboratoires, des professeurs, et, du côté du boulevard Saint-Michel, les salles de dessin pour les élèves.

3. L'Ecole des mines sous le gouvernement de la Restauration.

Lorsqu'en 1815 l'Ecole s'établit à l'hôtel Vendôme, elle commença à fonctionner sous un régime de fait comme dans son court passage au Petit-Luxembourg. On continuait le régime de Moutiers, ou, ce qui serait plus exact, on reprenait les traditions de l'École de la rue de l'Université. Un an seulement après l'installation à l'hôtel Vendôme, le régime et le fonctionnement de l'École furent légalement et définitivement fixés par l'ordonnance du 5 décembre 1816, complétée par les deux arrêtés ministériels des 6 décembre 1816 et 3 juin 1817, portant règlement, le premier pour les élèves ingénieurs, et l'autre pour les élèves externes.

Désireux de renouer les traditions du passé, en allant au delà et par-dessus la Révolution, le gouvernement de la Restauration, dans l'article 1er de l'ordonnance du 5 décembre 1816, semblait représenter l'École « rétablie à Paris » comme la continuation immédiate de celle « créée par l'arrêt du conseil d'État du roi du 19 mars 1783 ». C'était en réalité faire beaucoup d'honneur à la pauvre Ecole de Sage et oublier que la véritable École des mines, dont celle établie à l'hôtel Vendôme était la continuation, avait été créée rue de l'Université, sous la Convention et le Directoire, par les soins de l'agence et du conseil des mines. L'organisation constituée par les actes de 1816 et 1817 est, en effet, celle de cette École modifiée de façon à tenir compte, d'une part, des enseignements donnés par l'expérience de Moutiers, et, d'autre part, des changements survenus dans l'organisation de l'administration des mines.

Avant de statuer définitivement sur le sort de l'École des mines de Paris, le gouvernement de la Restauration avait créé, par ordonnance du 2 août 1816, une École de mineurs à Saint-Ëtienne; le préambule de cette ordonnance la motiva sur « l'urgence de remplacer les écoles pratiques des mines établies à Pesey et Geislautern. » Mais cette École de mineurs, suivant la qualification que lui donne l'ordonnance, devait correspondre, dans l'esprit de ses fondateurs, à une autre destination que celle de l'École des mines de Paris. Celle-ci devait rester une école de haut enseignement pour les membres du corps des mines et pour les jeunes gens destinés a devenir « directeurs d'exploitations et d'usines », comme le dit l'article 25 de l'ordonnance du 5 décembre 1816 sur l'École des mines de Paris. Celle-là devait être une école professionnelle pour les agents inférieurs, « pour les jeunes gens qui se destinent a l'exploitation et aux travaux des mines », suivant les termes de l'article 1er de l'ordonnance du 2 août 1816 relative à l'École de Saint-Ëtienne. On sait que, dès le début, sous l'influence de Beaunier, son premier directeur, et plus encore sous celle de ses successeurs, cette École a de plus en plus dévié de la destination primitivement prévue pour elle, de telle sorte qu'aujourd'hui, en apparence du moins, le programme de son enseignement ne diffère guère dans ses grandes lignes de celui de l'École de Paris.

L'École de Paris devait être administrée par un conseil, présidé par le directeur général, composé de trois inspecteurs-généraux du corps, des quatre professeurs et de l'inspecteur de l'École ; l'École n'eut un directeur que beaucoup plus tard, en 1848; jusque-là, et surtout tant que ces fonctions furent remplies par Lefroy, l'inspecteur n'était que le bras exécutif des décisions du conseil. Le Directeur général ne présida pour ainsi dire jamais le conseil dont, à peu d'exceptions près, les délibérations ont toujours été sanctionnées par l'administration supérieure, de sorte qu'on peut dire qu'en réalité le conseil administrait l'École; cela est surtout vrai sous la Restauration.

Les quatre chaires constituées par l'article 6 de l'ordonnance, qui devaient seules subsister jusque vers 1845 (modifications consacrées en droit en 1848), étaient les quatre chaires anciennes de : minéralogie et géologie, docimasie, exploitation des. mines, minéralurgie, qu'occupèrent respectivement les quatre professeurs qui nous sont déjà bien connus : Brochant de Villiers, Berthier, Baillet et Hassenfratz. On revenait officiellement à l'enseignement théorique complet de l'École de la Convention et du Directoire et non à celui si mal conçu par Chaptal pour l'École de Moutiers.
La chaire de minéralogie et géologie ne fut officiellement dédoublée dans les deux chaires actuelles de minéralogie et de géologie que lorsque Brochant de Villiers donna sa démission de professeur titulaire en 1835; mais toutefois, depuis 1827, les deux cours étaient professés à part : par Dufrénoy pour la minéralogie, et par Élie de Beaumont pour la géologie, tous deux en qualité de professeurs-adjoints à Brochant.

Tandis que, dans l'École de la Convention et du Directoire, les quatre cours étaient publics, sous la Restauration, comme depuis d'ailleurs, le cours de minéralogie et de géologie fut seul public en vertu d'une décision spéciale rendue, en décembre 1815, avant l'ordonnance du 5 décembre 1816 qui resta muette sur ce point.

Il était prévu qu'il y aurait un maître de dessin et des maîtres de langues allemande et anglaise, de l'absence desquels on s'était, nous l'avons dit, si justement plaint à Moutiers; toutefois, pour les langues étrangères, l'art. 7, § 2, ne prévoyait leur enseignement qu'à titre facultatif pour « ceux des élèves qui se feront distinguer par leur travail et leur bonne conduite » ( dans l'année 1816-1817, Dufrénoy et Thibaud, qui constituaient à eux deux l'effectif des élèves de l'École, demandèrent à bénéficier de cette disposition ; le directeur général leur répondit en priant le conseil d'adresser aux deux élèves, en son nom, les plus vives félicitations pour leur application et leur conduite, mais de leur exprimer ses regrets de ne pouvoir, faute de fonds, leur procurer un professeur d'allemand); en fait, dès 1818, les leçons d'allemand se trouvaient régulièrement établies.

Le professeur de docimasie, aux termes de l'art. 8, était en même temps chef du laboratoire « et chargé, à ce titre, de faire tous les essais et toutes les analyses qui lui seront ordonnés par le directeur général et le conseil de l'École, et d'en tenir un registre exact ». C'était là aussi la continuation des traditions de la rue de l'Université, et ce fut l'origine du bureau d'essais, constitué en 1845, qui mit gratuitement le laboratoire de l'École à la disposition du public.

Suivant, sur un autre point, les traditions de l'établissement multiple constitué sous la Convention à l'hôtel de Mouchy, l'ordonnance de 1816 ne s'était pas bornée à prévoir à l'École la constitution d'une bibliothèque et des collections de minéralogie, de géologie, et de modèles, etc., inséparables d'une pareille institution; par son article 12, l'ordonnance avait confié au conseil de l'École le mandat « de recueillir et de rassembler tous les matériaux nécessaires pour compléter la description minéralogique de la France », et, par suite, de créer les collections et d'éditer les cartes géologiques, topographiques et statistiques à ce nécessaires. En réalité, le conseil de l'École ne s'occupa jamais beaucoup de l'exécution de ces cartes. Toutefois, ce fut en application de la disposition précitée qu'il fut saisi, dans sa séance du 11 juin 1822, d'un rapport, adressé à l'administration le 11 août 1820, par lequel Brochant de Villiers avait indiqué les moyens de nature, suivant lui, à doter le plus promptement possible la France d'une bonne carte géologique. Le conseil ne fit que donner une chaude adhésion au plan de Brochant de Villiers, en priant l'administration de lui en confier l'exécution (Brochant de Villiers s'adjoignit Dufrénoy et Élie de Beaumont. Ils firent un voyage préliminaire de reconnaissance en Angleterre pendant six mois, en 1823. En 1825, ils commencèrent leurs explorations en France. En 1826, de Billy avait été adjoint à Dufrénoy, et Fénéon à Élie de Beaumont). On sait avec quel succès cette oeuvre grandiose fut menée à bien ; mais l'administration de l'École se borna à abriter les collections qu'y réunissaient naturellement Brochant de Villiers, Dufrénoy et Élie de Beaumont, le premier en sa qualité de professeur, les deux autres comme professeurs suppléants, adjoints à la conservation des collections de l'École.

L'ordonnance de 1816, continuant aussi les traditions originaires, avait stipulé qu'il y aurait deux classes d'élèves : les élèves ingénieurs, venant de l'Ecole polytechnique, destinés au recrutement du corps des mines, pour lesquels l'Ecole était plus spécialement créée; les élèves externes « qui seront envoyés soit par les préfets, soit par les concessionnaires ou les propriétaires d'établissements métallurgiques », disait l'art. 14, dans le but principal, suivant l'art. 25, « de former des directeurs d'exploitations et d'usines. » On reconnaîtra sans peine, dans ces dispositions, la reproduction presque textuelle des prescriptions antérieures.

L'arrêté ministériel du 3 juin 1817 ajoutait que « les élèves admis indiqueront, à leur entrée à l'École, l'espèce de mine ou d'usine à la conduite de laquelle ils se destinent plus particulièrement, afin que les études de chacun puissent être dirigées vers la partie qu'il aura préférée. » Cette disposition répondait, dans l'esprit des créateurs de cette réglementation, à des habitudes d'enseignement que nous avons signalées à Moutiers, où le professeur variait sensiblement son programme chaque année suivant l'état d'instruction de ses élèves. En fait, ces diverses dispositions ne tardèrent pas à être perdues de vue, si tant est même qu'elles aient été jamais appliquées à Paris. L'enseignement prit presque immédiatement l'allure régulière , avec programmes définis, de cours faits en deux ans. L'admission des élèves externes ne tarda pas, d'autre part, à devenir un concours entre tous ceux qui se présentaient à l'examen d'admission, sans qu'on se soit jamais inquiété de savoir quelle devait être leur destination après la sortie de l'École. De leur provenance on ne s'en occupait que pour appliquer éventuellement une clause par laquelle l'arrêté ministériel du 3 juin 1817, relatif à l'admission des élèves externes, avait modifié l'art. 14 de l'ordonnance de 1816. Sous l'influence des idées de l'époque et conformément aux traditions, cet arrêté stipulait (art. 13) qu'à égalité de mérite la préférence pouvait être donnée aux fils de directeurs ou de concessionnaires de mines, de chefs ou de propriétaires d'usines minéralurgiques. Le premier conseil et l'administration supérieure ont fait une large application de cette disposition ; ils ont souvent donné la préférence avec une inégalité de mérite notable. La clause en question a été maintenue dans les arrêtés ministériels des 30 juillet 1847 et 1er août 1861 qui ont successivement remplacé celui de 1817. Mais après la Restauration il n'a plus été fait qu'une application plus rare et en tout cas plus limitée de cette disposition, qui doit être considérée aujourd'hui comme légalement abrogée (les arrêtés ministériels du 25 juin 1883, qui règlent aujourd'hui l'entrée à l'École, ne contiennent plus trace de cette disposition; il peut être permis de le regretter si l'on songe au but spécial de l'École des mines).

En outre des élèves externes, il y eut dès l'origine des élèves autorisés, correspondant à ceux qui, dans notre organisation actuelle, ont été qualifiés d'élèves libres et aujourd'hui auditeurs libres. Ce sont des personnes que l'administration supérieure autorise à suivre les cours de l'École sans qu'elles soient astreintes à subir une épreuve quelconque avant l'entrée ni à passer les examens de fin d'année.

L'idée de ces élèves autorisés, dont il n'était pas question dans l'ordonnance organique de 1816, doit être recherchée dans l'art. 11 de l'arrêté ministériel du 3 juin 1817 (reproduite dans l'art. 8 de l'arrêté du 30 juillet 1847, la clause a disparu dans l'arrêté de 1861), qui autorisait les candidats admissibles, mais-non admis, à suivre les cours sans prendre part aux exercices qui devaient être réservés aux seuls élèves externes. Mais le gouvernement de la Restauration autorisa discrétionnairement beaucoup d'autres personnes, qui n'avaient jamais subi aucun examen, à jouir de la même faveur; allant encore plus loin, il permit à plusieurs de ces élèves autorisés de participer aux travaux du laboratoire, en sorte qu'il n'y avait guère d'avantages particuliers dont profitassent, par rapport à eux, les élèves externes. Aussi s'explique-t-on sans peine que ceux-ci réclamèrent plus d'une fois contre cette situation d'autant moins tolérable pour eux que le gouvernement de la Restauration usa du système des élèves autorisés à ce point que leur nombre s'éleva jusqu'à une trentaine. Les élèves externes se plaignaient notamment que Berthier favorisât parfois les élèves autorisés qui pouvaient travailler au laboratoire au détriment d'élèves externes qui n'y étaient pas admis. Berthier répondait avec raison qu'il ne lui était pas possible de ne pas tenir compte des ordres de l'administration supérieure, qu'avec l'exiguïté des laboratoires, il ne pouvait souvent disposer que d'une place pour quatre candidats, et que, si certains élèves externes étaient exclus, c'était à raison de leur ignorance à peu près complète en chimie. Jusqu'à l'époque, en effet, où furent établis les cours préparatoires, l'insuffisance de nombreux externes en physique et en chimie préoccupa souvent le conseil; beaucoup d'entre eux n'étaient admis à l'École qu'à la condition de suivre, à la Sorbonne, des cours sur ces matières et de passer convenablement un examen à la fin de leur première année. Plus tard ils ne furent même admis aux exercices préparatoires du laboratoire à la fin de la lre année que s'ils soutenaient convenablement cet examen.

L'ordonnance de 1816 prévoyait qu'il pourrait y avoir en cours d'instruction simultanément à l'École 9 élèves ingénieurs (art. 13) et 9 élèves externes (art. 14). Les chiffres furent promptement dépassés, même avant la mise en service des nouveaux laboratoires dans l'année scolaire 1844-1845.

Le nombre des élèves ingénieurs dépendit toujours des besoins que l'administration prévoyait dans le service. De 1817 à 1822, les promotions annuelles ne furent que de 3 élèves ; à partir de 1823 jusqu'à la fin de la Restauration elles furent de 4 et 5, et comme le plus habituellement les élèves ingénieurs restaient trois ans à l'École, l'effectif était d'une quinzaine d'élèves ingénieurs environ.

Le nombre des élèves externes se réglait naturellement d'après le nombre des places disponibles au laboratoire ; toutefois, comme certains élèves n'y travaillaient qu'un temps relativement réduit, le conseil se montrait moins sévère sur le nombre des admissions. Tout au début, leur nombre ne fut pas très considérable et ne s'écarta guère, pour les deux années de présence utile, de celui fixé par l'ordonnance ; les candidats ne furent pas d'abord très nombreux et peu étaient éliminés aux examens d'entrée : pendant les sept premières années, tous les candidats qui se sont présentés paraissent avoir été admis. Mais peu à peu les jeunes gens qui avaient échoué à l'Ecole polytechnique commencèrent à affluer vers l'École des mines, et vers la fin du gouvernement de la Restauration il y eut jusqu'à 23 et 24 candidats pour 4 places disponibles. Lorsque l'École centrale se fonda en 1829, il y eut un moment d'arrêt dans le mouvement ascensionnel des candidats et même des admis ; beaucoup de jeunes gens préférèrent se diriger vers la nouvelle École ; puis le mouvement ascensionnel ne tarda pas à reprendre et ne cessa par la suite de s'accentuer.

L'ordonnance constitutive de 1816 et les actes originaires qui l'ont accompagnée ne prévoyaient rien explicitement pour les élèves étrangers. Il fut admis que ceux-ci, lorsqu'ils étaient présentés par leurs ambassadeurs, pouvaient être absolument assimilés aux élèves français, tant pour les avantages que pour les sujétions. Dès 1818, un sujet américain fut autorisé à suivre les cours et les exercices sans passer d'examens, et sous la gouvernement de la Restauration 15 élèves étrangers sortirent de l'Ecole, parmi lesquels on doit citer Marianno di Riveiro, qui fut directeur des mines du Chili, et Lesoine, de Liège, sorti avec des notes exceptionnellement brillantes et qui a fait, en Belgique, dans la métallurgie, une carrière si bien remplie.

Pendant toute la durée du gouvernement de la Restauration, que les observations qui précèdent visent plus spécialement, la vie de l'Ecole s'écoula d'une façon relativement assez uniforme, sauf l'accroissement du nombre d'élèves qui suivit les agrandissements de 1819-1820, et le développement qui put être par suite donné aux collections. Cette régularité d'existence tint à la persistance du personnel dirigeant pendant cette période.

L'École était en fait, on le sait, administrée par le conseil où restèrent tout ce temps les trois inspecteurs généraux Lelièvre, vice-président officiel, mais président effectif, Gillet de Laumont et Duhamel, qui avait remplacé, en 1813, Lefebvre d'Hellancourt, décédé. Lefroy resta tout ce temps également inspecteur agissant exclusivement et directement sous l'action du conseil. Les changements dans le personnel enseignant ne furent pas très sensibles : Baillet et Berthier restèrent respectivement professeurs d'exploitation et de docimasie pendant toute la période; si, en 1822, Hassenfratz fut remplacé par Guenyveau, celui-ci ne paraît pas avoir apporté de changements sensibles dans l'enseignement de son prédécesseur. Brochant de Villiers resta également professeur pendant toute cette période ; il est vrai que, dès 1825, il se fit suppléer par Dufrénoy, tant pour la minéralogie que pour la géologie, et à partir de 1827, par Dufrénoy pour la minéralogie, et par Elie de Beaumont pour la géologie.

Pendant toute cette première période, le conseil, auquel le gouvernement semble avoir laissé une assez grande latitude pour le fonctionnement intérieur de l'École, n'était en quelque sorte que la continuation, presque avec le même personnel, de l'administration qui avait successivement présidé aux destinées de l'École de la Convention et de celle de Moutiers. On s'explique donc que les anciennes traditions, dont plusieurs ont laissé des traces jusqu'à nos jours (tel est le cas, pour ne citer qu'un détail, de la moyenne partielle dont on s'occupe encore, en apparence du moins, pour chaque matière de l'enseignement et qui n'est que la suite de l'ancien medium qui jouait jadis un rôle si capital pour le classement et la sortie des élèves, puisque nul ne pouvait sortir de l'École avant d'avoir obtenu son médium dans chacune des matières individuellement), aient continué à exercer, pendant tout ce temps, une influence prépondérante. Mais en même temps, dès cette première période, furent introduites dans l'enseignement des innovations importantes, caractéristiques de l'enseignement de l'École des mines de Paris; elles avaient été inspirées au conseil par les résultats comparatifs de la double expérience de l'École de la Convention à Paris et de l'École de Moutiers ; en sorte que c'est aussi aux vénérables ancêtres et créateurs de notre administration moderne des mines qu'il faut en faire remonter l'honneur.

Chacun des quatre cours durait deux ans. La géologie proprement dite, bien que confiée au même professeur, alternait avec la minéralogie, la géologie étant devenue une véritable science avec un corps de doctrine.

Hassenfratz et Guenyveau enseignaient toujours la minéralurgie plutôt que la métallurgie ; le cours continuait à comprendre la fabrication de la chaux et du plâtre, des briques et poteries, des verres et cristaux, des couleurs métalliques, des acides et sels minéraux. En 1836, lors du remaniement des programmes qui eut lieu à cette époque, Guenyveau paraît avoir fait disparaître les parties du cours ne se rattachant pas directement à la métallurgie. Le Play ne les rétablit que partiellement quelques années après.

Baillet traitait des divers moteurs à eau et à vapeur, en les intercalant au milieu de son cours d'exploitation, comme la théorie des machines à vapeur se trouve intercalée dans le traité d'exploitation de Combes. (Avec les machines à eau, Baillet traitait de la construction des digues, étangs, rigoles, tuyaux de conduite et de leurs accessoires, matières rentrant partiellement dans le cours de construction).

C'étaient les premiers indices de la partie de ce cours, qui plus tard devait former le cours de machines, distinct de celui d'exploitation, même quand il resta confié à un seul professeur. Baillet terminait la première partie de son cours par des leçons de lever de plans superficiels et souterrains, tout comme Duhamel, dès l'École de Sage, enseignait la géométrie souterraine à la suite de l'exploitation des mines, et comme on voit cette matière figurer dans le Traité de Combes.

Tout cet enseignement n'était, en somme, que la continuation de celui inauguré dans l'École de la Convention, mis au courant toutefois des découvertes et progrès faits depuis cette époque.

L'enseignement théorique donné dans les quatre cours, qui duraient du 15 novembre au 15 avril de chaque année, devait être complété par un enseignement pratique, qui resta toujours particulièrement cher à ceux qui, en 1794, suivirent avec tant de persévérance, mais si peu de succès, l'idée des écoles pratiques, que nous allons voir agiter à nouveau, sans plus aboutir d'ailleurs. Cet enseignement pratique devait être donné partie à Paris, à l'Ecole ou autour de l'École, et partie au dehors.

A l'École, les élèves étaient exercés alternativement, par le système du roulement en brigades, qui persiste encore, au travail de laboratoire et au dessin, et ils étaient censés devoir se livrer à l'étude des collections, de 8 heures à 9 heures et demie du matin. A la suite des cours, ils visitaient à Paris ou aux environs, avec les professeurs de minéralurgie ou d'exploitation, soit des ateliers minéralurgiques, soit des exploitations de carrières, et ils faisaient des courses géologiques avec le professeur de minéralogie. Hassenfratz, au début, avait même établi à l'Ecole des fourneaux pour le traitement en grand du fer et du plomb ; mais ces leçons pratiques paraissent avoir cessé assez, promptement, un-peu peut-être à la suite des réclamations du quartier. Tout à fait au début de ce système, les professeurs ne faisaient pas moins de quinze visites de cette nature, et il y avait quatre courses minéralogiques.

Les visites industrielles avec les professeurs ont, depuis cette époque, subi des fortunes diverses; tantôt absolument abandonnées, tantôt reprises, mais toujours avec un développement moindre qu'au début. Les visites relatives à l'exploitation, difficiles, il est vrai, autour de Paris, ont notamment cessé depuis-longtemps.

En ces derniers temps, des visites industrielles avaient eu lieu librement sous les auspices et par le concours de l'Association des anciens élèves.

Les courses géologiques ont persisté et se sont développées par suite de la grande course géologique d'une semaine qui s'est ajoutée aux courses d'un jour dans les environs de Paris.

Entre la première et la deuxième année, le temps disponible était occupé par des travaux au laboratoire, des exercices de lever de plans superficiels et souterrains, que dirigeait et surveillait l'inspecteur Lefroy, par des exercices de dessin et plus tard par la rédaction des cours suivis dans l'année.

Le conseil ne voyait, dans tous ces exercices, que l'ébauche de l'enseignement pratique qui devait essentiellement s'achever, suivant ses idées persistantes, dans les écoles pratiques et dans les grandes exploitations de mines, comme le portait l'article 22 de l'ordonnance de 1816; l'article 10 de l'arrêté ministériel du 6 décembre 1816, qui reflétait ces idées, avait stipulé qu'aucun élève du corps ne pouvait être promu au grade d'aspirant sans avoir passé trois campagnes ou séjourné douze mois consécutifs dans une école pratique ou dans un établissement de mines et avoir été reconnu à la suite, par le conseil, avoir l'expérience ou les connaissances pratiques nécessaires.

Toutes ces dispositions émanaient, du reste, du conseil qui avait préparé ces actes officiels; on sait trop l'importance qu'il attachait à ces idées pour ne pas deviner avec quelle persistante continuité il insista auprès de l'administration toutes les fois que la plus petite occasion s'en présentait pour, demander qu'on le mît à même de se conformer strictement à ces dispositions; il insistait notamment sur la création des écoles pratiques. Dans une délibération de 1820, le conseil « plein des souvenirs et des heureux résultats de Geislautern et Pesey » demandait instamment : 1. l'octroi d'une concession de mine de houille à l'Ecole de Saint-Étienne; 2. l'achat d'une usine à fer qui, au besoin, eût été gérée par les ingénieurs des mines pour le compte du ministère de la marine ; 3. la création d'une école spéciale sur une concession de mine de plomb et de cuivre argentifères. On reconnaîtra bien là la persistance des idées mises en avant depuis 1794.

Il est à peine besoin de dire, d'autre part, que le gouvernement de la Restauration, pas plus d'ailleurs que ceux qui lui succédèrent, ne répondit à ces ouvertures, et ne songea à acquérir et à exploiter les établissements miniers et minéralurgiques nécessaires pour la constitution de ces écoles pratiques.
La question n'a été examinée tant soit peu sérieusement par l'administration supérieure qu'en 1837-1838, au moment où, en achetant l'hôtel Vendôme, on se disposait à donner à l'Ecole des mines de Paris, dont la vitalité et l'utilité avaient fait leurs preuves par vingt ans d'une brillante existence, tous les développements que cette institution nécessitait.
Le plan alors discuté consistait à créer une école pratique, formant en même temps usine expérimentale, par un établissement composé d'une mine de houille et d'une usine à fer exploitées directement par des ingénieurs des mines. Les élèves y auraient passé deux campagnes, d'un semestre chacune, entre leurs cours théoriques. Dans la première année ils devaient étudier particulièrement les détails, le premier trimestre à la mine, le second à l'usine; ils auraient pratiqué les travaux manuels du mineur et du boiseur, du fondeur, du puddleur et du forgeron; levé des plans souterrains et superficiels ; dressé des devis de détail pour mine et usine. Dans la seconde année, consacrée à des études plus générales, ils auraient étudié des projets, avec devis, de travaux ou d'installations pour la mine et l'usine. Les élèves n'auraient fait des voyages d'étude en France et à l'étranger qu'après ce double stage.
Le gouvernement recula devant la dépense de premier établissement que nécessitait l'exécution de ce plan.

Ce ne fut en définitive que par des voyages, tels que la pratique s'en est conservée inaltérée, sauf diverses modifications dans les détails de l'application, que put être acquis l'enseignement pratique au dehors; l'usage s'établit promptement, par suite de ces nécessités, d'entendre chacun de ces voyages comme constituant une de ces campagnes prescrites par l'article 10 de l'arrêté du 6 décembre 1816. Il fut même entendu, à partir de 1820, qu'on considérerait comme première campagne, au sens de cet article, la période d'exercices pratiques à Paris, entre la première et la seconde année, comprenant les visites d'établissements et les courses minéralurgiques avec les professeurs.
Les modifications ont porté, avec le temps, sur la durée et l'itinéraire de ces voyages.
Au début, les voyages suivant la deuxième et la troisième année d'éludés étaient réglés à 140 jours de durée; leur itinéraire détaillé «lait fixé par le conseil sur la rédaction d'un de ses membres. Ces premiers itinéraires obligeaient à des stationnements prolongés dans un même établissement où l'on indiquait même à l'élève le programme de ce qu'il aurait à faire. Des nécessités budgétaires firent réduire, par la suite, dès le début du gouvernement de Juillet, la durée de ces voyages à 100 jours ; l'itinéraire fut ensuite laissé au choix des élèves sous la sanction d'un examen en conseil. Les usages ont varié suivant le temps pour les pays que les élèves pouvaient choisir, au moins, entre la deuxième et la troisième année ; le premier grand voyage a dû, à certaines époques, et notamment aujourd'hui, se faire nécessairement en France.
Ces renseignements sont relatifs aux voyages des élèves ingénieurs. Jusque vers la fin du gouvernement de la Restauration, l'administration s'est refusée à s'occuper des voyages d'élèves externes; jusqu'en 1848 ils ont été facultatifs; ils sont obligatoires depuis cette date, mais seulement entre la deuxième et la troisième années.
Jusqu'en 1848, les élèves de première année n'ont pas voyagé. De cette date jusqu'en 1856, les élèves ingénieurs ont dû faire une courte excursion sur les chemins de fer des environs de Paris. Depuis 1866 on a repris, pour tous les élèves, ingénieurs et externes, le système d'un court voyage, de trois à quatre semaines, qui ne devrait être qu'un stage dans un seul district.

Le Conseil de l'École, plus pénétré de l'importance de l'enseignement pratique, et interprétant plus étroitement l'arrêté de 1816, voulait, il est vrai, que les élèves ingénieurs fissent leurs trois campagnes de voyage, sans compter comme telle la période d'exercices de première année, et restassent par suite quatre ans à l'École; mais l'administration supérieure, désireuse de disposer au plus tôt de ses ingénieurs, ne voulut jamais accepter une pareille combinaison.

Cette scolarité de quatre ans se liait, du reste, pour le Conseil avec l'ensemble d'un système, reposant aussi sur les anciennes traditions; mais ce système finit par ne jamais être pratiqué, et on s'en écarta même singulièrement plus tard.

La durée normale des cours était de deux ans; pour qu'un élève ingénieur pût être déclaré hors de concours, il fallait qu'il eût obtenu dans une même année, le medium dans toutes les matières; sinon, il avait à recommencer son année et à repasser ses examens. L'obtention de tous les médiums ne devait pas dispenser de suivre à nouveau tous les cours une seconde fois pour mieux posséder les matières. En outre, la quatrième année, ou tout au moins la troisième, lorsque l'administration eut refusé ce redoublement, devait être consacrée à un noviciat administratif consistant pour l'élève hors de concours à suivre obligatoirement les séances du conseil général des mines.
Malgré l'obligation, il ne paraît pas que les élèves aient été jamais très assidus.
Le premier conseil, plus pénétré de l'instruction technique que de l'instruction administrative a, de tout temps, écarté toutes les propositions de nature à introduire un enseignement sur cette branche de connaissances si nécessaires à l'ingénieur de l'Etat. La seule mention qu'on en trouve est la recommandation, plus que l'injonction, écrite dans l'art. 3 de l'arrêté du 6 décembre 1816, qui porte que, dans la période de stationnement à Paris, entre la première et la deuxième année, les élèves « étudieront les lois et les règlements sur les mines ».
Sur une proposition faite au conseil d'introduire un cours de législation et d'administration, il répondit qu'il était inutile, et que des élèves aussi distingués n'avaient qu'à lire une loi et des règlements si simples ! Ce singulier mépris de l'étude de la législation explique peut-être la façon si douteuse dont notre législation des mines a été appliquée sous le gouvernement de la Restauration.

En somme, suivant la façon dont ils passaient leurs examens, les élèves ingénieurs avaient une scolarité de deux ans seulement, le plus habituellement de trois, mais parfois aussi de quatre ans.
Parmi les élèves entrés à l'École sous le gouvernement de la Restauration, les seuls dont nous voulions parler à ce point de vue, ceux qui n'ont été astreints qu'à deux ans de scolarité furent : Combes (prom. de 1820), Reynaud et Bineau (prom. de 1826), Le Play (prom. de 1827), Malinvaud (prom. de 1828) et de Sénarmont (prom. de 1829).
Parmi eux Le Play s'était distingué à tel point que, à la suite du concours de 1829, le conseil, « frappé de la supériorité de M. Le Play dans toutes les parties de l'enseignement sans exception, de son application non interrompue, de sa conduite exemplaire et du succès extraordinaire qu'il vient d'obtenir dans le dernier concours puisque, bien qu'il n'ait que deux années d'étude, il se trouve le premier en tête de la liste et a obtenu 1.597 points de mérite, nombre de points auquel, depuis la fondation de l'École des mines à Paris, n'a jamais atteint un élève, même de trois années, demande au directeur général un témoignage de satisfaction particulière ».

Les élèves qui n'étaient pas hors de concours et étaient astreints par suite encore à la scolarité concouraient chaque année, tous ensemble, sans distinction de promotion, et étaient classés d'après les résultats des épreuves sur une seule liste.

L'article 20 de l'ordonnance du 5 décembre 1816 avait parlé de sujets de concours à donner aux élèves, et l'article 1er de l'arrêté du 6 décembre 1816 avait mentionné huit sujets, depuis l'écriture courante jusqu'à de véritables projets d'exploitation ou de machines. En réalité, en dehors d'une analyse chimique de concours, ces exercices se réduisaient à l'exécution de simples dessins. En 1840 seulement, parmi ses nombreuses et utiles innovations, Dufrénoy introduisit les deux projets de concours tels que nous les pratiquons aujourd'hui.

Tous les renseignements qui précèdent concernent spécialement les élèves ingénieurs. Le conseil étendait également sa sollicitude sur les externes, autant que le permettait l'insuffisance des connaissances qu'un trop grand nombre d'entre eux apportait alors à l'Ecole, notamment en physique et surtout en chimie. Aussi, à peu d'exceptions près, les élèves externes n'étaient pas admis à travailler au laboratoire à leur première année, pendant la période d'exercices de l'été, et ils n'y étaient même admis qu'à la condition d'avoir subi avec succès un examen sur la chimie. Par ce motif, Berthier - et il s'en plaignait - était obligé de s'étendre dans son cours sur les généralités de la chimie au détriment du développement qu'il aurait préféré donner à la docimasie proprement dite.

Dans ces conditions les externes restaient généralement trois ans à l'Ecole, bien qu'ils eussent pu, eux aussi, terminer en deux ans. D'autres fois, le conseil tolérait des séjours de quatre années. Sans qu'il y eût dans ces débuts de jurisprudence bien constante, le conseil accordait parfois des certificats au bout de trois ans, même quand un élève n'avait pas tous ses médiums, comme aussi il rayait de la liste, en cours d'instruction, ceux qui ne se mettaient pas en mesure de profiter utilement de leur séjour à l'École. Le diplôme, délivré à la sortie, variait dans ses expressions suivant le mérite de l'élève.
C'est ainsi que celui délivré en 1826 à Lesoine, de Liège, après avoir constaté qu'il avait répondu de la manière « la plus satisfaisante », ajoutait « qu'il devait être placé dans les premiers rangs des élèves externes qui sont sortis jusqu'ici de l'École royale des mines ».

Se fondant sur les textes qui avaient constitué l'École, le conseil aurait voulu que les élèves externes fussent astreints au même enseignement pratique que les élèves ingénieurs, et comme le conseil avait été contraint d'admettre que les voyages remplaçaient le séjour prévu dans les écoles pratiques, il réclamait l'obligation des voyages pour les élèves externes dans les conditions où on les imposait aux élèves ingénieurs ( « Nous ne pouvons vous dissimuler, écrivait le conseil au directeur général, le 13 août 1822, que tant que nous serons privés d'écoles pratiques, l'institution des élèves externes, qui pourrait être si utile et avoir une si grande influence sur le progrès des arts minéralurgïques, manquera presque entièrement son but. A défaut d'écoles pratiques, les voyages deviennent absolument indispensables ». ). L'administration résista fort longtemps, prétendant qu'elle n'avait pas à s'immiscer dans cette partie de l'enseignement des élèves externes; qu'il ne lui était pas possible, hors de l'École, d'exercer sur eux une surveillance quelconque et qu'ils devaient être considérés comme échappant à son action. Dans les dernières années du gouvernement de la Restauration, le conseil finit par l'emporter et put faire exécuter aux élèves externes leurs deux périodes de voyage constituant, avec la période d'exercice de première année, les trois campagnes prévues au règlement. Grâce à sa persistance, le conseil put ainsi arriver à tirer bon parti de l'institution des élèves externes que le gouvernement de la Restauration ne paraît pas avoir eus en haute estime ; c'est un titre de reconnaissance de plus que nous devons aux vénérables fondateurs de notre École.

4. L'École des mines sous le gouvernement de Juillet

Dès la fin de la Restauration le gouvernement avait compris que l'École des mines demandait à être rajeunie. L'âge et les fatigues ne laissaient pas de faire sentir leur influence sur le personnel dirigeant auquel, depuis tant d'années, se trouvaient confiées les destinées de l'enseignement. D'autres circonstances devaient, d'ailleurs, pousser l'administration à transformer l'École. La science appliquée allait prendre de grands développements, surtout par l'emploi de la vapeur; l'établissement des chemins de fer, outre qu'ils devaient constituer par eux-mêmes une industrie nouvelle, allait entraîner dans toutes les industries des modifications profondes, forçant chaque district, à peine de disparaître, de renoncer aux traditions ou aux routines, sous le bénéfice desquels il avait pu vivre dans le passé, et le contraignant de se mettre en situation de lutter avec les autres sur un marché qui s'élargissait de plus en plus.

Toute la durée du gouvernement de Juillet fut à tous les points de vue, pour l'École des mines, telle que la laissait le gouvernement de la Restauration, une période de transformations successives dont les résultats ne furent définitivement constitués que sous le régime suivant.

Ces transformations commencèrent par le renouvellement du personnel dirigeant et, d'abord, par le départ des inspecteurs généraux dont la présence continue avait principalement contribué à donner au conseil et à l'École, depuis 1794, cette persistance dans les vues et les idées, qui, singulièrement féconde aux débuts, pouvait à la longue nuire aux progrès de l'institution. En 1832, Lelièvre et Gillet de Laumont se retiraient, après 38 ans d'administration, en même temps que leur collègue Duhamel. A partir de cette époque le conseil, par suite peut-être d'un changement plus fréquent dans ses membres, ne paraît plus avoir eu dans l'administration de l'École un rôle aussi direct et une action aussi immédiate que par le passé. Il était du reste devenu plus nombreux, l'ordonnance du 29 août 1834 ayant fixé à six, au lieu de trois, le nombre des inspecteurs généraux qui devaient en faire partie en dehors des professeurs et de l'inspecteur de l'Ecole.

Si, à partir de 1832, le conseil, par suite du changement plus fréquent de ses membres, devenus plus nombreux, ne paraît plus présenter cette unité de composition et, par suite, ce souci des traditions, qui le caractérisaient auparavant, il y a lieu de remarquer que la présidence en resta confiée à Cordier jusqu'à ce que la réorganisation par le décret de 1856 la fit passer au directeur de l'École. Depuis 1832 également, Cordier présida le conseil général des mines ; il conserva cette présidence jusqu'à sa mort, survenue le 30 mars 1861 ; né le 31 mars 1777, il était alors âgé de 84 ans.

Cordier, qui avait été pair de France sous le gouvernement de Juillet, était, en outre, administrateur-directeur du Muséum. Il avait succédé en 1819 à Faujas de Saint-Fond dans la chaire de géologie de cet établissement, et à Haiiy à l'Académie des sciences en 1822.

Cordier avait été, avec Brochant de Villiers, de cette seule fournée de 40 élèves, plus tard réduite à 20, qui était entrée en 1794 à l'École des mines de la Convention.

Le conseil conserva néanmoins jusqu'à la réorganisation de 1856 une part dans l'administration, plus importante, en droit tout au moins, qu'il ne l'a aujourd'hui ; il continua en effet jusqu'à cette date à délibérer le budget annuel.

Le premier budget régulièrement délibéré en conseil, celui de 1817, se montait à 7.000 francs; en fait on dépensa 8.723 f,33; il est vrai qu'il n'y avait que deux élèves. En 1821, le budget ne s'élevait encore qu'à 12.000 francs, et à la fin du gouvernement de la Restauration à 17.250 francs. En 1839, après l'achat de l'hôtel Vendôme, il avait dû être porté à 21.142 francs; le dernier budget du gouvernement de Juillet, relatif à l'année 1848, avait été arrêté à 28.680 francs. Le dernier budget délibéré par le conseil, relatif à l'année 1856, était de 74 332 f
dont : pour le matériel : 48.632
et pour le personnel : 23.700

Dans ce budget n'était pas compris l'entretien des bâtiments qui restait à la charge des bâtiments civils. Dans tous ces budgets le personnel porté au budget de l'École doit d'ailleurs s'entendre des professeurs étrangers au corps des mines et des employés et gens de service.

Comme dernier terme de comparaison, le budget de 1889 est de 157.366 f
dont : pour le matériel : 73.166
et pour le personnel : 82.200

Pour le rendre comparable au dernier des budgets précités, il en faudrait déduire quelque 10.000 francs d'entretien des bâtiments. Il faut de ces budgets rapprocher, avec le tableau qui suit, le nombre des élèves des cours spéciaux qui leur correspondent, simple mention étant faite des élèves des cours-préparatoires :

ANNÉESÉLÈVES ingénieursÉLÈVES externesTOTALFRAIS par élèveOBSERVATIONS
1821 10 1020600
1839171229730I1 y avait en plus 5 étrangers.
1848191534843En plus : 4 étrangers et 5 élèves aux cours préparatoires.
18561336491517En plus : 7 étrangers et 5 élèves aux cours préparatoires.
18891070801967 En plus : 16 étrangers et 49 élèves en préparatoire.

Cet effacement relatif du conseil se lia, il est vrai, à l'action plus directe et à l'importance plus grande que les fonctions d'inspecteur allaient prendre entre les mains de Dufrénoy qui, au premier janvier 1837, succéda à Lefroy, après avoir commencé à lui être associé depuis 1834 comme inspecteur-adjoint et avoir fait sentir son influence dès cette époque. Avant d'être nommé officiellement directeur en 1848, Dufrénoy était arrivé à en exercer réellement les attributions. On s'est plu à faire remonter à Dufrénoy l'honneur des transformations qui ont amené le modeste établissement de la Restauration à la situation qu'il occupe aujourd'hui; ces appréciations sont parfaitement exactes, comme on le verra par ce que nous aurons à faire connaître ; mais il ne faudrait cependant pas oublier les services, à coup sûr plus modestes, rendus par ceux qui l'avaient précédé, et notamment par Lefroy, au milieu de circonstances assez difficiles. C'est parce que le terrain avait été bien préparé avant lui que Dufrénoy put réussir comme il l'a fait.

Les transformations successives que l'Ecole va subir dans toutes ses branches sous l'influence et par l'action du nouveau personnel dirigeant et que nous avons maintenant à relater se relient intimement, on va le voir, les unes aux autres.

Nous avons déjà dit les modifications que les bâtiments de l'Ecole subirent à la suite de l'achat de l'hôtel Vendôme en 1837; la transformation des laboratoires mis en service en 1844 permettait de doubler l'effectif des élèves qui put être [porté] de 44 à 50, et par suite permettait d'accroître notablement le nombre des élèves externes qui venaient de plus en plus nombreux frapper à la porte de l'École. Cette augmentation du nombre des élèves devait, de son côté, concourir à amener la transformation du système de la scolarité et indirectement par suite la modification des programmes de l'enseignement.

L'accroissement des bâtiments permit, d'autre part, de donner aux diverses collections le développement méthodique qu'elles n'avaient pu prendre jusqu'alors. La collection de minéralogie qui, par des accroissements successifs, s'élevait déjà, en 1845, à quelque 6.000 échantillons exposés dans les tables horizontales des salles du premier étage, s'augmenta de la riche collection du marquis de Drée, comprenant près de 20.000 échantillons (la moitié environ de la collection de Drée fut donnée à divers établissements à raison des doubles qui se trouvaient dans les collections de l'École des mines), acquise en vertu de la loi du 30 juin 1845 au prix de 110.000 francs. En dehors de la collection de minéralogie, on disposa dans les armoires vitrées les collections suivantes : collection statistique de la France (16.250 échantillons en 1845), collections géologiques de la France (16.400 échantillons en armoires et 11.400 en tiroirs) et étrangères (27.000 échantillons) ; collection géologique pour l'étude (4.020 échantillons).
Les collections statistiques ont joué de tout temps un rôle extrêmement important dans le musée de l'École. Dès l'origine, en 1794, nous avons signalé les préoccupations et les soins de l'agence pour en réunir les éléments. De Chancourtois, secondé par Guyerdet, aide aux collections, s'attacha particulièrement à les ranger et amena finalement la collection de statistique départementale, suivant le nom qui lui a été donnée, dans l'état de classement méthodique et systématique par département qui en fait aujourd'hui le mérite et la valeur. Le travail de de Chancourtois était sensiblement terminé en 1864.

La collection de paléontologie fut celle dont le classement a été le plus tardif, non pas tant que les éléments manquassent dès cette époque, mais le classement était à peine ébauché et il ne devait commencer à devenir sérieux que lorsque, en 1844, M. Bayle fut attaché à ce service en remplacement de Lecocq. Quelque temps après, en 1846, Dufrénoy était assez heureux pour obtenir, en faveur de la collection naissante, la cession gratuite de la collection des fossiles houillers de Koninck, si précieuse pour ses types sinon pour sa quantité, et, en 1848, de la collection Puzos, riche surtout en céphalopodes et renfermant un grand nombre de types étudiés et figurés par d'Orbigny. L'École des mines fut, en outre, admise à participer, avec le Muséum, au partage de la collection de plantes fossiles de Graeser (ancien directeur des mines d'Eschweiler près Aix-la-Chapelle; sa collection comprenait spécialement des suites de végétaux fossiles du bassin houiller de la Wurm), achetée au prix de 12.000 francs, en vertu de la loi du 8 août 1847.
D'après un rapport de Dufrénoy de 1845, l'École possédait à cette date : une collection de fossiles de 29.131 coquilles fossiles, 111 poissons, 120 végétaux, et une collection de coquilles vivantes de 10.040 coquilles; mais le tout en tiroirs, sinon même entassé sans aucun ordre.
C'est surtout dans ces dernières années, grâce à M. Zeiller, que les collections de végétaux fossiles de l'École ont pris l'importance due a cette branche de la science, et que, après avoir été enrichies surtout par les dons des exploitants, elles sont arrivées à être méthodiquement classées.

A partir de 1840, Le Play, nommé professeur de métallurgie, s'occupa de la constitution d'une collection métallurgique, qui avait été à peine ébauchée par ses prédécesseurs Hassenfratz et Guenyveau. Il poursuivit jusqu'en 1853 la réalisation de ce plan avec ces idées de méthode et de généralisation qui furent une des caractéristiques de son esprit. L'ensemble des collections ci-dessus énumérées constitue un véritable musée systématique des sciences se rattachant à l'exploitation et au traitement des substances minérales ; ce musée n'est pas seulement destiné à faciliter l'instruction des élèves ; ouvert au public comme tous les autres musées, il peut lui offrir de précieuses ressources au point de vue scientifique ou technologique. L'établissement et le maintien d'un pareil musée à côté de l'École rentrent dans les traditions originaires de cette institution.

A raison même de l'importance et du développement de ce musée, des conditions spéciales de conservation et de surveillance qu'il exige, ces collections ne peuvent suffire aux besoins quotidiens de l'enseignement des élèves. Aussi Dufrénoy s'empressa-t-il de constituer des collections pour les élèves, plus réduites, plus systématiques, de moindre prix, mises librement à leur disposition à côté de leurs salles de dessin, leur permettant, par un maniement quotidien, d'acquérir la connaissance professionnelle intime des minéraux et des roches.
Suivant un système remontant aux origines de ces collections d'élèves, on évite tous les abus en faisant déposer à ceux-ci, au commencement de leur scolarité, une masse sur laquelle on retient les frais nécessaires à l'entretien et au remplacement des échantillons égarés ou détériorés.

Les transformations de l'enseignement et des règles de la scolarité devaient être bien autrement importantes que les modifications subies par les bâtiments et les collections.

En 1832, Baillet du Belloy, après 35 ans d'un professorat remontant aux origines mêmes de l'École, quittait la chaire d'exploitation des mines et la remettait à Combes. Nul choix ne pouvait être plus heureux pour combler, dans l'enseignement de l'Ecole, une lacune dont les inconvénients se seraient fait sentir de plus en plus vivement. Combes commença à donner dans son enseignement à l'étude des machines, des machines à vapeur en particulier, et à la résistance des matériaux, l'importance que ces matières réclamaient. Son cours devint un cours d'Exploitation et de mécanique; si la première théorie des machines à vapeur du classique Traité d'exploitation nous paraît aujourd'hui quelque peu arriérée, elle constitua pour l'époque une nouveauté et un grand-progrès. Dans les matières se rattachant plus directement à l'exploitation des mines, on doit à Combes de nombreux progrès dans les petites comme dans les grandes choses : il préconisa les mèches de sûreté ou bickford, les câbles métalliques pour l'extraction; on lui doit aussi un théodolite pour les levés souterrains et un anémomètre; il a signalé les défauts de la lampe Davy et cherché à y remédier; ses études sur l'aérage des mines et les ventilateurs eurent un retentissement mérité; elles ont posé les fondements d'une théorie alors presque inconnue et d'une importance capitale pour les mines.

Peu après, en 1835, lorsque Brochant de Villiers résigna des fonctions de professeur titulaire, on sépara (par Arrêté ministériel du 6 novembre 1835) sa chaire unique en deux chaires distinctes, l'une de minéralogie, l'autre de géologie, confiées la première à Dufrénoy et la seconde à Elle de Beaumont. Sans doute, en fait, depuis 1827, cette séparation existait; mais autre chose est dans l'enseignement une suppléance partielle confiée à deux personnes différentes, ou deux chaires distinctes. Chacun de ces deux cours ne durait à l'origine qu'un an.
A partir de 1856, de Chancourtois, qui suppléait Elie de Beaumont, répartit les matières du cours de géologie en deux ans, mais en en répétant une partie chaque année; au reste, jusqu'en 1875, date à laquelle de Chancourtois devint professeur titulaire, les élèves n'étaient tenus de suivre le cours de géologie qu'une année, la deuxième de l'enseignement.

Avec Dufrénoy, la cristallographie reprit dans l'enseignement de l'École la place qui lui revient de par la tradition d'Haüy ; Brochant de Villiers, qui se rattachait quelque peu à l'École de Werner, s'y arrêtait moins.

Il serait inutile d'insister sur l'importance de l'enseignement géologique, si nouveau et d'une telle hauteur de vues, que donna Élie de Beaumont, proclamé à juste titre le maître de la géologie française.

Quelques années après le dédoublement de la chaire de Brochant, pendant la seconde série de transformations poursuivies par Dufrénoy, le cours de géologie reçut un complément important et qui devait le devenir encore plus par la suite. A partir de 1845, après entente entre Dufrénoy et Élie de Beaumont, M. Bayle fit, comme annexe au cours de géologie, des conférences publiques de paléontologie qui furent tout de suite très goûtées. Dufrénoy, qui ne craignait pas d'assumer la responsabilité des initiatives utiles, avait pris sur lui d'organiser ces conférences, dont le conseil lui-même, - ce dont il ne laissa pas de se plaindre quelque peu, - n'eut connaissance que lorsqu'elles se faisaient déjà depuis trois ans.
La situation ne fut régularisée, comme on le dira plus tard, qu'en 1848; l'arrêté ministériel du 31 mars 1848 reconnut officiellement l'enseignement de la paléontologie mais en tant seulement que leçons annexes du cours de géologie. Le décret de 1856 avait bien fait de la paléontologie un cours; ce ne fut, en réalité, qu'en 1864 que M. Bayle, qui, en fait, professait depuis 1845, fut nommé professeur titulaire.

Berthier occupait avec trop d'autorité la chaire de docimasie pour qu'on eût à se préoccuper de cette partie de l'enseignement. Néanmoins, à partir de 1840, il se fit suppléer par Ebelmen, qui lui succédait en 1845 et allait être enlevé, si malheureusement pour la science, six ans après, à peine âgé de 38 ans.

Dans cette même année 1840, Le Play succédait à Guenyveau et commençait, avec l'autorité spéciale due à sa pratique personnelle et à ses voyages, cet enseignement de seize ans, où il devait apporter les idées de systématisation méthodique, d'étendue d'observation et de précision de détails, qui furent les caractéristiques de ce beau talent et qui donnèrent une si juste célébrité à ses leçons. Le Play reprit dans son cours une partie des matières qui lui avaient fait donner, dès l'origine, le nom de minéralurgie, et que Guenyveau avait abandonnées à partir de 1836. Sous le titre d'arts minéralurgiques divers, Le Play traitait, en effet, avant la refonte des programmes en 1849, des verreries et cristalleries, briques et poteries diverses, chaux et mortiers, soufre, arsenic, acide sulfurique hydraté et fumant, soude artificielle.

L'accroissement du nombre d'élèves et l'élévation du niveau général des études n'allaient pas tarder à amener dans l'enseignement et la scolarité, tant pour les élèves ingénieurs que pour les élèves externes, deux modifications importantes et qui toutes deux devaient se montrer singulièrement fécondes.

En effet, le roulement des cours restait toujours de deux ans. Sans doute, dès 1835, plusieurs professeurs, Combes notamment, avaient proposé de répartir en trois années les matières de leur enseignement, en leur donnant plus de développement. Mais ces propositions n'eurent pas de suite. Certains élèves continuaient à obtenir tous leurs mediums au bout de deux ans (tel fut le cas de Callon et de Le Chatelier en 1838), et, par conséquent, se trouvaient avoir rempli dans ce laps de temps toutes leurs obligations de scolarité. Mais le conseil, qui persistait à attacher une grande importance à l'enseignement pratique puisé dans les voyages, répugnait à mettre ces élèves à la disposition de l'administration, tant qu'ils n'avaient pas fait leurs deux excursions. Afin d'y remédier, on avait bien imaginé pour eux les voyages doubles, qui consistèrent d'abord en un voyage de six mois, au lieu de trois mois,après la deuxième année, ou en deux voyages de trois mois séparés par quelques mois de séjour à Paris. La troisième année était toujours considérée comme devant être une année de noviciat administratif, et à ce titre les élèves auraient dû aller s'initier aux choses administratives en suivant les séances du conseil général des mines; mais ce ne fut jamais une obligation, et il ne paraît pas que la pratique en ait été jamais prise.
Pour remédier aux lacunes de l'enseignement au point de vue administratif, lacunes dont on s'apercevait davantage tous les jours, une décision ministérielle du 27 mars 1838 avait prescrit que les élèves de l'École des mines suivraient le cours de droit administratif que Cotelle venait d'inaugurer à l'École des ponts et chaussées; ce cours devait à cet effet être augmenté de 8 leçons sur la législation des mines et le dessèchement des marais. La mesure ne paraît pas avoir été suivie ni avoir donné jamais de résultats pratiques.

Pour employer utilement cette troisième année et retenir sûrement tous les élèves, même quand ils auraient obtenu tous leurs mediums, Dufrénoy et le conseil créèrent, en 1841, les deux concours de troisième année, l'un de métallurgie et l'autre d'exploitation de mines ou de machines, tels que depuis ils ont subsisté (l'établissement des deux concours de troisième année eut lieu en vertu d'une décision ministérielle du 22 décembre 1841). Ce fut une des innovations les plus heureuses dans l'enseignement; car c'est là un des travaux les plus féconds que l'on puisse demander à des élèves d'écoles d'application qui ont terminé leurs cours et ont voyagé. Peu d'écoles ont pu réussir dans cette partie difficile de l'enseignement professionnel, comme on y est arrivé à l'Ecole des mines de Paris. La mesure ne s'établit pas sans peine du reste, et les premiers concours furent très faibles. Auparavant, les élèves ne faisaient guère que des dessins, parfois accompagnés de devis, pour être annexés à leurs mémoires de voyage. Mais il y avait loin de là aux projets complets, avec devis, à dresser sur un programme détaillé indiqué par les professeurs. Quelques années après, lorsque la pratique de ces projets commença à être bien prise, on donna, comme aujourd'hui, des projets plus circonscrits aux élèves de deuxième année, projets qui étaient une préparation aux grands projets de la troisième année. Ces projets eurent le grand avantage de fixer dorénavant la scolarité à trois ans pour tous les élèves, quels que fussent leurs succès aux examens de deuxième année (les élèves ingénieurs qui n'avaient pas leurs médiums au bout de la deuxième année, devaient la redoubler et, n'étaient admis à faire les projets de concours qu'à leur quatrième année) ; cet allongement normal du séjour à l'École allait permettre d'utiles développements dans les programmes.

A mesure que le niveau des études s'élevait, la différence de recrutement et partant de préparation des élèves ingénieurs et des élèves externes se faisait sentir davantage. Ceux-ci, qui se présentaient en nombre toujours plus grand, devenaient de moins en moins aptes à suivre utilement les cours, à cause de leur insuffisance en chimie, physique et mathématiques. Dès 1840, le conseil et Dufrénoy avaient attiré sur ce point l'attention de l'administration supérieure, en proposant de créer à l'École des cours préparatoires qui auraient été faits par les jeunes ingénieurs des mines en résidence à Paris. Cette idée était assez naturellement indiquée par la pratique suivie par plusieurs élèves qui entraient d'abord à l'École en tant qu'autorisés, puis, après une ou deux années de préparation en cette qualité, devenaient à la suite des examens d'admission élèves externes admis régulièrement à tous les exercices et susceptibles d'être diplômés. L'administration supérieure refusa tout d'abord d'entrer dans cette voie et suggéra l'idée d'élever suffisamment le programme des connaissances exigées pour l'admission aux places d'élèves externes. Le conseil fit observer que cette mesure n'aurait pour effet que de créer une prime en faveur des élèves démissionnaires de l'École polytechnique; qu'on écarterait de l'École des mines les fils d'industriels qui y viennent chercher l'enseignement spécial dont ils ont besoin pour pouvoir un jour diriger les établissements de leur famille. L'administration finit par se rendre à ces excellentes raisons, lorsqu'après l'achèvement des nouveaux laboratoires le nombre des élèves externes put être et fut notablement augmenté; par décision du 10 novembre 1844, fut enfin créée l'institution des cours préparatoires, qui commença assez modestement d'abord, pour prendre bientôt l'organisation définitive qu'elle a conservée depuis.

Delaunay fut d'abord seul chargé de faire des leçons d'analyse et mécanique rationnelle (30 leçons), de géométrie descriptive (10 leçons) et de physique (10 leçons). Un peu plus lard, à raison de la peine qu'avaient les élèves à suivre les leçons d'analyse, Delaunay, avec l'assentiment du conseil, fit des leçons de mécanique appliquée qui rappelaient son classique Traité de mécanique élémentaire.

Rivot, qui était encore élève de troisième année, fut chargé des leçons de chimie générale sous la direction d'Ebelmen, alors encore professeur-adjoint de docimasie.

Un peu après, Delaunay (décision ministérielle du 28 décembre 1844) ajoutait à ses fonctions celles de professeur de dessin et de lever de plans, à la place de Girard, décédé. Delaunay devait rester jusqu'à l'année scolaire 1848-1849 seul chargé de cette double tâche (en 1848-1849, Delaimay ne conserva plus que l'enseignement de la mécanique et de la physique; de Chancourtois se chargea de l'enseignement de la géométrie descriptive et du calcul infinitésimal, ainsi que de l'enseignement du dessin et du levé de plans pour les élèves des cours spéciaux) ; il a ainsi rendu à l'Ecole, où il est resté jusqu'en 1850, surtout pour l'organisation et le fonctionnement des cours préparatoires, dans une sphère relativement modeste pour un savant de son envergure, des services inappréciables, qui méritent que l'Ecole conserve de lui un souvenir reconnaissant (M. Daubrée, dans le discours nécrologique qu'il devait prononcer au nom de l'École des mines, dont il était alors directeur, et qui n'a pu qu'être publié, a bien fait ressortir, avec l'autorité spéciale qui lui appartenait, les services rendus par Delaunay à l'École).

Dans cette institution des cours préparatoires, Dufrénoy reprenait en somme les plus anciennes traditions de l'École de la Convention et même de Sage. Ces cours n'avaient cessé que lorsque l'Ecole des mines s'était recrutée exclusivement d'élèves provenant de l'École polytechnique.

Jusqu'à l'achèvement, en 1849-1850, de la réorganisation, dont nous suivons les essais et les tâtonnements dans sa période de préparation, la distinction actuelle entre les élèves des cours préparatoires et les élèves des cours spéciaux n'existait pas. La scolarité normale des externes était de trois années : la première année était occupée par les cours préparatoires et on y suivit même au début le cours de minéralogie. Les élèves de première année devaient avoir leurs mediums dans les matières de l'enseignement préparatoire à la fin de l'année à peine d'exclusion; on pouvait ensuite faire deux ou trois ans, en redoublant au plus une année, jusqu'à ce qu'on eût ses mediums dans toutes les matières de l'enseignement spécial.

Dans les deux autres années, on suivait les cours normaux, en faisant en outre, en troisième année, les projets de concours. Les externes venus de l'École polytechnique pouvaient être dispensés de suivre les cours préparatoires et pouvaient terminer leur scolarité en deux ans ; ils n'en étaient pas moins tenus pour entrer à l'Ecole de passer l'examen normal et unique d'admission, qui portait naturellement, comme aujourd'hui, sur le programme de la classe de mathématiques spéciales, voire même très atténué.

Entre temps, l'accroissement du nombre des élèves avait amené dans l'organisation intérieure une modification secondaire. Jusqu'en 1840 on était resté fidèle, pour les examens, au système fixé par l'arrêté ministériel de 1816 qui, à l'article 4, prescrivait que les questions « seraient les mêmes pour tous. » Dufrénoy n'eut pas de peine à faire remarquer l'impossibilité pratique d'une pareille disposition, alors que tous les élèves devaient concourir ensemble, sans distinction d'année; on avait beau les enfermer, la question finissait toujours par être connue de ceux qui attendaient leur tour dans le petit local. Aussi une décision du 3 avril 1841 vint-elle remplacer l'ancien système par le mode des examens ordinaires avec questions au choix des examinateurs.

Nonobstant l'abandon d'une procédure qui se liait logiquement avec la notion d'un concours annuel, on persista, jusqu'en 1849, à conserver ce système de concours pour tous les élèves, sans distinction de classe, suivant la tradition qui remontait à l'origine même de l'École. Les élèves ingénieurs d'un côté, et les externes de l'autre, étaient donc annuellement classés sur une seule liste d'après les seuls résultats de l'examen de la dernière année, sauf report éventuel d'une année à l'autre, pour chaque matière, de l'excédant de note au-dessus du fameux médium; le tout d'après des calculs d'une complication sans rapport avec le but à atteindre (On peut s'en faire une idée, et fort atténuée encore, - car le système avait été déjà très simplifié, - en se reportant à l'arrêté ministériel de 1849).

Une autre amélioration de détail remonte à cette époque : les leçons de langues étrangères se donnèrent désormais à la fin de la journée pendant toute la période des cours oraux au lieu de n'avoir lieu, comme jadis, que pendant celle des exercices d'été.
Suivant les époques, on a rendu obligatoire l'étude des deux langues allemande et anglaise, ou de l'une d'elles seulement; l'étude de l'autre restait facultative, mais servait à augmenter le nombre de points aux examens, suivant des formules qui ont varié avec le temps.

La distribution intérieure du travail resta ce qu'elle avait été, en principe du moins, de tout temps; les élèves, qui pouvaient entrer à huit heures du matin mais n'arrivaient, en fait, qu'à neuf heures et demie, étaient libres à quatre heures du soir (à la réforme de 1887, le conseil a proposé, et l'administration a décidé de reporter à cinq heures l'heure de la sortie) ; leur présence était constatée par la signature aux heures des cours obligatoires pour eux, et à l'heure de la sortie. Des appels pouvaient être faits entre temps; mais ils ne semblent pas avoir été beaucoup pratiqués. Dufrénoy et le conseil s'efforcèrent simplement d'assurer l'assiduité en donnant une valeur plus effective à la note attribuée à la présence.

L'achèvement et le développement des nouveaux laboratoires amenèrent l'établissement à l'École d'une nouvelle institution qui devait compléter l'ensemble des installations que ses fondateurs avaient songé à grouper autour d'elle dès sa création; ce fut le bureau d'essais, établi par décision ministérielle du 24 novembre 1845, dans le but de faire gratuitement pour le public des analyses de matières minérales. Dès l'origine, en 1794, à l'hôtel Mouchy, le laboratoire de l'École était devenu le laboratoire de l'administration des mines ; il resta exclusivement destiné à cet objet pendant que l'École était à Pesey. A l'hôtel Vendôme l'administration avait eu également recours, de tout temps, quand elle en avait eu besoin, au laboratoire du professeur de docimasie. Mais il y avait loin de là au bureau d'essais auquel le public était appelé désormais à s'adresser librement et directement.

En même temps, Berthier abandonnait définitivement sa chaire de docimasie à Ebelrnen, qui devenait professeur titulaire, bien que nommé simultanément administrateur-adjoint à Sèvres. Rivot, qui n'était encore qu'élève de lre classe, fut chargé, provisoirement tout d'abord, avec le cours de chimie générale pour les élèves des cours préparatoires , de la direction des travaux du laboratoire ainsi que des essais et analyses demandés au bureau d'essais. Le professeur de docimasie, ou, en son absence, l'inspecteur de l'École, devait rendre compte mensuellement au conseil du fonctionnement du bureau.

L'accroissement normal d'une année dans la scolarité avait porté le conseil à se préoccuper des augmentations de programme qui en pourraient utilement résulter. Il était deux matières sur lesquelles les lacunes de l'enseignement le préoccupaient : les chemins de fer et les connaissances administratives.

Dès le début des chemins de fer on avait attiré sur eux l'attention des élèves. En 1834. ils avaient été invités, dans leurs voyages, à en étudier les machines, le matériel et les installations ; parfois même des mémoires leur avaient été demandés sur ces sujets. Mais à mesure que les chemins de fer prenaient plus de développement, que leur industrie constituait au point de vue technique un corps de doctrine, le besoin d'un enseignement spécial se faisait d'autant plus sentir que les ingénieurs des mines étaient appelés à être attachés au contrôle des voies ferrées. Au début de 1846. le conseil de l'Ecole avait adopté, de concert avec Bineau, un programme de leçons sur « la partie métallurgique et l'exploitation des chemins de fer », leçons qui devaient être placées en troisième année et que le conseil comptait voir faire par cet ingénieur, chargé spécialement, auprès de l'administration supérieure, d'un service dont l'intitulé projeté des leçons rappelait le titre et la nature. A défaut de Bineau absorbé par ses occupations administratives, Couche inaugura ces conférences en 1846-1847 à la suite d'une décision du 17 octobre 1846; telle fut l'origine du cours que cet éminent ingénieur devait professer d'une façon si magistrale pendant trente ans. Le conseil avait tout d'abord insisté pour que ces conférences n'eussent pas une forme théorique, mais consistassent exclusivement en un exposé de faits pratiques et de détails de construction. Mais sous l'incitation de Dufrénoy qui paraît, dans la circonstance, être intervenu en dehors des vues du conseil, l'administration créait quelque temps après, sous un autre régime gouvernemental il est vrai, par décision du 24 mars 1848, un cours de construction qui devait être réuni à celui des chemins de fer; l'ensemble, en quarante leçons, était établi suivant un programme qui devait rester sensiblement le même jusqu'à la disjonction de ce cours, en 1879, dans les deux cours actuels de construction et de chemins de fer.
Quelques jours avant la création de ce cours, une dépêche ministérielle du 21 mars 1848 signalait « qu'il serait utile que les ingénieurs des mines ou au moins ceux que la disposition de leur esprit porte vers les travaux industriels, tout en perfectionnant leur instruction scientifique dans des voyages d'exploration, pussent suivre pendant un certain temps les détails de l'exploitation des chemins de fer, les grands ateliers de construction des locomotives et du matériel de ces voies de communication. »

Ce fut là l'origine du voyage ou plutôt de l'excursion de première année organisée par décision du 14 juillet 1848 sur les chemins de fer rayonnant autour de Paris. Cette excursion, qu'on ferait mieux encore d'appeler une promenade, fut maintenue jusqu'en 1856.

Vers la même date étaient instituées, par décision du 31 mars 1848, vingt leçons de paléontologie, comme annexe de la géologie; sans examen spécial; l'examen et la note devaient rester confondus avec ceux de la géologie. Le développement donné à la paléontologie n'avait pas été sans soulever des protestations au sein du conseil, et, plus tard, dans la commission spéciale de 1848 , on craignit qu'on ne détournât l'École de sa destination en faisant des naturalistes plutôt que des ingénieurs. Quelques années après, en 1851, lorsque le cours avait été à nouveau régulièrement reconnu par l'arrêté de 1849, le conseil, amené à discuter le programme de ce cours, insistait pour qu'il ne traitât pas des généralités de la science ; son objet exclusif devait être la connaissance pratique des principales espèces servant à caractériser les terrains ; pour rappeler ce but, le conseil demandait que le cours prît le titre de Paléontologie pratique. En rendant le décret de 1858, l'administration ne suivit pas tout à fait le conseil dans cette voie et sut peut-être mieux satisfaire au double but que l'on doit avoir en vue à l'École des mines de Paris.

Au début de cette année scolaire 1847-1848, qui devait amener tant de modifications, Dufrénoy, nommé professeur au Muséum, céda sa chaire de minéralogie à l'Ecole des mines à de Sénarmont.

Le conseil, dans cette même fin de l'année 1847, avait également arrêté le programme d'ensemble d'un cours, en 20 leçons, de droit administratif sur les mines, qu'il désirait voir confier non à un juriste de profession, mais à un membre du corps ayant acquis son expérience par la pratique ; sur le refus de de Bonnard et de Migneron de se charger de ce cours, le conseil, sans faire une véritable présentation, avait cru pouvoir indiquer à l'administration supérieure Jean Reynaud comme l'ingénieur le plus propre à ce nouveau poste. Mais il ne devait être définitivement statué sur cette question qu'après l'étude d'ensemble que crut devoir prescrire le gouvernement de la République, dès que, les troubles et le désordre de la première heure passés, le nouveau régime eut pris quelque stabilité.
Le nouveau gouvernement, à ses débuts, se borna, dans la dépêche du 21 mars 1848, à marquer l'utilité qu'il y aurait à ce que les élèves « prissent, par un séjour de quelque temps auprès d'un ingénieur en chef, des notions administratives sur la marche du service et la manière de traiter les affaires. »

Les décisions que nous avons déjà indiquées montrent que le nouveau gouvernement à ses débuts avait, sans aucune hésitation, pris diverses mesures sanctionnant, par solutions d'espèce, la voie de transformation profonde dans laquelle l'École était entrée depuis quelques années. Mais on s'écartait tellement et de plus en plus par là des actes originaires de 1816, qui constituaient, en somme, légalement encore la charte de l'École, qu'on conçoit très bien que, dès que les choses eurent repris quelque régularité, l'administration comprit qu'on ne pouvait persévérer dans tin pareil système ; une étude d'ensemble s'imposait pour fixer, d'une façon appropriée, le régime le meilleur; cette étude devait, du reste, amener la consécration définitive des vues dont nous venons de suivre l'évolution et de montrer les premières applications.

Les deux révolutions de 1830 et 1848 ont ainsi marqué pour l'École des mines des dates à chacune desquelles son régime a subi des modifications importantes; la dernière a été plus marquée que la première, mais aussi préparée depuis plus longtemps.

A l'intérieur même de l'École, la révolution de 1830 ne paraît pas avoir laissé de traces sensibles, encore qu'on ne puisse douter que les élèves ne se soient joints à leurs camarades plus jeunes de l'École polytechnique.
Une difficulté s'était présentée à l'Ecole des mines, comme dans toutes les autres Ecoles spéciales se recrutant à l'Ecole polytechique, pour l'application de la malencontreuse ordonnance du 6 août 1830, peu après rapportée à cause de son inapplicabilité, en vertu de laquelle les élèves sortant de l'Ecole polytechnique devaient être nommés d'emblée lieutenants dans l'artillerie et le génie, et aspirants dans les ponts et les mines. Le conseil avait immédiatement indiqué le moyen de tourner la difficulté en ne nommant aspirants ceux de la promotion de 1830 que simultanément et après leurs anciens, et quand tous auraient satisfait aux obligations scolaires. On annulait ainsi, en fait, l'effet de l'ordonnance.

En 1848, les élèves, plus nombreux il est vrai, se mêlèrent de plus près aux événements. Le 3 mars 1848, Marie, ministre des travaux publics, écrivait au conseil : « Les élèves de l'École des mines, comme leurs camarades des ponts et chaussées, ont montré dans les événements mémorables que nous venons de traverser, tout ce que l'on doit attendre de leur capacité et de leur dévouement à la chose publique ; c'est un hommage que je me plais à consigner ici et dont je vous prie de leur transmettre l'expression ». En même temps, tous les élèves, déjà en service, mais non encore nommés aspirants faute d'avoir achevé leurs obligations scolaires (missions et journaux de voyage, etc.), et tous ceux de troisième année furent déclarés d'emblée hors de concours.

Les élèves de l'École prirent une part encore plus active aux journées de juin qu'à celles de février. Lesbros, élève ingénieur de première année, mourut des suites des blessures reçues, le 24 juin, dans la rue des Noyers, à l'attaque d'une barricade, et M. Blavier [Aimé-Étienne] , son camarade de promotion, fut décoré, le 2 mai 1849, pour sa belle conduite dans ces tristes circonstances.

Nous ne quitterons pas la période que nous venons de parcourir sans signaler une mesure très heureuse pour l'enseignement, prise par le gouvernement de Juillet, à la suite d'un avis émis par le conseil général des mines. Le gouvernement fit connaître, en 1834, au conseil de l'École que, conformément à cet avis, il était disposé à autoriser chaque année un ou deux professeurs à faire, pendant la période de suspension des cours, des voyages d'instruction pour lesquels un crédit de 3.000 francs serait ouvert. Le conseil indiquait les professeurs et arrêtait, de concert avec eux, l'itinéraire à suivre. La mesure fut appliquée assez régulièrement chaque année jusqu'en 1848 : Le Play en profita particulièrement pour visiter les usines de tous les pays. A partir de 1848, ces voyages devinrent plus rares ; la pratique en subsista cependant encore jusque vers le milieu de l'Empire pour disparaître depuis cette époque.

5. L'Ecole depuis la réforme de 1848-1849 jusqu'au décret de 1856.

L'administration confia l'étude préalable de la réorganisation de l'Ecole des mines à une commission spéciale de membres du corps des mines, constituée par décision du 16 juin 1848, sous la présidence de Cordier. Cette commission comprenait des ingénieurs pris à l'Ecole et en dehors : Dufrénoy, Le Play, de Sénarmont et Couche représentaient l'École ; Boulanger, Sauvage et Le Chatelier, qui fut à la fois secrétaire et rapporteur de la commission, l'élément étranger. Le travail de cette commission amendé sur quelques points par le conseil de l'Ecole, transformé en ce moment, comme nous allons le dire, en Conseil central des Écoles des mines, est devenu l'arrêté ministériel du 17 avril 1849, qui fut, en fait, jusqu'au décret actuel de 1856, la charte de l'Ecole aux lieu et place de l'ordonnance de 1816 et des actes qui l'avaient accompagnée. Cet arrêté de 1849, si soigneusement préparé, ne subit, avant le décret de 1856, que quelques modifications de détail sur le système de notation dans les examens, introduites par les arrêtés du 31 janvier 1853 et du 24 avril 1854. Le décret de 1856 n'a d'ailleurs pas abrogé totalement l'arrêté de 1849 et ceux qui l'ont modifié; on admet qu'on doit combiner les clauses résultant de ces actes qu'on peut appeler de l'époque intermédiaire avec les dispositions qui découlent du décret.

L'arrêté ministériel de 1849 n'a fait en somme, en dehors de quelques dispositions de détail sur le fonctionnement intérieur de l'École, que consacrer toutes les améliorations successives introduites ou projetées par le conseil et l'administration de l'École, de 1845 à 1847. La scolarité pour l'enseignement professionnel proprement dit était désormais portée à trois ans pour tous les élèves, sans distinction d'ingénieurs et d'externes; aussi bien l'article 2 stipulait expressément leur assimilation pour tout ce qui concernait l'enseignement, cours oraux et exercices pratiques.
Cette clause doit s'entendre et s'entend pour les exercices pratiques intérieurs. Pour les voyages, les élèves externes ne sont tenus à rien après leur troisième année, tandis que les élèves ingénieurs ont à effectuer un voyage au sujet duquel ils rédigent un journal et deux mémoires dont l'importance est à tous égards considérable.

Aux cours qui subsistaient depuis l'origine ou se trouvaient avoir été déjà créés par décisions spéciales, venait enfin s'ajouter la législation des mines.

Les cours préparatoires pour les élèves externes qui n'étaient pas de force à aborder l'enseignement spécial étaient maintenus avec plus de développement que lors de leur création en 1844; deux cours distincts, l'un de mécanique et physique et l'autre de géométrie descriptive et calcul infinitésimal, étaient créés à la place du cours unique confié jadis à Delaunay.
Le cours unique de 1844-1845, dédoublé en 1848-1849, devait enfin constituer trois cours distincts en 1868 par la séparation de la physique. La répartition des matières entre les deux cours de mathématiques a varié avec le temps. L'analyse et la mécanique ont été réunies en 1856. Plus récemment, en 1882, l'analyse a été réunie à la géométrie descriptive; et la mécanique seule a fait l'objet d'un cours distinct.

Les programmes de chaque cours ont du reste varié en même temps et dans le même sens que les programmes respectifs de la classe de mathématiques spéciales et de l'Ecole polytechnique, de façon que les cours préparatoires de l'Ecole des mines pussent toujours être placés utilement à la suite de l'enseignement de cette classe et comme remplacement de l'enseignement donné dans cette Ecole.

L'année des cours préparatoires se trouva désormais placée en dehors et en avant de la scolarité normale de trois ans des cours spéciaux, suivant le nom qui leur est resté d'après celui employé par l'arrêté de 1849.

L'administration n'avait pas attendu de rendre l'arrêté du 17 avril 1849 pour introduire à l'École les modifications désormais décidées ; elles purent entrer en fonctionnement au début de l'année scolaire 1848-1849.

Dès le 15 novembre 1848 était créé le nouveau cours spécial, sous le titre d'Economie et législation des mines ; il fut confié à Jean Reynaud, que, dès 1847, nous avons vu le conseil désigner à cet effet à l'administration supérieure ; on ne pouvait faire un choix plus heureux pour inaugurer ce côté nouveau de l'enseignement de l'Ecole; l'éloquence entraînante du futur auteur de Terre et Ciel était de nature à séduire les élèves.
Garnier, l'économiste, avait demandé à faire à l'École des mines un cours spécial d'économie politique comme celui professé par lui à l'Ecole des ponts et chaussées. Le conseil, saisi de cette demande, considérant qu'il s'agisait surtout de l'application de l'économie politique aux mines et usines et à leur statistique, avait été d'avis qu'il convenait de confier ces leçons à un ingénieur et de les joindre au cours de législation dont il réclamait instamment la prompte organisation.
La commission spéciale d'organisation, en appuyant vivement la création du cours de législation demandé dès 1847, avait insisté, comme jadis le conseil de l'École, sur la convenance de le confier à un ingénieur qui seul pourrait saisir les relations existant entre le droit des mines et usines et les questions d'art.

Suivant décision du 18 novembre 1848, avaient été créés les cours préparatoires, de cinquante-cinq à soixante leçons chacun : de mécanique et physique, confié à Delaunay ; géométrie descriptive et calcul infinitésimal, confié à de Chancourtois ; chimie générale, confié à Rivot. Ces cours devaient être professés du 15 novembre au 15 juin.

La commission spéciale, le conseil et l'administration supérieure, à la suite de l'étude attentive d'ensemble qui venait d'être entreprise, s'étaient accordés à l'envi à reconnaître l'utilité primordiale de cette institution des cours préparatoires sur laquelle, en effet, repose en quelque sorte le fonctionnement de l'École. Le nombre des élèves ingénieurs était et devait être toujours trop réduit pour qu'une École des mines pût fonctionner pour eux seuls avec le coûteux développement de professeurs, collections et laboratoires qu'elle entraîne nécessairement si elle veut être à la hauteur de sa destination.

Aux élèves ingénieurs ajoute-t-on un nombre suffisant d'élèves externes, l'École peut fonctionner utilement sans que ses dépenses soient en disproportion avec ses résultats ; on obtient alors avec le minimum de frais le maximum de rendement pour l'intérêt public. Avec la manière dont se donne partout encore aujourd'hui l'enseignement des hautes mathématiques, de la physique et de la chimie, les élèves qui veulent aborder utilement les études spéciales d'un enseignement aussi relevé que celui de l'École des mines, devraient, sans l'existence de ces cours préparatoires, avoir passé par des écoles spéciales telles que l'École polytechnique ou l'Ecole normale supérieure. Sans compter la perte de temps qui en résulterait pour eux, on écarterait par ce système, comme le conseil de l'École l'avait fait remarquer avec tant de sens dès 1840, des jeunes gens qui viennent chercher à l'École des mines un enseignement particulier qui leur est utile ou nécessaire pour les professions auxquelles ils se destinent. En le donnant à l'École même, avec un programme approprié, en relation directe avec les nécessités de l'enseignement spécial, ce haut enseignement préparatoire peut être réduit au strict nécessaire ; il peut du reste être fait sans entraîner aucune charge sensible pour l'État qui disposera toujours, à Paris, d'ingénieurs en mesure de donner utilement de pareilles leçons, tout en étant chargés par ailleurs de services publics.

Aussi s'explique-t-on que l'institution des cours préparatoires ait été maintenue et même améliorée avec le temps, sans sortir du programme général qui avait été parfaitement entrevu et tracé dès leur création.

La commission spéciale de 1848, où dominaient, comme nous allons le dire, les vues pratiques, avait même voulu donner à ces cours préparatoires plus de développement qu'ils n'en reçurent du conseil. La commission avait demandé que les trois cours eussent chacun soixante-dix leçons ; le conseil pensa qu'on pouvait les réduire de cinquante-cinq à soixante.

Les élèves des cours préparatoires n'eurent pas seulement l'avantage de recevoir un enseignement théorique approprié; mais, en outre, ils ne tardèrent pas à être admis à travailler au laboratoire pendant six semaines lorsque à l'époque des exercices d'été le laboratoire se trouvait libre des élèves des cours spéciaux; puis une salle de dessin leur fut réservée.
L'admission des élèves des cours préparatoires au laboratoire cessa naturellement lors du changement de système admis en ce qui les concernait en 1861; dans ce second régime ils n'étaient plus, en effet, considérés comme élèves de l'École; après la transformation de 1883 qui a inauguré un troisième régime, intermédiaire entre les deux précédents, ils ont été reçus à nouveau au laboratoire.

Ces dernières facilités données aux élèves des cours préparatoires, et qui en font en quelque sorte - c'est ainsi qu'on les considéra jusqu'en 1861 - des élèves assimilés aux élèves externes, ayant entrée définitive à l'École, peuvent être contestées, et nous verrons, en 1861, adopter un autre système de comprendre les cours préparatoires. Mais l'institution de ces cours était définitivement acquise comme inséparable de l'institution même des élèves externes, et celle-ci doit être tenue comme indispensable au complet fonctionnement de l'École des mines.

Ce mélange d'élèves externes relativement nombreux à quelques élèves ingénieurs ne laisse pas d'avoir pour la discipline intérieure de l'Ecole un avantage précieux que le Conseil eut occasion de signaler, en 1866, à l'administration, lorsque celle-ci proposa d'introduire à l'École un officier surveillant, comme il en existait à l'École des ponts et chaussées. Les élèves ingénieurs dont l'avenir est quasiment fixé, quoi qu'ils fassent à l'École, peuvent se relâcher ; les élèves externes, qui ont une carrière à assurer, sont tenus à travailler d'une manière constante et assidue qui assure le bon ordre intérieur, malgré la liberté relative dont on a joui de tout temps à l'École des mines. En 1866 l'administration se rendit à ces raisons et ce ne fut qu'en 1874 qu'elle crut devoir introduire à l'École un officier surveillant alors que le nombre des élèves eut considérablement augmenté.

En même temps que les élèves externes obtenaient ainsi des droits importants, leurs obligations devenaient plus étroites et mieux définies. Avant que la scolarité eût été régulièrement fixée à trois ans, les élèves externes qui, au bout de deux ans, avaient obtenu tous leurs mediums quittaient l'École avec un diplôme. A défaut, ils faisaient une troisième année et conquéraient leur diplôme par l'obtention de tous les mediums. S'il leur manquait quelque medium on se bornait à leur donner un certificat. Dans le nouveau système, cette solution hybride disparut. Les mediums s'imposaient aux élèves externes comme aux élèves ingénieurs à peine de redoublement, ou finalement d'exclusion à la fin de la scolarité, sans délivrance d'aucun certificat.
L'exclusion était prononcée dès la fin de l'année préparatoire si, à l'examen qui la terminait, on n'obtenait pas le medium dans chacune des matières de l'enseignement préparatoire.

En dehors des créations nouvelles que nous venons d'indiquer, la commission spéciale et le conseil s'occupèrent de la revision de tous les programmes comme de la réorganisation du fonctionnement intérieur. Il est utile de mentionner les modifications de quelque importance qui furent ainsi introduites, et il n'est pas sans intérêt même de signaler quelques divergences qui s'élevèrent entre la commission spéciale et le conseil dont l'administration adopta toutes les propositions pour en former l'arrêté de 1849.

Dans le sein de la commission spéciale deux courants s'étaient marqués correspondant chacun à l'un des côtés du double objectif que doit se proposer une institution comme l'Ecole des mines de Paris : il y faut former des ingénieurs dont les uns doivent se vouer plus spécialement aux études et travaux géologiques, études et travaux de portée immédiate plus scientifique que pratique, et dont les autres doivent être ingénieurs pratiquant ou suivant la pratique d'industries assez diverses. Sans perdre de vue le caractère élevé et toujours scientifique que doit avoir l'enseignement d'une École spéciale, qui se lie intimement à l'enseignement de l'École polytechnique, la majorité de la commission de 1848 eut une tendance marquée à faire prévaloir le côté pratique sur le côté scientifique; toutes ses propositions s'inspirèrent de cette idée. Elle voulait réduire le cours de docimasie, débarrassé de toutes les généralités purement théoriques, de 80 à 60 et même 40 leçons pour augmenter d'autant la durée du séjour au laboratoire ; elle demandait que l'enseignement industriel comprît désormais des matières de minéralurgie qu'elle considérait comme du ressort de l'industrie minérale, telles que la fabrication du gaz d'éclairage, des produits ammoniacaux et des noirs décolorants, des acides minéraux et des sels, des couleurs minérales, des produits céramiques (à raison de la compétence spéciale d'Ebelmen et de sa situation à Sèvres, la commission spéciale demandait qu'il fût exceptionnellement chargé des leçons de céramique), ainsi que la fonte et le moulage du bronze et des divers alliages. Elle voulait que dans le cours qui, jusqu'alors, continuait à s'appeler officiellement cours à'exploitation des mines, mais dont Combes avait déjà fait un cours d'exploitation et mécanique, on ne se bornât pas à étudier les machines de mines et d'usines, mais qu'on donnât des notions étendues sur la construction des machines, sur les outils, sur les machines-outils et les procédés d'exécution employés dans les ateliers pour la forge, l'ajustage, le montage et la chaudronnerie, ainsi que sur l'installation des ateliers eux-mêmes ; le cours ainsi complété se serait appelé cours d'exploitation et mécanique appliquée. La commission demandait enfin qu'on donnât des notions précises sur l'aménagement des eaux minérales, des eaux motrices, sur la pose des conduites et des appareils de distribution d'eau et de gaz.

Le conseil de l'École maintint le cours de docimasie à 80 leçons, mais en décidant qu'on y introduirait la description des principaux arts chimiques, étant entendu par là que ce cours devait plus spécialement s'occuper de la fabrication des matières qui n'était qu'un emploi de produits déjà marchands ; la minéralurgie devait garder ou comprendre le traitement des produits mis en oeuvre tels que l'extraction les donnait; on écarta, d'ailleurs, la fabrication des produits ammoniacaux et des noirs décolorants.

Le conseil rejeta l'idée du cours de construction mécanique, qui ne devait être reprise et appliquée qu'à la réorganisation de l'enseignement en 1887; mais le cours d'exploitation des mines devenait officiellement, dans l'arrêté de 1849, cours d'exploitation des mines et machines. On ne s'explique pas que, dans le lexte du décret de 1836, ce cours ait repris son ancienne appellation de cours d'exploitation des mines ; nonobstant cette qualification officielle, le cours a toujours conservé dans la pratique le titre qui répondait d'une façon si précise à son double programme.

Quant aux eaux minérales, le conseil fut d'avis que le professeur d'exploitation ne devait les introduire dans son cours que lorsque cet art serait assez avancé pour comporter une mention spéciale. On ne doit pas s'étonner de voir la commission spéciale se préoccuper ainsi des eaux minérales. Le décret-loi du 8 mars 1848 venait d'appeler les ingénieurs des mines à jouer dans ce service le rôle technique qu'ils ont conservé depuis. A cette date, du reste, M. Jules François, auquel revient sans conteste l'honneur d'avoir créé l'art du captage des eaux minérales, avait déjà fait plusieurs de ses plus beaux travaux, notamment ceux relatifs à Bagnères-de-Luchon, publiés dans les Annales des mines de 1842 (4e série, t. 1, p. 537), et ceux si curieux concernant Ussat.

Parmi les modifications qu'elle suggéra dans le fonctionnement de l'Ecole, la commission, appuyée sur ce point par le conseil, insista pour que le premier voyage à faire au bout de la deuxième année, - l'intervalle entre la première et la deuxième année restant consacré aux exercices pratiques de laboratoire, levés de plans, de machines et bâtiments, - ne fût qu'une étude de détail, circonscrite dans un district minéralurgique restreint, et encore mieux dans deux établissements seulement, une mine et une usine, avec mémoires rédigés sur place.

Le second voyage, au bout de la troisième année, devait rester une excursion rapide où l'on pourrait mettre à profit l'habitude d'observer et de suivre les détails contractée dans la première mission. Les élèves externes, pour lesquels jusqu'alors le voyage n'avait été que facultatif, devaient être astreints désormais à un voyage, ou mieux à une station dans un établissement industriel, mine ou usine, au besoin dans un atelier de Paris ou des environs. Malgré les vues pratiques qui dominèrent surtout dans la commission spéciale, il ne fut nullement question à cette époque d'écoles pratiques. Michel Chevalier seul avait repris l'idée et en avait saisi directement, à titre officieux, l'administration supérieure un peu avant la chute du gouvernement de Juillet

Sur l'initiative prise par la commission spéciale et le conseil, l'administration apporta, par l'article 19 de l'arrêté de 1849, une modification aux règles anciennes, maintenue depuis, de nature à produire, à un point de vue relativement un peu secondaire, d'heureux résultats: les élèves ingénieurs, à leur sortie de l'Ecole, acquéraient désormais le droit de choisir, d'après leur rang de classement, leur résidence parmi celles disponibles.

Ce fut également à partir de cette époque que les examens et le classement eurent lieu par année, au lieu du système antérieur de concours annuel entre tous les élèves sans distinction.

Avant que le gouvernement soumît au conseil de l'École les propositions de la commission spéciale, le conseil et l'administration supérieure de l'Ecole avaient d'ailleurs subi d'importantes modifications. Par arrêté ministériel du 20 juillet 1848, le conseil de l'École, dont le nombre des membres était augmenté, avait été transformé en Conseil central des Écoles des mines, auquel devaient être soumises non seulement toutes les questions relatives à l'École des mines de Paris, mais encore celles concernant les écoles de Saint-Étienne et d'Alais. A cette même date du 28 juillet 1848, Dufrénoy était nommé directeur de l'École, et Le Play, inspecteur des études, « chargé en cette qualité, disait la décision ministérielle, sous les ordres immédiats du directeur, de l'administration intérieure de l'École, de la conservation des collections et modèles et de la surveillance du bureau public d'essais ». Cette décision était motivée par l'importance des collections et le nombre des élèves externes,nationaux ou étrangers.

Le Conseil central des Ecoles des mines devait fonctionner en cette qualité jusqu'à la réorganisation de 1856. En réalité, il n'eut guère à s'occuper d'autres matières que de celles concernant l'Ecole de Paris, et il continua à s'en occuper dans les mêmes conditions que jadis le conseil de l'École. Ses attributions, à cet égard, n'avaient pas été changées nonobstant la création d'un directeur ; celui-ci notamment n'avait pas la présidence du conseil, qui ne devait lui être dévolue de droit que par le décret de 1856; jusqu'à ce décret également, le conseil continua à délibérer sur le budget annuel de l'École.

Dans toutes les occasions où le Conseil central des Ecoles des mines eut à s'occuper de propositions relatives à l'École de Saint-Étienne, il s'efforça de lutter contre l'extension de plus en plus grande que les directeurs de cette École tendaient continuellement à lui donner. La commission spéciale de 1848 avait déjà développé cette idée; elle avait fait remarquer que l'École de Saint-Étienne avait été détournée de sa destination primitive, qu'on prétendait y préparer des directeurs alors qu'elle avait été créée pour y former des chefs d'ateliers et des contre-maîtres ; elle avait reconnu qu'il était trop tard pour revenir sur l'état actuel des choses, mais elle avait pensé qu'il fallait résister à toute nouvelle extension.

Le Conseil central des Écoles se plut, au contraire, en toutes circonstances, à encourager Callon dans l'oeuvre qu'il poursuivait à Alais.

Cette série de transformations de toute sorte poursuivies depuis 1844 et définitivement consacrées par cet ensemble de décisions de 1848 et 1849, rendues après les études les plus attentives et l'examen le plus approfondi, laissait, il est vrai, subsister bien peu de chose de l'organisation officielle de 1816. On paraît s'être assez peu préoccupé de ces scrupules légaux. En tous cas, l'Ecole avait trouvé le cadre stable et complet suivant lequel elle devait vivre désormais. Les modifications que nous aurons encore à relater seront, en effet, relativement secondaires et, en tout cas, d'une importance bien inférieure à celles que nous venons d'indiquer.

A un système nouveau, il faut généralement des hommes nouveaux. Le personnel de l'Ecole, en ce qui concernait les anciens cours, était relativement assez jeune ou assez nouvellement en fonctions pour qu'un changement de cette nature fût utile dans l'espèce. Toutefois Combes, tout en restant titulaire jusqu'en 1856, céda l'enseignement effectif de l'exploitation des mines et des machines à Callon qui professa, à titre de suppléant, à partir de 1848. Quelques années après, la mort regrettable d'Ebelmen, le 30 mars 1852, amenait Rivot à lui succéder; presque en même temps de Villeneuve succédait, sans avoir peut-être les aptitudes pour le remplacer, à Jean Reynaud que les événements politiques de 1851 avaient amené à renoncer brusquement au professorat, en sorte que le cours et les examens d'économie et de législation n'eurent pas lieu dans l'année scolaire 1851-1852. Jean Reynaud, avant d'être rayé des cadres pour refus de serment, avait été mis en congé illimité le 26 décembre 1851.

Avant même que les événements de décembre 1851 eussent changé le régime du pays, l'administration avait invité le Conseil central des Ecoles des mines, le 29 octobre 1851, à étudier un projet de réorganisation de l'Ecole des mines de Paris sur le plan d'après lequel venait d'être rendu le décret du 13 octobre 1851 relatif à l'Ecole des ponts et chaussées. Le conseil eut assez promptement terminé ce travail qui était soumis à l'administration dès le début de 1852; mais plusieurs années après seulement, l'administration se décida à faire rendre, à la suite de ces propositions, modifiées du reste sur quelques points, le décret du 15 septembre 1856, qui règle aujourd'hui encore l'École.

En attendant, l'Ecole continuait à fonctionner, d'une, façon du reste très heureuse à tous égards, dans les conditions définies par l'ensemble des décisions intervenues de 1848 à 1849, et notamment par l'arrêté du 17 avril 1849.

La pratique de cet arrêté amena toutefois à le modifier sur quelques points de détail relatifs au système de notation et d'appréciation dans les examens. Ces modifications furent introduites par les arrêtés ministériels des 31 janvier 1853 et 24 avril 1854. Ces arrêtés eurent pour objet de faire disparaître l'antique système du medium obligatoire dans chaque matière, et de substituer à un mode de notation qui était devenu un véritable casse-tête chinois, le mode de notation si simple et aujourd'hui partout classique de l'appréciation de chaque épreuve par l'emploi d'une échelle de 0 à 20.

Dans le système créé par les arrêtés de 1853 et 1854, le passage d'une année à l'autre et la sortie de l'Ecole exigent que l'on ait chaque année une moyenne générale de douze sur vingt et que les trois moindres notes donnent une somme supérieure à vingt-quatre; l'exclusion est facultative si une seule note descend à huit. Dans ce système il n'y a pas de moyenne partielle, ou suivant l'ancien mot, de medium obligatoire pour chaque matière. Le conseil avait entendu faire disparaître toute trace de cette idée pour ne pas tenir compte éventuellement de la médiocrité en une matière d'un élève qui peut être supérieur dans d'autres.

S'il n'existe plus de medium obligatoire dans chaque matière, avec les sévères sanctions de jadis, on exige qu'on repasse une seconde fois, l'année suivante, l'examen concernant certaines matières pour lesquelles l'année antérieure on n'a pas obtenu une note déterminée. Pour la minéralogie et la paléontologie, par exemple, il faut avoir obtenu 16 pour être dispensé de repasser l'examen. Aujourd'hui où l'exploitation des mines s'enseigne toujours en première année, avant que les élèves aient pu voir les choses par eux-mêmes, une mesure analogue pourrait être prise utilement peut-être pour cette matière.

En 1853, l'enseignement reçut une nouvelle addition. La mode était alors au drainage ; plusieurs ingénieurs des mines s'en étaient occupés volontairement avec succès dans leurs services. Le ministre demanda au conseil s'il ne conviendrait pas de comprendre désormais cette matière dans l'enseignement de l'Ecole. La proposition fut d'autant mieux agréée que de Villeneuve, dont les aptitudes agricoles étaient à coup sûr supérieures aux aptitudes juridiques, ne demandait pas mieux que de s'en charger; les leçons furent créées par arrêté ministériel du 10 août 1853. De Villeneuve proposa et fit adopter un programme en 15 leçons qui était un cours réduit d'agriculture plutôt que des leçons sur le drainage. L'ensemble du cours de de Villeneuve était ainsi porté au chiffre normal de quarante leçons des autres cours. Cet enseignement commença avec l'année 1853-1854; il fut l'origine du cours spécial d'agriculture créé officiellement par le décret de 1856, et transformé depuis au point qu'on peut le dire supprimé.

6. L'École depuis le décret de 1856.

Lorsque le gouvernement se décida enfin à rendre, le 15 septembre 1856, un décret qui était préparé depuis quatre ans, cet acte ne fit que consacrer, sous une forme plus rationnelle et plus régulière en droit, ce qui, en fait, existait et fonctionnait normalement depuis quelque huit ans. Ce décret, qui consacrait à nouveau une oeuvre successivement et patiemment accomplie, mérite cependant qu'on s'y arrête. Il a eu l'avantage d'une part de bien préciser ce qu'est l'Ecole des mines, et il présente d'autre part certaines particularités qu'il convient de signaler.

« L'enseignement de l'École, dit son article 2, a pour objet spécial l'exploitation et le traitement des substances minérales ; il a également pour objet l'étude des machines et appareils à vapeur, la recherche, la conservation et l'aménagement des sources d'eaux minérales, le drainage et les irrigations, l'exploitation et le matériel des chemins de fer, et, en général, les arts et les travaux qui se rattachent à l'industrie minérale ; il comprend les connaissances de mécanique, de métallurgie, de docimasie, de minéralogie, de paléontologie, de géologie pure et appliquée à l'agriculture, de droit administratif, de législation des mines et d'économie industrielle, ainsi que les principes de l'art des constructions nécessaires aux ingénieurs des mines et aux directeurs de mines et d'usines ».
On ne s'étonnera pas de cette énumération au lendemain de la loi du 14 juillet 1856 et du décret du 8 septembre 1856 sur la conservation et l'aménagement des sources d'eaux minérales, matière dans laquelle les ingénieurs des mines étaient appelés à jouer un rôle si important; et cependant ce n'a été que, lors de la refonte des programmes, en 1887, qu'une part a été faite aux eaux minérales dans l'enseignement, part qui n'est peut-être pas en proportion, au point de vue surtout du captage et de l'aménagement, avec le rôle des ingénieurs des mines dans ce genre d'affaires.
Le décret de 1856 est le premier acte qui ait, fait disparaître ce vieux mot, un peu barbare peut-être, mais si expressif pourtant, de minéralurgie; le mot répondait exactement à ce « traitement des substances minérales » indiqué comme un des deux objets principaux de l'enseignement de l'Ecole.
Le drainage et les irrigations ont, non sans raison, a peu près complètement disparu aujourd'hui de l'enseignement de l'Ecole.

On ne saurait mieux exposer ce qu'était devenu l'enseignement de l'École, sous les nécessités de la pratique et à la suite d'une évolution patiemment étudiée, ni mieux indiquer ce qu'il doit rester pour que l'École réponde à sa destinée première. L'application de ce programme d'ensemble peut, avec le temps, nécessiter des modifications de détail, des développements donnés à une matière ou des restrictions apportées à une autre ; il ne sera pas nécessaire pour cela de modifier le programme général du décret de 1856, pourvu qu'on l'entende, comme il doit l'être, largement.
Il est certain qu'en 1856, par exemple, on ne pouvait songer aux applications de l'électricité qui, dans un avenir prochain, jouera peut-être un rôle comparable à celui de la vapeur au point de vue mécanique, et nécessitera, par suite, dans les cours de machines ou de mécanique appliquée une place comparable à celles faites à l'hydraulique et à la vapeur.

L'Ecole, plus spécialement destinée, suivant l'article 1er, à former les ingénieurs nécessaires au service confié par l'Etat au corps des mines, reçoit, d'après l'article 5, des élèves externes qui, dit cet article, « participent à tous les cours et exercices pratiques de l'École », des élèves étrangers et des élèves libres. L'article 13 confère, d'ailleurs, au ministre, la faculté d'instituer un certain nombre de cours préparatoires destinés aux élèves externes, étrangers, et libres, qui ne sortent pas de l'École polytechnique. Peut-être peut-on regretter que le décret de 1856, tout en conservant, suivant les traditions de 1849, l'institution des élèves externes, n'ait pas organisé d'une façon plus ferme les cours préparatoires, sans lesquels l'institution ne pourrait vivre; si les cours préparatoires n'avaient pas été laissés sous l'empire du pouvoir d'appréciation discrétionnaire du ministre, on n'aurait pas eu à discuter à nouveau cette question en 1860.

Continuant sur un autre point les traditions du passé, le décret rappelait qu'il était établi près de l'École « un musée composé de collections relatives à l'industrie minérale et aux services qui s'y rapportent » et « un bureau d'essais spécialement chargé de l'essai et de l'analyse chimique des substances employées dans l'industrie ». Le musée, ouvert au public, restait indépendant des collections d'étude mises à la disposition des élèves.

Si le décret de 1856 a très nettement conservé la tradition originaire du musée qui doit être une annexe de l'École, il est à remarquer que le service des cartes géologiques et topographiques n'est plus rattaché à l'École comme il l'était dans l'ordonnance de 1816. L'expérience

s'était également prononcée sur ce point et avait montré que ces services ne pourraient effectivement pas être utilement conduits par le conseil de l'École. Il semble toutefois qu'une entente soit désirable entre les deux services au point de vue de leurs collections qui peuvent se prêter réciproquement un si fructueux concours. On paraissait le comprendre ainsi lors de la création du service de la carte géologique détaillée de la France, en installant ce service dans un bâtiment établi pour appartenir à l'ensemble des constructions destinées à l'École.
De Chancourtois, avec son esprit si caractéristique de systématisation et son goût pour les expositions méthodiques, qu'il avait l'un et l'autre développés à l'école de Le Play, avait, imaginé et exposé, en 1872, dans une autographie aujourd'hui assez rare, un plan grandiose réalisant l'union de ces services. Il proposait, à cet effet, de construire pour le service géologique un bâtiment au sud des constructions de l'Ecole, qui aurait fait le pendant de celui qui, au nord, abritant les nouveaux laboratoires, est affecté au service docimastique. Sur l'un des murs du hall central du bâtiment de la géologie aurait été représentée la carte géologique détaillée au 1/80.000 avec sa vraie courbure. Il est inutile de dire l'accueil fait par l'administration à un plan, à coup sûr séduisant par ses apparences, mais qui eût coûté des millions sans peut-être une utilité très établie.

Comme par le passé, le système d'instruction comprenait (art. 28 à 31 du décret) les leçons orales professées pendant cinq mois d'hiver, de novembre à mars, et les exercices pratiques; de ceux-ci les uns, préparations et analyses au laboratoire, dessins et projets, s'exécutent pendant la période des cours; les autres, levés de plans superficiels et souterrains, de machines et de bâtiments, courses industrielles et géologiques avec les professeurs, et enfin les voyages d'instruction ont lieu l'été, pendant et après la période suivant les examens par lesquels se terminent annuellement les cours.
Ces courses géologiques n'ont consisté fort longtemps que dans quelques excursions d'une journée aux environs de Paris. En dehors de ces courses préparatoires qui persistent, de Chancourtois, dès qu'il fut appelé par Elie de Beaumont à coopérer à l'enseignement de la géologie, organisa la grande course géologique de huit jours qui se fait à la fin des examens. De Chancourtois choisissait les localités de telle sorte que, dans le cours de la scolarité de trois ans, chaque élève eût pu visiter les pays respectivement classiques pour l'étude des terrains stratifiés, des roches éruptives anciennes et des roches éruptives modernes.

Ce régime, dont une pratique constamment améliorée avait permis de tirer tous les fruits, avait donné de trop bons résultats pour qu'il y fût rien changé. Toutefois le décret (article 30) supprima le voyage, ou plutôt la promenade, qu'on avait pris l'habitude, depuis 1848, de faire faire aux élèves de première année.

Avant de faire rendre le décret de 1856, l'administration supérieure, en novembre 1855, avait demandé au conseil s'il était utile de faire ainsi voyager des élèves de première année ne sachant encore rien; le conseil avait répondu affirmativement, trouvant que ce voyage était de nature à dégrossir les élèves au point de vue de la pratique.

Ce système d'excursions, nécessairement très courtes, à la suite de la période d'exercices pratiques sur place de la première année, a été repris en suite d'une décision ministérielle du 12 mai 1866, rendue sur l'avis conforme du conseil. Ce voyage de première année doit consister en un séjour de trois semaines dans un district minier ou métallurgique français, de préférence le plus voisin de la résidence de l'élève.

Il faut signaler dans le décret de 1856, la disposition nouvelle formant l'article 16 en vertu de laquelle « les ingénieurs qui, par la spécialité de leurs travaux, ont acquis des connaissances exceptionnelles sur quelques parties de la science de l'ingénieur » peuvent être appelés à donner des conférences sur les sujets dont ils se sont ainsi occupés.

Les applications qui ont été faites de cette disposition sont les suivantes :

  • De 1864 à 1866, M. Moissenet, alors chargé des leçons de chimie générale aux élèves des cours préparatoires, décrivit la préparation mécanique des minerais détain, de cuivre et de plomb en Angleterre, particulièrement dans le pays de Galles et le Cornouailles;
  • En 1866, M. Cornu, qui venait d'achever ses études à l'Ecole, fit des conférences sur la constitution des molécules cristallines des minéraux;
  • A partir de 1873 et jusqu'à la création en 1879 du nouveau cours qui lui fut confié, M. Fuchs a fait chaque année quelques conférences pour décrire des gîtes minéraux visités par lui, tels que les gîtes calaminaires de Belgique et de Sardaigne, ceux de phosphate de chaux, les gîtes du district de Carthagène (Espagne) et d'Atacama (Chili).
  • En outre, ce fut par application de cette disposition que M. Zeiller commença, en 1878, ses leçons de paléontologie végétale, et M. Potier, en 1882, celles sur les applications de l'électricité, entrées les unes et les autres depuis dans l'enseignement normal.

    Suivant l'organisation inaugurée en 1848, l'administration courante de l'École était confiée, sous l'autorité du ministre des travaux publics, à un directeur et à un inspecteur des études; celui-ci restait le conservateur du musée annexé à l'Ecole.
    Suivant l'article 6 du décret du 15 septembre 1856, la direction devait être confiée à un inspecteur général des mines de 1ere classe; un décret du 30 mars 1884 permet à l'administration de désigner un inspecteur général de 2e classe.

    Faisant un pas de plus dans un système qui concordait, du reste, avec les idées de gouvernement personnel du régime impérial, le décret de 1856 a visiblement augmenté les attributions du directeur et diminué d'autant celles jadis dévolues au conseil. Le conseil, qui, en dehors du personnel de l'École : directeur, inspecteur et professeurs de l'enseignement spécial, ne comprenait que deux inspecteurs généraux désignés par le ministre, n'avait plus désormais à délibérer sur le budget annuel; aux termes de l'article 6, ,§ 3, en dehors des rares questions sur lesquelles le conseil doit nécessairement délibérer la direction ne doit prendre son avis, avant de soumettre des propositions au ministre, que sur « les propositions importantes touchant l'instruction, le régime et la discipline ». Le directeur avait, en outre, de droit la présidence du conseil en l'absence du ministre qui en restait le président titulaire. Direction et conseil, sauf sur certains détails d'ordre intérieur où ils ont des attributions propres, n'agissent, d'ailleurs, comme jadis, que sous l'autorité du ministre des travaux publics.

    Dans le projet de décret préparé par le conseil en 1851-1852, celui-ci avait proposé de maintenir au conseil la délibération du budget. Le conseil est essentiellement une autorité purement consultative qui n'émet que des avis. Toutefois, aux termes de l'article 20, § 2, du décret de 1856 « il arrête les listes de classement de fin d'année et de sortie, les décisions qu'il rend en cette matières n'étant susceptibles d'être réformées que pour fausse application du règlement. »

    Le décret créait un rouage nouveau qui ne pouvait également qu'atténuer encore, en droit du moins, le rôle et les attributions du conseil; c'est le conseil de perfectionnement (art. 22 à 27), présidé par le directeur, composé, en dehors de l'inspecteur de l'École, de trois inspecteurs généraux désignés par le conseil général des mines et de deux professeurs désignés par le conseil. Ce conseil de perfectionnement n'a toutefois que deux attributions : Il arrête, par un jugement définitif, dit l'art. 25, § l, la liste des prix et accessits à délivrer, s'il y a lieu, aux élèves, d'après le classement provisoire préparé par les professeurs ; il discute les mesures qui lui sont suggérées en vue d'améliorer l'instruction de l'École, et il propose à l'approbation du ministre celles de ces mesures dont il croit devoir recommander l'application.

    On ne laisse pas d'être étonné de voir que la présidence du conseil ne revenant au directeur qu'en l'absence du ministre, le directeur est président de droit du conseil de perfectionnement.

    Le rapprochement des articles 25 et 26 du décret serait de nature à montrer que, contrairement à la pratique toujours suivie a l'Ecole des mines et que consacrait l'article 20 de l'arrêté ministériel du 17 avril 1849, les prix et accessits ne devraient plus être distribués aux élèves « qui se sont le plus distingués pendant le cours de leurs études », comme le disait cet arrêté, mais attribués par matière suivant ce qui se pratique à l'Ecole des ponts et chaussées dont il est constant que le décret de 1856 a voulu imiter l'organisation. Ainsi seulement on peut concevoir que les professeurs et non le conseil puissent préparer un classement provisoire et que le professeur intéressé soit admis avec voix délibérative au conseil de perfectionnement lorsque ce conseil statue sur cette question.

    Un seul fait suffirait à montrer le peu d'utilité du conseil de perfectionnement. I1 ne fut constitué et ne commença à fonctionner qu'à la fin de 1858, deux ans après que le décret de 1856 eut été rendu.

    Signalons enfin la disposition nouvelle, au moins en droit, formant l'article 15 du décret, aux termes duquel le ministre doit choisir les professeurs sur une liste de candidats dressée, pour chaque place vacante, par le conseil de l'École. En fait, cette coutume s'était établie depuis 1848 avec l'assentiment de l'administration; le conseil, dans cette période intermédiaire, ne pensait même pas toujours à présenter une liste; il indiquait un seul candidat quand il lui paraissait que son choix s'imposait.

    Le décret de 1856, confirmant les créations successives antérieures, prévoyait l'établissement immédiat de neuf cours distincts avec professeurs spéciaux. I1 était prévu que d'autres chaires pourraient être créées par décret rendu après avis des deux conseils (Décret de 1836, art. 11). En réalité le décret de 1856 ne reçut à cet égard sa complète exécution qu'en 1864. Jusqu'à cette date, en effet, M. Bayle continuait à enseigner la paléontologie à titre de conférences ; il ne fut nommé professeur titulaire que le 8 avril 1864, par une régularisation de pure forme il est vrai. Le cours distinct d'agriculture, drainage et irrigations, ne fut également créé que par décision du 25 janvier 1864 qui le confia à Delesse ; jusque-là les leçons avaient été faites, comme à l'origine de cet enseignement en 1853, par le professeur de législation. Ce double enseignement était échu, à partir de 1862, à M. E. Lamé Fleury, appelé à cette date à succéder comme professeur titulaire à de Villeneuve. M. Lamé Fleury l'avait, à de très nombreuses reprises, remplacé depuis 1855 pour l'enseignement du droit et de la législation; M. E. Lamé Fleury, avant de l'être officiellement, pouvait être considéré depuis longtemps comme le professeur de fait de ces matières à l'École.

    Les cours de minéralogie, géologie et paléontologie restèrent, comme depuis 1816, les seuls cours publics. La commission spéciale de 1848 et le conseil s'étaient prononcés dans ce sens. Le décret de 1856, art. 5, § 4, a prévu toutefois la faculté pour le ministre d'admettre le public à tous les autres cours. Dans ces derniers temps, le conseil de l'Ecole a émis l'avis d'étendre la publicité à tous les cours, en tant que la mesure aérait matériellement compatible avec la régularité du fonctionnement intérieur de l'Ecole.

    La direction de l'École était restée confiée à Dufrénoy, qui ne devait malheureusement pas jouir longtemps encore de la satisfaction qu'il dut éprouver en voyant son oeuvre solennellement et définitivement confirmée à nouveau par le décret de 1856. Il mourait le 20 mars 1857, dans cette École si complètement transformée par lui, et aux destinées de laquelle il présidait depuis 21 ans. Quels changements aussi féconds que profonds accomplis durant cette période dans toutes les branches de tous les services qui se rattachaient directement ou indirectement à l'École!

    Il fut remplacé à la direction de l'Ecole par Combes qui, lui aussi, avait été un des premiers à coopérer, dès le début du gouvernement de Juillet, à la réorganisation de l'Ecole. Nul n'était donc mieux à même que lui, à raison de sa haute situation scientifique et des traditions, pour recueillir l'héritage de Dufrénoy.

    Avant même que le décret de 1856 eût été rendu, Le Play, après les succès obtenus à l'exposition universelle de 1855, avait résigné ses fonctions d'inspecteur de l'École pour entrer au Conseil d'État. Il avait été remplacé comme inspecteur, le 26 janvier 1856, par de Sénarmont, que sa parfaite courtoisie, non moins que ses qualités de penseur et d'érudit, désignait pour ce poste. Il ne devait pas l'occuper longtemps ; il mourait six ans après, dans l'exercice de ces fonctions, auxquelles Gruner(*), professeur de métallurgie depuis quatre ans déjà, fut appelé à sa place.

    Le Play ayant également résigné ses fonctions de professeur de métallurgie, Piot fut désigné pour le remplacer à ce titre au début de l'année scolaire 1856-1857. Piot, dont la santé était déjà fortement ébranlée, ne passa pour ainsi dire que nominalement à l'Ecole; il succombait le 17 juin 1858, ayant été suppléé dans l'enseignement qu'il n'avait pu donner par Rivot qui avait volontairement assumé, par camaraderie, la lourde tâche, dont il s'était brillamment acquitté, de professer simultanément la docimasie et la métallurgie. Piot fut régulièrement, remplacé au début de l'année scolaire 1858-1859 par Gruner; les espérances que son passage à Saint-Etienne avaient permis de concevoir devaient être dépassées par la hauteur du cours qu'il devait professer à Paris pendant quatorze ans.

    Dans cette même année 1856, de Chancourtois commença officiellement avec le titre de professeur-adjoint l'enseignement de la géologie que, depuis 1852 déjà, il donnait en fait partiellement comme suppléant ; il devait continuer cet enseignement comme professeur-adjoint jusqu'en 1875, date à laquelle, après la mort d'Elie de Beaumont, il devint titulaire pour le rester jusqu'à sa mort, en 1886.

    En somme, pendant toute la durée de l'Empire, l'École poursuivit régulièrement sa carrière sans modification appréciable dans son régime. La modification et la reconstruction des bâtiments entraînées par le percement du boulevard Saint-Michel ne laissèrent pas d'apporter d'assez grandes difficultés matérielles à la régularité de la vie scolaire. La direction sut parer à ces obstacles en déplaçant, suivant les besoins, les salles de dessin et en installant des laboratoires provisoires dans les bâtiments spéciaux mis temporairement à sa disposition à cet effet.

    L'expérience et la pratique avaient mis en évidence l'excellence de la transformation subie par l'École. Une seule question de quelque importance dut être à nouveau examinée et discutée, celle du recrutement des élèves externes. A l'époque de la guerre de Crimée l'École polytechnique reçut des promotions relativement fort nombreuses auxquelles, à la sortie, étaient offertes très peu de places dans les services publics. De ce double fait résulta qu'à partir de 1855 des élèves ayant donné leur démission à la sortie de l'École polytechnique vinrent, en nombre de plus en plus grand, se présenter comme élèves externes à l'Ecole des mines, et avec d'autant plus d'empressement qu'au début du second Empire, dans ce développement industriel qui le caractérisa, les carrières libres avaient repris faveur. Dans l'organisation existant encore à cette époque où les élèves des cours préparatoires étaient assimilés à de véritables élèves de l'Ecole des mines, ces élèves de l'Ecole polytechnique étaient tenus à passer l'examen, à programme réduit, sur les mathématiques élémentaires, arrêté en 1847, et qui était considéré comme l'examen nécessaire pour déterminer l'entrée à l'Ecole des mines. Mais cet examen subi, les candidats venant de l'Ecole polytechnique étaient naturellement autorisés à suivre immédiatement les cours spéciaux de première année, sans être astreints à passer par les cours préparatoires.

    Cet état des choses, qui paraissait aller en s'accentuant (aux examens d'entrée de 1855-1856, sur trente candidats, seize furent admis, dont sept venant de l'Ecole polytechnique), finit par attirer l'attention de l'administration supérieure ; elle se demanda même, en novembre 1860, s'il y avait utilité à maintenir les cours préparatoires. Le conseil n'eut pas de peine à éclairer l'administration sur ce point. Mais tout le monde fut d'accord pour reconnaître que la situation nouvelle demandait une réglementation nouvelle. De là les deux règlements du 1er août 1861 rendus par le ministre conformément aux propositions du conseil. Dans le système que consacraient ces règlements, les élèves des cours préparatoires cessaient d'être considérés comme des élèves de l'École ; ils n'en avaient plus le titre et ils perdaient le droit qu'ils avaient jadis de passer directement et sûrement aux cours de l'enseignement spécial. L'entrée comme élève externe n'avait lieu que pour l'admission à l'enseignement spécial; elle devait s'acquérir désormais par un concours particulier dont le programme portait sur les matières faisant l'objet de l'enseignement de l'École polytechnique et des cours préparatoires. À ce concours annuel comprenant deux degrés, examen d'admissibilité et examen d'admission, pouvait se présenter dans des conditions égales, sans privilège les uns par rapport aux autres, qui voulait, d'où qu'il vint. Toutefois était maintenu par l'article 6 de l'arrêté l'antique privilège conféré à égalité de mérite aux fils de directeurs ou de concessionnaires de mines, de chefs ou de propriétaires d'usines minéralurgiques.

    Les cours préparatoires étaient maintenus dans le seul but de donner à ceux qui les avaient suivis les moyens d'aborder le concours d'entrée : aussi était-il entendu, et le système fut de la sorte appliqué, que l'on devait se montrer très large pour l'admission aux cours préparatoires transformés en quelque sorte en un enseignement quasiment public ; le seul privilège qu'acquérait désormais l'élève qui avait suivi ces cours et subi convenablement l'examen de fin d'année qui les terminait, était d'être dispensé de l'examen d'admissibilité au concours ouvert pour les places d'externes aux cours spéciaux de première année. Quelques années après, en 1866, il fallut toutefois prendre des mesures pour éviter certains abus que la pratique de ce système révéla. Des élèves arrivaient à encombrer les cours préparatoires en s'y perpétuant pendant des années. Le système inauguré en 1861, qui place la véritable entrée à l'École au début des cours spéciaux, s'est maintenue depuis sans altération. Une modification importante a été, toutefois, introduite par l'arrêté ministériel du 25 juin 1883, à la suite de circonstances que nous aurons plus tard à relater. Cette modification a amené un système intermédiaire entre celui de l'origine et celui de 1861. Depuis 1883, les élèves des cours préparatoires ont acquis le droit de passer directement élèves externes aux cours spéciaux s'ils subissent convenablement leur examen de fin d'année des cours préparatoires. Par contre, un certain nombre de places sont réservées, à la suite des précédentes, sans examen, et par rang de classement de sortie, aux élèves de l'École polytechnique qui ont eu une moyenne générale de douze au moins. Les autres places disponibles font seules l'objet du concours ouvert librement à tous dans le système de 1861.

    Ces remaniements dans la réglementation de l'admission des élèves externes ont presque toujours conduit à examiner simultanément une question que cette institution soulève tout naturellement; c'est celle de savoir s'il ne convient pas d'exiger des élèves externes une rétribution scolaire. Jusqu'en 1868, le conseil de l'Ecole a été toujours d'avis que, pour répondre à sa destination, l'enseignement leur fut donné gratuitement, et ces avis avaient toujours arrêté l'administration lorsque celle-ci avait manifesté des velléités d'établir une rétribution de cette nature. A partir de 1868, au contraire, le conseil, toutes les fois que l'occasion s'en est présentée, a insisté pour l'établissement de cette rétribution ; il y a été amené en constatant le nombre toujours croissant et des élèves externes que l'on a dû admettre et des candidats pour ces places, ainsi que les dépenses plus considérables qu'ont entraînées les développements de toute sorte donnés aux bâtiments, aux collections et à l'enseignement. Le conseil a toujours pensé, d'ailleurs, que l'origine de la plupart des élèves qui viennent à l'Ecole leur permettrait de supporter aisément une pareille charge ; un large système de bourses permettrait, du reste, d'atténuer ce fardeau dans la mesure utile pour n'écarter personne. En 1868. le conseil avait pensé que cette rétribution pourrait être de 500 francs par an ; plus récemment il a estimé qu'elle devrait être réduite à 300 francs. Jusqu'ici l'administration supérieure n'a pas cru devoir donner suite à ces idées.

    Ce chiffre de 500 francs avait été justifié par les observations suivantes, dans une délibération du conseil du 22 octobre 1868, rappelée le 23 octobre 1869.

    Depuis l'achèvement des nouveaux bâtiments et la mise en service des nouveaux laboratoires, le nombre moyen des élèves externes s'était accru dans le rapport de 2 à 3 (40 contre 60); le nombre des semaines passées au laboratoire s'était élevé de 420 à 778. Les dépenses du laboratoire en réactifs, appareils et combustibles pour toute la scolarité d'un élève étaient de 700 francs ou de 233 f,33 par an, sans compter une dépense en frais communs au laboratoire de 9.050 francs, et en divers autres frais communs de 800 francs. En comptant sur une moyenne de 70 élèves, on arrivait à un prix de revient de : 233 f,33 + 139 f,28 + 82 f,85 == 445 f,46. Ce calcul laissant en dehors le traitement des professeurs, fonctionnaires et employés, les frais pour bâtiments, collections, bibliothèque, etc., on arrivait à justifier amplement le chiffre proposé de 500 francs.

    Bien que, par suite de l'accroissement du nombre des élèves, le prix de revient actuel, calculé comme ci-dessus, ait baissé, le chiffre de 300 francs lui est encore inférieur; mais il ne faut pas, en ces matières, vouloir faire les choses trop industriellement.

    7. École depuis les événements de 1870-1871.

    Les funestes événements de 1870-1871 ne pouvaient pas ne pas faire sentir leur répercussion sur le fonctionnement de l'École des mines. Combes, dont la santé était déjà fort ébranlée, n'avait pu regagner Paris lorsque nos premiers désastres faisaient déjà pressentir la possibilité d'un investissement de la capitale. Une décision ministérielle du 17 août 1870 confia l'intérim de la direction à M. Etienne Dupont, qui venait de succéder à Gruner dans les fonctions d'inspecteur, que celui-ci avait dû quitter lors de sa promotion au grade d'inspecteur général de 1re classe. L'énergique activité et l'intelligente initiative de M. Et. Dupont, aidé par le personnel resté à Paris, surent préserver l'École, et permirent à son personnel de rendre, en outre de ses attributions normales, de réels services à la défense de la capitale.

    Le lendemain du jour où l'investissement avait commencé, M. Et. Dupont fut requis par le ministre des travaux publics du gouvernement de la Défense nationale, Dorian, de procéder à tous les travaux nécessaires pour préserver les collections. Les échantillons et objets les plus précieux, désignés par les professeurs et conservateurs-adjoints des collections, furent retirés des salles où ils sont normalement placés ; ils furent déposés dans les caves dites du laboratoire qui, moyennant quelques travaux, offraient un excellent abri. On disposa ainsi dans les caves : 470 tiroirs de la collection de minéralogie, avec les instruments du laboratoire de minéralogie; 70 tiroirs de la collection de géologie; 980 tiroirs et 100 grandes caisses de la collection de paléontologie; divers modèles de la collection des machines.

    Ces caves servent de support à la cour couverte des laboratoires, de 23 mètres de long sur 17 de large. Le sol asphalté de la cour fut de plus blindé par une couche de terre de 1 m,20 d'épaisseur. Toutes les fenêtres de la façade sud qui était parallèle au rempart le plus rapproché, fenêtres qui éclairent les salles de collection, furent blindées avec des sacs à terre. Les petites cours sur le boulevard Saint-Michel et la cour en avant des laboratoires furent dépavées sur une largeur de 4 mètres le long des façades sud et ouest; les pavés ainsi retirés furent disposés pour défendre les ouvertures du rez-de-chaussée.

    Pour prévenir à temps les effets possibles du bombardement, on dissémina à tous les étages, sur les divers points jugés les plus exposés, 200 baquets d'un hectolitre, obtenus par le sciage de barriques vides; ils étaient maintenus constamment remplis d'eau; des seaux en zinc et des couvertures restaient placés à proximité de ces baquets. M. Rigout, préparateur de chimie, à ce titre logé à l'Ecole, fut spécialement chargé de veiller à ce que tout ce matériel fût constamment tenu en état de servir immédiatement. Deux pompes avaient été achetées et placées à l'Ecole, avec tous leurs accessoires.

    En dehors du personnel des garçons de l'École, un poste de pompiers, composé de 2 sapeurs et 1 caporal, fut installé en permanence; on leur adjoignit un serrurier et un menuisier. Des rondes étaient faites d'une façon continue la nuit, d'heure en heure, dans toutes les parties des bâtiments ; chaque ronde comprenait un pompier, le serrurier ou le menuisier, et un des garçons, délégué chacun à son tour.

    Le bombardement commença le 5 janvier 1871, à 8 heures du soir et dura jusqu'au 26 à minuit, soit pendant vingt jours. Deux obus tombèrent sur l'École le 12 janvier. Le premier, venant de la direction de Châtillon, éclata en traversant les combles mansardés de la collection de paléontologie et vint tomber dans cette collection, où il brisa trois vitrines et fit deux trous au plancher. A ce moment la ronde de nuit circulait dans les combles supérieurs ; les trois hommes qui la composaient purent, avec l'aide des baquets et couvertures, éteindre le début d'un incendie qui avait commencé par le store d'une persienne et aurait pu facilement s'étendre au reste du bâtiment. Le second obus traversa à 9 heures du soir, sans éclater, le mur sud du cabinet du professeur de minéralogie; les éclats du mur brisèrent une table et la tablette en marbre de la cheminée.

    M. Et. Dupont ne crut pas devoir se borner à assurer la conservation des bâtiments et des collections dont il avait la garde; il offrit, dès le 28 août, à l'autorité militaire, d'installer à l'Ecole une ambulance militaire. L'autorité militaire, qui tenait tout d'abord à ne pas disséminer ses ambulances, avait commencé par décliner ces offres. Mais au milieu de septembre, poussée par les nécessités, elle les accepta, proposant de rembourser les frais de nourriture et de médicaments si l'École fournissait la literie, le linge et le matériel. M. Et. Dupont put, en s'adressant notamment aux ingénieurs des mines en résidence à Paris et aux employés de l'École, se procurer la literie; le linge et les vêtements furent fournis, grâce à l'obligeant intermédiaire de M. l'inspecteur général de Billy, par la Société de secours aux blessés.

    Après entente avec elle, une ambulance de 33 lits, plus spécialement destinée aux fiévreux, fut ouverte le 2 octobre dans les cinq pièces du rez de-chaussée, sur le jardin, comprenant, en enfilade, la salle des cours, la salle du conseil et les trois pièces de la bibliothèque, le tout offrant une superficie de 197 mètres carrés. Les soins médicaux étaient assurés par le médecin de l'Ecole des mines, le docteur Lacroix, et son adjoint, assistés par trois soeurs pour le service de jour, et deux infirmiers militaires du Val-de-Grâce pour le service de nuit. L'ambulance resta ouverte jusqu'au 29 janvier, date à laquelle l'administration invita le directeur intérimaire à préparer la reprise des cours. Dans ces 117 jours, l'ambulance avait reçu 227 soldats malades dont 13 seulement, soit moins de 6 p. 100, succombèrent. Ce chiffre, notablement inférieur à ceux des autres ambulances parisiennes, témoigne de la bonne organisation donnée à ce service, comme se plut à le reconnaître officiellement le ministre des travaux publics ; il tient aussi aux excellentes conditions qu'offraient des salles hautes, vastes, et tenues constamment à une température moyenne de 15o, grâce au maintien en activité du calorifère, sans que le budget de l'École en fût grevé en rien, par suite d'un marché à forfait qui avait été passé avant les événements avec l'entrepreneur de chauffage.

    En dehors de l'ambulance, l'Ecole fournit au ministère de la guerre des magasins pour y déposer, en septembre, 200 quintaux de sel; en décembre, la commission d'armement disposa de deux pièces des salles de dessin pour y installer des travaux d'ajustage exécutés sous la direction de l'armurier Claudin.

    M. Et. Dupont, avec le concours de M. Moissenet, résidant à l'École comme directeur du laboratoire, s'était, en outre, mis à la disposition de l'autorité militaire qui accepta leur offre de construire une vaste poudrière, dans les terrains alors vagues, provenant de l'ancienne pépinière du Luxembourg, situés en contre-bas entre les rues d'Assas et l'avenue de l'Observatoire, à l'emplacement occupé aujourd'hui par le petit lycée Louis-le-Grand. Cette poudrière était formée de, deux chambres souterraines, en prolongement l'une de l'autre, l'une de 53 mètres et l'autre de 35 mètres de longueur, formées par des cadres en bois de charpente de 8 mètres de largeur, avec un recouvrement de terre de 2m,50, sur lequel, dès le commencement du bombardement et en raison de la force de pénétration des obus prussiens, on jugea prudent d'ajouter immédiatement une couche de pavés. Le tout était recouvert d'une charpente en voliges légères revêtues de carton bitumé.

    L'autorité militaire prit livraison d'une première partie de la poudrière à la fin de septembre ; celle-ci lui fut remise en entier à la fin de novembre; le service de l'artillerie en fit un usage très actif. Du 9 au 21 janvier, un assez grand nombre d'obus tombèrent dans les environs immédiats de la poudrière et même directement sur elle, sans qu'elle en ait souffert. On a pensé que les Prussiens avaient eu connaissance de l'établissement de cette poudrière et que de là venait l'abondance des obus tombés dans le voisinage et dont l'Ecole avait failli particulièrement souffrir, nonobstant les deux drapeaux de la croix rouge qui flottaient à ses paratonnerres à raison de l'ambulance qu'elle abritait. Le 24 mai, les fédérés, avant de quitter le quartier du Luxembourg, voulurent faire sauter la poudrière en plaçant des barils de poudre entre son recouvrement en terre et pavés et sa couverture en charpente, et en essayant de mettre le feu aux bois d'étançonnage de la galerie tournante qui servait d'accès. Une violente explosion, qui brisa, entre onze heures et midi, les vitrages et même les fenêtres et les portes intérieures du quartier dans une zone assez étendue, avait fait croire qu'ils avaient réussi; il n'en était rien fort heureusement, pour l'Ecole en particulier ; toutes les caisses de munitions laissées dans la poudrière y furent retrouvées intactes, et l'on put sans peine pénétrer dans l'intérieur de la poudrière pour les enlever, au début de juin. M. Maxime du Camp (Convulsions de Paris, t. I, p. 205) a mentionné, incidemment il est vrai, que la poudrière du Luxembourg avait sauté. M. Et. Dupont y pénétra le 6 juin avec les généraux de Berckeim et de Rivière. Il a pu constater les faits que nous rappelons d'après les notes qu'il a bien voulu nous communiquer.

    Les élèves qui formaient l'effectif de l'École au moment de la guerre avaient dû aller remplir leurs devoirs militaires sans se préoccuper des obligations scolaires qui pouvaient leur rester. Plusieurs le firent avec éclat. Deux furent décorés au siège de Paris : MM. Amalric, externe de 3e année, comme capitaine de la mobile du Tarn; Pélissier, externe de 2e année, comme lieutenant à l'artillerie de la garde mobile de la Seine. Deux furent tués à l'ennemi : Coste, sujet très distingué, élève externe de 3e année, sergent aux éclaireurs de l'armée du Nord, tué à la bataille d'Amiens; Laval, élève libre des cours préparatoires, tué à la bataille du Mans. Rigaud, élève externe de 2e année, lieutenant à la mobile de Maine-et-Loire, fut blessé d'un coup de feu le 4 décembre 1870, à Cercottes, amputé de la jambe gauche, et succomba, le 24 décembre, à Orléans. Andrieux, major des élèves externes de 2e année, mourut de la fièvre typhoïde à Belfort. Dunand, externe de 3e année, eut l'humérus fracturé d'un coup de feu à la bataille de Saint-Quentin. Une plaque de marbre a été posée à la bibliothèque de l'École en mémoire de Coste, Rigaud et Andrieux, au milieu du noble obituaire qu'une pieuse tradition y a créé pour les ingénieurs du corps des mines morts dans l'exercice de leurs fonctions.

    Figurent dans cet obituaire par ordre de date :
    • Malinvaud, entré à l'École des mines en 1828, mort des suites de blessures reçues dans les mines en 1837;
    • Hulot d'Osery, entré à l'École en 1839, tué au cours d'une mission scientifique dans l'Amérique du Sud en 1816;
    • Famin, entré à l'École en 1859, tué dans une descente par un puits au cours d'une visite de mine en 1863;
    • Choulette, entré à l'École en 1865, mortellement blessé au siège de Belfort en juillet 1871 ;
    • Roche, entré à l'École en 1874, massacré avec la mission Flatters en avril 1881 ;
    • Bonnefoy, entré à l'École en 1875, tué par un coup de grisou aux mines de Champagnac le 28 mai 1881.

    Dès la conclusion de l'armistice, le 28 janvier 1871, le ministre invita le directeur intérimaire à prendre les dispositions nécessaires pour commencer immédiatement les cours et exercices. Il fallait, d'une part, assurer la continuation de l'enseignement des élèves de 2e et de 3e années, pour lesquels les cours auraient dû reprendre en novembre 1870, et, d'autre part, opérer le recrutement des élèves de lre année dont les examens auraient dû avoir lieu à la même date.

    Le 4 février 1871, le conseil de l'Ecole se réunit pour délibérer sur les mesures à prendre dans ce double but. Assistaient à cette séance : l'inspecteur général de Billy, président, en l'absence du directeur, M. Combes; les inspecteurs généraux Élie de Beaumont, Gruner, Callon; les ingénieurs Bayle et Moissenet, et M. Dupont, inspecteur de l'École, directeur intérimaire, secrétaire.

    Le conseil décida que les leçons reprendraient le 15 mars et se termineraient : le 15 juillet pour les cours spéciaux; le 15 août pour les cours préparatoires.

    Tous les élèves sortant des cours préparatoires et ceux provenant de l'École polytechnique devaient être admis d'emblée en lre année, sous réserve de ne faire participer aux exercices du laboratoire que ceux justifiant de connaissances suffisantes en chimie.

    Pour les autres candidats, les examens furent fixés et eurent lieu le 13 mars, tous les candidats retenus sous les drapeaux étant dispensés de l'examen préalable.

    Comme le conseil prévoyait que beaucoup d'élèves retenus en province ne pourraient pas rejoindre l'École le 15 mars, il fut entendu que les élèves présents dès le début devraient aider leurs camarades retardataires par la communication de leurs notes et leur faire au besoin des conférences.

    Le 15 mars les cours reprirent effectivement avec :

    11 élèves ingénieurs présents sur 13
    37 élèves ingénieurs externes présents sur 60
    15 élèves ingénieurs des cours préparatoires présents sur 17
    Total : 63 élèves présents sur 90
    sans compter 7 élèves étrangers présents.

    Dans ces conditions d'effectif, les études auraient pu suivre régulièrement leur cours, bien que les exercices du laboratoire ne pussent encore avoir lieu faute de combustible. Mais le 18 mars était arrivé. Le conseil de l'Ecole convoqué d'urgence le 22 reconnaissait qu'en présence des événements survenus dans Paris il convenait de suspendre les cours et de renvoyer les élèves dans leurs familles. Le lendemain 23 les cours furent effectivement suspendus, et le 24 une décision ministérielle régularisait cette situation. Lorsque le 29 mars la Commune constituée fit afficher sur les édifices publics, et notamment à l'École des mines, son arrêté ordonnant, sous peine de révocation, à tous les employés des services publics de considérer comme nuls et non avenus les ordres ou communications du gouvernement de Versailles et de ses adhérents, Combes et M. Dupont se rendirent à Versailles prendre les instructions de M. de Larcy, ministre des travaux publics. Conformément à ces instructions, M. Rigout, préparateur de chimie, Audebez, secrétaire-régisseur, et Launay, garde-magasin, tous trois logés à l'École à raison de leurs fonctions, furent invités à y rester et à agir pour le mieux, ce qu'ils firent avec beaucoup de courage et d'intelligence.

    De l'École des mines comme établissement d'instruction ou même comme musée, la Commune ne paraît pas s'être préoccupée. Mais le sinistre docteur Parisel, le membre de la Commune, président de la délégation scientifique, prit possession du laboratoire pour y établir un de ses ateliers de fabrication des nouveaux produits révolutionnaires. Parisel était venu le 24 avril visiter minutieusement tous les locaux de l'Ecole ; il avait manifesté l'intention d'y établir les bureaux et le personnel de son service qui devait notamment occuper les appartements du directeur et de l'inspecteur; les membres de la délégation y renoncèrent pour s'installer au ministère du commerce, rue de Varennes; ils occupèrent seulement le laboratoire et le bureau du secrétaire-régisseur. Parisel s'occupa notamment, à l'Ecole, de faire préparer de l'acide prussique ( vraisemblablement destiné aux fameuses bagues de Parisel et Assi, avec poire-réservoir en caoutchouc, et épingle creuse en or, la dent du serpent à sonnette ) avec tous les cyanures qu'il put trouver dans le magasin et ceux qu'il avait réquisitionnés, et de faire fabriquer des sulfures de phosphore, avec l'aide d'un agent, Alexandre Décot, ancien employé de la maison Fontaine, qu'il avait trouvé moyen de faire travailler à cette besogne. M. Maxime du Camp a pensé que le produit révolutionnaire fabriqué dans le laboratoire de l'École était ou du sulfure de carbone ou une dissolution de phosphore dans le sulfure de carbone, c'est-à-dire l'ancien feu grégeois. Il est absolument certain, par le témoignage de tous ceux qui ont vu le produit, que c'était bien du sulfure de phosphore, obtenu en mélangeant poids pour poids du soufre en poudre dans du phosphore fondu. Le produit, qui forme une matière gommeuse et gluante, s'enflamme très aisément par le frottement et dégage abondamment des vapeurs asphyxiantes d'acide sulfureux. A quoi ce produit, d'un maniement si dangereux, pouvait-il être destiné? On a lieu de croire qu'on voulait essayer d'en garnir des obus.

    Parisel avait remis au régisseur de l'Ecole l'ordre écrit d'installer Décot et sa famille dans l'appartement de l'Ecole qui lui conviendrait. Il ne parait pas qu'il ait été fait grand usage des produits de Parisel : 130 kilogrammes en furent laissés à l'École et remis au début de juin au service de l'artillerie qui voulut bien les faire enlever. Alexandre Décot, le triste ouvrier de cette fabrication, en fut la victime; il fut atrocement brûlé en y travaillant et perdit la vue. Si le laboratoire et l'École n'ont pas été incendiés, on le doit en partie à la vigilance active de M. Rigout.

    Le sinistre docteur Parisel, trop occupé par ailleurs à ses exécrables machinations, n'exerçait qu'une haute surveillance sur les travaux faits à l'École ; il n'y venait qu'à intervalles assez éloignés. La surveillance quotidienne incombait à un de ses principaux agents, carrossier de son état. Il faut rendre justice à tout le monde. Celui-ci avait pris des mesures rigoureuses pour que les collections de l'École fussent respectées.

    On peut lire sur le Dr Parisel, l'incendiaire, et son rôle dans la commune, le chapitre IV, tome IV, des Convulsions de Paris, de M. Maxime du Camp.

    L'insurrection écrasée, l'Ecole pouvait reprendre son fonctionnement. Ce ne fut toutefois que le 10 juin 1871 que le conseil put se réunir à nouveau. Il décida que les cours reprendraient - ainsi que cela eut lieu - le 19 juin, et se termineraient le 28 octobre, sauf à renvoyer à l'année suivante les leçons de topographie et les exercices de lever de plans. Les examens eurent lieu en novembre, de sorte que l'année scolaire suivante dut être retardée d'un mois et ne put commencer que le 4 décembre 1872.

    Ces dispositions, assez rudes peut-être pour les élèves et les professeurs, puisqu'elles supprimaient les vacances entre deux exercices scolaires consécutifs, avaient pour les élèves cet avantage, extrêmement important, de ne pas leur faire perdre un exercice, et de ne pas accroître leur temps total de séjour à l'École pour leurs études professionnelles.

    Ainsi retardée à son ouverture, l'année scolaire 1872-1873 dut être également un peu raccourcie ; elle ne comprenait que vingt et une semaines, soit une de plus que l'année scolaire 1871-1872, mais quatre de moins que les années ordinaires. Ce ne fut qu'à partir de l'année scolaire 1873-1874 que reprit réellement et complètement le régime normal et régulier.

    Bien que la période d'enseignement de l'année 1871 n'eût été que de vingt semaines au lieu de vingt-cinq, les résultats des examens pour les élèves de 2e et de 3e année furent supérieurs à ceux de l'année précédente. La promotion de lre année fut peut-être un peu plus faible, dans son ensemble, surtout en minéralogie, science où la pratique joue un si grand rôle ; mais il y a lieu de remarquer qu'il ne s'y trouvait pas d'élèves externes provenant de l'École polytechnique.

    En même temps qu'avec l'année 1872 l'École allait reprendre sa vie normale, d'assez nombreuses modifications avaient lieu dans son personnel. Combes, atteint par la limite d'âge, devait quitter la direction le 1er janvier 1872; ses jours étaient du reste comptés; il succombait le 10 janvier 1872. Il fut remplacé le 10 juin 1872 par M. Daubrée, et M. Dupont continua entre temps cet intérim de directeur dont il s'était acquitté avec tant de zèle et de dévouement pendant la période critique de 1870-1871.

    M. Mallard succédait à M. Daubrée dans la chaire de minéralogie qu'il occupe encore ; Lan succédait dans sa chaire de métallurgie, à Gruner, appelé à la présidence du conseil général des mines ; M. Haton de la Goupillière commença cette suppléance de Callon, dont il devait rester chargé jusqu'à ce qu'il lui succéda définitivement, en 1875, à la mort de celui-ci ; enfin M. Carnot commença lui aussi la suppléance de M. Moissenet, auquel sa santé ne permettait pas de continuer l'enseignement qu'il devait définitivement quitter en 1877; celui-ci fut alors remplacé comme titulaire par son suppléant.

    Au reste, dans une période relativement courte, le professorat presque tout entier allait se trouver renouvelé : à la mort de Elle de Beaumont, en 1875, de Chancourtois devenait titulaire à sa place; en 1877, Couche se faisait suppléer par M. Résal, qui lui succédait en 1870 pour une partie du cours dédoublé à cette date en deux cours distincts ; dans cette même année, Delesse résignait ses fonctions, et son cours complètement transformé et avec une autre dénomination allait passer à M. Fuchs.

    Dès que l'École eut repris sa marche régulière, le recrutement des élèves externes, qui continuait à se faire sous le régime de 1861, présenta deux circonstances de sens opposé qui ne pouvaient échapper à la sollicitude du conseil. Dans les premières années qui suivirent l'année néfaste, le nombre des candidats aux places d'externes diminua d'une façon telle que le conseil proposa, et l'administration décida de revenir sur les mesures prises autrefois pour écarter les candidats qui avaient échoué une fois aux examens. Cette pénurie de candidats provenait de l'accroissement subit des admissions à l'École polytechnique et à l'École de Saint-Cyr.

    Mais bientôt les choses changèrent en sens inverse. Les élèves sortant de l'École polytechnique, sans entrer dans les services publics, se portèrent de plus en plus nombreux vers l'Ecole des mines. Dès 1876, 16 d'entre eux étaient venus concourir pour les places d'élèves externes de première année rendant ainsi la lutte très difficile pour les élèves des cours préparatoires. Sans atteindre un pareil chiffre dans les années postérieures, le nombre des élèves démissionnaires de l'Ecole polytechnique resta assez grand pour déterminer le conseil à proposer et l'administration à adopter un régime qui fit une part plus équitable aux uns et aux autres : de là le système adopté finalement en 1883 et dont nous avons déjà fait connaître les traits essentiels.

    Dans le nouveau système, on a fait disparaître les examens d'admissibilité et aussi la traditionnelle clause de faveur pour les fils d'exploitants de mines et de directeurs d'usines, qui, depuis 1816, faisait partie des statuts de l'École. Nous ne nous dissimulons pas les difficultés de la défense de cette clause à notre époque démocratique et égalitaire ; on invoquera peut-être aussi son inutilité dans un temps où l'industrie se fait essentiellement par sociétés anonymes. Malgré toutes ces objections, nous inclinons à croire que la clause avait et aurait encore éventuellement son utilité. Les inconvénients inhérents à l'anonymat ne donnent que plus d'intérêt aux entreprises qui ont gardé la forme patrimoniale ou quasiment patrimoniale.

    Le programme des cours de l'année préparatoire fut d'ailleurs peu après remanié de manière à ce que l'enseignement fût mieux approprié à sa destination. Ces modifications, qui ne sont devenues effectives qu'en 1887-1888, ont consisté principalement à augmenter l'étude de la mécanique et de la physique en restreignant, dans la limite du possible, les développements donnés à la géométrie descriptive théorique.

    Dès après la guerre, une autre innovation, discutable du reste, avait été introduite dans les programmes d'admission. A la suite d'un voeu émis, en 1872, par une commission spéciale du ministère de l'instruction publique, les candidats aux places d'élèves externes des cours spéciaux durent, à partir de 1872, être interrogés sur la géographie et la cosmographie. Pourquoi pas aussi sur toutes les matières des deux baccalauréats ?

    Ces modifications se lièrent du reste avec les modifications plus profondes de l'enseignement même de l'École que le changement dans le personnel et diverses circonstances amenèrent à introduire successivement.

    A raison tout d'abord des obligations militaires qui allaient désormais incomber aux ingénieurs de l'État, les élèves de l'École des mines furent astreints, dès 1873, à suivre un cours de fortifications qui venait d'être à cet effet institué à l'École des ponts et chaussées.

    Lorsqu'en 1873, Delesse résigna ses fonctions de professeur, le conseil pensa avec raison que l'on pouvait avantageusement réduire les leçons d'agriculture, de drainage et d'irrigations, et qu'il serait préférable, à l'imitation de ce qui se faisait dans les écoles allemandes, de laisser le côté pratique de l'agriculture, auquel quelques leçons ne suffisent pas, pour ne retenir que le côté plus théorique des relations du sol et des eaux avec la géologie : de là l'idée de ce cours nouveau, appelé d'abord géologie technique, puis géologie appliquée, où, en dehors de ces notions, pouvait être donnée la description méthodique des gîtes minéraux avec plus de développement et partant d'utilité que l'on ne pouvait le faire dans les cours de géologie générale ou d'exploitation des mines. L'idée était excellente et ne pouvait aller qu'en se développant pour autant qu'on pût trouver la place matérielle du nouvel enseignement.

    D'autre part, en 1879, à la mort de Couche, le cours de construction et chemins de fer fut scindé avec raison en deux cours distincts. La part, de plus en plus grande, que les ingénieurs de l'État et les élèves externes prenaient à l'exploitation des chemins de fer, non moins que les développements nouveaux de cette branche des sciences appliquées exigeait, en effet, que le cours des chemins de fer prît plus d'ampleur qu'il n'en avait eu auparavant.

    Enfin, au début de 1885, l'administration supérieure prenait l'initiative de scinder le cours d'économie industrielle et de législation en deux cours distincts, par la création d'une chaire distincte d'économie industrielle comme il en existait une depuis fort longtemps à l'École des ponts et chaussées. Cette chaire était alors occupée par M. L. Aguillon, qui avait succédé en 1882 à M. Et. Dupont, que la fatale loi sur la retraite était venu enlever, dans toute sa vigueur, à l'enseignement et à l'administration de l'Ecole a laquelle il avait pris, si heureusement pour elle, une part prépondérante dans les douze années de son inspectorat M. L. Aguillon a publié, en 1886, dans sa Législation des mines française et étrangère (3 vol. in-8), la partie de son cours consacrée à l'étude de cette matière. M. Cheysson fut appelé à occuper la chaire d'économie industrielle dès sa création.

    Toutes ces modifications partielles rendaient absolument indispensable de reprendre, dans son ensemble, l'enseignement de l'Ecole afin d'en coordonner les diverses parties, de donner à chacune le développement que les circonstances exigeaient, en réduisant au minimum non pas seulement la tâche de chaque professeur, mais surtout la fatigue des élèves. Le conseil aborda immédiatement cette grave et délicate étude dont les résultats, sanctionnés sans modification par l'administration supérieure, purent être appliqués dès le début de l'année scolaire 1887-1888. La conclusion de cette importante étude fut quelque peu retardée par les malheurs qui frappèrent successivement à ce moment la direction de l'École. L'Ecole perdit presque coup sur coup deux directeurs. M. Daubrée, atteint par la limite d'âge, s'était retiré en août 1884 et l'administration, voulant reconnaître les services rendus par lui à l'Ecole pendant les douze ans de sa direction, lui conféra, par une mesure qui n'a été prise qu'en sa faveur et dont la portée n'en est ainsi que plus grande, le titre de directeur honoraire. Lan, qui lui avait succédé comme directeur, en se faisant suppléer dans sa chaire de métallurgie par M. Lodin, depuis titulaire, succombait le 2 mai 1885. Luuyt, appelé à succéder à Lan, mourait à son tour le 23 novembre 1887; Luuyt, qui a été le seul directeur n'ayant pas passé par le professorat, aura eu l'honneur et le mérite de mener à bien la réforme de 1887.

    Dans la refonte complète de l'enseignement opérée en 1887, le conseil a réalisé plusieurs des desiderata qui avaient été signalés dès 1848 par la commission spéciale, mais furent alors plus ou moins complètement écartés.

    Ainsi, en créant un cours de chimie industrielle (la chaire de chimie industrielle a été créée par décret du 3 octobre 1887 et confiée à M. H. Le Chatelier ; C'est par un arrêté ministériel à la même date qu'ont été sanctionnées toutes les autres réformes de l'enseignement, cet arrêté étant complété par celui du 16 mars 1888 pour les détails d'application d'ordre intérieur), on a donné satisfaction au projet de cette commission de développer le traitement des substances minérales autres que les substances métalliques ; en un mot on a repris, en les mettant au niveau de la science et de l'industrie modernes, mais en restant fidèle aux plus anciennes traditions de l'Ecole, ces parties de l'enseignement qui justifiaient le nom antique de minéralurgie donné au cours auquel s'était substitué, et assez rationnellement dans l'appellation il faut le reconnaître vu son programme, le cours de métallurgie. La création du cours de chimie industrielle permettait d'alléger quelque peu le cours de docimasie que l'on aurait certainement pu réduire encore, ainsi que le demandait la commission spéciale de 1848, si l'on n'avait considéré que sa destination pratique ; mais il a paru qu'il convenait, dans une École comme celle de Paris, de maintenir dans ce cours, suivant aussi les traditions du passé, des développements plus théoriques, que susceptibles d'une application immédiate à l'industrie ; ce cours de docimasie pourrait être qualifié cours de chimie analytique minérale ; et il est certain qu'à ce point de vue, ce cours forme, par la nature des matières qui y sont traitées, un enseignement spécial caractéristique de l'École des mines de Paris. Suivant un voeu que le conseil avait émis dès 1872, le professeur de chimie industrielle doit consacrer quelques leçons aux explosifs. Le nombre et la complexité de ceux actuellement mis à la disposition des exploitants et l'importance de leur choix rendent de pareilles connaissances indispensables aujourd'hui aux ingénieurs et exploitants de mines.

    Une autre idée de la commission spéciale de 1848, et une de celles sur lesquelles elle avait le plus vivement insisté, a été également réalisée par la création, sous le titre peut-être un peu modeste de conférences, de leçons sur les ateliers de constructions mécaniques; c'est là, en réalité, ce cours de constructions mécaniques fait à un point de vue essentiellement pratique, que réclamait, à juste titre, cette commission. Le cours de machines et celui de construction ont pu être ainsi respectivement réservés plus spécialement aux développements théoriques qu'ils nécessitent.

    A ces deux nouveaux cours sont venues s'ajouter quelques leçons sur les applications de l'électricité ; on ne pouvait pas en entrevoir la nécessité en 1848 ni même en 1856. Ce n'est pourtant là encore que l'embryon d'un cours ou d'une partie de cours qui s'imposera un jour, les machines électriques devant nécessairement prendre leur place dans un cours de mécanique appliquée, entre les machines hydrauliques et les machines thermiques.

    Dans le groupe des cours relatifs aux sciences naturelles, les matières ont été réparties dans les quatre branches : minéralogie, paléontologie, géologie générale et géologie appliquée, en évitant toute répétition inutile et en donnant à chaque branche des développements qui font du tout un ensemble homogène et concordant que bien peu d'écoles étrangères pourraient présenter. La géologie générale qui se trouve logiquement reportée en deuxième année et qui, suffisamment condensée dans ses principes généraux, peut s'enseigner dans une année, se trouve d'ailleurs complétée par des conférences ou mieux des leçons annexes de pétrographie (ces leçons, au nombre de dix, constituent un cours de pétrographie qui se complète par les indications données sur les caractères des minéraux dans le cours de minéralogie ; elles sont faites au début de la deuxième année par le professeur de géologie). La paléontologie, plus développée qu'autrefois, constitue non plus des conférences, plus ou moins variables d'une année à l'autre, mais un véritable corps de doctrine donnant les éléments primordiaux de cette science (M. Bayle, qui avait fondé en 1844 à l'Ecole l'enseignement de la paléontologie, s'est retiré en 1881, atteint par la limite d'âge, ayant ainsi passé sa carrière entière à l'Ecole. Il a été remplacé par M. Douvillé, qui lui avait été adjoint en remplacement de Bayan, mort si prématurément en 1874 à l'âge de vingt-huit ans). Le cours se trouve complété par des conférences ou leçons annexes de paléontologie végétale (les conférences de paléontologie végétale ont été inaugurées à l'Ecole en 1878 par M. Zeiller, qui en est encore aujourd'hui chargé; le nombre des leçons de cet enseignement très suivi a été successivement porté de deux à huit). Le cours de géologie appliquée, à la suite d'une troisième transformation, a pris, sous le vrai nom qui lui revient, la place et le rôle qui lui sont dus ; l'agriculture a presque totalement disparu, laissant toutefois sa trace dans les notions sur les cartes agricoles et les natures de sols ; dans ce cours remanié ont été enfin naturellement placées les leçons sur les eaux minérales qui, depuis 1856, auraient dû être données à l'École.

    Malgré le développement relativement considérable pris par le groupe des sciences naturelles, on n'a pas perdu de vue l'observation déjà faite en 1848 que l'École est destinée à former des ingénieurs plus que des naturalistes. Néanmoins l'enseignement des sciences naturelles est assez complet pour préparer convenablement ceux des élèves qui doivent plus spécialement se vouer aux études géologiques proprement dites, et notamment à la préparation des cartes géologiques. En dehors des leçons orales à programme suivi, les élèves sont exercés dans des conférences ou exercices pratiques à la détermination des minéraux et des roches et au maniement des appareils, chalumeaux, microscopes, etc.

    L'enseignement des sciences géotechniques, surtout dans son organisation actuelle, constitue un trait caractéristique de l'École des mines de Paris. Ce qui montre que le but poursuivi a été bien atteint, c'est l'empressement avec lequel le public continue à suivre les principaux de ces cours auxquels, suivant la tradition remontant à leur création, il est toujours admis.

    Les autres cours ont reçu les justes développements qu'ils réclamaient pour assurer une complète préparation pratique des élèves, notamment ceux de chemins de fer et de législation. Chacun de ces cours ayant été porté à quarante-deux leçons a donc à peu près doublé d'importance.

    Enfin le cours de fortifications qu'il fallait aller suivre à l'École des ponts et chaussées, non sans perte de temps et inconvénients divers pour la discipline intérieure, a été transformé en un cours d'artillerie, fait à l'École même; celui-ci y est d'autant mieux à sa place que les ingénieurs des mines sont appelés à servir dans l'artillerie, et non dans le génie.

    Le développement donné à l'enseignement en 1887 a été obtenu sans augmenter la durée de l'exercice scolaire, ni faire en principe plus de deux leçons par jour, mais uniquement par une meilleure répartition des matières, et surtout en utilisant mieux que par le passé la troisième année, en la dégageant notamment du temps qui était consacré, avec une médiocre utilité, à la rédaction des journaux et mémoires de voyage. L'article 17 de l'ordonnance du 5 décembre 1816 avait fixé la durée des cours du 15 novembre au 15 avril, soit à une période de vingt et une semaines, permettant, à raison de deux leçons par semaine, de faire, par matière, des cours de quarante a quarante-deux leçons par année, d'une heure et demie en moyenne. Cette scolarité fut portée pendant un certain temps à vingt-cinq semaines. On est revenu aujourd'hui à une durée de vingt-deux semaines.

    Le décret de 1856 n'avait pas fixé la date de l'ouverture annuelle des cours. En 1869 (décision ministérielle du 19 novembre), la date jusqu'alors classique du 15 novembre fut avancée d'une huitaine d'abord, puis portée au début de novembre; les cours se terminent vers le 10 avril.

    La preuve que, dans l'organisation antérieure, les élèves de troisième année étaient insuffisamment occupés est dans ce fait qu'à diverses reprises des élèves externes ont demandé et obtenu de faire en même temps leur deuxième et leur troisième année, et ceux qui ont été autorisés à le faire sont toujours sortis dans la tête de leur promotion.

    Pour qu'un élève de seconde année tire le meilleur parti possible de son voyage au point de vue de son instruction professionnelle, il faut que son journal soit rédigé au jour le jour ; et par suite il peut et doit être remis dès la rentrée à l'École.

    Pendant fort longtemps, pour atteindre plus sûrement ce but, le conseil astreignait jadis les élèves à lui envoyer leur journal de voyage successivement, par parties, au cours même du voyage; cet envoi devait être fait de lieux indiqués par avance. En outre, les élèves étaient tenus à écrire assez fréquemment au conseil pendant la durée de leur absence.

    Les élèves ingénieurs de deuxième année, qui seuls du reste y étaient astreints, ont été débarrassés de la rédaction des deux mémoires qu'ils avaient à fournir, en dehors de leur journal de voyage; ce qui absorbait sans utilité sérieuse une partie du temps disponible de leur troisième année.

    Les deux mémoires, véritables thèses qui couronnent l'enseignement, n'ont été nmintenus que pour les élèves ingénieurs de troisième année; débarrassés de toute autre obligation scolaire, ils peuvent utilement y consacrer un temps entièrement disponible avant que l'Ecole ne les mette à la disposition de l'administration.

    L'association des anciens élèves de l'Ecole des mines a, en 1872, créé un prix de 300 francs qui est attribué au meilleur journal rédigé par les élevés externes à la suite de leur voyage de deuxième année. Le désir fort légitime de conquérir ce prix n'avait pas laissé de lancer les élèves externes dans une voie de développement de leur rédaction et de retard dans la remise du journal, qui aurait fini par nuire au travail normal de leur troisième année.

    En troisième année, en dehors de l'enseignement oral, l'exercice pratique essentiel consiste dans l'exécution des grands projets de concours, exercice capital qui, par les soins et le développement qu'on lui donne, forme un des éléments caractéristiques de l'enseignement de l'Ecole.

    Le programme est donné à la fin de la deuxième année pour que les élèves dans leur voyage puissent aller étudier sur place les installations de nature à leur fournir d'utiles exemples. Les élèves n'arriveraient pas à tirer tout le parti désirable de ces exercices sans une intervention attentive et constante du chef des travaux graphiques, des professeurs et de l'administration. Les traditions sont aujourd'hui bien établies. M. Et. Dupont a particulièrement contribué à les développer, comme le conseil s'est plu à le reconnaître dans une délibération prise au moment où M. Et. Dupont a quitté l'Ecole.

    Depuis la séparation des cours d'exploitation des mines et de machines, il y a en réalité trois concours au lieu de deux; les élèves doivent établir, comme concours spécial de machines, le projet d'une machine rentrant dans le projet de mines ou de métallurgie.

    On a pensé néanmoins qu'on pouvait, sans surcharger les élèves, et pour leur plus grand intérêt, les astreindre désormais à rester à l'Ecole jusqu'à 5 heures du soir, au lieu de la limite jusqu'alors classique de 4 heures.

    Le nouveau plan d'enseignement put être appliqué dès le début de l'année scolaire 1887-1888. Toutefois son application devait être améliorée, dès l'année suivante, par la séparation, en vertu d'un décret du 3 octobre 1888, du cours d'exploitation des mines et machines en deux cours distincts, confiés à des professeurs différents. Le nombre des professeurs n'a pas été accru pour cela, parce que le même professeur, aujourd'hui M. Sauvage , est chargé du cours de machines et des leçons d'ateliers de constructions mécaniques. Ces leçons, en effet, complètent au point de vue de la pratique encore plus peut-être le cours de machines que celui de construction. M. Ch. Ledoux a remplacé M. Haton dans la chaire d'exploitation des mines.

    Antérieurement, avec le système obligatoire de l'alternance, l'exploitation des mines était faite tantôt en première année, et tantôt en deuxième. Actuellement, l'exploitation des mines, y compris son annexe, la préparation mécanique comprenant en tout 47 leçons, sera toujours enseignée en première année, de façon que dès leur voyage de première année les élèves puissent visiter en détail et utilement des exploitations de mines.

    Actuellement (1889) le voyage ou mieux le stage de première année, d'une durée de trois semaines, doit se faire : en France et sous la direction des ingénieurs en chef des arrondissements minéralogiques pour les élèves ingénieurs, en France ou dans un pays de langue française pour les élèves externes.

    Les élèves externes de deuxième année doivent voyager un mois en France ou dans un pays de langue française, le reste du temps dans un pays de leur choix.

    Les élèves ingénieurs de deuxième année ne sont pas tenus, comme en première année, de faire un stage en France sous la direction des ingénieurs en chef; mais leur voyage doit avoir lieu en France ou dans un pays de langue française.

    Le voyage des élèves ingénieurs de troisième année doit avoir lieu à l'étranger, sauf autorisation spéciale en cas contraire.

    Le conseil et l'administration peuvent croire qu'ils ont atteint le but qu'ils se proposaient dans cette réforme, à en juger par le nombre toujours croissant d'élèves, français et étrangers, qui viennent demander leur admission à l'Ecole. Toutes les bonnes volontés viennent se briser contre un obstacle dirimant : le nombre de 32 places qu'offrent les laboratoires actuels. Un roulement plus intelligemment combiné, dans chaque année, entre les périodes alternantes de laboratoire et de dessin, a permis d'augmenter l'effectif, tout en laissant chaque élève passer au laboratoire un temps suffisant pour qu'il ait appris tout ce qui peut s'acquérir en ces matières dans une école d'application.

    L'effectif des élèves des cours spéciaux présents à l'Ecole s'est élevé jusqu'à cent un, dont dix-sept élèves étrangers, et celui des élèves des cours préparatoires à quarante-huit, dont dix élèves étrangers, non compris dans l'une et l'autre catégorie les élèves libres, ou auditeurs libres, comme on les appelle aujourd'hui.

    Actuellement, les élèves ingénieurs passent au laboratoire trois mois et demi la première année (dont un mois dans les exercices d'été après les examens), deux mois et demi la seconde et un mois la troisième (pendant longtemps, on ne revenait pas normalement au laboratoire en troisième année). Les élèves externes y restent un mois à la suite de leur année préparatoire (les élèves des cours préparatoires viennent au laboratoire à la fin de l'année pendant la période d'examen des élèves des cours spéciaux), deux mois et demi dans chacune des première et seconde années et un mois en troisième année. Les élèves ingénieurs et externes passent donc, les uns et les autres, sept mois au laboratoire dans le cours de leur scolarité ; ce stage relativement considérable est encore une des particularités de l'enseignement de l'École.

    Il n'y a réellement parité que pour les élèves externes, d'ailleurs les plus nombreux, qui ont passé par les cours préparatoires. Ceux provenant de l'Ecole polytechnique ont un mois de moins de laboratoire; mais ils ont en plus de ceux-là l'enseignement plus complet et les manipulations de l'Ecole polytechnique.

    Si on l'examine dans son ensemble, l'enseignement de l'Ecole est resté fidèle au système si bien vu dès l'origine : un enseignement oral, de portée élevée, de durée relativement courte, parce qu'il est très condensé, s'occupant des principes des choses plus qu'il ne descend dans les détails que la pratique directe apprend ensuite mieux et plus vite; des exercices divers développés, caractérisés principalement d'une part par un travail prolongé au labo ratoire, et d'autre part par des voyages de longue durée, le tout couronné par l'exécution de projets complets, étudiés dans le détail, comme s'ils devaient être exécutés ; dans tous ces exercices les élèves relativement libres sont guidés plus que surveillés.

    En provoquant la réorganisation dont nous venons d'indiquer la portée et les traits essentiels, le conseil s'est moins préoccupé de montrer que l'Ecole de Paris méritait la nouvelle appellation officielle d'École supérieure des mines, qu'elle a reçue en 1883 (décision ministérielle du 13 février 1883, intervenue à la suite de la réorganisation faite dans l'Ecole de Saint-Etienne par le décret du 30 novembre 1882; en vertu de ce décret, celle-ci troque son antique nom d'Ecole des mineurs pour celui d'Ecole des mines), que de continuer à maintenir intact le dépôt des traditions ; il a voulu que, comme par le passé, l'École assurât à tous ses élèves, dans les situations différentes qu'ils peuvent être appelés à occuper, un enseignement et une préparation qui, non seulement fussent à la hauteur des progrès des sciences et de l'industrie contemporaines, mais encore leur permissent de contribuer puissamment plus tard, par eux-mêmes, à ces progrès dans toutes les branches des sciences et de l'industrie qui se rattachent à l'extraction et au traitement immédiat des substances minérales. Le Conseil de l'École et l'administration ont d'ailleurs tenu à rester dans ces spécialités qui expliquent et justifient l'existence des écoles de mines; ils n'ont pas cédé à la tentation, en étendant par ailleurs les programmes, de paraître tout enseigner au risque de ne rien apprendre aux élèves.